Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’évoquer les crédits pour 2015 de la mission « Aide publique au développement », je désire revenir brièvement sur les efforts importants consentis par le Gouvernement en matière de financements dits « innovants », à travers deux exemples.
Premièrement, le Gouvernement a revalorisé de 12, 7 % la taxe sur les billets d’avion, qui n’avait pas été actualisée depuis plusieurs années.
Deuxièmement, c’est bien ce gouvernement qui, dans le prolongement des rapports demandés en 2003 et en 2011, a souhaité montrer l’exemple à nos partenaires européens en instituant à compter du 1er août 2012 la taxe sur les transactions financières. Rappelons pour mémoire qu’une partie en est affectée au financement de l’aide au développement. Or, depuis lors, le Gouvernement a régulièrement rehaussé la part des recettes de la taxe affectée au développement, en la portant de 10 % en 2013 à 25 % à l’horizon 2015. Si le plafond applicable à cette part limite encore les recettes effectivement perçues au profit du développement, il a sensiblement augmenté, passant de 60 millions d’euros en 2013 à 100 millions d’euros en 2014, puis à 140 millions d’euros en 2015, le Gouvernement ayant annoncé son intention de le porter à 160 millions d’euros à compter de 2016.
En résumé, la taxe sur les billets d’avion apportera 25 millions d’euros de plus par an au développement, et la taxe sur les transactions financières rapportera respectivement 40 millions d’euros et 20 millions d’euros de plus en 2015 et en 2016. En cette période de négociations tendues avec Bercy, ce résultat mérite d’être souligné. Pour autant, cette augmentation significative des recettes ne doit pas être perçue comme venant en substitution de crédits budgétaires ; ce serait un mauvais signal.
Pour en venir plus directement au projet de loi de finances, j’évoquerai la ligne budgétaire qui compense les décisions d’annulations de dette prises par la France. Elle diminue fortement, au même rythme que le nombre de pays surendettés. Ce mouvement est donc, paradoxalement, positif. Sans cette ligne de crédits, qui suit une logique spécifique, les crédits de la mission baisseraient de 1 %.
Les financements multilatéraux représentent 58 % de la mission. Cela tend à rigidifier l’enveloppe, car les décisions les concernant ont un caractère pluriannuel et obligatoire. Il existe un débat récurent sur l’équilibre entre le bilatéral et le multilatéral. Si le multilatéral permet un effet de levier important, il tend aussi à diluer l’action de la France. Avec mon corapporteur pour avis, nous souhaitons d’ailleurs travailler plus spécifiquement sur la question l’année prochaine. Il est à tout le moins essentiel de rationaliser le paysage des organisations multilatérales, où l’on constate des redondances. C’est particulièrement important au moment où la communauté internationale va massivement investir dans le Fonds vert pour le climat, qui ne doit pas faire doublon avec des institutions existantes.
Pour le reste, je retiens que le Gouvernement a décidé de préserver au maximum les crédits d’intervention de la mission.
Ainsi les dons-projets, autre terme pour qualifier les subventions, étaient stables en crédits de paiement et progressaient même légèrement en autorisations d’engagement dans le projet de loi de finances initialement déposé par le Gouvernement. À la suite d’un amendement adopté à l’unanimité par les députés, la somme allouée à ces dons-projets a été majorée de 35 millions d’euros, au détriment des bonifications de prêts versées à l’Agence française de développement, l’AFD. Les engagements atteindraient ainsi 368 millions d’euros en 2015, soit une progression de 11, 5 % par rapport à 2014. Nous ne souhaitons pas opposer les prêts aux dons, deux outils complémentaires. D’ailleurs, la commission a validé l’amendement tendant à redonner aux dons-projets un niveau plus en conformité avec nos ambitions. Il me semble en outre que ces 35 millions d’euros n’aggravent pas les charges de l’État et sont essentiels pour venir en aide aux populations les plus pauvres.
Pour autant, il est certain que ce transfert pèse fortement sur le programme 110 de la mission. Cela pourrait, le cas échéant, se révéler contre-productif. Nous aurons ce débat à l’occasion de l’examen de l’amendement déposé par le Gouvernement.
Alors que la programmation des finances publiques ne laisse pas augurer un redressement des crédits de la mission, je crois que le Gouvernement doit s’atteler au plus tôt à des réformes structurelles s’il veut garantir la pérennité de ses engagements.
Ainsi, l’effort demandé cette année encore sur les dépenses de personnel ne peut pas être mis en place indistinctement. Le Gouvernement doit par exemple envisager d’aller nettement plus loin dans le rapprochement des réseaux à l’étranger, en particulier entre les bureaux de l’AFD et les services de coopération et d’action culturelle.
En outre, même s’il s’agit d’une question aussi ancienne que la politique de développement elle-même, nous ne devons pas nous résigner à un éparpillement des acteurs publics de l’aide au développement. Plusieurs lignes budgétaires montrent clairement des doublons importants entre le ministère de l’économie et le ministère des affaires étrangères. Cela ne peut qu’augmenter les coûts de gestion et diminuer l’efficacité et la portée de notre aide. Je sais bien que cette critique est ancienne, mais la baisse continue des crédits nous impose d’agir, sous peine d’affaiblir considérablement le rayonnement de la France.
Comme je l’ai fait en commission, je voudrais saluer l’action de la France dans deux secteurs très différents et pourtant essentiels en matière de développement.
D’une part, en matière de santé, la France prend toute sa part dans la lutte contre le virus Ebola, comme l’a montré la visite du Président de la République vendredi dernier en Guinée. D’autre part, le ministère de la défense, notamment grâce au service de santé des armées, participe à cet effort, ce qui montre bien que la politique de développement doit être pensée de manière globale.
Si l’on accepte avec André Maurois de considérer que les pays ont l’âge de leurs finances, le financement de l’APD a atteint l’âge adulte. La commission des affaires étrangères, à la fois consciente des difficultés budgétaires actuelles et vigilante sur les différents points évoqués par Henri de Raincourt et moi-même, a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».