Séance en hémicycle du 2 décembre 2014 à 22h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

La parole est à M. Yvon Collin, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 2, 8 milliards d’euros en crédits de paiement sont inscrits dans le présent projet de loi de finances au titre de la mission « Aide publique au développement » et 1, 5 milliard d’euros au titre du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Avant de commenter précisément l’évolution de ces crédits – et, à travers eux, de la politique française d’aide publique au développement –, je souhaiterais tout d’abord les replacer dans le contexte international et examiner la politique menée en la matière par les principaux donateurs.

Sur un plan global, les chiffres les plus récents dont nous disposons sont ceux de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, qui concernent l’année 2013.

Les deux dernières années avaient été marquées par des baisses importantes, dans le prolongement de la crise financière de 2008 et des turbulences de la zone euro. En 2013, en revanche, l’aide internationale atteint son plus haut niveau historique, pour s’établir à 135 milliards de dollars environ.

Dix-sept des vingt-huit pays membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE ont augmenté leur aide. À l’inverse, onze pays ont diminué la leur.

En termes de hiérarchie, les États-Unis demeurent le premier pays contributeur en volume, devant le Royaume-Uni, qui conforte sa deuxième place devant l’Allemagne. La France perd une place et se retrouve désormais en cinquième position, derrière le Japon, avec 11, 4 milliards de dollars.

Si l’on s’intéresse au montant de l’aide rapporté au revenu national brut, le RNB, les cinq premiers pays sont la Norvège, la Suède, le Luxembourg, le Danemark et le Royaume-Uni.

Ces cinq pays sont également les seuls à respecter l’engagement de consacrer 0, 7 % de leur RNB à l’aide au développement. On notera que le Royaume-Uni respecte pour la première année cet objectif, quand la France perd une place et se retrouve onzième, avec 0, 41 % de son RNB consacré à l’aide publique au développement.

J’en viens maintenant au niveau de l’aide publique au développement française.

Tout d’abord, il faut préciser que les crédits de la mission « Aide publique au développement » ne constituent qu’une part de l’effort financier de notre pays en faveur du développement.

Cette mission représente ainsi environ un tiers de notre APD, à laquelle contribuent également d’autres missions budgétaires, notamment les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Action extérieure de l’État » et « Immigration, asile et intégration ».

À ces crédits budgétaires, il faut ajouter la contribution des prêts, les ressources provenant de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la quote-part française de l’aide transitant par le budget communautaire.

L’aide de la France diminue depuis un maximum atteint en 2010. Le Gouvernement prévoit que la baisse se prolongera en 2014, avant un rebond en 2015 et une stabilisation autour de 9, 3 milliards d’euros.

Ces prévisions doivent néanmoins être relativisées, car elles pèchent souvent par optimisme, comme nous l’avons montré dans le rapport spécial. Ainsi, l’APD au titre de 2012 a successivement été estimée à 10, 5 milliards d’euros en 2012, avant d’être revue à 9, 7 milliards en 2013, puis à 9, 4 milliards d’euros en 2014 et, enfin, à 8, 9 milliards d’euros cette année, soit un écart à la prévision de 15 %.

J’en viens à la programmation triennale de la mission « Aide publique au développement ».

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, en cours d’examen par le Parlement, prévoit une diminution de 7, 3 % des crédits de paiement de la mission en 2017 par rapport à 2014, soit une baisse de 214 millions d’euros sur trois ans. Ces chiffres confirment – et accentuent – l’évolution à la baisse prévue dans la précédente loi de programmation. Ainsi, si l’on compare le plafond de 2017 au plafond de 2011, on constate une baisse de près de 20 % en six ans, soit de 650 millions d’euros.

Si l’on compare cette fois l’évolution de cette mission par rapport à celle des autres missions sur la période 2015-2017, on observe qu’elle sera, proportionnellement, l’une des plus touchées : elle est la septième mission dont les crédits baissent le plus, en pourcentage, à l’horizon 2017.

Cependant, il est vrai que cette baisse des crédits budgétaires doit être relativisée, dans la mesure où la hausse du produit des taxes affectées la compense partiellement.

Il s’agit de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, qui devraient apporter environ 92 millions d’euros de ressources supplémentaires en 2017 par rapport à 2014.

Si l’on prend en compte ces sources de financement, la baisse des moyens de la politique d’aide publique au développement entre 2017 et 2014 se trouve pratiquement divisée par deux, passant de 214 millions d’euros à 120 millions d’euros, ou de moins 7, 3 % à moins 4, 2 %.

Certes, lorsqu’elles ont été instituées, ces taxes affectées avaient été présentées, faut-il le rappeler, comme des moyens supplémentaires, et non comme venant compenser la suppression de crédits budgétaires.

Le Royaume-Uni, malgré une politique rigoureuse de redressement de ses finances publiques et de réduction de ses dépenses, a sanctuarisé cette politique et en a même augmenté les crédits, ce qui lui permet aujourd’hui d’atteindre l’objectif de 0, 7 % du RNB.

Cependant, madame la secrétaire d’État, dans le contexte économique et financier que connaît notre pays et qui conduit à des choix douloureux dans tous les domaines de l’action publique, la baisse des moyens demeure relativement maîtrisée ; il faut le reconnaître.

Comme je le disais au début de mon intervention, les crédits de la mission s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2015 à 2, 82 milliards d’euros en crédits de paiement, en baisse de 2, 9 %, soit de 83, 3 millions d’euros, par rapport à 2014. Cette diminution s’explique notamment par la baisse des crédits consacrés aux annulations de dettes au titre du programme 110, qui diminuent de 50, 9 millions d’euros.

Les économies réalisées sur les dépenses de personnel - 4, 4 millions d’euros -, sur les dispositifs de coopération bilatérale - 7 millions d’euros - et liées à la fin des actions menées dans le cadre de la politique de codéveloppement - 8, 5 millions d’euros - permettent de compenser la hausse de la contribution au Fonds européen de développement, qui augmente de 22, 9 millions d’euros.

Enfin, la baisse des crédits de la mission s’explique également par la diminution de 32, 4 millions d’euros des moyens alloués à divers dispositifs de coopération multilatérale du programme 209, qui est néanmoins compensée en grande partie par une hausse du produit de la taxe sur les transactions financières.

L’Assemblée nationale a substantiellement modifié les crédits de la mission.

En première délibération, elle a transféré 35 millions d’euros du programme 110 au programme 209, afin de privilégier les dons par rapport aux prêts ; nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir ultérieurement.

En seconde délibération, nos collègues députés ont, sur l’initiative du Gouvernement, minoré de 11 millions d’euros supplémentaires les crédits du programme 110.

Par ailleurs, le Gouvernement a également prévu que 40 millions d’euros soient dégagés au sein du programme 209 pour financer des actions contre l’épidémie de fièvre Ebola, au titre de ce même programme 209. Cela ne se traduit donc par aucun mouvement de crédits au sein du programme.

J’en viens au compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », qui retrace des opérations de versement et de remboursement relatives aux prêts accordés aux pays en développement, ainsi que, depuis 2010, à la Grèce.

L’évolution des crédits du programme « Réserve pays émergents », ou RPE, qui est l’un de nos principaux outils d’aide liée, commence à devenir inquiétante : ils diminuent à nouveau de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement, pour atteindre 330 millions d’euros, quand ils s’élevaient encore à 400 millions d’euros en 2010.

Surtout, je m’inquiète fortement de l’évolution annoncée de la RPE. L’article 3 du projet de loi de finances rectificative pour 2014, que nous examinerons d’ici à quelques jours, prévoit de transformer, au détour d’un collectif de fin d’année, un outil d’aide publique au développement en un outil d’aide à l’exportation.

Aujourd’hui, la RPE sert à financer des biens et services vendus par des entreprises françaises dans le cadre de projets d’aide publique au développement. L’intention du Gouvernement, semble-t-il, est de faire en sorte que, demain, cet outil soit utilisé comme aide à l’exportation. Il permettra toujours d’aider des entreprises françaises, mais sans plus avoir, madame la secrétaire d’État, aucun objectif de développement, ce que l’on est en droit de regretter. J’aimerais que vous nous fournissiez quelques explications sur ce point.

Après avoir examiné l’évolution globale des crédits de la mission et du compte de concours financiers, je souhaite maintenant examiner spécifiquement certaines évolutions.

L’Agence française de développement, l’AFD, reçoit des subventions pour financer des projets sous forme de dons. Si l’on intègre les crédits de l’aide technique, ces moyens sont parfaitement stables en autorisations d’engagement et en très légère baisse en crédits de paiement.

Par ailleurs, l’AFD intervient dans les États étrangers en accordant des prêts, plus ou moins concessionnels, sous plusieurs formes.

Lorsqu’elle se finance aux conditions du marché, l’AFD réduit le taux d’intérêt proposé aux bénéficiaires de ses concours grâce aux bonifications de prêts que lui accorde l’État. Celles-ci représenteront 178 millions d’euros en crédits de paiement en 2015.

La hausse de 8 millions d’euros des crédits en autorisations d’engagement s’explique par l’augmentation attendue des financements de l’AFD en Afrique sur la période 2014-2018.

Par ailleurs, l’AFD bénéficie de la part de l’État d’une « ressource à condition spéciale » – RCS –, sous la forme d’un prêt à des termes préférentiels. La hausse importante de la RCS, en autorisations d’engagement, s’explique par un prêt de 430 millions d’euros de la France à la Banque mondiale, géré par l’AFD.

Ces deux ressources – bonifications et RCS – devraient contribuer à l’aide publique au développement de la France en 2015 à hauteur de 1 845 millions d’euros.

Je souhaite également aborder la question du renforcement des fonds propres de l’AFD, sujet dont Fabienne Keller et moi avons souvent parlé.

La nécessité de respecter les ratios bancaires limite la capacité de l’AFD à prendre de nouveaux engagements dans de nombreux pays. D’ores et déjà, les signatures de nouvelles conventions de prêts en faveur du Maroc, par exemple, se trouvent limitées aux remboursements en capital.

Le renforcement des fonds propres de l’AFD, qui constitue donc une bonne nouvelle, passera par une diminution du dividende versé à l’État, une amélioration de son résultat net et, enfin, la conversion d’une partie de la RCS en véritables fonds propres, à hauteur de 840 millions d’euros.

Ainsi, au titre de l’année 2015, 280 millions d’euros de crédits de paiement sont supprimés de la RCS par rapport à l’an dernier, l’État ayant acquis, pour un même montant, des titres subordonnés de l’AFD, à partir du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

Au final, les moyens de l’AFD sont préservés, voire légèrement renforcés, en phase avec les objectifs qui lui ont été fixés dans le contrat d’objectifs et de moyens pour les années 2014-2016, lequel prévoit une progression de 9 % de ses engagements en trois ans.

L’examen des crédits de l’aide humanitaire est surtout l’occasion d’évoquer les moyens mis en place par la France pour lutter contre l’épidémie de fièvre Ebola.

Le Président de la République a annoncé un effort financier de 100 millions d’euros, dont 20 millions d’euros mis immédiatement à disposition, provenant de redéploiements de crédits en fin de gestion 2014.

Sur les 80 millions d’euros supplémentaires devant être inscrits au budget pour 2015, 40 millions d’euros ont été ouverts sur la présente mission, par redéploiements internes.

S’agissant de l’évolution des crédits des autres dispositifs d’aide bilatérale, on peut noter que le Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, qui est l’instrument d’aide projet du ministère des affaires étrangères, voit ses crédits baisser de 10 %, ceux-ci passant de 50 millions à 45 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Les crédits pour 2015 concernant le traitement de la dette des pays pauvres sont relativement stables, sauf pour les annulations de dette bilatérale, dont les crédits de paiement sont en diminution de 50 millions d’euros environ.

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le FMLSTP, qui permet de financer des programmes de lutte contre ces maladies, perçoit 187 millions d’euros, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, complétés par 173 millions d’euros provenant du Fonds de solidarité pour le développement, à partir des taxes affectées. La contribution de la France au FMLSTP est donc maintenue à 360 millions d’euros, la baisse de 30 millions d’euros des crédits budgétaires étant entièrement compensée.

La mission « Aide publique au développement » porte également les crédits de la contribution française au Fonds européen de développement, le FED, principal instrument de l’aide européenne à destination des pays de la zone Afrique, Caraïbes et Pacifique.

Cet outil se situe hors budget communautaire, et les contributions des États membres relèvent donc d’une clé de répartition différente. La France a obtenu une diminution de sa clé de répartition. Cependant, le montant global du FED étant en hausse, sa contribution l’est aussi.

Enfin, les crédits de personnel sont en baisse de 2, 1 %, soit une économie de 4, 4 millions d’euros.

En conclusion, compte tenu des observations qui ont été présentées, la commission des finances, dans son immense sagesse

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, le Parlement a pu débattre cette année, pour la première fois sous la Ve République, d’une loi-cadre d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

Le Sénat, je le crois, a utilement contribué à ce débat et au cheminement parlementaire de ce texte particulièrement important, à un moment où – nous le constatons tous – le monde change de manière forte et rapide.

De nombreux pays peuvent maintenant être considérés comme développés ou presque développés. L’Asie – de manière spectaculaire –, mais aussi l’Afrique, ont connu et connaissent encore des taux de croissance économique qui leur assurent un niveau certain de développement. Le centre de gravité de notre monde est bien en train de basculer.

Pour autant, les progrès sont très inégalement répartis, à la fois entre les pays et entre les populations à l’intérieur d’un même pays : nous savons bien qu’en Chine ou au Brésil persistent des poches de pauvreté inquiétantes, alors même que des centaines de millions de personnes rejoignent la classe moyenne. Ces inégalités justifient à elles seules de poursuivre notre effort en faveur du développement.

Certes, la pauvreté recule très sensiblement, mais le nombre de pauvres continue de progresser. Ce paradoxe, qui peut paraître déroutant, doit guider notre action.

En 2015, l’ONU devrait décider de faire converger au sein d’un seul agenda les objectifs du millénaire pour le développement, qui arrivent à échéance, et les objectifs du développement durable. Cette convergence politique sera amplifiée par la tenue de la conférence Paris 2015, dont tout le monde attend qu’elle réussisse à apporter des réponses décisives au dérèglement climatique.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, la focalisation sur les questions de développement durable ne doit pas masquer la nécessité de continuer à soutenir les services de base rendus aux populations des pays en développement.

Alors que la population mondiale devrait continuer de croître et atteindre plus de 9 milliards d’habitants en 2050, celle de l’Afrique devrait doubler, pour atteindre 2 milliards de personnes. Réussir la transition démographique implique de soutenir l’éducation, la santé et les autres services publics.

Cette croissance démographique nécessitera en outre une augmentation de la production alimentaire mondiale d’au moins 70 %. Un peu plus de 800 millions de personnes continuent aujourd’hui de souffrir de malnutrition, et plus de 2 milliards de carences en micronutriments. N’oublions pas trop vite les émeutes de la faim !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Les dernières ont eu lieu en 2007 et en 2008, c’est-à-dire quasiment hier. L’évolution des cours mondiaux des matières premières peut, malheureusement, contribuer à les faire ressurgir à tout moment.

On le voit, la politique d’aide au développement conserve toute sa légitimité pour façonner le monde de demain et faire face aux grands défis auxquels nous sommes tous collectivement confrontés : le changement climatique, la transition démographique, les épidémies, les migrations, la nutrition, mais aussi la sécurité et la stabilité, lesquelles sont indissociables du développement.

Un récent sondage montre d’ailleurs que 63 % des Français approuvent le fait que la France s’engage en faveur du développement.

Dans ce contexte d’ensemble, les crédits de la mission « Aide publique au développement », comme l’a brillamment exposé notre excellent collègue Yvon Collin, continuent de suivre une pente peu favorable.

Madame la secrétaire d’État, nous pouvons comprendre que, dans une période exceptionnelle, des mesures exceptionnelles soient prises, mais encore faut-il qu’elles soient limitées dans le temps, de façon à ne pas trop affaiblir le socle de cette politique de développement dont la France peut et doit légitimement être fière.

Je voudrais maintenant vous faire part de deux inquiétudes.

Tout d’abord, le projet de loi de finances rectificative pour 2014, récemment déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, prévoit de supprimer la « Réserve pays émergents », pour la transformer en un soutien général aux exportations françaises.

Cette réserve, dont nous parlons peu dans notre commission, car elle ne relève pas de la mission « Aide publique au développement », permet de financer, dans les pays émergents, des projets d’infrastructures réalisés par des entreprises françaises.

Or l’article 3 de ce projet de loi de finances rectificative élargit le champ de cet outil, au risque de le dénaturer, pour en faire un instrument général d’aide à l’export. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais que vous nous donniez des explications sur ce sujet.

Je voudrais conclure mon intervention en disant un mot des financements innovants, dont le Gouvernement a engagé la revalorisation.

Je vous conjure, madame la secrétaire d’État, de ne pas vous laisser entraîner dans une logique de substitution aux crédits budgétaires.

Cela serait contraire à l’esprit qui a prévalu à la création de la taxe sur les billets d’avion et à la résolution des Nations unies : les financements innovants doivent venir en complément, et non en substitution ; ce serait trop commode…

Je regrette également que la taxe de solidarité sur les billets d’avion subisse un écrêtement d’environ 12 millions d’euros à partir de 2015 du fait de l’application uniforme du plafond décidé dans la précédente loi de finances. Notre pays peut ainsi brouiller le message pourtant volontariste qu’il entend adresser aux acteurs de la politique de développement. §

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’évoquer les crédits pour 2015 de la mission « Aide publique au développement », je désire revenir brièvement sur les efforts importants consentis par le Gouvernement en matière de financements dits « innovants », à travers deux exemples.

Premièrement, le Gouvernement a revalorisé de 12, 7 % la taxe sur les billets d’avion, qui n’avait pas été actualisée depuis plusieurs années.

Deuxièmement, c’est bien ce gouvernement qui, dans le prolongement des rapports demandés en 2003 et en 2011, a souhaité montrer l’exemple à nos partenaires européens en instituant à compter du 1er août 2012 la taxe sur les transactions financières. Rappelons pour mémoire qu’une partie en est affectée au financement de l’aide au développement. Or, depuis lors, le Gouvernement a régulièrement rehaussé la part des recettes de la taxe affectée au développement, en la portant de 10 % en 2013 à 25 % à l’horizon 2015. Si le plafond applicable à cette part limite encore les recettes effectivement perçues au profit du développement, il a sensiblement augmenté, passant de 60 millions d’euros en 2013 à 100 millions d’euros en 2014, puis à 140 millions d’euros en 2015, le Gouvernement ayant annoncé son intention de le porter à 160 millions d’euros à compter de 2016.

En résumé, la taxe sur les billets d’avion apportera 25 millions d’euros de plus par an au développement, et la taxe sur les transactions financières rapportera respectivement 40 millions d’euros et 20 millions d’euros de plus en 2015 et en 2016. En cette période de négociations tendues avec Bercy, ce résultat mérite d’être souligné. Pour autant, cette augmentation significative des recettes ne doit pas être perçue comme venant en substitution de crédits budgétaires ; ce serait un mauvais signal.

Pour en venir plus directement au projet de loi de finances, j’évoquerai la ligne budgétaire qui compense les décisions d’annulations de dette prises par la France. Elle diminue fortement, au même rythme que le nombre de pays surendettés. Ce mouvement est donc, paradoxalement, positif. Sans cette ligne de crédits, qui suit une logique spécifique, les crédits de la mission baisseraient de 1 %.

Les financements multilatéraux représentent 58 % de la mission. Cela tend à rigidifier l’enveloppe, car les décisions les concernant ont un caractère pluriannuel et obligatoire. Il existe un débat récurent sur l’équilibre entre le bilatéral et le multilatéral. Si le multilatéral permet un effet de levier important, il tend aussi à diluer l’action de la France. Avec mon corapporteur pour avis, nous souhaitons d’ailleurs travailler plus spécifiquement sur la question l’année prochaine. Il est à tout le moins essentiel de rationaliser le paysage des organisations multilatérales, où l’on constate des redondances. C’est particulièrement important au moment où la communauté internationale va massivement investir dans le Fonds vert pour le climat, qui ne doit pas faire doublon avec des institutions existantes.

Pour le reste, je retiens que le Gouvernement a décidé de préserver au maximum les crédits d’intervention de la mission.

Ainsi les dons-projets, autre terme pour qualifier les subventions, étaient stables en crédits de paiement et progressaient même légèrement en autorisations d’engagement dans le projet de loi de finances initialement déposé par le Gouvernement. À la suite d’un amendement adopté à l’unanimité par les députés, la somme allouée à ces dons-projets a été majorée de 35 millions d’euros, au détriment des bonifications de prêts versées à l’Agence française de développement, l’AFD. Les engagements atteindraient ainsi 368 millions d’euros en 2015, soit une progression de 11, 5 % par rapport à 2014. Nous ne souhaitons pas opposer les prêts aux dons, deux outils complémentaires. D’ailleurs, la commission a validé l’amendement tendant à redonner aux dons-projets un niveau plus en conformité avec nos ambitions. Il me semble en outre que ces 35 millions d’euros n’aggravent pas les charges de l’État et sont essentiels pour venir en aide aux populations les plus pauvres.

Pour autant, il est certain que ce transfert pèse fortement sur le programme 110 de la mission. Cela pourrait, le cas échéant, se révéler contre-productif. Nous aurons ce débat à l’occasion de l’examen de l’amendement déposé par le Gouvernement.

Alors que la programmation des finances publiques ne laisse pas augurer un redressement des crédits de la mission, je crois que le Gouvernement doit s’atteler au plus tôt à des réformes structurelles s’il veut garantir la pérennité de ses engagements.

Ainsi, l’effort demandé cette année encore sur les dépenses de personnel ne peut pas être mis en place indistinctement. Le Gouvernement doit par exemple envisager d’aller nettement plus loin dans le rapprochement des réseaux à l’étranger, en particulier entre les bureaux de l’AFD et les services de coopération et d’action culturelle.

En outre, même s’il s’agit d’une question aussi ancienne que la politique de développement elle-même, nous ne devons pas nous résigner à un éparpillement des acteurs publics de l’aide au développement. Plusieurs lignes budgétaires montrent clairement des doublons importants entre le ministère de l’économie et le ministère des affaires étrangères. Cela ne peut qu’augmenter les coûts de gestion et diminuer l’efficacité et la portée de notre aide. Je sais bien que cette critique est ancienne, mais la baisse continue des crédits nous impose d’agir, sous peine d’affaiblir considérablement le rayonnement de la France.

Comme je l’ai fait en commission, je voudrais saluer l’action de la France dans deux secteurs très différents et pourtant essentiels en matière de développement.

D’une part, en matière de santé, la France prend toute sa part dans la lutte contre le virus Ebola, comme l’a montré la visite du Président de la République vendredi dernier en Guinée. D’autre part, le ministère de la défense, notamment grâce au service de santé des armées, participe à cet effort, ce qui montre bien que la politique de développement doit être pensée de manière globale.

Si l’on accepte avec André Maurois de considérer que les pays ont l’âge de leurs finances, le financement de l’APD a atteint l’âge adulte. La commission des affaires étrangères, à la fois consciente des difficultés budgétaires actuelles et vigilante sur les différents points évoqués par Henri de Raincourt et moi-même, a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Applaudissements sur le s travées du groupe socialiste et du groupe UDI-UC . – MM. Bruno Sido et Jean-Paul Emorine applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Olivier Cadic.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous faisons face à un paradoxe historique. L’aide publique au développement fait partie des missions les plus sollicitées au titre de l’effort de redressement de nos finances publiques. Comme le dit l’adage : « Charité bien ordonnée commence par soi-même ». Toutefois, je ne crois pas que l’on puisse analyser les crédits de cette mission comme une variable d’ajustement budgétaire. On ne peut pas faire d’économie sur l’aide au développement, qui est une nécessité absolue.

Ce postulat est l’un des axes majeurs du travail de l’UDI. Le développement de l’« Europe-Afrique » doit effectivement devenir une priorité absolue. Pour nous, l’Afrique peut devenir un relais de croissance pour la France et pour l’Europe. Je ne peux démarrer mon propos sans rendre hommage à l’action actuelle de Jean-Louis Borloo, qui s’est engagé dans un projet de fondation pour l’énergie en Afrique.

Que nous dit-il ? « L’Afrique est en panne, faute d’électricité : 70 % des Africains n’ont ni lumière, ni électricité, ni énergie ». Pour lui, « l’obscurité appelle l’obscurantisme ». En effet, « l’absence d’énergie, c’est le risque de chaos, de déstabilisation et de pauvreté. Le choix est simple. Ou l’Afrique sera le continent des drames du XXIe siècle pour elle comme pour nous, ou elle sera celui d’un grand développement et un relais de croissance pour la France et pour l’Europe. Le destin de l’Europe et de l’Afrique sont liés. » Il pose aussi la question : « Si l’on continue comme cela, que va-t-on faire ? Dresser des murailles entre l’Afrique et nous, pour empêcher l’arrivée des réfugiés climatiques et des enfants de la grande pauvreté ? »

La Méditerranée est désormais le théâtre régulier de drames qui heurtent nos consciences. Il ne serait pas à notre honneur de dépenser sans compter pour notre protection sociale au détriment de notre responsabilité à l’égard de notre prochain, qui vit dans le dénuement, au prétexte qu’il serait né sur un autre continent.

Pourtant, alors que nous avons atteint un plus haut historique mondial en 2013, avec 134, 8 milliards de dollars versés par les pays membres du Comité d’aide au développement, l’aide de la France a fortement diminué ces dernières années, passant de 0, 5 % de son revenu national brut en 2010 à 0, 41 % en 2013.

C’est ici que se loge le paradoxe. Comment pouvons-nous rogner l’aide publique au développement alors que nous avions décidé de l’augmenter et que sa faiblesse passée a conduit à la fois à la prolifération des mouvements terroristes, contre lesquels nous combattons au Mali, et, à l’arrivée, de nombreux migrants, que nous peinons à accueillir dignement en France ?

Les deniers publics se font plus rares chaque jour, à mesure que la crise économique s’approfondit. La France doit affronter deux défis pour honorer son rang et maintenir sa politique d’aide au développement.

Le premier défi est le financement de l’aide publique au développement.

En effet, dans le rapport annexé à la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, que le Sénat a examinée au printemps dernier, un seul petit paragraphe était consacré aux financements innovants de l’aide publique au développement. Nous connaissons la taxe sur les transactions financières et, bien entendu, la taxe sur les billets d’avion. Je salue Yves Pozzo di Borgo, qui travaille beaucoup sur le sujet. L’idée est d’affecter des ressources stables et dynamiques au financement de notre politique de solidarité internationale. À l’instar des précédents orateurs, je rappelle que ces ressources n’ont pas vocation à devenir un substitut à l’engagement budgétaire de l’État. Il s’agit d’un complément, d’un additif, et non d’un produit de substitution.

En l’espèce, on peut se féliciter que le présent projet de loi de finances, du moins d’après l’analyse qui en est faite par nos rapporteurs spéciaux, porte la trace du dynamisme des recettes affectées au financement de l’aide. D’après les travaux de nos rapporteurs, les financements innovants auraient permis de récolter près de 92 millions d’euros de plus que l’année précédente.

Les recettes sont donc particulièrement dynamiques. Prenons l’exemple de la taxe sur les transactions financières, dont près de 100 millions d’euros du produit ont été affectés l’an passé à l’APD. En 2015, ce montant sera porté à 140 millions d’euros, puis à 160 millions d’euros en prévisionnel pour 2016. Les recettes affectées semblent donc être en mesure de prendre le relais des crédits budgétaires prélevés sur le budget général de l’État.

Je le dis clairement, je regrette que l’État se défausse à ce point de ses responsabilités internationales et qu’il ne mesure pas pleinement la nature stratégique de cette mission. En l’état actuel, la prolifération de taxes fiscales ou parafiscales sur les transactions financières, les billets d’avion ou encore le numérique, comme certains commencent à l’imaginer, ne saurait remplacer l’engagement incontournable de l’État.

Le deuxième défi que nous avons à affronter est celui de la gestion de la réduction de la dépense.

On peut le regretter, mais les crédits globaux de l’APD baissent de 214 millions d’euros cette année, en dépit de la montée en puissance des ressources nouvelles.

Le défi a été relevé du côté gestionnaire. Ainsi, les moyens de l’Agence française de développement sont préservés, voire légèrement renforcés. C’est en phase avec les objectifs qui lui ont été fixés dans le contrat d’objectif et de moyens, ou COM, pour les années 2014-2016. Ce document prévoit une progression de 9 % de ses engagements en trois ans.

Principale innovation cette année, la mise en place de l’Agence française d’expertise technique internationale donnera plus de visibilité à la coopération technique française et permettra de centraliser les fonctions transversales, donc de réaliser des économies.

En revanche, du côté des dépenses d’intervention, je souhaiterais revenir sur la question du ciblage de notre aide au développement.

Je ne remettrai jamais en cause le principe de la solidarité internationale. En bon adepte des classiques, je rejoins Montesquieu, pour qui « le doux commerce » favorise les échanges entre les peuples. Autrement dit, la solidarité internationale est l’élément indispensable pour développer nos futurs partenaires économiques, et donc nos futurs relais de croissance économique à l’extérieur. Investir dans l’aide publique au développement revient donc à investir dans la croissance du commerce extérieur de demain.

Pour que ce théorème puisse se vérifier, encore faut-il que l’aide soit bien ciblée.

Le Brésil est le deuxième bénéficiaire de l’aide publique au développement française en Amérique du Sud. Est-ce qu’un pays émergent, membre du G20, peut encore être considéré comme un pays en voie de développement ? J’évoque le Brésil, mais je pourrais aussi prendre l’exemple du Mexique. Le défaut de ciblage est encore plus patent en Asie, où nous versons une partie de notre aide à la Chine et à l’Inde.

Bien évidemment, toutes ces situations ne sont pas exactement comparables. Certes, la pauvreté doit être combattue dans chaque pays, mais tous ces pays ne sont pas engagés dans la même trajectoire. Je souhaite donc qu’une évaluation poussée du ciblage de notre soutien international soit réalisée afin de mieux viser les pays ayant besoin prioritairement d’une aide de plus en plus difficile de financer.

À titre de comparaison internationale, le Royaume-Uni, malgré une politique rigoureuse de réduction de ses dépenses publiques, a sanctuarisé son aide publique au développement, et en a même augmenté les crédits, ce qui lui permet aujourd’hui d’atteindre l’objectif de 0, 7 % du revenu national brut. J’aurais également pu citer l’Italie, qui s’inscrit dans la même démarche.

En France, nous avions également fixé l’objectif de 0, 7%. Pourtant, nous peinons à atteindre les 0, 5 %, tout comme nous avons également du mal à respecter nos engagements européens en matière de réduction du déficit public.

Les pays que je viens d’évoquer affrontent, comme nous, une crise économique grave, mais ils n’abandonnent pas pour autant leurs engagements en matière d’aide au développement.

L’aide publique au développement est une démarche qui nécessite un large consensus. Le groupe UDI-UC soutiendra l’adoption des crédits de la mission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après la politique étrangère française dans son ensemble, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Aide publique au développement», qui voit malheureusement cette année encore son enveloppe totale diminuer de 2, 9 % par rapport à 2014, pour s’établir à 2, 8 milliards d’euros de crédits.

Conscients des contraintes budgétaires actuelles, les écologistes s’inquiètent toutefois de la baisse continue depuis 2010 de l’aide publique au développement. Alors qu’elle représentait 0, 5 % du revenu national brut cette année-là, l’APD française a chuté à 0, 41 % en 2013, bien loin de l’objectif international des 0, 7 %.

Le drame sanitaire qui se joue en ce moment en Afrique nous rappelle tristement à quel point notre aide est primordiale.

Toutes les trois heures, c’est l’équivalent des victimes de l’attentat du World Trade Center en 2001 qui meurent de faim dans le monde. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, entre 75 millions et 250 millions d’Africains seront exposés à un risque accru de stress hydrique d’ici à 2020.

Rationaliser notre aide ne doit pas signifier l’abandonner !

Je reviendrai tout d’abord sur les crédits alloués à l’Agence française de développement, dont les moyens sont préservés, voire légèrement renforcés dans le budget 2015. Je m’interroge sur une telle tendance. Selon moi, cela ne répond pas à l’objectif de transparence qui a été mis en avant lors des débats du mois de mai dernier sur le pilotage de l’aide.

Ayant bénéficié d’un passe-droit, l’Agence française de développement s’est vu exonérer de tout type de contrôle ou de mesures contraignantes visant à en assurer une meilleure gestion. Or, selon un rapport publié le 4 novembre 2014 par l’ONG Eurodad, un grand nombre des intermédiaires par lesquels transitent les financements européens de l’aide au développement sont basés dans des paradis fiscaux.

Ainsi, près de 400 millions d’euros destinés aux pays en développement ont été injectés ces dix dernières années dans des sociétés basées dans des paradis fiscaux par Promotion et participation pour la coopération économique, ou PROPARCO, filiale de l’AFD. Toutes les dispositions ont-elles été prises pour mettre fin à ce qui pourrait s’apparenter à un scandale ?

En attendant, le groupe écologiste salue les modifications apportées à l’Assemblée nationale visant à transférer 35 millions d’euros des crédits de l’AFD en matière de bonification des prêts aux États étrangers vers la coopération bilatérale.

En effet, les programmes bilatéraux de renforcement institutionnel et de gouvernance sont essentiels pour notre politique non seulement de prévention des conflits, mais également d’accompagnement et de reconstruction dans des zones en crise.

Le Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, est un instrument privilégié de la coopération bilatérale. Il vise à accompagner les seize pays pauvres prioritaires définis par la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Or l’évolution à la baisse du fonds depuis 2010 est en contradiction avec le principe même de partenariats différenciés, consacré dans cette loi.

Au mois de mai 2013, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait à juste titre : « Nous sommes en train de gagner la guerre au Mali ; il faut maintenant gagner la paix. »

Il s’agit non pas uniquement de sécuriser une zone, mais bel et bien d’apporter une aide, la plus complète qui soit, pour permettre un apaisement politique, économique et social global. Nous en avons la preuve tous les jours : le « tout sécuritaire » ne fonctionne pas.

C’est pourquoi nous devons sans cesse adapter notre aide aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Les débats que nous avons eus au sein de la Haute Assemblée au mois de mai dernier, lors de l’examen de notre politique de développement, ont mis en avant, à la grande satisfaction du groupe écologiste, l’impératif environnemental. En effet, nul ne peut aujourd’hui encore réfuter la prégnance du changement climatique sur le développement d’un pays.

Dans son rapport de mars 2014, ainsi que dans celui du début du mois de novembre, le GIEC a une nouvelle fois affirmé que le changement climatique affectait l’intégrité des États en fragilisant leur souveraineté, avec des répercussions sur les infrastructures étatiques les plus sensibles.

Est-il encore nécessaire d’expliciter devant vous les ravages dans les pays en développement des stress hydriques et nourriciers, de la course effrénée aux matières premières, de l’accaparement des terres rares ou encore des tensions énergétiques ?

La France se doit d’être pionnière dans ce domaine, et ce avant la tenue de la Conférence Paris Climat, ou COP 21, en 2015 ! Nous devons nous montrer ambitieux en termes de cohérence de nos politiques et de financement de projets en amont, afin que le débat sur le changement climatique avance.

À cet égard, je me réjouis de la reconnaissance des « pays en grande difficulté climatique » dans la politique de développement de la France. Madame la secrétaire d’État, l’enjeu climatique étant un enjeu mondial, dans quelle mesure la France pourrait-elle porter cette notion devant la communauté internationale dans le cadre de la COP 21 ?

La baisse continue des moyens alloués à notre politique d’aide envoie un message contradictoire aux pays en développement. Si le Fonds vert pour le climat est une initiative qui va dans le bon sens, les incertitudes demeurent quant aux modalités concrètes de son financement. Où en est-on à ce sujet ?

Madame la secrétaire d’État, au mois de mai dernier, nous regrettions tous l’absence d’un volet budgétaire dans la loi d’orientation et de programmation. Nous y voici. Toutefois, le groupe écologiste considère que ce budget n’est pas en adéquation avec les principes érigés dans notre politique de développement. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Aide publique au développement » est malheureusement l’illustration d’une politique dans laquelle le décalage entre les paroles et les actes est trop flagrant.

