Intervention de Charles Revet

Réunion du 2 décembre 2014 à 22h00
Loi de finances pour 2015 — Compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Photo de Charles RevetCharles Revet :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues : « On ne peut tolérer que la mer Méditerranée devienne un grand cimetière ! »

Cette phrase terriblement significative a été prononcée la semaine dernière par le pape François, lors de son magnifique discours devant le Parlement européen, où il a notamment évoqué la place de l’Europe dans le monde, les missions importantes et les responsabilités de l’Union européenne. Le propos est issu d’un passage sur la question migratoire. Il n’est qu’à constater comment les médias se font régulièrement l’écho de la situation dramatique de migrants originaires notamment d’Afrique qui s’entassent sur de vieux bateaux sans aucune sécurité, avec l’espoir d’entrer en Europe, la plupart du temps sans-papiers, tant ils sont désespérés de leur avenir.

Cette situation ne peut que nous interpeller humainement, mais également parce que le nombre de candidats à l’immigration ne fait que progresser, ce qui n’est pas sans poser problème lors de leur arrivée sur notre territoire.

Ainsi que M. le rapporteur pour avis Henri de Raincourt l’a rappelé, l’Afrique compte aujourd’hui un milliard d’habitants. Les projections statistiques laissent entendre que le chiffre devrait atteindre 2 milliards en 2050. L’Europe est au premier chef concernée. C’est encore plus vrai pour notre pays compte tenu de son passé colonial et de sa présence dans de nombreux pays africains ayant pour langue le français. L’attentisme dont nous semblons faire preuve est irresponsable et inquiétant pour l’avenir. Il ne pourrait qu’être positif pour la France, tant économiquement que diplomatiquement, d’engager une vraie politique de coopération avec les pays qui le souhaitent.

Nous manquons simplement de logique, tout comme les autres pays occidentaux. Nos interventions humanitaires et sanitaires, en particulier auprès des enfants, notamment en développant les vaccinations, contribuent à diminuer la mortalité. C’est évidemment louable ; cela favorise l’augmentation plus rapide de la population. Mais, dans le même temps, les populations sont confrontées à des problèmes de développement et, de fait, à des problèmes alimentaires. Il est donc nécessaire d’accélérer et d’accentuer notre intervention.

Les nombreux projets de coopération engagés par des collectivités ou associations sont extrêmement importants, mais évidemment insuffisants pour répondre aux besoins. Il est indispensable aujourd’hui que nous réorganisions notre politique de coopération. L’Afrique a un potentiel suffisant pour assurer les besoins alimentaires, mais il est manifestement sous-exploité.

La France a une mission particulière à remplir en la matière. Pour avoir effectué pendant presque deux ans mon service militaire en Algérie, je me souviens de ces plantations d’orangers, de ces surfaces de vignobles et de ces immenses champs de céréales. L’Algérie, alors province française, fournissait du blé et d'autres produits à la métropole, et les exploitations utilisaient des matériels très modernes. L’indépendance, qui était normale et évidemment souhaitable, a probablement abouti à faire perdre de la compétence. Le rappel de tels éléments a pour objet non pas de faire l’apologie de cette époque, mais simplement de confirmer le potentiel dont disposent la plupart des pays africains, qui étaient dans la même situation.

Voilà quelques années, lors de la grave crise alimentaire qu’a connue le monde, j’ai reçu des collègues parlementaires du Sénégal, qui m’avaient exprimé leur inquiétude de voir se développer des émeutes dans leur pays. Quand je les ai interrogés sur leurs motifs de craintes, ils ont parlé des problèmes d’approvisionnement en riz, base alimentaire au Sénégal. L’élévation importante des prix sur le marché limitant les possibilités d’importation risquait d’aboutir à une pénurie, d’où leur crainte d’une réaction de la population. Ils ont aussitôt ajouté : « Ce que nous attendons de la France, c’est qu’elle nous aide à développer ces cultures. Les terres dont nous disposons peuvent nous permettre de produire le double de nos besoins pour le Sénégal, mais nous avons besoin que la France nous accompagne pour mettre en place ce développement. »

C’est à cela que nous devrions nous engager, avec l’accord des pays concernés. Peut-être devons-nous aussi avoir à l’esprit combien les situations de difficulté alimentaire constituent un terreau propice pour les agitateurs, voire pour le développement du terrorisme.

Vous me répondrez certainement que la France intervient déjà fortement au titre de la coopération. Malheureusement, je crains que ce ne soit très nettement en deçà des besoins recensés pour aboutir efficacement. Il est indispensable de revoir nos modalités d’intervention. Il y a de la part de nombreux pays en voie de développement une attente forte de la France, qui bénéficie de leur confiance. Nous avons le devoir d’aider ces populations et de les accompagner dans le développement de leurs projets, en premier lieu quand cela touche l’alimentaire.

C’est aussi une responsabilité à l’égard de nos propres concitoyens, qui s’interrogent sur l’avenir. Il nous faut savoir organiser les conditions dans lesquelles ceux d’entre eux qui sont volontaires pourront intervenir pour assurer de tels accompagnements.

J’évoquais voilà quelques instants la perspective 2050. C’est demain. Il y a donc urgence à agir. C’est dans cette démarche que nous devons nous engager sans tarder. §

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