Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les orateurs précédents, l’aide publique au développement prend toute sa part dans la réduction des déficits publics ; peut-être même un peu trop, serais-je tentée d’ajouter…
Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit en effet de réduire les crédits de près de 3 % cette année et de plus de 7 % jusqu’en 2017. À l’heure où le monde connaît de graves crises sécuritaires, sanitaires ou environnementales, n’est-il pourtant pas de la responsabilité des pays les plus développés d’aider les pays les plus pauvres ? C’est, me semble-t-il, la raison d’être de la politique publique d’aide au développement.
Bien entendu, la France n’est pas seule à avoir opté pour une réduction de son aide. Des pays eux aussi confrontés à des politiques de restrictions budgétaires, comme le Portugal ou le Canada, ont fait des choix similaires.
Cependant, d’autres pays ont nettement renforcé leur aide publique au développement. C’est le cas du Royaume-Uni, de l’Italie ou de la Norvège.
L’année passée, l’aide de la France était évaluée à 0, 41 % de son revenu national brut, le RNB. Avec ces nouvelles restrictions, elle ne pourra atteindre l’objectif de 0, 7 % du RNB, pourtant fixé à tous les pays dits « développés » dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement. Je le déplore.
Cependant, je reconnais bien volontiers que, malgré ces choix difficiles et douloureux, notre pays reste un acteur incontournable de l’aide au développement, ce dont je me réjouis.
La France est le cinquième contributeur mondial derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. L’Agence française de développement, outil incontournable de l’aide publique au développement dans notre pays, voit d’ailleurs, conformément au contrat d’objectifs et de moyens 2014-2016, ses moyens confirmés et ses fonds propres renforcés. Dans ce contexte, cela doit naturellement être salué.
De plus, l’adoption en juillet 2014 de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale montre le profond attachement de notre pays à cet outil et notre volonté d’inscrire l’aide au développement dans une nouvelle dynamique. La baisse des crédits nous oblige aujourd’hui à envisager autrement l’APD en matière de financement, d’efficacité, de transparence et de stratégie.
Ainsi que plusieurs collègues l’ont rappelé, de nouvelles sources de financement ont dû être identifiées. La taxe sur les transactions financières, qui sera désormais affectée à hauteur de 25 %, et non plus seulement de 15 %, pourra rapporter 140 millions d’euros en 2015 à l’APD. La taxe de solidarité sur les billets d’avion devrait également rapporter 210 millions d’euros.
L’apport de ces deux taxes n’est pas négligeable et permet de compenser partiellement la baisse des crédits, mais il ne doit en aucun cas se substituer à l’aide publique au développement.
Une réforme de la gestion des contrats de désendettement et de développement, les C2D, qui participent au financement de l’APD dans les pays pauvres très endettés pourrait également être la bienvenue. En effet, il n’y a pour ainsi dire pas eu d’évaluation de ce dispositif, dont je rappelle qu’il est une spécificité française. Pourtant, des lourdeurs existent manifestement et le fonctionnement demande à être amélioré.
Du fait des restrictions budgétaires que connaissent la majorité des États, le renforcement de la gestion de l’aide est aujourd’hui indispensable. Les principaux acteurs du développement ont récemment pris conscience que la question de l’efficacité revêtait la même importance que la question du volume d’aide. En 2011, le forum de Busan, en Corée du Sud, avait d’ailleurs déjà lancé le Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement.
L’efficacité de l’aide est également une condition pour conserver le plein soutien des populations des pays contributeurs. On estime aujourd’hui que 68 % des Français privilégient l’augmentation ou le maintien du budget consacré à l’APD, ce qui est significatif. Il s’agit donc de conserver ce formidable et si précieux soutien.
Le renforcement de la transparence, souhaité dans la loi du 7 juillet 2014, participe aussi de cet objectif. Le lancement d’un site internet qui permettra une vision plus claire des fonds consacrés à l’aide au développement dans les pays dits « prioritaires » est un premier pas important. Il est aussi nécessaire d’améliorer la traçabilité de l’aide, notamment dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Plusieurs experts estiment qu’il est aujourd’hui impossible de suivre la subvention de 40 millions d’euros accordée à l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural, l’IAEAR, de la Banque africaine de développement, car aucune information sur l’utilisation des fonds n’est rendue publique. Ce n’est qu’un exemple, mais il montre bien que des efforts restent à accomplir en matière de traçabilité des financements.
Par ailleurs, la question de la stratégie est également incontournable. Sur le plan géographique, il convient de cibler davantage les pays qui bénéficient de notre aide. Il est prévu que les seize pays pauvres prioritaires reçoivent à l’avenir 50 % de nos subventions, et que 85 % de l’effort financier de l’État soit orienté vers l’Afrique subsaharienne et la Méditerranée.
Sans remettre en cause l’aide, justifiée, que perçoivent les seize pays pauvres prioritaires, j’estime que l’APD française doit bénéficier en priorité aux pays africains francophones, qui nous sont historiquement, culturellement et économiquement liés. Compte tenu de la forte poussée démographique que connaît et que connaîtra l’Afrique dans les prochaines années, aider ces pays aujourd’hui doit aussi être considéré comme un investissement sur l’avenir.
Il est également vital de préciser nos choix thématiques. La santé – la terrible actualité récente en témoigne indéniablement – doit être une priorité.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme recevra 360 millions d’euros par an jusqu’en 2016. Face à l’épidémie de fièvre Ebola qui touche l’Afrique de l’Ouest depuis plusieurs mois et qui a déjà causé la mort de plus de 7 000 personnes, 100 millions d’euros ont été débloqués en urgence par la France, dont 20 millions d’euros immédiatement. Madame la secrétaire d’État, si un tel effort financier honore notre pays, je vous serai très reconnaissante de nous préciser sur quelles missions ces crédits seront pris.