Madame la secrétaire d’État, votre bonne volonté et votre détermination ne sont pas en cause, mais votre tâche est rude pour réussir à nous convaincre que vous avez les moyens de votre politique et que vous maintenez les engagements du quinquennat. Tout prouve le contraire !

En effet, pour la cinquième année consécutive, les crédits engagés en « Aide publique au développement » baisseront de 2;7 % en 2015, soit une diminution de plus de 71 millions d’euros.

Si vous continuez sur cette pente triennale, il y aura eu, en 2017, sept années consécutives de baisse des crédits, avec un pic de 10 % en 2013.

Les 140 organisations non gouvernementales rassemblées au sein de Coordination Sud n’ont pas manqué de relever que cette orientation à la baisse des moyens accordés à l’APD était à contre-courant de la tendance mondiale. En effet, la moyenne internationale se situe autour des 6 %.

Ces organisations ont surtout souligné combien une telle évolution contredisait le discours officiel sur la stabilisation de l’aide française depuis l’élection de François Hollande. À ce rythme, cette baisse atteindrait même 20 % sur la durée du quinquennat.

La conséquence immédiate, c’est évidemment que notre pays ne tiendra pas son engagement de consacrer 0, 7 % de son revenu national brut à l’APD en 2015, comme le font, par exemple, les Britanniques depuis deux ans.

Le seuil des 0, 5 % avait été atteint en 2010. Depuis, votre collègue ministre des finances a reconnu les chiffres suivants : 0, 40 % en 2013, 0, 37% en 2014, 0, 4 % prévu pour 2015, 0, 49 % en 2016 et 2017.

Le résultat, c’est aussi que notre position parmi les grandes nations dans le combat pour l’éradication de la pauvreté et pour le développement s’est franchement détériorée. Selon les statistiques de l’OCDE, la France est devenue le cinquième bailleur, après les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. Quand on se souvient que notre pays était au deuxième rang au milieu des années quatre-vingt-dix, on ne peut que déplorer la voie que vous suivez !

Cette tendance à la réduction des moyens que nous consacrons à de grandes causes se manifeste également dans le domaine de la francophonie. Le Président de la République a eu beau louer à Dakar ce week-end l’importance que doit jouer l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, dans le développement des pays de l’espace francophone, il n’en reste pas moins que, en quatre ans, la France a diminué de moitié ses contributions volontaires au budget de l’organisation.

De tels reculs ne sont pas dignes de la France et de ce qu’elle représente encore pour de nombreux pays.

À l’heure où le virus Ebola ravage quelques pays africains, il n’est pas acceptable que la santé des plus pauvres fasse les frais du redressement des finances publiques.

Nous aurions pu nous féliciter que des moyens importants pour lutter contre le fléau soient mobilisés, mais la moitié de l’aide est financée par redéploiement, et non sous forme de dons.

Madame la secrétaire d’État, j’ai égrené ces pourcentages bien connus non pas pour vous accabler, mais simplement pour resituer votre budget dans son contexte et le mettre en perspective, car il n’est pas sans signification ; il illustre, dans ce domaine aussi, la politique d’austérité que mène le Gouvernement.

Celle-ci s’applique tout particulièrement à votre département ministériel. Si le budget est voté en l’état, on pourrait mécaniquement prévoir, selon l’expertise de l’ONG Oxfam France, que les crédits de l’APD seront treize fois plus touchés que le budget général entre 2015 et 2017.

Au-delà de ce constat, je vous reproche également d’user de quelques artifices pour atténuer la réalité des choses.

Ainsi, une partie de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la taxe dite « Chirac » sur les billets d’avion servent à compenser la baisse de vos crédits. Pourtant, les deux taxes avaient vocation à constituer des recettes exceptionnelles.

Votre budget souffre aussi de problèmes structurels. Nous évoquons ces problèmes de manière récurrente au sein de notre commission, mais leur résolution est toujours renvoyée aux calendes grecques.

Ainsi, le volume global de l’APD, qui est de plus de 10 milliards d’euros, est artificiellement gonflé.

Nous savons tous ici que vous y comptabilisez notamment des allégements de dette et des dépenses pour l’éducation et l’accueil des réfugiés. Si tout cela était sincèrement à sa place, le volume global ne s’élèverait qu’à un peu moins de 8 milliards d’euros.

Dans le même ordre d’idées, la part des dons aux pays ne cesse de diminuer. Cela pose la question des orientations assignées à l’Agence française de développement.

Dans ces conditions, comment respecter le principe des priorités géographiques en direction de la liste de seize pays pauvres que nous avions établie dans la loi de programmation et d’orientation consacrée au développement et à la solidarité internationale ?

Pour mesurer la modestie de ces crédits, il faut savoir que chacun de ces seize pays pauvres prioritaires n’aura reçu en moyenne que 10 millions d’euros de subventions de l’AFD en 2014.

Le peu d’attention accordé par la France au développement des pays et des peuples qui en ont le plus besoin n’est pas qu’une affaire de finances publiques et de budget contraint. Cela révèle aussi une conception de l’aide au développement qui ne se fonde pas sur la solidarité internationale, ni sur de grands principes, ni sur des valeurs dont un pays comme le nôtre aurait quelques titres à se prévaloir.

J’irai même jusqu’à dire que cette conception étroitement mercantile entache l’image de notre pays. J’en veux pour preuve l’appréciation sévère qu’avait pu porter l’OCDE sur l’évolution de notre APD en 2013 : « La baisse des dons, en valeur absolue et relative, menace sérieusement la capacité d’intervention de la France dans les pays pauvres ou en crise […] et la met en marge des efforts de la communauté internationale qui ciblent la lutte contre la pauvreté. »

Je sais bien que notre pays n’a pas l’exclusivité de cette attitude. Les États membres de l’Union européenne n’ont-ils pas proposé de réduire de 45 millions d’euros leurs crédits d’engagement pour le développement ? Mais cela ne peut être une excuse derrière laquelle nous abriter.

Il n’en reste pas moins que nous donnons le mauvais exemple à la veille d’échéances décisives en matière de développement durable, comme la conférence de Paris sur le climat ou la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement.

Pour cet ensemble de raisons, et parce que l’action de votre gouvernement est en trop profond décalage avec son discours, le groupe CRC votera contre le projet de budget que vous nous proposez.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous mesurons tous parfaitement les enjeux de la politique d’aide au développement. Ils nous commandent de poursuivre nos efforts pour réduire la pauvreté dans le monde, qu’elle soit alimentaire, sanitaire et éducative, ces trois facettes étant bien sûr interdépendantes.

Je n’oublie pas la « pauvreté institutionnelle », cause ou conséquence de la misère. À l’aube du XXIe siècle, on compte encore beaucoup trop d’États aux institutions fragiles, notamment en Afrique, qui donnent prise à des régimes dits d’« anocratie », des régimes naviguant entre autorité et embryon de démocratie. Il y a aussi les États affaiblis par le djihad islamiste : le cas de l’Irak aux prises avec Daech nous le rappelle tragiquement. Ces situations sont déstabilisatrices pour les populations locales avant tout, mais aussi pour la sécurité du monde.

Plus de cinquante ans après les grandes luttes pour l’indépendance, il reste beaucoup à faire pour atteindre les fameux objectifs du Millénaire pour le développement. Si environ 700 millions de personnes sont sorties de la pauvreté depuis vingt-cinq ans, on dénombre malheureusement 870 millions de personnes sous-alimentées aujourd’hui dans le monde.

Dans ce contexte, l’aide publique au développement doit, à l’évidence, être plus que jamais encouragée. Après deux années difficiles dues à la crise financière, on constate un rebond de l’aide au développement des pays du Comité d’aide au développement en 2013 ; je m’en réjouis. Elle a en effet progressé de 6, 1 % entre 2012 et 2013.

Il est en revanche regrettable que la France fasse partie des pays qui ont relâché leurs efforts. L’objectif de 0, 7 % du revenu national brut consacré à l’aide publique au développement ne sera pas atteint, avec un chiffre de 0, 41 % en 2013, en recul par rapport à 2012 contrairement au ratio de nos voisins britanniques, souvent cités en exemple.

Il est également dommage que la hausse du produit des taxes affectées vienne compenser la baisse des dotations budgétaires. Comme l’a souligné notre collègue rapporteur Yvon Collin, il sera nécessaire que notre pays adopte une trajectoire précise.

Au mois de juin dernier, nous avons approuvé de grands principes en adoptant la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, le rapport annexé mentionnant d’ailleurs l’objectif de 0, 7 %. Il faudrait essayer de s’y tenir ! Cette loi avait également affirmé que l’efficacité de l’aide passerait par une concentration des actions tant géographiques que sectorielles. Dans cet esprit, le continent africain, et en particulier l’Afrique subsaharienne, a été désigné comme prioritaire. J’approuve ce choix.

En effet, l’Afrique est le continent qui concentre le plus de difficultés, malgré le décollage économique de plusieurs pays. Ce sont des pays africains qui se trouvent aux dernières places du classement selon l’indice de développement humain établi par le Programme de Nations unies pour le développement, le PNUD : le Mali, le Libéria, la Sierra Leone ou encore la Guinée figurent en toute fin de liste.

En Afrique, des crises institutionnelles à répétition minent encore les toutes jeunes démocraties, comme on l’a vu encore récemment au Burkina Faso.

Enfin, en Afrique, des drames sanitaires ravagent des populations, telle l’épidémie de fièvre Ebola, qui a déjà fait plus de 4 400 morts. À cet égard, j’aimerais savoir quelles sont les lignes budgétaires consacrées à la lutte contre les conséquences du virus. Le Président de la République avait fait des annonces. L’une concernait la mise à disposition immédiate de 20 millions d’euros. Où en sommes-nous ?

Au regard de ces conditions précaires, l’aide publique au développement est-elle conforme aux engagements décidés en faveur de l’Afrique par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, du 31 juillet 2013 ?

Si l’on s’en tient à l’aide bilatérale, l’Afrique est en effet majoritairement bénéficiaire de celle-ci à hauteur de 46 %. Mais veillons à ne pas réduire la part consacrée à l’Afrique subsaharienne, comme cela a été le cas entre 2012 et 2013.

Au sein des interventions de l’Agence française de développement, qui représentent, sur la période 2014-2016, 9, 3 milliards d’euros d’autorisations de financement en Afrique subsaharienne et près de 2, 1 milliards en Afrique du Nord, on constate un progrès, puisque ces crédits augmenteraient de 20 % par rapport aux trois années 2011, 2012 et 2013 : c’est une bonne chose. Néanmoins, je m’interroge sur la répartition prévisionnelle de ces fonds, qui fait la part belle aux prêts, au détriment des dons ; c’est d’ailleurs une constante. Or les prêts, qui appuient bien souvent les secteurs productifs, ne ciblent pas forcément les pays les plus pauvres. Aussi, si les dons vont bien en priorité vers l’Afrique, qu’en est-il des prêts ?

Madame la secrétaire d’État, les dix-sept pays pauvres prioritaires sont-ils les principaux bénéficiaires de l’aide publique au développement ? En tout cas, je l’espère, car vous connaissez mon attachement au continent africain, que je considère comme central, compte tenu notamment de sa dynamique démographique. Qu’on le veuille ou non, et les flux migratoires en attestent, le destin de la France et, au-delà, celui de l’Europe sont liés à l’Afrique, une Afrique qui doit être perçue comme une chance et avec laquelle l’Europe peut constituer un axe fort pour une coopération intelligente et porteuse de projets économiques responsables, sur le plan social et environnemental.

C’est pourquoi, sans méconnaître les contraintes budgétaires, et tout en émettant un avis favorable sur les crédits de cette mission, je souhaite, comme beaucoup de mes collègues, que l’aide publique au développement ne soit pas pénalisée au regard des enjeux de développement très forts dans le monde, en particulier de l’autre côté de la Méditerranée.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remplace ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam, oratrice de notre groupe, qui souffre d’une extinction de voix.

Nous ne pouvons que constater le fossé entre notre engagement international de consacrer 0, 7 % de notre revenu national brut à l’aide publique au développement et la réalité. Malgré la crise économique, le Royaume-Uni vient, lui, de réussir à atteindre ce seuil. C'est la preuve que, quand la volonté politique est là, tout est possible !

