Intervention de Bernard Fournier

Réunion du 2 décembre 2014 à 22h00
Loi de finances pour 2015 — Compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Photo de Bernard FournierBernard Fournier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remplace ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam, oratrice de notre groupe, qui souffre d’une extinction de voix.

Nous ne pouvons que constater le fossé entre notre engagement international de consacrer 0, 7 % de notre revenu national brut à l’aide publique au développement et la réalité. Malgré la crise économique, le Royaume-Uni vient, lui, de réussir à atteindre ce seuil. C'est la preuve que, quand la volonté politique est là, tout est possible !

Le renoncement français est d’autant plus honteux que la toute nouvelle loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale avait, elle, réitéré un tel objectif.

Dans ce contexte budgétaire contraint, les financements innovants sont évidemment source d’espoir. Las ! Bruno Le Roux propose de supprimer la taxe de solidarité sur les billets d’avion, qui finance la lutte contre le sida. Une défection française dans ce domaine nuirait d’autant plus à notre image internationale que ce dispositif innovant, dont la France avait été pionnière, continue à attirer de nouveaux pays, par exemple le Maroc et le Japon.

Plus précisément, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale souhaiterait transformer ce prélèvement en taxe sur le secteur de la grande distribution et le secteur bancaire. Or cette nouvelle assiette toucherait bien davantage les consommateurs à faibles revenus, alors que le surcoût actuel d’un à quatre euros par billet d’avion est parfaitement indolore. Que la proposition de M. Le Roux soit ou non retenue, le Gouvernement a déjà décidé en 2014 de plafonner cette taxe, avec des effets immédiats sur les recettes : une baisse de 12 millions d’euros en 2015, qui pourrait atteindre jusqu’à 21 millions d’euros en 2017 !

La taxe sur les transactions financières connaît également un problème d’assiette et manque largement sa cible en ne touchant ni les produits dérivés ni les transactions à haute fréquence. Les taxer aurait pourtant le double avantage d’être rémunérateur pour les finances publiques et de décourager une spéculation qui continue de faire peser de lourds périls sur notre système financier. Il est donc particulièrement regrettable que la France, non contente d’avoir instauré sur son territoire une taxe édulcorée, bien plus légère que celle existant au Royaume-Uni par exemple, fasse maintenant pression pour que la taxe européenne sur les transactions financières soit, elle aussi, vidée de son sens.

Je m’inquiète aussi du plafonnement du reversement de ces taxes au budget de l’aide publique au développement. Actuellement, seuls 15 % des bénéfices de la taxe sur les transactions financières sont censés être fléchés vers la solidarité internationale, mais avec un plafonnement à 100 millions d’euros. Dès lors, l’annonce d’un relèvement à 25 % de la part de cette taxe fléchée vers l’APD est quelque peu mensongère, puisqu’un plafonnement à 130 millions d’euros ou 140 millions d’euros empêchera largement cette aide de bénéficier de la montée en puissance du dispositif.

Il est donc de plus en plus clair que les financements innovants ne parviendront jamais à compenser le tarissement de l’aide publique. En effet, à contre-courant de la tendance mondiale, celle-ci aura diminué de 20 % entre 2011 et 2017. Dans ce contexte morose, sans doute faut-il se tourner vers nos voisins européens pour élaborer de nouveaux outils.

Il nous faut aussi réexaminer le rôle de l’État dans l’aide publique au développement. Voulons-nous camper dans la seule posture, forcément frustrante, du pourvoyeur d’une manne financière qui s’épuise ou sommes-nous prêts à nous impliquer politiquement, afin d’aider les pays en développement à lutter contre la corruption et à améliorer l’efficacité de leur système fiscal ? En ce sens, la responsabilité française est grande pour promouvoir des pratiques plus saines en matière de commerce international, d’investissement et de lutte contre les paradis fiscaux.

Ainsi que plusieurs collègues l’ont déjà largement évoqué, une part croissante de l’aide publique au développement française est consacrée à des prêts, au détriment des dons. Si la coopération avec les pays émergents pour faire face aux défis environnementaux et climatiques est légitime, elle ne doit pas se faire au détriment des subventions aux pays les moins avancés, incapables de recourir à de tels prêts. De même, si le prêt est un bon instrument pour des projets d’infrastructure, il est inadapté pour financer des actions dans les secteurs à but non lucratif, tels que la santé, l’alimentation, les droits des femmes ou l’éducation.

Or ces secteurs sont essentiels, non seulement pour le développement des pays concernés, mais aussi pour le renforcement d’une mondialisation mieux régulée et, par là même, pour la prévention ou la résolution de graves crises géopolitiques.

Je regrette la baisse de 10 % des crédits du FSP et le dépôt par le Gouvernement d’un amendement revenant sur le vote unanime des députés, qui visait à la limiter.

J’aimerais d’ailleurs connaître les conséquences de la diminution du budget du FSP sur le programme « 100 000 professeurs pour l’Afrique », visant à améliorer la qualité de l’enseignement en français, au moyen d’actions de formation des enseignants en Afrique. Cette initiative répond à la fois aux objectifs de l’aide publique au développement et à ceux de la francophonie, et il me semble important qu’elle continue à être suffisamment financée. Je remarque aussi que seuls 10 % des engagements de l’AFD ont été consacrés à l’éducation ou à la santé en 2013.

L’épidémie de fièvre Ebola illustre de manière dramatique les conséquences du désintérêt dont la communauté internationale a fait preuve à l’égard de la faiblesse du système de santé en Afrique. Faute d’avoir effectué un travail de prévention, des milliards seront maintenant nécessaires pour lutter contre la pandémie et remettre les économies des pays touchés à flot. Un appui logistique, humain et scientifique plus précoce aurait permis non seulement de sauver des milliers de vies, mais aussi de prévenir le coût faramineux d’Ebola pour les économies d’Afrique de l’Ouest.

Avant de conclure, je souhaiterais insister sur la nécessité d’investir pour les femmes, notamment pour leur éducation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion