Séance en hémicycle du 3 décembre 2014 à 15h30

Résumé de la séance

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  • logement
  • l’égalité
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La séance

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La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.

Photo de Claude Bérit-Débat

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Politique des territoires » (et article 57 ter), ainsi que du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la préparation de mon rapport sur les crédits de la mission « Politique des territoires » m’a conforté dans une opinion personnelle, du reste largement partagée : notre politique d’aménagement du territoire, qui reste malheureusement très insuffisante et en grande partie illisible, mérite d’être globalement revisitée, selon une approche plus volontariste, plus globale et plus territoriale.

S’agissant de la baisse des crédits de la mission, il faut tout d'abord rappeler qu’elle s’inscrit dans une tendance constante de plusieurs années. Eh oui, il faut bien le reconnaître : la baisse a résisté à l’alternance politique !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

En 2015, une fois encore, les crédits de l’ensemble de la mission seront en forte chute. En effet, le projet de loi de finances alloue à la mission « Politique des territoires », dans son nouveau périmètre, quelque 708 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 295 millions d’euros de crédits de paiement, ce qui correspond à une baisse de 13 % et 7 % respectivement par rapport aux crédits prévus pour 2014.

Cette baisse constante des crédits consacrés à l’aménagement du territoire n’est pas de nature à répondre aux ambitions de cette politique, qui sert pourtant un double objectif d’égalité des territoires et de cohésion sociale et territoriale. Force est de constater que, au contraire, c’est un sentiment d’abandon qui est ressenti dans de nombreuses campagnes et dans beaucoup de quartiers.

Le risque de fracture territoriale est donc bien réel, et il sera difficile de répondre aux attentes légitimes de nos populations dans ce domaine avec des moyens aussi faibles. Il le sera d’autant plus que l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à minorer de 13, 33 millions d’euros supplémentaires les crédits de la mission.

Mes chers collègues, avant de vous exposer quelques perspectives pour la politique des territoires, je traiterai des programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l’État ».

Le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », dit « PICPAT », correspond aux moyens traditionnellement alloués à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR. Depuis la disparition de cette dernière, il retrace les moyens affectés au Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET.

Ce programme est doté de 222 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 270 millions d’euros de crédits de paiement ; ces montants font apparaître une baisse considérable, de 18 % et 4 % respectivement, par rapport aux crédits de 2014.

Ces moyens serviront à financer de nombreux dispositifs, à commencer par les contrats de plan État-région, dont la génération 2007-2013, prolongée en 2014, sera remplacée l’année prochaine par une nouvelle génération. Or les nouveaux contrats de plan État-région porteront sur les périmètres régionaux actuels : madame la ministre, quelles conséquences seront-elles tirées de la réforme des régions pour ces contrats ?

Ils financeront également les pôles d’excellence rurale, ainsi que diverses actions en faveur des territoires ruraux, telles que les maisons de santé pluridisciplinaires, les maisons de services au public et la revitalisation des centres-bourgs.

Madame la ministre, vous avez choisi pour une opération expérimentale cinquante projets sur un total de trois cents centres-bourgs identifiés : le Gouvernement ira-t-il plus loin, et dans quel délai, pour répondre aux attentes de très nombreuses petites villes de France qui connaissent de réelles difficultés ?

Enfin, ce programme intègre la prime d’aménagement du territoire et le plan d’accompagnement du redéploiement des armées, sans oublier les pôles de compétitivité.

Le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », couramment appelé « PITE », relève du Premier ministre et comprend quatre actions interministérielles de portée régionale : la reconquête de la qualité de l’eau en Bretagne, le plan d’investissements en Corse, qui représente d'ailleurs plus de 54 % du total des crédits, les dépenses consacrées à l’écologie du marais poitevin et un plan spécifique à la Guadeloupe et à la Martinique.

Le projet de loi de finances prévoit de doter le PITE de 30 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 33 millions d’euros de crédits de paiement, soit une baisse de 18 % et 11, 5 % respectivement par rapport aux crédits de 2014.

En ce qui concerne la lisibilité de la politique des territoires, je tiens à souligner que, en dépit du volume limité de ses crédits, la mission continue de figurer au cœur de la politique transversale d’aménagement du territoire.

