Intervention de Pierre Médevielle

Réunion du 3 décembre 2014 à 15h30
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle :

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires », composée des programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », « Politique de la ville » et « Interventions territoriales de l’État », constitue un outil d’intervention en faveur de l’ensemble de nos territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.

L’approche globale de cette mission budgétaire nous permet de tenir compte des disparités entre les territoires, entre des zones urbaines, périurbaines ou touristiques qui concentrent une part croissante de la population et certaines zones de montagne ou rurales de plus en plus isolées et dépeuplées.

Tous ces territoires, malgré leurs nombreuses diversités, rencontrent des problématiques communes, comme le logement, l’emploi, les transports, l’accès aux services publics de proximité, le très haut débit, la téléphonie mobile, dont nous avons déjà parlé, le développement économique, l’égal accès aux soins et, enfin, la mise en réseau des territoires – des métropoles aux villes moyennes jusqu’aux petits bourgs et aux zones rurales et hyper-rurales environnantes.

C’est pourquoi il me paraît essentiel et urgent de disposer des moyens nécessaires pour mettre enfin en œuvre une politique nationale volontariste en matière d’aménagement du territoire afin de permettre un développement territorial équilibré, plus harmonieux, et d’éviter que le déséquilibre déjà existant entre ces zones rurales et urbaines ne se transforme en fracture irrémédiable.

Nous avons longuement évoqué lors de ces réformes territoriales, notamment dans les départements ayant une métropole, l’articulation future entre l’urbain et le rural. Je rappelle que l’articulation est un système permettant de relier deux entités. Or j’ai peur qu’une entité ne fasse rapidement défaut et que l’articulation ne serve plus à grand-chose. Si je prends le cas de mon département, la Haute-Garonne, 87 % de la richesse se trouve aujourd’hui concentrée sur 10 % du territoire ; nous ne sommes pas loin de mes prévisions catastrophiques.

Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit des crédits à hauteur de 708 millions d’euros en autorisations d’engagement et 761 millions d’euros en crédits de paiement, alors que la loi de finances pour 2014 prévoyait 812, 22 millions d’euros en autorisations d’engagement et 815, 31 millions d’euros en crédits de paiement. Cette baisse notable des crédits, de 12, 77 % pour les autorisations d’engagement et de 6, 64 % pour les crédits de paiement, tend à montrer que ce gouvernement, comme les précédents – pas de jaloux, comme disait Jacques Mézard –, n’a pas réellement pris conscience de l’utilité d’une politique territoriale cohérente et du potentiel existant dans les zones rurales pour insuffler une véritable dynamique dans tout notre pays. D’autant que cette baisse des crédits touche particulièrement le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », dans lequel figurent pourtant les moyens pour redynamiser nos territoires, comme les contrats de plan État-région.

En effet, la nouvelle génération de contrats de plan 2014-2020, avec des orientations prioritaires telles que la couverture du territoire en très haut débit, le développement des usages du numérique ou les mobilités multimodales – sera essentielle pour soutenir l’investissement et la croissance de nos futures régions.

Aussi, cette baisse des crédits met en péril notre politique d’aménagement, dont l’objectif majeur reste l’harmonisation du développement et le rééquilibrage économique.

Après cette présentation assez générale, plusieurs points ayant déjà été abordés cet après-midi, j’insisterai pour ma part plus particulièrement sur deux thématiques : la lutte contre les fractures numériques et le développement du haut et du très haut débit, et tout simplement la téléphonie mobile ; et l’égalité d’accès à une offre de soins de qualité et de proximité pour tous les citoyens.

Aujourd’hui encore, trop de communes, notamment dans mon département, sont en « zone blanche ». Ces communes, situées en zones rurales ou de montagne, ne disposent pas d’une couverture numérique digne de ce nom, même la téléphonie mobile est absente de quasiment toutes les vallées ainsi que du Piémont.