Le renoncement français est d’autant plus honteux que la toute nouvelle loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale avait, elle, réitéré un tel objectif.

Dans ce contexte budgétaire contraint, les financements innovants sont évidemment source d’espoir. Las ! Bruno Le Roux propose de supprimer la taxe de solidarité sur les billets d’avion, qui finance la lutte contre le sida. Une défection française dans ce domaine nuirait d’autant plus à notre image internationale que ce dispositif innovant, dont la France avait été pionnière, continue à attirer de nouveaux pays, par exemple le Maroc et le Japon.

Plus précisément, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale souhaiterait transformer ce prélèvement en taxe sur le secteur de la grande distribution et le secteur bancaire. Or cette nouvelle assiette toucherait bien davantage les consommateurs à faibles revenus, alors que le surcoût actuel d’un à quatre euros par billet d’avion est parfaitement indolore. Que la proposition de M. Le Roux soit ou non retenue, le Gouvernement a déjà décidé en 2014 de plafonner cette taxe, avec des effets immédiats sur les recettes : une baisse de 12 millions d’euros en 2015, qui pourrait atteindre jusqu’à 21 millions d’euros en 2017 !

La taxe sur les transactions financières connaît également un problème d’assiette et manque largement sa cible en ne touchant ni les produits dérivés ni les transactions à haute fréquence. Les taxer aurait pourtant le double avantage d’être rémunérateur pour les finances publiques et de décourager une spéculation qui continue de faire peser de lourds périls sur notre système financier. Il est donc particulièrement regrettable que la France, non contente d’avoir instauré sur son territoire une taxe édulcorée, bien plus légère que celle existant au Royaume-Uni par exemple, fasse maintenant pression pour que la taxe européenne sur les transactions financières soit, elle aussi, vidée de son sens.

Je m’inquiète aussi du plafonnement du reversement de ces taxes au budget de l’aide publique au développement. Actuellement, seuls 15 % des bénéfices de la taxe sur les transactions financières sont censés être fléchés vers la solidarité internationale, mais avec un plafonnement à 100 millions d’euros. Dès lors, l’annonce d’un relèvement à 25 % de la part de cette taxe fléchée vers l’APD est quelque peu mensongère, puisqu’un plafonnement à 130 millions d’euros ou 140 millions d’euros empêchera largement cette aide de bénéficier de la montée en puissance du dispositif.

Il est donc de plus en plus clair que les financements innovants ne parviendront jamais à compenser le tarissement de l’aide publique. En effet, à contre-courant de la tendance mondiale, celle-ci aura diminué de 20 % entre 2011 et 2017. Dans ce contexte morose, sans doute faut-il se tourner vers nos voisins européens pour élaborer de nouveaux outils.

Il nous faut aussi réexaminer le rôle de l’État dans l’aide publique au développement. Voulons-nous camper dans la seule posture, forcément frustrante, du pourvoyeur d’une manne financière qui s’épuise ou sommes-nous prêts à nous impliquer politiquement, afin d’aider les pays en développement à lutter contre la corruption et à améliorer l’efficacité de leur système fiscal ? En ce sens, la responsabilité française est grande pour promouvoir des pratiques plus saines en matière de commerce international, d’investissement et de lutte contre les paradis fiscaux.

Ainsi que plusieurs collègues l’ont déjà largement évoqué, une part croissante de l’aide publique au développement française est consacrée à des prêts, au détriment des dons. Si la coopération avec les pays émergents pour faire face aux défis environnementaux et climatiques est légitime, elle ne doit pas se faire au détriment des subventions aux pays les moins avancés, incapables de recourir à de tels prêts. De même, si le prêt est un bon instrument pour des projets d’infrastructure, il est inadapté pour financer des actions dans les secteurs à but non lucratif, tels que la santé, l’alimentation, les droits des femmes ou l’éducation.

Or ces secteurs sont essentiels, non seulement pour le développement des pays concernés, mais aussi pour le renforcement d’une mondialisation mieux régulée et, par là même, pour la prévention ou la résolution de graves crises géopolitiques.

Je regrette la baisse de 10 % des crédits du FSP et le dépôt par le Gouvernement d’un amendement revenant sur le vote unanime des députés, qui visait à la limiter.

J’aimerais d’ailleurs connaître les conséquences de la diminution du budget du FSP sur le programme « 100 000 professeurs pour l’Afrique », visant à améliorer la qualité de l’enseignement en français, au moyen d’actions de formation des enseignants en Afrique. Cette initiative répond à la fois aux objectifs de l’aide publique au développement et à ceux de la francophonie, et il me semble important qu’elle continue à être suffisamment financée. Je remarque aussi que seuls 10 % des engagements de l’AFD ont été consacrés à l’éducation ou à la santé en 2013.

L’épidémie de fièvre Ebola illustre de manière dramatique les conséquences du désintérêt dont la communauté internationale a fait preuve à l’égard de la faiblesse du système de santé en Afrique. Faute d’avoir effectué un travail de prévention, des milliards seront maintenant nécessaires pour lutter contre la pandémie et remettre les économies des pays touchés à flot. Un appui logistique, humain et scientifique plus précoce aurait permis non seulement de sauver des milliers de vies, mais aussi de prévenir le coût faramineux d’Ebola pour les économies d’Afrique de l’Ouest.

Avant de conclure, je souhaiterais insister sur la nécessité d’investir pour les femmes, notamment pour leur éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Dans les pays en développement, près d’un tiers des jeunes filles ne terminent pas le cycle élémentaire.

On peut reconnaître à la politique française de développement quelques avancées, comme la création d’une Agence française d’expertise technique internationale, qui devrait améliorer la visibilité de la coopération technique française, et permettre de rationaliser les interventions. C’est pourquoi, malgré les réserves qui ont été exprimées, le groupe UMP votera ces crédits.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les orateurs précédents, l’aide publique au développement prend toute sa part dans la réduction des déficits publics ; peut-être même un peu trop, serais-je tentée d’ajouter…

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit en effet de réduire les crédits de près de 3 % cette année et de plus de 7 % jusqu’en 2017. À l’heure où le monde connaît de graves crises sécuritaires, sanitaires ou environnementales, n’est-il pourtant pas de la responsabilité des pays les plus développés d’aider les pays les plus pauvres ? C’est, me semble-t-il, la raison d’être de la politique publique d’aide au développement.

Bien entendu, la France n’est pas seule à avoir opté pour une réduction de son aide. Des pays eux aussi confrontés à des politiques de restrictions budgétaires, comme le Portugal ou le Canada, ont fait des choix similaires.

Cependant, d’autres pays ont nettement renforcé leur aide publique au développement. C’est le cas du Royaume-Uni, de l’Italie ou de la Norvège.

L’année passée, l’aide de la France était évaluée à 0, 41 % de son revenu national brut, le RNB. Avec ces nouvelles restrictions, elle ne pourra atteindre l’objectif de 0, 7 % du RNB, pourtant fixé à tous les pays dits « développés » dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement. Je le déplore.

Cependant, je reconnais bien volontiers que, malgré ces choix difficiles et douloureux, notre pays reste un acteur incontournable de l’aide au développement, ce dont je me réjouis.

La France est le cinquième contributeur mondial derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. L’Agence française de développement, outil incontournable de l’aide publique au développement dans notre pays, voit d’ailleurs, conformément au contrat d’objectifs et de moyens 2014-2016, ses moyens confirmés et ses fonds propres renforcés. Dans ce contexte, cela doit naturellement être salué.

De plus, l’adoption en juillet 2014 de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale montre le profond attachement de notre pays à cet outil et notre volonté d’inscrire l’aide au développement dans une nouvelle dynamique. La baisse des crédits nous oblige aujourd’hui à envisager autrement l’APD en matière de financement, d’efficacité, de transparence et de stratégie.

Ainsi que plusieurs collègues l’ont rappelé, de nouvelles sources de financement ont dû être identifiées. La taxe sur les transactions financières, qui sera désormais affectée à hauteur de 25 %, et non plus seulement de 15 %, pourra rapporter 140 millions d’euros en 2015 à l’APD. La taxe de solidarité sur les billets d’avion devrait également rapporter 210 millions d’euros.

L’apport de ces deux taxes n’est pas négligeable et permet de compenser partiellement la baisse des crédits, mais il ne doit en aucun cas se substituer à l’aide publique au développement.

Une réforme de la gestion des contrats de désendettement et de développement, les C2D, qui participent au financement de l’APD dans les pays pauvres très endettés pourrait également être la bienvenue. En effet, il n’y a pour ainsi dire pas eu d’évaluation de ce dispositif, dont je rappelle qu’il est une spécificité française. Pourtant, des lourdeurs existent manifestement et le fonctionnement demande à être amélioré.

Du fait des restrictions budgétaires que connaissent la majorité des États, le renforcement de la gestion de l’aide est aujourd’hui indispensable. Les principaux acteurs du développement ont récemment pris conscience que la question de l’efficacité revêtait la même importance que la question du volume d’aide. En 2011, le forum de Busan, en Corée du Sud, avait d’ailleurs déjà lancé le Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement.

L’efficacité de l’aide est également une condition pour conserver le plein soutien des populations des pays contributeurs. On estime aujourd’hui que 68 % des Français privilégient l’augmentation ou le maintien du budget consacré à l’APD, ce qui est significatif. Il s’agit donc de conserver ce formidable et si précieux soutien.

Le renforcement de la transparence, souhaité dans la loi du 7 juillet 2014, participe aussi de cet objectif. Le lancement d’un site internet qui permettra une vision plus claire des fonds consacrés à l’aide au développement dans les pays dits « prioritaires » est un premier pas important. Il est aussi nécessaire d’améliorer la traçabilité de l’aide, notamment dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Plusieurs experts estiment qu’il est aujourd’hui impossible de suivre la subvention de 40 millions d’euros accordée à l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural, l’IAEAR, de la Banque africaine de développement, car aucune information sur l’utilisation des fonds n’est rendue publique. Ce n’est qu’un exemple, mais il montre bien que des efforts restent à accomplir en matière de traçabilité des financements.

Par ailleurs, la question de la stratégie est également incontournable. Sur le plan géographique, il convient de cibler davantage les pays qui bénéficient de notre aide. Il est prévu que les seize pays pauvres prioritaires reçoivent à l’avenir 50 % de nos subventions, et que 85 % de l’effort financier de l’État soit orienté vers l’Afrique subsaharienne et la Méditerranée.

Sans remettre en cause l’aide, justifiée, que perçoivent les seize pays pauvres prioritaires, j’estime que l’APD française doit bénéficier en priorité aux pays africains francophones, qui nous sont historiquement, culturellement et économiquement liés. Compte tenu de la forte poussée démographique que connaît et que connaîtra l’Afrique dans les prochaines années, aider ces pays aujourd’hui doit aussi être considéré comme un investissement sur l’avenir.

Il est également vital de préciser nos choix thématiques. La santé – la terrible actualité récente en témoigne indéniablement – doit être une priorité.

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme recevra 360 millions d’euros par an jusqu’en 2016. Face à l’épidémie de fièvre Ebola qui touche l’Afrique de l’Ouest depuis plusieurs mois et qui a déjà causé la mort de plus de 7 000 personnes, 100 millions d’euros ont été débloqués en urgence par la France, dont 20 millions d’euros immédiatement. Madame la secrétaire d’État, si un tel effort financier honore notre pays, je vous serai très reconnaissante de nous préciser sur quelles missions ces crédits seront pris.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

L’éducation est également au cœur des enjeux de développement. Permettre l’accès de tous les enfants à l’école primaire était d’ailleurs l’un des huit objectifs du Millénaire pour le développement.

L’Agence française pour le développement consacre une part importante de ses dons-projets au financement de l’éducation et de la formation professionnelle. Cela démontre que la France considère l’éducation comme l’une des priorités de sa politique de développement. Ainsi, en 2013, sur 215 millions d’euros de dons-projets, l’AFD consacrait 53 millions d’euros à l’éducation et la formation professionnelle.

Le climat constitue une problématique d’autant plus importante que la France accueillera en décembre 2015 la conférence des Nations unies sur le changement climatique. Il est donc légitime que la France verse un milliard d’euros au Fonds vert, qui a comme principal objectif d’aider les pays en développement à lutter contre le réchauffement climatique.

