Intervention de Daniel Goulet

Réunion du 24 novembre 2005 à 15h20
Loi de finances pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Daniel GouletDaniel Goulet :

A cette somme viendrait s'ajouter la réduction des frais de fonctionnement, qui diminueraient à due concurrence.

Le report des élections cantonales en 2008 devrait nous donner le temps de réfléchir à une réforme de fond ! Nous adresserions ainsi un signe fort qui témoignerait d'une volonté politique exemplaire mais non partisane, de la part des élus qui sont chargés d'initier les économies et qui ne donnent pas l'exemple.

Ce serait une simple mesure de bon sens, de bonne gestion en quelque sorte. A tout le moins, mes chers collègues, pourrions-nous former un groupe de travail pour réaliser une étude d'impact sur cette proposition. Ce serait un signe fort, je le répète, à l'adresse de nos compatriotes, qui s'éloignent chaque jour davantage de leurs élus et de la classe politique.

J'avais fait part de cette observation à M. Sarkozy, lors de son premier passage au ministère de l'intérieur. Il m'avait alors répondu, en des termes que je considère comme inappropriés, qu'il s'agissait d'un « charcutage électoral ». A Bercy, je lui ai reposé la question, mais elle est restée sans réponse cette fois. Il ne s'agissait pourtant que d'aller dans votre sens, monsieur le ministre, lorsque vous dites que la France vit au-dessus de ses moyens.

Je reviens donc à la charge avec un ministre qui a l'immense avantage de ne pas être un élu local et de ne pas afficher d'ambition nationale, du moins pour 2007. §Je fais donc confiance à sa logique économique et à l'absence de conflit d'intérêts lorsqu'il étudiera, j'en suis certain, l'étude que j'ai réalisée et que je tiens à sa disposition.

Ma démarche n'a rien à voir avec un quelconque charcutage, et je ne suis en aucune manière concerné. Il s'agit tout simplement de rechercher, comme le ministre d'État de l'époque nous y avait invités, à prendre des mesures cohérentes afin de réaliser des économies. Car il s'agit bien, pour la représentation nationale, de ne pas créer seulement des dépenses mais aussi de rechercher des économies.

Il s'agit surtout d'un très bon exemple de réforme courageuse - ce mot a été utilisé ici, à bon escient je l'espère - et nécessaire de cette bonne gouvernance dont on nous rebat les oreilles tout au long de colloques dispendieux et longs comme des jours sans pain !

Par ailleurs, il faut réintroduire sans crainte des mécanismes de contrôle, de sanction, et donner plus de pouvoirs aux chambres régionales des comptes.

L'émission télévisée « Combien ça coûte », pour anecdotique qu'elle soit, devrait nous inciter à réfléchir : elle décrédibilise chaque fois davantage des responsables manifestement incapables de bien gérer les deniers publics. Ces carences rejaillissent sur nous tous et nous font beaucoup plus de mal que de bien !

Ma deuxième série d'observations concerne les dépenses effectuées dans le secteur de la diplomatie et des affaires étrangères.

Arrêtons-nous quelques instants sur l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO. Cette assemblée chargée des questions de défense a vu la totalité de ses missions, les missions Petersberg - son objet social en quelque sorte -, transférées au Parlement européen voilà plus de cinq ans maintenant.

Cette assemblée quasi fantôme se réunit, depuis lors, quelques jours par an pour justifier l'existence de ces quelques centaines de fonctionnaires internationaux - pour lesquels la France contribue largement - siégeant dans des locaux du Conseil économique et social pour un budget annuel de 7, 367 millions d'euros : 4, 209 millions de charges de personnel et plus de 1 million de charges de pensions. Les autres frais sont à cette image : ainsi, des transformations et restaurations de locaux qui défient toute concurrence sont actuellement envisagées.

Certes, la création de l'UEO résulte d'une convention internationale. Mais ne pourrait-on faire réfléchir un peu l'un des nombreux fonctionnaires du Quai d'Orsay pour qu'il nous donne les voies et les moyens susceptibles de mettre un terme à cet inutile acharnement thérapeutique et diplomatique ? Si nous devons réfléchir à une défense européenne, 7 millions d'euros me semblent suffisants pour nourrir un brain trust de prix Nobel de la paix, par exemple !

Savez-vous, monsieur le ministre, que nous disposons d'une ambassade de France à Strasbourg pour assurer les relations avec le Conseil de l'Europe, dont les travaux sont, par ailleurs, totalement ignorés de la représentation nationale du Sénat et de l'Assemblée nationale ? Je le sais, hélas, pour y siéger !

Nous pourrions peut-être y déléguer un fonctionnaire du Quai d'Orsay, qui assisterait aux réunions, plutôt que d'entretenir une ambassade entière, avec tout ce que cela implique ! Puisque nous n'avons pas assez d'argent pour les autres ambassades qui nous représentent dans le monde entier, il faut donc faire des choix !

En outre, notre haute administration diplomatique n'est pas, que je sache, une agence de placement ou de réinsertion. En disant cela, je ne vise personne et je ne vous en fait pas grief, monsieur le ministre. Je constate simplement que l'ascenseur social y est bloqué au sommet et s'apparente plutôt, pour notre budget, à un monte-charge !

Quid de ce poste d'ambassadeur pour les relations euro-méditerranée, de cet autre chargé de la parité, de ce troisième chargé de la prévention des conflits et dont on ignore d'ailleurs où il était au moment des problèmes des banlieues ? Ces trois postes cumulés nous coûtent plus de 600 000 euros pas an ! Et vous cherchez des économies, monsieur le ministre ? Ne croyez-vous pas que cela fait beaucoup de contrats pour des postes d'encadrement ou de travailleurs sociaux ? Et il y a encore sans doute beaucoup d'autres postes dont il faudrait évaluer les mérites, mais je m'arrête là...

À quand donc une évaluation plus globale, à l'image de celles que vous avez si bien engagées - je tiens à vous en remercier et à vous en féliciter - sur un certain nombre de sujets ?

Dans les pays du Golfe, que je connais depuis quelques décennies, si l'ambassade de Doha nous donne quelques satisfactions, celle du pays voisin, les Émirats arabes unis, fonctionne apparemment beaucoup moins bien : ces deux dernières années, nous avons en effet perdu un certain nombre de contrats au profit de la concurrence, qu'il s'agisse de Thales, d'Airbus, du TGV, ou des contrats d'armement.

Nous aurions donc besoin de réfléchir de temps en temps sur le meilleur placement de nos ambassades. Ainsi, monsieur le ministre, puis-je vous suggérer d'engager, avec votre collègue chargé du commerce extérieur, un audit de ces postes en vue de rationaliser nos dépenses ? Il est temps d'en faire réellement des éléments moteurs pour notre balance des paiements, car, pour le moment, tout cela est bien souvent théorique !

Je présenterai en tout cas quelques amendements afin d'annuler certains crédits, même si je ne rêve pas et que je n'ai pas beaucoup d'espoirs sur leur sort : je sais bien, en effet, qu'ils ont été simplement formulés pour donner quelques signes forts d'attention et inciter à l'action préventive.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, mes chers collègues, je résumerai mon intervention en reprenant les paroles prononcées par Henri VIII à son sixième mariage : « C'est une victoire de l'optimisme sur l'expérience ! »

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