Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 2 décembre 2014 à 22h00
Loi de finances pour 2015 — Compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après la politique étrangère française dans son ensemble, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Aide publique au développement», qui voit malheureusement cette année encore son enveloppe totale diminuer de 2, 9 % par rapport à 2014, pour s’établir à 2, 8 milliards d’euros de crédits.

Conscients des contraintes budgétaires actuelles, les écologistes s’inquiètent toutefois de la baisse continue depuis 2010 de l’aide publique au développement. Alors qu’elle représentait 0, 5 % du revenu national brut cette année-là, l’APD française a chuté à 0, 41 % en 2013, bien loin de l’objectif international des 0, 7 %.

Le drame sanitaire qui se joue en ce moment en Afrique nous rappelle tristement à quel point notre aide est primordiale.

Toutes les trois heures, c’est l’équivalent des victimes de l’attentat du World Trade Center en 2001 qui meurent de faim dans le monde. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, entre 75 millions et 250 millions d’Africains seront exposés à un risque accru de stress hydrique d’ici à 2020.

Rationaliser notre aide ne doit pas signifier l’abandonner !

Je reviendrai tout d’abord sur les crédits alloués à l’Agence française de développement, dont les moyens sont préservés, voire légèrement renforcés dans le budget 2015. Je m’interroge sur une telle tendance. Selon moi, cela ne répond pas à l’objectif de transparence qui a été mis en avant lors des débats du mois de mai dernier sur le pilotage de l’aide.

Ayant bénéficié d’un passe-droit, l’Agence française de développement s’est vu exonérer de tout type de contrôle ou de mesures contraignantes visant à en assurer une meilleure gestion. Or, selon un rapport publié le 4 novembre 2014 par l’ONG Eurodad, un grand nombre des intermédiaires par lesquels transitent les financements européens de l’aide au développement sont basés dans des paradis fiscaux.

Ainsi, près de 400 millions d’euros destinés aux pays en développement ont été injectés ces dix dernières années dans des sociétés basées dans des paradis fiscaux par Promotion et participation pour la coopération économique, ou PROPARCO, filiale de l’AFD. Toutes les dispositions ont-elles été prises pour mettre fin à ce qui pourrait s’apparenter à un scandale ?

En attendant, le groupe écologiste salue les modifications apportées à l’Assemblée nationale visant à transférer 35 millions d’euros des crédits de l’AFD en matière de bonification des prêts aux États étrangers vers la coopération bilatérale.

En effet, les programmes bilatéraux de renforcement institutionnel et de gouvernance sont essentiels pour notre politique non seulement de prévention des conflits, mais également d’accompagnement et de reconstruction dans des zones en crise.

Le Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, est un instrument privilégié de la coopération bilatérale. Il vise à accompagner les seize pays pauvres prioritaires définis par la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Or l’évolution à la baisse du fonds depuis 2010 est en contradiction avec le principe même de partenariats différenciés, consacré dans cette loi.

Au mois de mai 2013, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait à juste titre : « Nous sommes en train de gagner la guerre au Mali ; il faut maintenant gagner la paix. »

Il s’agit non pas uniquement de sécuriser une zone, mais bel et bien d’apporter une aide, la plus complète qui soit, pour permettre un apaisement politique, économique et social global. Nous en avons la preuve tous les jours : le « tout sécuritaire » ne fonctionne pas.

C’est pourquoi nous devons sans cesse adapter notre aide aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Les débats que nous avons eus au sein de la Haute Assemblée au mois de mai dernier, lors de l’examen de notre politique de développement, ont mis en avant, à la grande satisfaction du groupe écologiste, l’impératif environnemental. En effet, nul ne peut aujourd’hui encore réfuter la prégnance du changement climatique sur le développement d’un pays.

Dans son rapport de mars 2014, ainsi que dans celui du début du mois de novembre, le GIEC a une nouvelle fois affirmé que le changement climatique affectait l’intégrité des États en fragilisant leur souveraineté, avec des répercussions sur les infrastructures étatiques les plus sensibles.

Est-il encore nécessaire d’expliciter devant vous les ravages dans les pays en développement des stress hydriques et nourriciers, de la course effrénée aux matières premières, de l’accaparement des terres rares ou encore des tensions énergétiques ?

La France se doit d’être pionnière dans ce domaine, et ce avant la tenue de la Conférence Paris Climat, ou COP 21, en 2015 ! Nous devons nous montrer ambitieux en termes de cohérence de nos politiques et de financement de projets en amont, afin que le débat sur le changement climatique avance.

À cet égard, je me réjouis de la reconnaissance des « pays en grande difficulté climatique » dans la politique de développement de la France. Madame la secrétaire d’État, l’enjeu climatique étant un enjeu mondial, dans quelle mesure la France pourrait-elle porter cette notion devant la communauté internationale dans le cadre de la COP 21 ?

La baisse continue des moyens alloués à notre politique d’aide envoie un message contradictoire aux pays en développement. Si le Fonds vert pour le climat est une initiative qui va dans le bon sens, les incertitudes demeurent quant aux modalités concrètes de son financement. Où en est-on à ce sujet ?

Madame la secrétaire d’État, au mois de mai dernier, nous regrettions tous l’absence d’un volet budgétaire dans la loi d’orientation et de programmation. Nous y voici. Toutefois, le groupe écologiste considère que ce budget n’est pas en adéquation avec les principes érigés dans notre politique de développement. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

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