Permettez-moi également d’évoquer la problématique des migrations clandestines et de leurs lots de souffrances. L’Europe est confrontée à un flux migratoire de plus en plus important, et les migrants sont prêts à prendre tous les risques pour quitter leur pays et fuir la guerre et la misère. Face à ce défi, la réponse apportée par les États et l’Union européenne est trop souvent uniquement sécuritaire, comme le montre le remplacement récent du dispositif Mare Nostrum par l’opération Triton.

Il est de notre devoir d’aider au développement économique et à la sécurisation des pays les plus pauvres. Et c’est bien de cette manière aussi que nous agirons concrètement et permettrons sur le long terme de diminuer l’immigration clandestine et le désespoir des populations dont elle est le signe.

Pour conclure, je souhaite aborder la situation des pays dans lesquels nos forces armées sont intervenues récemment et ont mené des opérations de maintien de la paix. Je pense particulièrement au Mali et à la République centrafricaine, deux pays qui ont des liens importants avec la France.

Au-delà de l’aspect militaire, il est primordial que la France consacre une part de ses financements au renforcement institutionnel et de la gouvernance de ces deux États. Aujourd’hui, les crédits consacrés au FSP, qui gère cette politique de coopération, sont trop faibles et ne permettent pas d’accompagner les États lors des périodes post-crises, alors même que les phases de reconstruction et de stabilisation sont primordiales pour le développement futur.

Vous l’aurez compris, le groupe socialiste votera les crédits de la mission « Aide publique au développement ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les chiffres, positifs ou négatifs, qui ont été rappelés. Tout le monde les connaît.

Je partage les propos de la plupart de mes collègues. D’ailleurs, on ne peut pas m’accuser de ne pas soutenir le Gouvernement dans le domaine de l’aide publique au développement. J’avais été l’un des deux membres de mon groupe à voter la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. En effet, outre qu’il n’y avait pas eu de loi sur le sujet auparavant, je soutenais l’excellent travail du rapporteur Christian Cambon sur ce texte.

Notre politique d’aide au développement est ce qu’elle est. Nous faisons ce que nous pouvons. Certes, nous n’avons pas atteint l’objectif de 0, 7 % du RNB. Mais rares sont ceux qui y parviennent, exception faite de la Norvège et d’un ou deux autres États.

Quoi qu’il en soit, nous sommes sur la bonne voie. Nous ne ferons pas de reproche au Gouvernement à cet égard, même si nous regrettons que notre pays ne se situe pas dans les normes et ne parvienne pas à réunir les sommes suffisantes pour intervenir. Je salue l’APD française et les initiatives prises en la matière.

Le problème que je souhaite évoquer concerne indirectement l’aide au développement.

L’aide et les subventions que nous versons justifient-elles que certains des pays concernés par notre politique, plutôt généreuse, oublient leur dette envers nos ressortissants ?

En effet, nombreux sont les Français retraités qui ont travaillé, voire ont effectué une bonne partie de leur carrière à l’étranger, en particulier en Afrique. Or plusieurs pays – je pense par exemple à la République de Djibouti – ne versent pas leurs pensions à certains de nos compatriotes.

Depuis ma première élection au Sénat en 1998, je n’ai eu de cesse d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation.

En 2007, l’adoption d’un amendement que j’avais déposé a eu pour effet de suspendre la signature d’un document-cadre de partenariat avec le Congo jusqu’au déblocage du paiement des arriérés de pensions et à la reprise du versement des pensions courantes à nos ressortissants. J’avais reçu l’appui des collègues siégeant sur toutes les travées de la Haute Assemblée. À l’époque, plus de 500 Français ayant travaillé au Congo ne touchaient plus leur retraite depuis dix ou quinze ans ! Quelques jours après, le ministre des finances de l’époque s’inquiétait dans mon bureau du blocage de l’accord-cadre et me demandait de faire quelque chose… Du coup, le paiement des retraites a repris et tout s’est bien passé pendant quelque temps, malgré quelques aléas. Vous voyez, cela fonctionne : lorsqu’un accord-cadre est bloqué parce que le Parlement ne le vote pas, le Gouvernement doit réagir !

Je regrette de devoir cette année encore tirer la sonnette d’alarme pour nos compatriotes retraités qui se retrouvent à quémander les minima sociaux français, alors qu’ils ont travaillé et cotisé toute leur vie à l’étranger. La situation est intolérable. Madame la secrétaire d’État, je vous demande donc d’intervenir fortement auprès des ambassadeurs des pays défaillants pour que tous les cas individuels concernés soient régularisés au plus vite.

Par ailleurs, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, refuse d’appliquer la jurisprudence reconnaissant le bénéfice du cumul des conventions à nos compatriotes ayant travaillé dans plusieurs pays, notamment africains, liés à la France par une convention de sécurité sociale. Pourtant, un ressortissant français ayant travaillé dans plusieurs pays, lui, y a droit…

Ce faisant, la CNAV dénie aux pensionnés la possibilité d’additionner toutes leurs périodes d’activité. C’est d’autant plus inexplicable que l’arrêt de la Cour d’appel précise qu’« aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe des deux accords bilatéraux ». Alors que ce point n’a pas été contesté en cassation, la Caisse n’applique pas la décision des tribunaux. C’est non seulement incompréhensible, mais aussi très préjudiciable pour nos ressortissants !

Certes, madame la secrétaire d’État, cela concerne au premier chef votre collègue chargée des affaires sociales. Mais il est clair que la position de la CNAV, outre son caractère injuste et contra legem, est un frein manifeste à l’expatriation des Français travaillant dans des pays que nous soutenons à travers l’APD.

Je pourrais voter les crédits de la mission, mais je n’ai pas très envie de le faire… §Je ne cherche pas à vous nuire, madame la secrétaire d’État, d’autant que vous occupez vos fonctions depuis peu de temps. J’aimerais simplement que vous preniez ce soir l’engagement d’intervenir – je ne vous demande évidemment pas de promettre de payer les retraites… – auprès des pays concernés ; je peux d’ailleurs vous en transmettre la liste. Cela a marché par le passé ! Certes, l’Assemblée nationale ne me suivra certainement pas cette fois ; c’est d’ailleurs pour cela que je n’ai pas déposé d’amendement. Mais, fort d’un tel engagement, je pourrai alors exprimer un vote favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues : « On ne peut tolérer que la mer Méditerranée devienne un grand cimetière ! »

Cette phrase terriblement significative a été prononcée la semaine dernière par le pape François, lors de son magnifique discours devant le Parlement européen, où il a notamment évoqué la place de l’Europe dans le monde, les missions importantes et les responsabilités de l’Union européenne. Le propos est issu d’un passage sur la question migratoire. Il n’est qu’à constater comment les médias se font régulièrement l’écho de la situation dramatique de migrants originaires notamment d’Afrique qui s’entassent sur de vieux bateaux sans aucune sécurité, avec l’espoir d’entrer en Europe, la plupart du temps sans-papiers, tant ils sont désespérés de leur avenir.

Cette situation ne peut que nous interpeller humainement, mais également parce que le nombre de candidats à l’immigration ne fait que progresser, ce qui n’est pas sans poser problème lors de leur arrivée sur notre territoire.

Ainsi que M. le rapporteur pour avis Henri de Raincourt l’a rappelé, l’Afrique compte aujourd’hui un milliard d’habitants. Les projections statistiques laissent entendre que le chiffre devrait atteindre 2 milliards en 2050. L’Europe est au premier chef concernée. C’est encore plus vrai pour notre pays compte tenu de son passé colonial et de sa présence dans de nombreux pays africains ayant pour langue le français. L’attentisme dont nous semblons faire preuve est irresponsable et inquiétant pour l’avenir. Il ne pourrait qu’être positif pour la France, tant économiquement que diplomatiquement, d’engager une vraie politique de coopération avec les pays qui le souhaitent.

Nous manquons simplement de logique, tout comme les autres pays occidentaux. Nos interventions humanitaires et sanitaires, en particulier auprès des enfants, notamment en développant les vaccinations, contribuent à diminuer la mortalité. C’est évidemment louable ; cela favorise l’augmentation plus rapide de la population. Mais, dans le même temps, les populations sont confrontées à des problèmes de développement et, de fait, à des problèmes alimentaires. Il est donc nécessaire d’accélérer et d’accentuer notre intervention.

Les nombreux projets de coopération engagés par des collectivités ou associations sont extrêmement importants, mais évidemment insuffisants pour répondre aux besoins. Il est indispensable aujourd’hui que nous réorganisions notre politique de coopération. L’Afrique a un potentiel suffisant pour assurer les besoins alimentaires, mais il est manifestement sous-exploité.

La France a une mission particulière à remplir en la matière. Pour avoir effectué pendant presque deux ans mon service militaire en Algérie, je me souviens de ces plantations d’orangers, de ces surfaces de vignobles et de ces immenses champs de céréales. L’Algérie, alors province française, fournissait du blé et d'autres produits à la métropole, et les exploitations utilisaient des matériels très modernes. L’indépendance, qui était normale et évidemment souhaitable, a probablement abouti à faire perdre de la compétence. Le rappel de tels éléments a pour objet non pas de faire l’apologie de cette époque, mais simplement de confirmer le potentiel dont disposent la plupart des pays africains, qui étaient dans la même situation.

Voilà quelques années, lors de la grave crise alimentaire qu’a connue le monde, j’ai reçu des collègues parlementaires du Sénégal, qui m’avaient exprimé leur inquiétude de voir se développer des émeutes dans leur pays. Quand je les ai interrogés sur leurs motifs de craintes, ils ont parlé des problèmes d’approvisionnement en riz, base alimentaire au Sénégal. L’élévation importante des prix sur le marché limitant les possibilités d’importation risquait d’aboutir à une pénurie, d’où leur crainte d’une réaction de la population. Ils ont aussitôt ajouté : « Ce que nous attendons de la France, c’est qu’elle nous aide à développer ces cultures. Les terres dont nous disposons peuvent nous permettre de produire le double de nos besoins pour le Sénégal, mais nous avons besoin que la France nous accompagne pour mettre en place ce développement. »

C’est à cela que nous devrions nous engager, avec l’accord des pays concernés. Peut-être devons-nous aussi avoir à l’esprit combien les situations de difficulté alimentaire constituent un terreau propice pour les agitateurs, voire pour le développement du terrorisme.

Vous me répondrez certainement que la France intervient déjà fortement au titre de la coopération. Malheureusement, je crains que ce ne soit très nettement en deçà des besoins recensés pour aboutir efficacement. Il est indispensable de revoir nos modalités d’intervention. Il y a de la part de nombreux pays en voie de développement une attente forte de la France, qui bénéficie de leur confiance. Nous avons le devoir d’aider ces populations et de les accompagner dans le développement de leurs projets, en premier lieu quand cela touche l’alimentaire.

C’est aussi une responsabilité à l’égard de nos propres concitoyens, qui s’interrogent sur l’avenir. Il nous faut savoir organiser les conditions dans lesquelles ceux d’entre eux qui sont volontaires pourront intervenir pour assurer de tels accompagnements.

J’évoquais voilà quelques instants la perspective 2050. C’est demain. Il y a donc urgence à agir. C’est dans cette démarche que nous devons nous engager sans tarder. §

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai tous parfaitement entendus.

Vous avez exprimé avec force votre attachement à la politique de développement et à son rôle pour notre rayonnement dans le monde. Vous avez démontré votre implication sur les questions de politiques de développement, tout comme l’avaient fait vos collègues députés lors du débat législatif du mois de juillet dernier. Vous avez réitéré aujourd’hui l’ensemble de vos préoccupations ou encouragements, ce dont je vous remercie. Sachez que je partage un certain nombre de vos préoccupations. Je vais répondre à vos interrogations.

Je rentre d’un tour de France effectuée à l’occasion de la Semaine de la solidarité internationale, qui a eu lieu du 16 novembre au 21 novembre dernier. Partout, j’ai rencontré des acteurs engagés, solidaires, mais responsables, qui ont aussi souhaité tout au long de la semaine affirmer leur soutien à cette politique. Tous ont rappelé combien l’engagement et la solidarité de la France en faveur des pays les plus fragiles étaient importants pour eux. Je les en remercie ce soir. La France doit être fière de son effort de solidarité, qu’il faut poursuivre.

C’est dans cet esprit que j’ai défendu les arbitrages budgétaires pour la mission « Aide publique au développement », avec un souci d’économie des deniers publics, parce que nous avons des responsabilités globales, mais aussi de préservation de nos marges de manœuvre sur le terrain, car la solidarité est au cœur de notre engagement politique.

Avec une enveloppe de 2, 8 milliards d’euros, ce budget traduit nos engagements et les priorités de la loi que vous avez adoptée l’été dernier.

C’est un budget qui nous permet de conserver des marges de manœuvre et qui reste à la hauteur des ambitions de la France, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.

C’est un budget responsable, car l’aide publique au développement prend sa juste part aux efforts collectifs de redressement des comptes publics. Il baisse ainsi de 1, 5 %, si l’on intègre les financements innovants, notamment du fait du relèvement à 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières qui est affecté au développement.

Vous l’avez rappelé, la France est pionnière en matière de financements innovants ; il faut s’en réjouir !

La taxe sur les billets d’avion que notre pays a mise en place voilà quelques années est revalorisée en 2015 ; elle n’est évidemment pas en danger.

Nous sommes aussi aujourd’hui le seul pays d’Europe à avoir mis en place une taxe sur les transactions financières, dont 140 millions d’euros sont consacrés à l’aide aux pays les plus pauvres, et nous œuvrons pour que nos partenaires nous rejoignent.

Nous poursuivons d’ailleurs nos travaux. La création d’autres types de ressources, comme le don par SMS ou la loterie solidaire, est actuellement à l’étude. Il s’agit d’outils différents au service du développement. Ils mettent la mondialisation à contribution et sont bien adaptés à la prise en charge des problématiques de long terme. Ainsi, ils permettent de poursuivre et d’engager de nombreux projets d’aide. Ils contribuent par exemple à notre action en matière de santé et à nos nouveaux engagements sur le climat, comme la participation au Fonds vert de 1 milliard de dollars. À l’approche de la Conférence Paris Climat 2015, c’est essentiel !

Madame Aïchi, le Fonds vert a aujourd'hui levé 9, 5 milliards de dollars. Ils serviront à accompagner les pays en développement, en particulier les plus vulnérables d’entre eux. La moitié des financements seront consacrés à l’adaptation. C’est ce qu’attendaient nos partenaires, notamment du Sud.

La France n’a donc pas, bien au contraire, à rougir de son effort de solidarité !

Notre aide publique au développement contribue grandement à notre rayonnement international et à notre influence. La France reste un acteur incontournable de l’aide au développement, comme cela a été si justement souligné.

Les crédits budgétaires ne sont qu’une partie d’une politique bien plus vaste. La France, qui consacre 0, 41 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement en 2013, soit 8, 54 milliards d’euros, reste largement au-dessus de la moyenne mondiale, qui s’établit à 0, 3 %. Le taux pour 2014 devrait se situer à 0, 37 %, mais a trajectoire redeviendra ascendante dès 2015, année où il devrait s’établir à 0, 42 %. Cher Yvon Collin, je partage l’optimisme des prévisions triennales. Des travaux sont en cours pour redéfinir les modalités de calcul de cette aide à l’OCDE. Il faut les suivre et faire entendre notre voix.

L’enjeu est important, dans le contexte des négociations internationales sur les objectifs du développement durable et le financement du développement.

La France est active. Je ne manquerai pas de vous tenir informés de l’évolution de ces discussions, auxquelles une session du Conseil national du développement et de la solidarité internationale sera consacrée au mois de février prochain.

Le budget est construit sur des choix clairs et assumés.

Comme l’a indiqué Mme Conway-Mouret, le cœur de l’aide est préservé. Les dons-projets, instruments privilégiés de notre aide bilatérale, sont maintenus, à hauteur de 333 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Le FSP « 100 000 professeurs pour l’Afrique » sera mis en œuvre comme prévu, sans ambiguïté, monsieur Fournier.

Plus généralement, je sais que cette ligne est essentielle à vos yeux, tout comme aux nôtres. Mais nous ne devons pas l’opposer aux prêts. Monsieur Billout, monsieur Cadic, j’ai bien écouté vos propos sur les prêts. Chaque outil a son intérêt, en fonction des pays et de leur situation financière, des secteurs et, bien entendu, des projets. Gardons-nous donc de trop simplifier la question. Nous y reviendrons tout à l’heure.

Nous conservons aussi des moyens importants pour répondre à l’urgence et aux multiples défis qui se présentent à nous, qu’il s’agisse de l’aide alimentaire, soit 37 millions d’euros, de l’aide humanitaire d’urgence, soit 11 millions d’euros, ou de l’aide post-crise, soit 22 millions d’euros.

Les acteurs du développement et de la solidarité internationale, l’Agence française de développement, les ONG et les collectivités territoriales sont confortés dans leur rôle et dans leurs missions.

L’AFD, acteur pivot du dispositif français d’aide au développement, reçoit ainsi un engagement de l’État de 840 millions d’euros sur trois ans, afin de renforcer ses fonds propres et d’augmenter son niveau d’activité pour mettre en œuvre nos priorités. Soyez assurés que j’assume avec vigilance et exigence mon rôle de tutelle sur l’AFD.

Par ailleurs, le doublement de l’aide aux ONG est confirmé. Ainsi, 8 millions d’euros supplémentaires seront octroyés aux organisations impliquées dans l’aide au développement à travers l’AFD. En outre, nous mobiliserons un million d’euros supplémentaires pour celles qui se consacrent à l’aide humanitaire.

Nous avons également souhaité stabiliser les crédits de la coopération décentralisée, qui s’établissent à 9 millions d’euros, et renforcer et sécuriser le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités territoriales. La question a souvent été abordée au cours du tour de France que j’ai effectué dans le cadre de la semaine de la solidarité internationale. Je suis entièrement d’accord avec vous : le rôle des collectivités doit être reconnu. Je m’y emploie.

La concentration, dont le besoin est souligné par la loi, un vecteur d’efficacité ; elle permet d’être plus forts sur le terrain et de mieux mobiliser nos partenaires.

Nous renforçons le ciblage géographique. Comme vous le savez, nous avons défini seize pays pauvres prioritaires, auxquels nous accordons 50 % de nos subventions. L’Afrique et la Méditerranée concentreront 85 % de l’effort financier de l’État. J’espère que cet effort de concentration notable répondra à vos préoccupations.

Vous avez souligné l’importance de la francophonie. Je vous rejoins, d’autant qu’il y a un lien entre francophonie et développement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces deux secteurs ont été réunis au sein de mon secrétariat d’État. Nous devons être aux côtés de ceux qui nous sont proches et favoriser, certains l’ont souligné, les pays francophones. D’ailleurs, quinze des seize pays pauvres prioritaires sont francophones.

Nous confirmons en outre des priorités sectorielles.

Ainsi, la santé est un enjeu essentiel ; l’épidémie de fièvre Ebola en témoigne malheureusement. La priorité se traduit dans le budget. Le Président de la République a annoncé un plan de riposte au fléau d’un montant de 100 millions d’euros.

Ayant eu le privilège d’inaugurer le premier centre de traitement Ebola franco-guinéen en Guinée forestière à la mi-novembre, j’ai le plaisir de vous annoncer que sa première patiente, une jeune fille de treize ans, est aujourd'hui guérie.

La France est donc au rendez-vous et honore ses engagements.

Bien entendu, nous ne sommes pas seuls. Il faut féliciter et remercier l’ensemble des acteurs qui rendent possible l’action de solidarité de la France, dans un contexte très difficile. Comme l’a dit le coordinateur Ebola guinéen, avec qui j’ai inauguré le centre de Macenta, c’est ensemble que nous vaincrons l’épidémie.

Monsieur Hue, madame Lepage, plusieurs outils sont aujourd’hui mis à contribution pour organiser la riposte face au virus Ebola : les fonds d’urgence, l’AFD bien sûr, mais aussi l’aide alimentaire et les C2D.

La crise est en effet globale. Nous travaillons avec nos partenaires guinéens pour en atténuer les effets sur le système de santé et sur l’économie dans son ensemble.

Je n’oublie pas non plus la lutte contre la crise alimentaire qui pourrait survenir à partir de mars 2015 si nous ne réagissons pas suffisamment rapidement. Nous devons nous y préparer.

Nous devons aussi travailler sur la question, de plus en plus préoccupante, des orphelins guinéens, mais aussi, plus largement, sur le problème des enfants isolés en Sierra Leone et au Libéria.

Au sein du programme 209, 40 millions d’euros ont été spécifiquement prévus pour financer le plan de riposte français. J’y reviendrai tout à l’heure lorsque nous examinerons l’amendement du Gouvernement.

Nos efforts en matière de santé passent beaucoup, comme vous le savez, par les fonds verticaux. Le Fonds mondial recevra 360 millions d’euros par an jusqu’en 2016. Nous soutenons fortement UNITAID, en particulier grâce aux financements innovants. Et la France reste pleinement engagée auprès de l’organisation GAVI, dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre.

La priorité diplomatique de 2015, dont je veux aujourd’hui souligner l’importance, sera le climat. La France contribuera à hauteur de 1 milliard de dollars au Fonds vert pour le climat. Certains m’ont interrogée sur le financement de cette contribution. Il se compose d’un don de 489 millions d’euros, appuyé sur des financements innovants, et d’un prêt à taux zéro de 285 millions d’euros.

La jeunesse est aussi l’une de mes priorités transversales. Elle recouvre les enjeux de santé, mais aussi la question du dividende démographique, grand défi de l’Afrique, comme l’a d’ailleurs indiqué M. Revet, celle de l’accès à l’emploi des jeunes, surtout en milieu rural, mais aussi en milieu urbain, et bien évidemment l’éducation, en particulier des femmes. Nous aurons l’occasion d’en reparler. C’est en offrant un avenir à cette jeunesse que nous répondrons aux enjeux de mobilité.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons fait des choix que nous assumons. Surtout, nous renforçons notre efficacité. Plusieurs d’entre vous ont souligné ce besoin. Nous avons également évoqué la question lors du débat du mois de juillet. Enfin, les acteurs que j’ai rencontrés sur le terrain nous le demandent.

Si les Français restent solidaires – selon le sondage de l’AFD, 63 % d’entre eux sont favorables à notre politique d’aide publique au développement –, leurs exigences en termes d’utilisation des deniers publics augmentent d’autant. Il est important de les entendre et d’y répondre. La loi adoptée au mois de juillet avait anticipé une telle préoccupation.

En premier lieu, nous rationalisons nos actions. C’est ce que nous demandent aujourd'hui no concitoyens. C’est le choix que nous avons effectué en créant l’Agence française d’expertise technique internationale, l’AFETI, qui regroupera au 1er janvier six agences au sein d’une même entité. Je sais combien vous avez combattu pour qu’une telle avancée soit possible.

En second lieu, nous renforçons l’articulation et, surtout, le levier entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale. Il s’agit de créer une dynamique à l’échelon international. Le rapport entre aide bilatérale et multilatérale suscite toujours un vif débat. Je rappelle que, dans certains secteurs, seule l’aide multilatérale permet de faire face aux grands enjeux dont vous êtes nombreux à avoir parlé. Ces enjeux sont si importants aujourd'hui que, même en multipliant par dix le montant des aides publiques au développement international, on ne parviendrait pas à y faire face. Nous le verrons lorsque nous aborderons le chiffrage des objectifs de développement durable. Il faut donc relever ces défis différemment.

La France demeure le second contributeur au sein du Fonds européen de développement.

Je donnerai deux exemples emblématiques de l’effet de levier : d’une part, la création du Fonds Bekoû sur l’initiative de la France, afin de soutenir la République centrafricaine ; d’autre part, la mobilisation internationale face à la crise due au virus Ebola, dans laquelle la France a également joué un rôle moteur. Ces deux exemples montrent bien le caractère indispensable de l’aide multilatérale lors de crises importantes qui nécessitent de fortes mobilisations.

Accroître l’efficacité, c’est aussi faire le choix d’un travail collectif ; c’est en travaillant plus ensemble que l’on arrivera à répondre aux enjeux.

C’est aussi faire le choix de la transparence, dont les Français, je l’ai indiqué, sont demandeurs. La création de l’Observatoire du développement et de la solidarité internationale, prévue par la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale et que vous avez souhaité, répond à cet impératif. Ce texte a été adopté au mois de juillet dernier, après un large débat ici au Sénat.