Néanmoins, les actions concourant à cette politique excèdent de beaucoup le périmètre de la mission, puisque près de 6 milliards d’euros sont engagés chaque année par l’État pour l’aménagement du territoire. Ainsi, les trois programmes de la mission « Politique des territoires » ne représenteront en 2015 que 13 % de cet effort total, éclaté entre quatorze missions et trente et un programmes budgétaires.

Cette politique doit être rendue plus lisible, pour être plus cohérente et plus efficace. De ce point de vue, je me félicite de l’intégration au sein de la mission « Politique des territoires » du programme 147, « Politique de la ville », auparavant rattaché à la mission « Égalité des territoires et logement ». Cette évolution résulte de la création en 2014 du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, placé sous l’autorité du Premier ministre.

Si ce rattachement va dans le bon sens, le Gouvernement s’est malheureusement arrêté au milieu du gué en maintenant la séparation entre les missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires ». Or l’égalité des territoires est au cœur même d’une approche juste et équitable de l’aménagement du territoire.

La création du CGET, qui va dans ce sens, peut constituer une occasion de rendre plus cohérente l’approche globale de la politique des territoires, mais elle devrait être suivie de la création d’une mission budgétaire unique, de nature à offrir une vision plus large et plus claire des crédits en matière d’aménagement du territoire. Cette mission unique serait d’autant plus justifiée que les programmes concernés sont de plus en plus interdépendants. Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il de rapprocher ces deux missions ?

Je souhaite, pour finir, présenter quelques observations et propositions.

En premier lieu, la politique d’aménagement du territoire est indissociable des réformes territoriales en cours. Si les régions sont confortées dans leur mission d’aménagement du territoire, la question de la solidarité territoriale sera déterminante pour assurer, demain, un juste équilibre entre le développement des pôles urbains et celui des territoires ruraux. L’État doit veiller à cet équilibre et être le garant de cette solidarité ; ces grands principes devront donc être inscrits dans la loi.

En deuxième lieu, les collectivités territoriales assument aujourd’hui les missions essentielles d’aménagement du territoire dans leurs actions de proximité, autour du fameux triptyque de développement que nous connaissons tous : emplois, services, logements. Or force est de constater que les moyens dont elles disposent pour mener cette politique ne sont pas toujours adaptés à la réalité de leur situation. La réforme de la dotation globale de fonctionnement, prévue pour 2016, sera donc la bienvenue, si elle assure une répartition plus équitable des dotations de l’État, notamment au bénéfice des territoires les plus fragiles.

En troisième lieu, certains territoires en souffrance ont des besoins plus marqués, comme notre collègue Alain Bertrand l’a très bien montré dans son récent rapport sur l’hyper-ruralité. Dans la période actuelle de rigueur budgétaire, il sera donc nécessaire de mieux cibler les dispositifs de soutien, notamment en matière fiscale. D’ailleurs, telle est aussi l’une des conclusions du rapport d’information de nos collègues députés Jean-Pierre Vigier et Alain Calmette sur les zones de revitalisation rurale.

En vérité, la concentration des moyens de l’État sur les zones les plus fragiles sera déterminante pour assurer une réelle efficacité à la politique d’aménagement du territoire. Certains territoires subissent des handicaps naturels qu’il faut mieux prendre en compte ; d’autres, des mutations économiques qui méritent une plus grande solidarité nationale.

Dans l’attente de ces nouveaux zonages, il est absolument essentiel de maintenir en 2015 les dispositifs de soutien liés aux zones de revitalisation rurale. C’est, je crois, ce qui est prévu dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, ce dont je me félicite.

En somme, c’est une nouvelle approche de l’aménagement du territoire qui est nécessaire : une approche plus ciblée, je le répète, mais aussi plus globale et plus territoriale, fondée sur l’accompagnement des stratégies locales de développement territorial.

Nous nous plaignons souvent de la lourdeur des financements croisés par les différentes collectivités territoriales. Toutefois, en matière d’intervention de l’État, il faut reconnaître que nous sommes aussi bien servis : la dotation d’équipement des territoires ruraux, le fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce et les autres dispositifs obéissent chacun à des modalités propres, sans réels liens entre eux.

