Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous faisons face à un paradoxe historique. L’aide publique au développement fait partie des missions les plus sollicitées au titre de l’effort de redressement de nos finances publiques. Comme le dit l’adage : « Charité bien ordonnée commence par soi-même ». Toutefois, je ne crois pas que l’on puisse analyser les crédits de cette mission comme une variable d’ajustement budgétaire. On ne peut pas faire d’économie sur l’aide au développement, qui est une nécessité absolue.
Ce postulat est l’un des axes majeurs du travail de l’UDI. Le développement de l’« Europe-Afrique » doit effectivement devenir une priorité absolue. Pour nous, l’Afrique peut devenir un relais de croissance pour la France et pour l’Europe. Je ne peux démarrer mon propos sans rendre hommage à l’action actuelle de Jean-Louis Borloo, qui s’est engagé dans un projet de fondation pour l’énergie en Afrique.
Que nous dit-il ? « L’Afrique est en panne, faute d’électricité : 70 % des Africains n’ont ni lumière, ni électricité, ni énergie ». Pour lui, « l’obscurité appelle l’obscurantisme ». En effet, « l’absence d’énergie, c’est le risque de chaos, de déstabilisation et de pauvreté. Le choix est simple. Ou l’Afrique sera le continent des drames du XXIe siècle pour elle comme pour nous, ou elle sera celui d’un grand développement et un relais de croissance pour la France et pour l’Europe. Le destin de l’Europe et de l’Afrique sont liés. » Il pose aussi la question : « Si l’on continue comme cela, que va-t-on faire ? Dresser des murailles entre l’Afrique et nous, pour empêcher l’arrivée des réfugiés climatiques et des enfants de la grande pauvreté ? »
La Méditerranée est désormais le théâtre régulier de drames qui heurtent nos consciences. Il ne serait pas à notre honneur de dépenser sans compter pour notre protection sociale au détriment de notre responsabilité à l’égard de notre prochain, qui vit dans le dénuement, au prétexte qu’il serait né sur un autre continent.
Pourtant, alors que nous avons atteint un plus haut historique mondial en 2013, avec 134, 8 milliards de dollars versés par les pays membres du Comité d’aide au développement, l’aide de la France a fortement diminué ces dernières années, passant de 0, 5 % de son revenu national brut en 2010 à 0, 41 % en 2013.
C’est ici que se loge le paradoxe. Comment pouvons-nous rogner l’aide publique au développement alors que nous avions décidé de l’augmenter et que sa faiblesse passée a conduit à la fois à la prolifération des mouvements terroristes, contre lesquels nous combattons au Mali, et, à l’arrivée, de nombreux migrants, que nous peinons à accueillir dignement en France ?
Les deniers publics se font plus rares chaque jour, à mesure que la crise économique s’approfondit. La France doit affronter deux défis pour honorer son rang et maintenir sa politique d’aide au développement.
Le premier défi est le financement de l’aide publique au développement.
En effet, dans le rapport annexé à la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, que le Sénat a examinée au printemps dernier, un seul petit paragraphe était consacré aux financements innovants de l’aide publique au développement. Nous connaissons la taxe sur les transactions financières et, bien entendu, la taxe sur les billets d’avion. Je salue Yves Pozzo di Borgo, qui travaille beaucoup sur le sujet. L’idée est d’affecter des ressources stables et dynamiques au financement de notre politique de solidarité internationale. À l’instar des précédents orateurs, je rappelle que ces ressources n’ont pas vocation à devenir un substitut à l’engagement budgétaire de l’État. Il s’agit d’un complément, d’un additif, et non d’un produit de substitution.
En l’espèce, on peut se féliciter que le présent projet de loi de finances, du moins d’après l’analyse qui en est faite par nos rapporteurs spéciaux, porte la trace du dynamisme des recettes affectées au financement de l’aide. D’après les travaux de nos rapporteurs, les financements innovants auraient permis de récolter près de 92 millions d’euros de plus que l’année précédente.
Les recettes sont donc particulièrement dynamiques. Prenons l’exemple de la taxe sur les transactions financières, dont près de 100 millions d’euros du produit ont été affectés l’an passé à l’APD. En 2015, ce montant sera porté à 140 millions d’euros, puis à 160 millions d’euros en prévisionnel pour 2016. Les recettes affectées semblent donc être en mesure de prendre le relais des crédits budgétaires prélevés sur le budget général de l’État.
Je le dis clairement, je regrette que l’État se défausse à ce point de ses responsabilités internationales et qu’il ne mesure pas pleinement la nature stratégique de cette mission. En l’état actuel, la prolifération de taxes fiscales ou parafiscales sur les transactions financières, les billets d’avion ou encore le numérique, comme certains commencent à l’imaginer, ne saurait remplacer l’engagement incontournable de l’État.
Le deuxième défi que nous avons à affronter est celui de la gestion de la réduction de la dépense.
On peut le regretter, mais les crédits globaux de l’APD baissent de 214 millions d’euros cette année, en dépit de la montée en puissance des ressources nouvelles.
Le défi a été relevé du côté gestionnaire. Ainsi, les moyens de l’Agence française de développement sont préservés, voire légèrement renforcés. C’est en phase avec les objectifs qui lui ont été fixés dans le contrat d’objectif et de moyens, ou COM, pour les années 2014-2016. Ce document prévoit une progression de 9 % de ses engagements en trois ans.
Principale innovation cette année, la mise en place de l’Agence française d’expertise technique internationale donnera plus de visibilité à la coopération technique française et permettra de centraliser les fonctions transversales, donc de réaliser des économies.
En revanche, du côté des dépenses d’intervention, je souhaiterais revenir sur la question du ciblage de notre aide au développement.
Je ne remettrai jamais en cause le principe de la solidarité internationale. En bon adepte des classiques, je rejoins Montesquieu, pour qui « le doux commerce » favorise les échanges entre les peuples. Autrement dit, la solidarité internationale est l’élément indispensable pour développer nos futurs partenaires économiques, et donc nos futurs relais de croissance économique à l’extérieur. Investir dans l’aide publique au développement revient donc à investir dans la croissance du commerce extérieur de demain.
Pour que ce théorème puisse se vérifier, encore faut-il que l’aide soit bien ciblée.
Le Brésil est le deuxième bénéficiaire de l’aide publique au développement française en Amérique du Sud. Est-ce qu’un pays émergent, membre du G20, peut encore être considéré comme un pays en voie de développement ? J’évoque le Brésil, mais je pourrais aussi prendre l’exemple du Mexique. Le défaut de ciblage est encore plus patent en Asie, où nous versons une partie de notre aide à la Chine et à l’Inde.
Bien évidemment, toutes ces situations ne sont pas exactement comparables. Certes, la pauvreté doit être combattue dans chaque pays, mais tous ces pays ne sont pas engagés dans la même trajectoire. Je souhaite donc qu’une évaluation poussée du ciblage de notre soutien international soit réalisée afin de mieux viser les pays ayant besoin prioritairement d’une aide de plus en plus difficile de financer.
À titre de comparaison internationale, le Royaume-Uni, malgré une politique rigoureuse de réduction de ses dépenses publiques, a sanctuarisé son aide publique au développement, et en a même augmenté les crédits, ce qui lui permet aujourd’hui d’atteindre l’objectif de 0, 7 % du revenu national brut. J’aurais également pu citer l’Italie, qui s’inscrit dans la même démarche.
En France, nous avions également fixé l’objectif de 0, 7%. Pourtant, nous peinons à atteindre les 0, 5 %, tout comme nous avons également du mal à respecter nos engagements européens en matière de réduction du déficit public.
Les pays que je viens d’évoquer affrontent, comme nous, une crise économique grave, mais ils n’abandonnent pas pour autant leurs engagements en matière d’aide au développement.
L’aide publique au développement est une démarche qui nécessite un large consensus. Le groupe UDI-UC soutiendra l’adoption des crédits de la mission. §