Nous avons expérimenté la transparence lors du soutien que nous avons apporté au Mali après la crise que ce pays a connue.

La transparence, c’est aussi la possibilité offerte à chaque citoyen de suivre l’aide publique au développement. Aujourd'hui, grâce à un site internet, chacun peut suivre l’évolution des crédits et des projets que nous mettons en place avec nos partenaires, notamment avec les seize pays pauvres prioritaires. Tous ne sont pas encore en ligne aujourd'hui, mais ils le seront prochainement.

Chacun, y compris les citoyens des pays que nous aidons, peut réagir sur ce site internet. Notre site est très consulté au Mali par les habitants, qui signalent lorsqu’un projet n’avance pas comme cela est indiqué sur le site. C’est très bien. Il est très important de mobiliser les populations d’un côté comme de l’autre.

Nous demandons aussi à l’AFD de mettre en œuvre une telle politique de transparence, madame Aïchi.

Nous devons nous projeter. Comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, la question de la durabilité se pose. En 2015, nous adopterons les objectifs de développement durable, qui succéderont aux objectifs du Millénaire pour le développement. Ils ont vocation à s’appliquer à tous les pays. Nous travaillons aujourd’hui pour inciter tous les pays, y compris les pays émergents, à prendre en compte la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités, ainsi que la préservation de la planète. Le dérèglement climatique et la pollution représentent en effet des défis immenses pour tous les pays pauvres.

Avec un réchauffement de quatre degrés, ce qui est la tendance actuelle, on réduirait, par exemple, à néant tous les progrès accomplis dans la lutte contre la mortalité des enfants de moins de cinq ans ! On ne peut donc absolument pas accepter une telle évolution. Il faut revenir aux deux degrés, ce qui implique de négocier et d’obtenir un accord ambitieux à Paris en décembre 2015.

Nous avons adapté notre politique de développement aux défis de ce siècle. Il faut aller plus loin en ce sens. La France a déjà avancé sur ces questions, en particulier avec nos amis européens. Le monde est en train de faire de même. Nous n’avons pas le choix. Les populations l’exigent. Les mobilisations des ONG, mais également des collectivités territoriales ou, tout simplement, des citoyens, en témoignent.

Soyons clairs : apporter des réponses à ces défis globaux nécessitera, je le soulignais tout à l’heure, largement plus que les moyens actuels de l’aide publique au développement. C’est pourquoi il est important de travailler en partenariat avec les entreprises et de mobiliser l’ensemble des ressources possibles autour de ce grand défi qui nous attend.

Oui, monsieur Fournier, nous devons être innovants et développer une approche globale dans laquelle tous les acteurs jouent leur rôle ! Il faut renforcer les ressources propres et la gouvernance démocratique, lutter contre les paradis fiscaux et encourager l’implication, avec des règles, du secteur privé. Je pense en particulier aux coalitions d’acteurs mises en avant par le rapport Faber et aux pistes sur lesquelles travaillent aujourd’hui nos services.

Monsieur del Picchia, vous avez conditionné votre vote à ma réponse – mais je vous aurais répondu même sans cela

Sourires.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie

C’est un problème important, même si je n’en connaissais pas l’ampleur, en tout cas celle que vous avez décrite. Je m’engage à en parler à ma collègue chargée de la santé pour le volet technique qui relève de sa compétence. Et je parlerai avec les ambassadeurs pour voir comment remettre le sujet à l’ordre du jour. Je ne prends pas d’engagement à ce stade, mais je vous invite à venir me rencontrer pour m’exposer la problématique plus en détail.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d'État

Vous avez évoqué certains pays ; j’aimerais en savoir plus.

Au demeurant, députée ultramarine avant ma nomination comme secrétaire d’État, je m’étais penchée sur le cas des Français qui avaient travaillé dans les Nouvelles-Hébrides. À l’époque, c’était un territoire français ; aujourd’hui, c’est devenu le Vanuatu. Or personne ne veut prendre en compte les années concernées dans le calcul des retraites… Il y a donc plusieurs questions qui méritent un examen attentif.

MM. Collin et de Raincourt m’ont interrogée sur la Réserve pays émergents, la RPE. Il y a eu, semble-t-il, un malentendu et une mauvaise interprétation sur la portée de l’article.

Notre volonté n’est pas de ne plus faire de RPE au sens actuel du terme ; c’est un instrument à la fois de commerce extérieur et de développement. Ne croyez pas le programme 851 ne sera plus qu’un simple outil de commerce extérieur ; c’est une interprétation erronée.

Même après le changement de nom, on continuera d’étudier prioritairement les projets servant à la fois le commerce extérieur, mais aussi le développement. Il faut toutefois avoir conscience de l’érosion naturelle des pays éligibles à la RPE, de sorte que, compte tenu des contraintes imposées par l’OCDE pour ce type de soutien, la mobilisation sera moindre à l’avenir, puisqu’il y aura moins de monde au rendez-vous. Je peux donc vous rassurer sur le maintien d’une part significative de projets financés à destination des pays émergents.

Je crois en notre volonté collective de réussir à dépasser nos divergences pour mettre en œuvre cette politique de solidarité dont nous pouvons tous être fiers !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées de l'UMP, et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance, afin de terminer l’examen de cette mission.

Il n’y a pas d’observations ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous allons donc maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Aide publique au développement

Aide économique et financière au développement

Solidarité à l’égard des pays en développement

Dont titre 2

201 792 732

201 792 732

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° II-284, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Aide économique et financière au développement

Solidarité à l’égard des pays en développement

Dont Titre 2

Total

Solde

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d'État

Lors des débats en première lecture à l’Assemblée nationale, un montant de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement a été transféré du programme 110 vers le programme 209 au sein de la mission « Aide publique au développement », dans un contexte d’inquiétude sur le financement de la lutte contre l’épidémie Ebola, et sur la base d’une analyse alors incomplète des incidences de ce changement de répartition.

La préoccupation des députés était d’accroître la part des dons par rapport à celles des prêts. Or cet objectif ne peut pas être atteint aujourd’hui. Pire, sa mise en œuvre déstabilisera notre dispositif d’aide, et ce pour quatre raisons.

Premièrement, il est juridiquement impossible de dégager 35 millions d’euros sur l’enveloppe de bonifications par l’État de prêts accordés par l’AFD. En effet, ces bonifications couvrent exclusivement des engagements antérieurs, à 98 % des montants, pour lesquels l’AFD est juridiquement engagée avec les pays bénéficiaires. Ces crédits de paiement ne peuvent donc pas être diminués, sauf à renégocier avec chacun des pays concernés les contrats engagés, ce qui est pour le moins délicat.

Deuxièmement, les seuls crédits qui seraient alors directement mobilisables pour financer un tel mouvement sont ceux qui portent sur les aides budgétaires globales en faveur de l’Afrique subsaharienne, c’est-à-dire des dons, et non pas des prêts. Or ces dons sont actuellement accordés aux pays les plus pauvres, comme le Mali et le Niger. Ils passeraient ainsi de 50 millions d’euros à 15 millions d’euros. L’application de la mesure votée en première lecture à l’Assemblée nationale aurait donc des conséquences très sérieuses, contraires aux objectifs et à l’esprit du débat que nous avons eu à l’Assemblée nationale.

Troisièmement, et ce serait une autre conséquence non négligeable, une diminution des seules autorisations d’engagement se traduirait par une baisse de l’aide publique au développement de la France de l’ordre de 400 millions d’euros !

Les prêts accordés par l’AFD exercent un fort effet de levier sur le calcul de notre aide publique au développement. Cette baisse de subvention touchera en priorité les pays qui bénéficient de bonifications, et donc d’un coût état des prêts. Comme vous le savez, ces pays se situent à 85 % sur le continent africain. Au demeurant, cela correspond à l’engagement que nous avons pris lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement.

Quatrièmement, depuis la lecture à l’Assemblée nationale et dans le cadre de la fin de gestion 2014, le Gouvernement, prenant en compte vos préoccupations liées à la grave crise ouverte par le virus Ebola, a dégagé une première enveloppe de 30 millions d’euros, notamment pour mettre sur pied le centre de traitement des malades que je suis allée inaugurer à Macenta en Guinée forestière voilà deux semaines.

De même, en 2015, comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, une autre enveloppe de 40 millions d’euros a été dégagée par le Gouvernement et approuvée par l’Assemblée nationale pour assurer le fonctionnement de ce type de centre et la réussite du plan de riposte que nous avons mis en route.

Ainsi, parce que le Gouvernement est déterminé à apporter une réponse forte et rapide à la crise due au virus, nous avons déjà mobilisé l’ensemble des crédits nécessaires à cette riposte, soit plus de 100 millions d’euros aujourd’hui.

Ce n’est pas que je n’aimerais pas obtenir plus de crédits pour ce programme – j’en serais au contraire ravie –, mais la mise en œuvre de la décision prise par l’Assemblée nationale aurait des effets contre-productifs. Le Gouvernement vous propose donc d’y revenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Toutefois, mon corapporteur Yvon Collin et moi-même y sommes défavorables.

La mesure adoptée par l’Assemblée nationale correspond au souhait du Parlement de rappeler l’importance des dons, …

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

… notamment à l’égard des pays les plus pauvres, contrairement à l’argument que vous venez d’avancer.

À mon sens, il y a un accord général sur l’importance des dons dans la politique d’aide publique au développement.

Selon Mme la secrétaire d’État, la baisse des crédits du programme 110 aurait pour effet non pas une diminution des prêts, mais une baisse des dons ; c’est l’argument inverse. §

Pourtant, je constate que, malgré la diminution des 35 millions d’euros de crédits votée à l’Assemblée, le Gouvernement a demandé et obtenu en deuxième délibération, aussi appelée « rabot », une diminution supplémentaire de 11 millions d’euros. On a donc quelque peine à croire que cette somme de 35 millions d’euros était indispensable. D’ailleurs, ce même gouvernement nous a expliqué que la baisse était permise par une « rationalisation des interventions du programme ».

Je souhaite aborder quelques éléments financiers concernant l’année 2014. Le décret d’avance de fin novembre a annulé pas moins de 228 millions d’euros, cette fois en autorisations d’engagement sur le programme que vous voulez alimenter en crédits de paiement. Cette annulation aura sans doute un effet mécanique sur les crédits de paiement nécessaires en 2015. On peut donc penser qu’il reste des marges de manœuvre sur ce programme 110 en dehors des « aides budgétaires globales ».

Nous voulons adresser un message de cohérence sur cette politique d’aide au développement, dont les uns et les autres ont rappelé l’insuffisance en termes de financement : d’une part, l’objectif des 0, 7 % du PIB n’est toujours pas atteint ; d’autre part, les ressources supplémentaires, notamment la taxe sur les transactions financières, ont été « mangées » par des réductions de crédits budgétaires. Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Prêts à des États étrangers

Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 3 décembre 2014, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (107, 2014-2015).

Examen des missions :

- Recherche et enseignement supérieur ;

MM. Philippe Adnot et Michel Berson, rapporteurs spéciaux (rapport n° 108, tome 3, annexe 24) ;

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome 6) ;

M. Jacques Grosperrin et Mme Dominique Gillot, rapporteurs pour avis de la commission de la culture (avis n° 112, tome 5) ;

Mme Geneviève Jean, rapporteur pour avis de la commission du développement durable (avis n° 113, tome 8).

- Politique des territoires (+ article 57 ter) ;

Compte spécial : financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ;

MM. Pierre Jarlier et Daniel Raoul, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome 3, annexe 22) ;

Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome 8) ;

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable (avis n° 113, tome 7).

- Égalité des territoires et logement (+ articles 52 à 54) ;

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome 3, annexe 12) ;

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome 7) ;

M. Jean Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 111, tome 3).

- Défense ;

Compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunication de l’État ;

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome 3, annexe 8) ;

MM. André Trillard et Jeanny Lorgeoux, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome 5) ;

M. Yves Pozzo di Borgo et Mme Michelle Demessine, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome 6) ;

MM. Robert del Picchia et Gilbert Roger, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome 7) ;

MM. Jacques Gautier, Xavier Pintat et Daniel Reiner, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome 8).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 3 décembre 2014, à zéro heure quinze.