Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les chiffres, positifs ou négatifs, qui ont été rappelés. Tout le monde les connaît.
Je partage les propos de la plupart de mes collègues. D’ailleurs, on ne peut pas m’accuser de ne pas soutenir le Gouvernement dans le domaine de l’aide publique au développement. J’avais été l’un des deux membres de mon groupe à voter la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. En effet, outre qu’il n’y avait pas eu de loi sur le sujet auparavant, je soutenais l’excellent travail du rapporteur Christian Cambon sur ce texte.
Notre politique d’aide au développement est ce qu’elle est. Nous faisons ce que nous pouvons. Certes, nous n’avons pas atteint l’objectif de 0, 7 % du RNB. Mais rares sont ceux qui y parviennent, exception faite de la Norvège et d’un ou deux autres États.
Quoi qu’il en soit, nous sommes sur la bonne voie. Nous ne ferons pas de reproche au Gouvernement à cet égard, même si nous regrettons que notre pays ne se situe pas dans les normes et ne parvienne pas à réunir les sommes suffisantes pour intervenir. Je salue l’APD française et les initiatives prises en la matière.
Le problème que je souhaite évoquer concerne indirectement l’aide au développement.
L’aide et les subventions que nous versons justifient-elles que certains des pays concernés par notre politique, plutôt généreuse, oublient leur dette envers nos ressortissants ?
En effet, nombreux sont les Français retraités qui ont travaillé, voire ont effectué une bonne partie de leur carrière à l’étranger, en particulier en Afrique. Or plusieurs pays – je pense par exemple à la République de Djibouti – ne versent pas leurs pensions à certains de nos compatriotes.
Depuis ma première élection au Sénat en 1998, je n’ai eu de cesse d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation.
En 2007, l’adoption d’un amendement que j’avais déposé a eu pour effet de suspendre la signature d’un document-cadre de partenariat avec le Congo jusqu’au déblocage du paiement des arriérés de pensions et à la reprise du versement des pensions courantes à nos ressortissants. J’avais reçu l’appui des collègues siégeant sur toutes les travées de la Haute Assemblée. À l’époque, plus de 500 Français ayant travaillé au Congo ne touchaient plus leur retraite depuis dix ou quinze ans ! Quelques jours après, le ministre des finances de l’époque s’inquiétait dans mon bureau du blocage de l’accord-cadre et me demandait de faire quelque chose… Du coup, le paiement des retraites a repris et tout s’est bien passé pendant quelque temps, malgré quelques aléas. Vous voyez, cela fonctionne : lorsqu’un accord-cadre est bloqué parce que le Parlement ne le vote pas, le Gouvernement doit réagir !
Je regrette de devoir cette année encore tirer la sonnette d’alarme pour nos compatriotes retraités qui se retrouvent à quémander les minima sociaux français, alors qu’ils ont travaillé et cotisé toute leur vie à l’étranger. La situation est intolérable. Madame la secrétaire d’État, je vous demande donc d’intervenir fortement auprès des ambassadeurs des pays défaillants pour que tous les cas individuels concernés soient régularisés au plus vite.
Par ailleurs, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, refuse d’appliquer la jurisprudence reconnaissant le bénéfice du cumul des conventions à nos compatriotes ayant travaillé dans plusieurs pays, notamment africains, liés à la France par une convention de sécurité sociale. Pourtant, un ressortissant français ayant travaillé dans plusieurs pays, lui, y a droit…
Ce faisant, la CNAV dénie aux pensionnés la possibilité d’additionner toutes leurs périodes d’activité. C’est d’autant plus inexplicable que l’arrêt de la Cour d’appel précise qu’« aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe des deux accords bilatéraux ». Alors que ce point n’a pas été contesté en cassation, la Caisse n’applique pas la décision des tribunaux. C’est non seulement incompréhensible, mais aussi très préjudiciable pour nos ressortissants !
Certes, madame la secrétaire d’État, cela concerne au premier chef votre collègue chargée des affaires sociales. Mais il est clair que la position de la CNAV, outre son caractère injuste et contra legem, est un frein manifeste à l’expatriation des Français travaillant dans des pays que nous soutenons à travers l’APD.
Je pourrais voter les crédits de la mission, mais je n’ai pas très envie de le faire… §Je ne cherche pas à vous nuire, madame la secrétaire d’État, d’autant que vous occupez vos fonctions depuis peu de temps. J’aimerais simplement que vous preniez ce soir l’engagement d’intervenir – je ne vous demande évidemment pas de promettre de payer les retraites… – auprès des pays concernés ; je peux d’ailleurs vous en transmettre la liste. Cela a marché par le passé ! Certes, l’Assemblée nationale ne me suivra certainement pas cette fois ; c’est d’ailleurs pour cela que je n’ai pas déposé d’amendement. Mais, fort d’un tel engagement, je pourrai alors exprimer un vote favorable.