Aujourd’hui, les acteurs locaux s’organisent et bâtissent des projets de territoire en hiérarchisant leurs priorités d’intervention sur le fondement d’objectifs de développement adaptés à leurs spécificités. Ces projets sont contractualisés avec les départements et les régions. L’Union européenne soutient ces démarches globales, notamment en milieu rural avec les programmes LEADER. Ces partenariats contractualisés sont des gages d’efficacité de l’action publique. À cet égard, l’expérimentation des opérations de revitalisation des centres-bourgs est extrêmement intéressante.

En secteur urbain, les contrats urbains de cohésion sociale répondent à la nécessité de rassembler tous les acteurs locaux autour d’un projet cohérent, ciblé, partenarial et contractualisé. Puisque cette démarche fait la preuve de son efficacité, pourquoi ne pas créer sur le même modèle des contrats ruraux de cohésion territoriale ?

De fait, les stratégies locales de développement existent et les projets de territoires, notamment intercommunaux, sont de plus en plus nombreux ; ils mobilisent les acteurs locaux et ont déjà donné des résultats concrets sur le terrain.

Aussi, dans les territoires en souffrance, qu’il est urgent d’identifier, la participation de l’État à des contrats issus d’une démarche volontariste de développement serait à la fois utile et source d’une plus grande efficacité. Elle permettrait, en outre, de passer enfin d’une logique de guichet à une logique de projet, à l’instar de ce que font aujourd’hui l’Union européenne, les régions et les départements dans leur politique de contractualisation.

Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, les assises de la ruralité ont montré que les attentes en matière d’aménagement du territoire sont non seulement nombreuses, mais aussi pressantes.

Pour remédier au sentiment d’abandon que j’ai évoqué tout à l’heure, les élus et les populations des zones rurales attendent des signes forts, notamment l’instauration d’un nouveau lien entre le monde rural et le monde urbain – car il ne faut surtout pas opposer les deux –, pour renforcer notre cohésion territoriale, et la mise en œuvre d’un pacte de solidarité en direction des territoires les plus en difficulté.

Plus généralement, c’est un nouvel élan de la politique d’aménagement du territoire qui est attendu. C’est pourquoi nous serons très attentifs aux prochaines annonces du Gouvernement, prévues, je crois, dans quelques jours.

Mes chers collègues, dans l’attente de ces annonces, les crédits de la mission « Politique des territoires » étant ce qu’ils sont, la commission des finances vous propose de les rejeter.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme 147, « Politique de la ville », je commencerai par vous présenter le changement de maquette budgétaire qui concerne ce programme ; à cet égard, j’appuierai sans doute les remarques formulées par M. Jarlier au sujet du changement de périmètre de la mission « Politique des territoires ».

Le programme 147 a été déplacé de la mission « Égalité des territoires et logement » à la mission « Politique des territoires » à la suite de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Ce nouveau service, placé auprès du Premier ministre, regroupe les anciennes activités du Secrétariat général du comité interministériel des villes, le SG-CIV, de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, que nous connaissions tous, et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ.

Sans remettre en cause l’intérêt de la création du CGET, ni les synergies potentielles entre les anciens services qu’il réunit, je m’interroge sur la cohérence de ce changement de maquette, considérant que la politique de la ville avait toute sa place aux côtés des crédits consacrés au logement, en particulier au logement social.

L’article 57 ter, rattaché à la présente mission, prévoit le report d’un an, au 1er janvier 2016, de la dissolution de l’ACSÉ et du transfert de ses activités à l’État, compte tenu de la nécessité de sécuriser les circuits de financement de la politique de la ville, en plein renouvellement. Je présenterai d’ailleurs un amendement de coordination lors de l’examen de cet article.

Le programme 147 s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ; il tient compte de la géographie des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville, les NQPV.

Ce programme est doté de 456 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 457 millions d’euros de crédits de paiement. Les crédits d’intervention de la politique de la ville sont préservés, puisqu’ils s’élèvent à 338 millions d’euros de crédits de paiement, dont 332 millions d’euros alloués à la seule action n° 1, Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville.

Les baisses de 10 % des autorisations d’engagement et de 8 % des crédits de paiement n’entament en rien les quatre actions que comprend le programme 147. En effet, elles s’expliquent principalement par la mise en extinction progressive de l’exonération de charges sociales applicable dans les ZFU, les zones franches urbaines, au 31 décembre 2014, et par les modes de calcul applicables depuis 2009 aux exonérations déjà accordées.

Même la coupe budgétaire opérée en seconde délibération à l’Assemblée nationale – le fameux coup de rabot – a épargné la politique de la ville, puisque la minoration de crédits de 6, 83 millions d’euros ne porte en fait que sur le coût de ces exonérations sociales, compte tenu des dernières prévisions concernant leur montant.

Les dépenses fiscales associées au programme restent importantes, avec en particulier une prévision de 358 millions d’euros pour les impôts d’État en 2015, soit une hausse de 9, 5 % par rapport à 2014.

En outre, le taux réduit de TVA pour les opérations d’accession sociale à la propriété, chères à notre collègue Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann s'esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

J’ajoute que le dispositif d’exonération des bénéfices réalisés par les entreprises en ZFU devrait être prolongé, tout en étant peut-être plus encadré, jusqu’en 2020, en vertu de l’article 22 du projet de loi de finances rectificative pour 2014, actuellement examiné en première lecture à l’Assemblée nationale.

S’agissant des dépenses fiscales sur impôts locaux prises en charge par l’État, l’article 42 ter du projet de loi de finances pour 2015 prévoit également le prolongement, jusqu’en 2020 et sous certaines conditions, de l’abattement de 30 % appliqué à la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les constructions de logements sociaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, dont nous espérons que la liste sera publiée incessamment !

La mise en œuvre de la politique de la ville dépasse très largement les seuls crédits budgétaires inscrits dans le programme 147. En effet, les crédits de droit commun doivent être mobilisés en priorité, tant au niveau national que local. Les crédits spécifiques à la politique de la ville ne constituent qu’un complément permettant un effet de levier.

Dans tous les cas, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, le Gouvernement doit poursuivre ses efforts en ce sens et, en particulier, signer des conventions avec les différents ministères qui gèrent les crédits dits « de droit commun ». Voilà un match que je vous souhaite de gagner ! Et je souhaite que les autres ministères n’en profitent pas pour lever le pied sur leurs crédits dans les quartiers concernés…

Mme la ministre et Mme la secrétaire d'État acquiescent.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

La situation financière de l’agence nationale pour la rénovation urbaine reste préoccupante pour l’avenir, compte tenu de la baisse annoncée de la contribution d’Action logement, avec 850 millions d’euros par an. Je regrette en particulier qu’Action logement doive contribuer pour 150 millions d’euros supplémentaires au financement du Fonds national d’aide au logement – le fameux FNAL – en 2015, plutôt qu’à la rénovation urbaine. Pour 2015, la participation totale aux dépenses du FNAL s'élève ainsi à 300 millions d’euros. Pour résumer, de l’aide à la pierre est transférée vers l’aide à la personne…

Je sais que le comité de surveillance de l'Union d'économie sociale pour le logement-Action logement, l’UESL-Action logement, a approuvé hier le projet de convention pluriannuelle pour 2015-2019, et je m’en réjouis.

M. Philippe Dallier s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

En tout état de cause, j’espère que cette baisse du financement n’entraînera pas de blocage pour les opérations en cours de l’actuel PNRU, le programme national de rénovation urbaine, ni de retard pour le lancement du NPNRU, le nouveau programme national de renouvellement urbain. Peut-être, madame la ministre, pourrez-vous nous rassurer sur ce point.

Je rappelle également que quelque 600 millions d’euros pourraient être réclamés à tout moment à l’ANRU au titre d’opérations non soldées. Certes, le directeur de l’agence nous a indiqué que les montants concernés devraient se révéler inférieurs – autour de 400 millions d’euros –, d’une part, parce que les enveloppes initialement prévues sont généralement plus larges que les dépenses réellement constatées, et, d’autre part, parce qu’une incertitude porte sur l’achèvement des programmes de certaines collectivités en dépit des avances perçues.

Néanmoins, je fais là un procès d’intention : tant que le programme est en cours, on ne peut pas affirmer qu’il sera ou non exécuté…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Rejoignant la position déjà développée par notre collègue Jacques Chiron dans le rapport qu’il a publié au nom de la commission des finances sur la base de cette enquête, je crains que la fin des avances ne constitue un frein à l’engagement des collectivités territoriales dans les opérations de rénovation urbaine de leurs quartiers, d’autant qu’elles connaîtront par ailleurs – on l’évoque ici depuis plusieurs jours – une baisse importante de leurs dotations.

Conscient par ailleurs des difficultés pratiques causées par le système actuel, j’espère qu’une solution pourra être trouvée concernant ces avances. À cet égard, je formule une suggestion : ne serait-il pas possible que les avances ne puissent être débloquées qu’en contrepartie d’un ordre de service concernant l’ouverture des chantiers ?

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et sous cette réserve concernant le financement de la rénovation urbaine, j’avais évidemment proposé à la commission des finances d’adopter les crédits consacrés à la politique de la ville.

Toutefois, comme le programme 147 est rattaché à la mission « Politique des territoires », sur laquelle notre collègue Pierre Jarlier s'est déjà exprimé, je me borne à rappeler, comme ce dernier vient de l’indiquer, que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits globaux de la mission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est avec un grand plaisir que je suis le rapporteur en séance publique, pour la première fois, des crédits pour 2015 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », autrement dit du FACÉ.

Je remarque que son ancêtre, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, a été créé en 1936, sous l’impulsion notable de Paul Ramadier, alors sous-secrétaire d’État aux travaux publics.

Ce fonds a été créé sur un principe simple de péréquation : les usagers des territoires urbains, mieux desservis, financent l’amélioration de la desserte des territoires ruraux – j’observe que ce principe aurait dû ou devrait être appliqué pour le très haut débit.

Il a changé de nom depuis 2012 en devenant le compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », mais il a conservé jusqu’à aujourd’hui le même acronyme, FACÉ. Comme le fait dire Giuseppe Tomasi di Lampedusa à son personnage Tancredi dans le roman Le Guépard, « Il faut que tout change pour que rien ne change » !

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

En tant que président du syndicat des énergies de l’Ardèche, fonction que j’occupe depuis sept ans, je pourrais vous parler très longuement du FACÉ. Toutefois, je m’en tiendrai aujourd’hui à une présentation synthétique des points marquants du présent projet de loi de finances pour 2015 concernant ce compte spécial, ainsi qu’à une série d’observations et de questions à l’attention de Mme la ministre.

Première remarque, les recettes du FACÉ ont beau être assises sur une contribution due par les gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité – surtout ERDF, Électricité Réseau Distribution France –, son coût est au final imputé sur le consommateur d’électricité. Cette contribution, attendue à hauteur de 377 millions d’euros en 2015, soit un montant stable depuis 2012, est recalculée régulièrement, de manière à couvrir exactement les crédits prévus sur l’exercice.

Par exemple, les taux en vigueur à ce jour ont été récemment fixés par un arrêté du ministre chargé de l’énergie en date du 30 juillet 2014. Aux termes de cet arrêté, le taux de la contribution, calculé en centimes d’euros par kilowattheures, s'élève ainsi à 0, 035119 en zone rurale et à 0, 175593 en zone urbaine. Il est donc cinq fois plus élevé en zone urbaine, faisant du FACÉ, dès le stade de son financement, un dispositif de péréquation.

Pour ma part, j’estime que ce mécanisme de répartition des charges entre communes rurales et communes urbaines doit rester globalement inchangé. J’en profite donc, madame la ministre, pour vous interroger : le maintien d’un tel système de répartition des coûts entre zone rurale et zone urbaine est-il bien dans les intentions du Gouvernement ? On peut concevoir quelques craintes, compte tenu de toutes les attaques que subit la ruralité…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

J’en arrive à ma deuxième remarque, qui porte sur les destinataires des aides du FACÉ. Ce sont les autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité, ou AODE. Ces dernières peuvent être des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d’électrification, pourvu qu’elles soient les maîtres d’ouvrage de travaux d’électrification rurale.

Ces AODE sont le plus souvent des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d’électrification à l’échelle départementale. À cet égard, je me félicite que la tendance au regroupement des syndicats soit quasiment achevée en 2014. Seuls six départements – la Corrèze, la Côte-d’Or, l’Isère, la Manche, le Nord et l’Oise – n’ont pas pu faire aboutir ce regroupement, pour des raisons liées à des circonstances locales.

