Lors des débats en première lecture à l’Assemblée nationale, un montant de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement a été transféré du programme 110 vers le programme 209 au sein de la mission « Aide publique au développement », dans un contexte d’inquiétude sur le financement de la lutte contre l’épidémie Ebola, et sur la base d’une analyse alors incomplète des incidences de ce changement de répartition.
La préoccupation des députés était d’accroître la part des dons par rapport à celles des prêts. Or cet objectif ne peut pas être atteint aujourd’hui. Pire, sa mise en œuvre déstabilisera notre dispositif d’aide, et ce pour quatre raisons.
Premièrement, il est juridiquement impossible de dégager 35 millions d’euros sur l’enveloppe de bonifications par l’État de prêts accordés par l’AFD. En effet, ces bonifications couvrent exclusivement des engagements antérieurs, à 98 % des montants, pour lesquels l’AFD est juridiquement engagée avec les pays bénéficiaires. Ces crédits de paiement ne peuvent donc pas être diminués, sauf à renégocier avec chacun des pays concernés les contrats engagés, ce qui est pour le moins délicat.
Deuxièmement, les seuls crédits qui seraient alors directement mobilisables pour financer un tel mouvement sont ceux qui portent sur les aides budgétaires globales en faveur de l’Afrique subsaharienne, c’est-à-dire des dons, et non pas des prêts. Or ces dons sont actuellement accordés aux pays les plus pauvres, comme le Mali et le Niger. Ils passeraient ainsi de 50 millions d’euros à 15 millions d’euros. L’application de la mesure votée en première lecture à l’Assemblée nationale aurait donc des conséquences très sérieuses, contraires aux objectifs et à l’esprit du débat que nous avons eu à l’Assemblée nationale.
Troisièmement, et ce serait une autre conséquence non négligeable, une diminution des seules autorisations d’engagement se traduirait par une baisse de l’aide publique au développement de la France de l’ordre de 400 millions d’euros !
Les prêts accordés par l’AFD exercent un fort effet de levier sur le calcul de notre aide publique au développement. Cette baisse de subvention touchera en priorité les pays qui bénéficient de bonifications, et donc d’un coût état des prêts. Comme vous le savez, ces pays se situent à 85 % sur le continent africain. Au demeurant, cela correspond à l’engagement que nous avons pris lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement.
Quatrièmement, depuis la lecture à l’Assemblée nationale et dans le cadre de la fin de gestion 2014, le Gouvernement, prenant en compte vos préoccupations liées à la grave crise ouverte par le virus Ebola, a dégagé une première enveloppe de 30 millions d’euros, notamment pour mettre sur pied le centre de traitement des malades que je suis allée inaugurer à Macenta en Guinée forestière voilà deux semaines.
De même, en 2015, comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, une autre enveloppe de 40 millions d’euros a été dégagée par le Gouvernement et approuvée par l’Assemblée nationale pour assurer le fonctionnement de ce type de centre et la réussite du plan de riposte que nous avons mis en route.
Ainsi, parce que le Gouvernement est déterminé à apporter une réponse forte et rapide à la crise due au virus, nous avons déjà mobilisé l’ensemble des crédits nécessaires à cette riposte, soit plus de 100 millions d’euros aujourd’hui.
Ce n’est pas que je n’aimerais pas obtenir plus de crédits pour ce programme – j’en serais au contraire ravie –, mais la mise en œuvre de la décision prise par l’Assemblée nationale aurait des effets contre-productifs. Le Gouvernement vous propose donc d’y revenir.