J’écoutais avec grand intérêt il y a quelque temps votre collègue Axelle Lemaire nous présenter le Plan France Très Haut Débit pour 2026. Il est très bien, séduisant. J’ai été séduit aussi. Je peux toutefois vous assurer que nous nous contenterions déjà d’une téléphonie normale. Bien sûr, insuffisamment peuplées, ces zones blanches présentent peu d’intérêt pour les grands opérateurs. Le coût du très haut débit étant très élevé en zone rurale, les programmes d’équipement actuels privilégient très majoritairement les zones offrant un retour sur investissement très rapide.

Il serait intéressant de se pencher sur de nouvelles pistes de financement, soit une taxe sur les opérateurs, soit une taxe beaucoup plus faible – qui a déjà été proposée par Hervé Maurey – sur tous les abonnements, afin de mettre en place un système de péréquation. Nous pourrions ainsi équiper de façon correcte les zones rurales.

On pourrait enfin raisonner en pourcentage de territoire couvert et non plus uniquement en pourcentage de population, ce qui donnerait une image plus réaliste des carences en matière de couverture.

L’apparition sur le marché de certains opérateurs low cost nous a permis de constater que les opérateurs pouvaient aisément supporter une nouvelle petite taxe en vue de cette péréquation.

Dans mon département, pour pallier cette fracture numérique, certains fournisseurs d’accès à internet indépendants et associatifs ont décidé d’investir les campagnes. C’est le cas de l’association toulousaine Tetaneutral.

Même si je salue ces initiatives indépendantes, cette carence reste inadmissible à notre époque et ne manque pas de poser de sérieux problèmes également dans le domaine de l’organisation des secours et des soins médicaux d’urgence.

Depuis décembre 2012, le Gouvernement a lancé un plan de lutte contre la désertification médicale, qui s’ajoute au déploiement à partir de l’année 2010 des maisons de santé et pôles de santé pluridisciplinaires. Il faut aller encore plus loin, car les inégalités ne cessent de croître.

Heureusement, l’installation dans certains territoires ruraux de praticiens roumains est très importante pour l’aménagement du territoire et l’égalité de l’offre de soins. Quand va-t-on se poser la question du numerus clausus dans nos universités de médecine, de pharmacie ou de dentaire ? En effet, parallèlement à l’arrivée de ces praticiens, essentiellement de Roumanie, certains jeunes Français partent étudier à l’étranger, en Roumanie, en Belgique pour une prépa-véto ou en Espagne pour devenir kinésithérapeutes ou dentiste.

Les maires de ces communes situées en zones rurales sont totalement conscients de toutes ces difficultés et de leurs conséquences néfastes pour la population et l’attractivité future de leur territoire.

Aujourd’hui, le sentiment d’abandon dans ces zones rurales est de plus en plus flagrant : suppression de services publics, apparition de déserts médicaux et, de surcroît, diminution des dotations de l’État aux collectivités ! Je citerai encore mon département, qui a été sinistré du fait des inondations en juin 2013. Nous avons vu, lors de la campagne sénatoriale, des maires désespérés quasiment jeter les clefs et se plaindre de manquer, à côté des aides de l’État à hauteur de 90 %, des 5 % ou 10 % d’autofinancement nécessaires pour démarrer la construction d’ouvrages de sécurité basiques. Des mesures d’urgence s’imposent en cas de sinistres pour au moins permettre à ces communes de commencer à dépenser les aides qu’elles ont obtenues.

Comme on a pu le constater lors de la présentation de la réforme territoriale, L’État ne semble malheureusement plus faire confiance aux élus ruraux ni sentir le pouls de ces territoires éloignés des grands centres de décision.

Pourtant, le dynamisme et le potentiel de ces communes existent et reposent sur une politique d’aménagement du territoire volontariste de l’État avec une mobilisation de toutes les forces vives comme les collectivités et les acteurs économiques, sociaux ou associatifs.

Voilà quelques années déjà, l’opinion publique et les médias s’étaient émus de la situation en Roumanie où l’ancien dictateur Ceausescu, dans un de ses délires mégalomaniaques, avait projeté de déplacer toute la population dans de gigantesques mégapoles. C’est, hélas ! chez nous un phénomène naturel…

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