Madame la ministre, quels sont vos objectifs et vos stratégies en 2015 et 2016 pour avancer sur la voie de la départementalisation ?

Troisième remarque, le taux de prise en charge des travaux s'établit à 80 % de leur montant hors taxe, et les dotations sont notamment réparties en fonction des départs mal alimentés – les DMA – calculés par EDF.

J’attire votre attention sur la réforme de 2011, qui, avec des modifications unilatérales des critères, a réduit de façon très importante le nombre des clients mal alimentés. Par exemple, en Ardèche, on est passé sans faire de travaux de 4 845 à 2 778 clients mal alimentés, soit une baisse de 43 % ! Et cette diminution est encore en dessous de la moyenne nationale… C’est exactement comme si l’on cassait le thermomètre, plutôt que de faire baisser la température.

Alors que le taux d’aide est aujourd’hui uniforme, j’estime qu’une réflexion pourrait être engagée sur une variation des taux d’aide selon les collectivités et la nature des travaux.

À cet égard, j’aimerais connaître, madame la ministre, votre position. Que pensez-vous d’une variation des taux d’aide selon les collectivités ? Êtes-vous favorable à une variation du taux d’aide selon la nature des travaux ? Le cas échéant, pensez-vous pouvoir ouvrir une réflexion à ce sujet l’année prochaine ?

J’en viens maintenant à ma quatrième remarque, qui concerne la destination des dotations. Il agit de financer des travaux sur les réseaux de distribution d’électricité. En 2015, les investissements sur les réseaux de distribution publique d’électricité auront, comme à l’accoutumée, diverses finalités.

J’en citerai quelques-unes pour mémoire.

Tout d'abord, j’évoquerai les opérations de renforcement des réseaux, dont les dotations destinées à les financer s'élèvent à 184 millions d’euros. Cette action vise à améliorer la qualité de l’électricité distribuée, qui peut se dégrader en raison de l’augmentation du nombre d’abonnés raccordés sur un départ à basse tension eu égard à la capacité électrique de l’ouvrage de distribution.

Ensuite, je citerai la sécurisation des réseaux, avec une prévision de dépense de 81 millions d’euros dans la perspective d’évènements exceptionnels – tels que des tempêtes, ou d’autres intempéries – susceptibles de provoquer une interruption de la fourniture. Malheureusement, à cet égard, nous sommes particulièrement gâtés en ce moment, et je suis de tout cœur avec les départements qui sont touchés.

Enfin, je mentionnerai l’enfouissement, avec 55, 5 millions d’euros d’aides destinées au financement d’importantes améliorations esthétiques, mais également d’opérations de fiabilisation – notamment en zone de montagne –, ou encore l’extension des réseaux, 47 millions d’euros devant permettre d’assurer le développement de ces derniers.

J’estime que les actions de renforcement et de sécurisation doivent demeurer des axes prioritaires parmi les missions du FACÉ, mais qu’il convient de réviser progressivement à la hausse la part des travaux d’extension et d’enfouissement.

Madame la ministre, le Gouvernement partage-t-il ma préoccupation ? Est-il favorable à un accroissement progressif de la part des travaux d’extension et d’enfouissement ?

Ma cinquième remarque porte plus spécialement sur l’exécution budgétaire de l’année en cours, sachant que, en 2012, 2013 et 2014, on a constaté l’existence d’importants reports de crédits d’une année sur l’autre. Dans un tel contexte, j’invite le Gouvernement à veiller à ce que l’exécution de 2014 soit la plus élevée possible, à procéder aux paiements dans les délais les plus brefs et à faire preuve de bienveillance dans l’examen des dossiers.

Madame la ministre, j’en profite pour vous interroger de nouveau. Où en sommes-nous, en ce début du mois de décembre 2014, dans l’exécution budgétaire du FACÉ ? Quelles sont vos projections de consommation des crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement à fin 2014 ? Et quel sera le niveau des crédits reportés sur 2015, également en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ? Je sais que ce ne sera pas le cas, mais j’affirme avec force que les retards de paiement connus en 2012 ne doivent plus jamais se reproduire.

Je récapitule, pour conclure, mes recommandations.

