Intervention de Jean-Claude Ameisen

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 décembre 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Claude Ameisen candidat proposé par le président de la république à la présidence du comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé ccne

Jean-Claude Ameisen, candidat à la présidence du Comité consultatif national d'éthique :

Je reconnais que des initiatives nombreuses et remarquables ont été prises dans notre pays et que des soins palliatifs de grande qualité y sont dispensés, mais c'est à un trop petit nombre de patients. La solution n'est pas d'augmenter la capacité de ces services, mais de transformer les soins palliatifs en une pratique médicale exercée par les généralistes, les cardiologues, les cancérologues, pour qui les services hospitaliers deviendraient des référents. Quels que soient les critères au nom desquels l'accès à ces soins est retreint, cette restriction doit être levée : ce qui fonctionne bien, en un lieu et un temps donnés, doit devenir une pratique courante. Le mot anglais care signifie à la fois le soin et l'importance que l'on attache à une personne. Il s'agit pour nous de généraliser celle que méritent les personnes vulnérables.

L'Unesco, le Conseil de l'Europe et l'OMS s'efforcent, depuis longtemps, avec l'aide des comités d'éthique européens, de favoriser la création de comités semblables dans les pays qui en sont dépourvus. Mais un comité d'éthique n'est légitime que s'il est indépendant, ce qui suppose un respect de la liberté d'expression, bien ancré dans les institutions. La dernière déclaration de l'Unesco sur la bioéthique, votée à l'unanimité des pays membres, mais non contraignante, s'intitule « Déclaration universelle de bioéthique et des droits de l'homme ». Elle recommande la propagation internationale de l'éthique biomédicale comme un levier pour celle des droits de l'homme, parce qu'elle implique la liberté d'expression et le droit à l'information des patients. De véritables comités d'éthique, indépendants et transdisciplinaires, ont été créés récemment dans certains pays d'Amérique du sud et d'Afrique ; on peut espérer qu'ils contribuent, au-delà de leur champ, à la vie démocratique de ces nations. Le but n'est pas d'instituer une éthique universelle qui mettrait fin à tout questionnement mais de favoriser, dans chaque région, une réflexion libre. Si l'Inde a des institutions scientifiques, elle n'a pas de comité d'éthique ; la Chine a des comités dits éthiques, mais dépourvus d'indépendance. L'Unesco et la Commission européenne en sont dotés, ce qui rend possible le croisement des regards nationaux avec ceux d'instances internationales.

En Belgique, l'accueil des enfants handicapés est, en dernier lieu, de la compétence du ministère de l'éducation nationale, non de celui de la santé : il s'agit de donner à ces enfants la capacité de devenir des citoyens. Il est regrettable que le ministère français de l'éducation n'ait pas été représenté lors de l'annonce des précédents plans « Autisme » : l'intégration des personnes handicapées est loin d'être simplement un problème de santé. Le comprendre équivaudrait pour nous à surmonter un problème culturel.

La dernière étude de l'Observatoire de la fin de vie a été consacrée, en décembre 2013, au vieillissement : elle a établi que, sur le million de personnes résidant dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), 75 % y sont entrées contre leur gré, à telle enseigne que le précédent contrôleur des lieux de privation de liberté avait envisagé de s'y rendre. La raison de ce quasi-enfermement est que les logements de ces personnes âgées n'étaient plus adaptés à leur handicap. Au Danemark, toutes les maisons récentes sont adaptées au handicap, sans que cela induise de surcoût. L'adaptation a posteriori est, en tout cas, bien plus onéreuse. Si certaines normes sont peut-être excessives, nous manquons de celles qui épargneraient aux personnes âgées d'avoir à abandonner leur lieu de vie. Je ne parle pas de l'inadéquation persistante d'une bonne partie de nos transports publics... Dans ces conditions, l'exclusion des personnes handicapées est inévitable.

Les femmes sont minoritaires parmi les membres du CCNE, nommés par une quinzaine d'institutions... Comme je vous le disais il y a deux ans, lors de ma première audition, il serait bon que des économistes viennent s'ajouter à nos rangs afin que les questions économiques ne soient plus perçues uniquement par le Comité comme des contraintes externes, mais comme une partie intégrante de la réflexion éthique ; si un grand psychiatre suisse a été récemment nommé par le ministère de la santé, nos perspectives s'enrichiraient de l'apport d'autres Européens francophones ; je souhaite enfin que soient désignés des membres d'associations de personnes malades ou handicapées afin de diversifier nos points de vue. Le CCNE est renouvelé, par moitié, tous les deux ans : c'est pour les institutions décidant de sa composition l'occasion d'exercer un rôle très important.

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