Monsieur le secrétaire d’État, je mesure la difficulté qui est la vôtre. Il n’est en effet pas facile de défendre un budget présenté comme sanctuarisé et prioritaire, lorsque Bercy guette la moindre source d’économies en ces temps de disette budgétaire. Au demeurant, je ne tiens pas à diaboliser ni à accabler la direction du budget, qui, sous la pression intense de la Cour des comptes comme de Bruxelles, cherche à rétablir l’équilibre de nos finances publiques, au prix de sacrifices souvent douloureux.
À deux reprises, le monde universitaire s’est demandé si le Président de la République avait été sincère dans les déclarations d’amour qu’il lui avait adressées.
Fin octobre, d’abord, la Conférence des présidents d’université, ou CPU, s’est émue que le dernier versement par l’État aux universités de leur dotation annuelle ne corresponde qu’à 80 % du montant qui leur avait été initialement notifié, engendrant le risque que les établissements ne soient pas en capacité d’honorer la paie des personnels de décembre. Même si le ministère a finalement obtenu de Bercy le déblocage des 20 % restants, il reste que le prochain collectif budgétaire prévoit désormais 202 millions d’euros d’annulations de crédits sur le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ensuite, la seconde délibération demandée par le Gouvernement à l’Assemblée nationale nous a réservé un petit coup de théâtre assez navrant, qui a démoralisé l’ensemble du secteur. Un amendement du Gouvernement tendant à minorer le budget de la MIRES de 136 millions d’euros a été adopté par les députés, dont 70 millions d’euros sont retirés directement aux opérateurs du programme 150, donc à nos universités.
Mais quels établissements vont-ils payer le plus lourd tribut ? Va-t-on faire porter la plus grande partie de l’effort sur nos quelques universités dont l’activité de recherche est intensive, qui sont les seules à pouvoir s’insérer difficilement dans les classements internationaux ? Va-t-on punir les universités les plus vertueuses dans leur gestion, qui sont parvenues à maintenir leur équilibre budgétaire au prix de lourds sacrifices ? Va-t-on « taper » dans des fonds de roulement ?
Dans ces conditions, la commission de la culture a décidé de réagir et d’envoyer un signal fort au Gouvernement et à nos collègues députés, pour leur rappeler l’urgence qu’il y a à rétablir les crédits de la MIRES, à tout le moins le montant initialement annoncé dans le projet de loi de finances. Sans préjuger le vote final du Sénat sur le projet de budget de l’État pour 2015, elle a voulu montrer, par un amendement adopté à une belle unanimité, sa détermination à ce que l’État respecte sa parole en matière d’enseignement supérieur et de recherche.
Notre commission a également adopté un amendement invitant le Gouvernement à faire toute la transparence sur la méthode et l’échéancier qu’il entend mettre en œuvre pour assurer la compensation intégrale des charges qu’il transfère aux universités. Afin que ces dernières soient en mesure d’exercer leur autonomie, il est normal que l’État applique rigoureusement le principe « décideur-payeur », en leur transférant les ressources équivalant à l’accroissement de leurs charges, lorsque celui-ci résulte de décisions nationales sur lesquelles elles n’ont aucune prise.
Soyons clairs, nous assumons tous une part de responsabilité dans le fait que les gouvernements, de droite comme de gauche, qui se sont succédé depuis la mise en œuvre de l’autonomie des universités ne sont pas parvenus à compenser systématiquement à l’euro près les augmentations de charges des universités découlant de décisions nationales. Cette remarque vaut pour la compensation du solde positif du GVT des universités, de la contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions » au titre des titularisations de la loi Sauvadet, comme du manque à gagner pour les universités de l’exonération des droits d’inscription pour les étudiants boursiers. Même si le Gouvernement a annoncé une contribution en hausse de l’État pour couvrir ces dépenses, on s’aperçoit que son montant n’est pas précisé dans certains cas ou qu’il se révèle insuffisant en fin de gestion, soit parce que les crédits pouvant être dégelés sont limités, soit parce que le ministère et la CPU ne sont pas d’accord, en définitive, sur l’évaluation du coût réel de l’accroissement de ces charges.
Par conséquent, la commission de la culture propose que, grâce à un rapport remis au Parlement et au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, avant la fin du premier semestre 2015, les universités puissent disposer d’une vision transparente, rigoureuse et pluriannuelle des efforts consentis par l’État pour garantir la compensation de leurs dépenses obligatoires additionnelles.
J’en viens à la question du renouvellement des contrats de projets État-région, les CPER, pour la période 2015-2020. La baisse significative des enveloppes dédiées à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation, enveloppes qui ne représentaient que de 25 % à 50 % des montants exécutés dans le cadre des précédents CPER 2007-2014, inquiète profondément les milieux universitaires et les élus locaux. Les présidents d’université des régions Bretagne et Pays de la Loire ont d’ailleurs dénoncé les risques majeurs de la baisse drastique des crédits de l’État et des reports d’arbitrage, et la région Nord-Pas-de-Calais a jugé « très humiliante » la proposition de l’État.
Rassurez-nous, monsieur le secrétaire d’État, sur l’engagement de l’État à poursuivre son soutien à la mise en place d’une politique de sites universitaires ambitieuse, à laquelle seront pleinement associées les collectivités territoriales, et en particulier les régions.
Enfin, je regrette que le Gouvernement s’obstine à vouloir supprimer l’aide au mérite, qui bénéficie aux étudiants boursiers sur critères sociaux ayant obtenu leur baccalauréat avec une mention « très bien » ou s’étant distingués par leurs résultats en licence. Il s’agit d’un signal extrêmement négatif et décourageant envoyé à des milliers d’élèves, qui voient dévaloriser leurs efforts pour réussir, en dépit de leur origine modeste.
En conclusion, vous l’aurez compris, mes chers collègues, la commission de la culture a estimé que les incertitudes et les inquiétudes sur le budget des universités étaient bien trop nombreuses, en particulier depuis l’épisode de la seconde délibération intervenue à l’Assemblée nationale et la défiance qu’il a suscitée au sein du milieu universitaire. Par conséquent, elle a décidé d’émettre un avis défavorable sur les crédits de la MIRES. §