Premièrement, les actions de renforcement et de sécurisation doivent demeurer des axes prioritaires pour les missions du FACÉ, mais il convient de réviser progressivement à la hausse la part des travaux d’extension et d’enfouissement.

Deuxièmement, la répartition des charges et des produits entre zone rurale et zone urbaine doit rester identique.

Troisièmement, alors que le taux d’aide est aujourd’hui uniforme, une réflexion est à engager sur une variation de ce taux selon les collectivités et la nature des travaux.

C’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances vous propose à l'unanimité, mes chers collègues, d’adopter, sans modification, les crédits pour 2015 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », qui est pour moi un remarquable instrument de solidarité entre les territoires. Notre pays a besoin, surtout dans la période difficile que nous traversons, de s’appuyer sur ce principe de solidarité, qui m’est cher.

Pour terminer, je voudrais mettre en garde ceux qui seraient tentés de bouleverser le système électrique français, comme d’ailleurs celui de l’eau et de l’assainissement, pour donner de nouvelles compétences et surtout de nouvelles marges financières à des collectivités qu’ils voulaient supprimer voilà quelques semaines. Ce serait un très mauvais coup porté aux communes et territoires ruraux déjà fragilisés.

Au nom d’une prétendue simplification, a-t-on le droit de laisser sur le bord de la route des pans entiers de territoires qui ne demandent qu’à vivre ? « Alors, pourquoi vouloir à tout prix casser ce qui fonctionne bien ? » Mes chers collègues, je n’ai pas inventé cette phrase, elle a été prononcée, en 2013, à Montpellier, lors du congrès de la FNCCR, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, par un éminent spécialiste, M. Jean Gaubert, alors député socialiste et aujourd’hui médiateur national de l’énergie.

Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, méditons cette sage parole. §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen des crédits du programme 147, « Politique de la ville », intervient cette année dans un contexte particulier, puisqu’il s’agit du premier budget après l’adoption de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

En cet instant, permettez-moi de rendre hommage à Jacques Barrot, qui vient de s’éteindre. En tant que secrétaire d’État au logement, il avait lancé les fameuses opérations HVS, Habitat et vie sociale, qui préfiguraient la politique de la ville.

Pour revenir au sujet qui nous intéresse plus particulièrement, les crédits du programme 147 diminuent certes de 9, 8 % en autorisations d’engagement et de 7, 9 % en crédits de paiement, mais cette baisse correspond à une « économie mécanique » résultant de la fin de l’entrée dans le dispositif des zones franches urbaines à compter du 1er janvier 2015 et de celle de l’expérimentation des emplois francs.

Le budget de la politique de la ville est donc pour l’essentiel préservé en 2015, ce dont je me félicite.

Les crédits à destination des quartiers de la politique de la ville sont stables à hauteur de 332 millions d’euros. Il s’agit, d’une part, des crédits à destination des quartiers prioritaires dans le cadre des nouveaux contrats de ville, qui bénéficieront de 173 millions d’euros, et, d’autre part, des dispositifs spécifiques, tels que le programme de réussite éducative ou les adultes-relais, qui recueilleront 159 millions d’euros.

À ces crédits, il convient d’ajouter les crédits de droit commun, qui représentent 4, 3 milliards d’euros, dont la loi Lamy a réaffirmé qu’ils devaient alimenter en priorité les crédits de la politique de la ville. Enfin, il ne faut pas oublier que le présent projet de loi de finances consacre 358 millions d’euros aux dépenses fiscales rattachées à ce programme, tel le taux de TVA réduit de 5 % pour les opérations d’accession sociale dans les quartiers de la politique de la ville ou l’abattement de 30 % de la taxe foncière pour la construction de logements sociaux.

Je dois cependant constater quelques retards dans la mise en œuvre de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville.

La fusion de l’ACSÉ, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, avec le Commissariat général à l’égalité des territoires a été reportée d’une année, afin de finaliser les transferts de dispositifs budgétaires et financiers, ce qui est une bonne chose pour les associations. La liste définitive des quartiers prioritaires devrait être connue d’ici à la fin de l’année.

Permettez-moi également, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, d’attirer votre attention sur les difficultés auxquelles se heurtent nombre des communes les plus pauvres dans le cadre de la baisse des dotations. Il est nécessaire de les soutenir, car elles supportent des charges élevées et ne disposent que de ressources insuffisantes.

Je souhaiterais maintenant vous faire part de quelques observations sur le nouveau programme de renouvellement urbain, d’une part, et sur l’emploi des jeunes des quartiers prioritaires, d’autre part.

Le nouveau programme de renouvellement urbain pour la période 2014-2024 concerne en priorité les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, soit deux cents quartiers, dont la liste devrait être connue au cours de la première quinzaine de décembre.

Comme vous le savez, l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, va devoir poursuivre la mise en œuvre du PNRU, le programme national pour la rénovation urbaine, et dans le même temps lancer ce nouveau programme, ce qui n’est pas sans poser quelques interrogations sur la capacité financière de l’agence. Actuellement, l’ANRU décaisse 1 milliard d’euros chaque année. Fin 2013, il restait encore quelque 1, 7 milliard d’euros à engager et 4 milliards d’euros à payer.

La loi Lamy a prévu que 5 milliards d’euros seraient affectés au NPNRU, le nouveau PNRU. L’État et Action logement étant parvenus à un accord, ce dont je me félicite, sur la convention quinquennale 2015-2019, le financement du NPNRU est désormais bouclé.

Je voudrais insister plus particulièrement, comme mon collègue Daniel Raoul, sur la suppression annoncée du système des avances pour le NPNRU, préconisée par la Cour des comptes. Ce système présente, il est vrai, quelques imperfections, mais sa suppression ne me paraît pas être une bonne chose. En effet, rares seraient les projets de rénovation urbaine, pour les villes les plus pauvres, qui pourraient voir le jour sans ces avances. La solution d’un versement d’une somme forfaitaire lors du commencement des travaux me paraît raisonnable.

J’en viens maintenant à mon second point, à savoir l’emploi des jeunes dans les quartiers prioritaires.

Le taux de chômage des jeunes habitant dans les quartiers prioritaires atteint 45 %, contre 23 % sur le reste du territoire. Nous devons tous mesurer l’enjeu de cet écart et les conséquences sociales et territoriales de ce constat alarmant.

Je voudrais insister plus particulièrement sur deux dispositifs d’accès à l’emploi.

Grâce à la charte de l’ANRU, les clauses d’insertion dans les marchés publics sont une vraie réussite. Au 30 juin 2013, plus de 19 millions d’heures d’insertion ont été effectuées dans le cadre de 375 projets de rénovation urbaine par environ 50 400 personnes. On a relevé que 65 % des bénéficiaires habitaient dans les ZUS, les zones urbaines sensibles, ou les quartiers concernés par le PNRU. C’est un dispositif que l’on doit encourager, et peut-être même étendre à d’autres marchés publics de l’État ou des collectivités locales.

Quant à la garantie jeunes, elle offre aux jeunes sans emploi et sans formation un accompagnement renforcé des missions locales et une allocation de ressources. Ce dispositif expérimental, qui concerne 4 800 jeunes, devrait être généralisé, avec l’objectif d’atteindre 50 000 bénéficiaires en 2015.

En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’en remet à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme 147, « Politique de la ville ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Hervé Maurey, en remplacement de M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Rémy Pointereau, rapporteur pour avis, n’ayant pu être là aujourd'hui, j’ai souhaité le remplacer en tant que président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour vous faire part d’un certain nombre de réflexions, plus politiques que budgétaires, j’en conviens.

Sur l’aspect strictement budgétaire, vous le savez certainement, nous avons émis un avis défavorable sur les crédits proposés, parce que nous considérons que le budget n’est pas à la hauteur des enjeux.

Ce que nous critiquons, c’est non pas tant la baisse des crédits – même si 350 millions d’euros en moins sur trois ans, ce n’est pas rien –, mais bien davantage les choix effectués par le Gouvernement d’un point de vue qualitatif.

Il s’agit tout d’abord de la remise en cause de dispositifs qui, nous semble-t-il, ont fait leur preuve. Je veux parler des pôles de compétitivité, aucun nouvel appel à projets n’étant désormais envisagé, et des pôles d’excellence rurale, aucune reconduction de crédits n’étant prévue après 2016, car le Gouvernement évoque simplement une contractualisation encore très floue à ce stade.

C’est la même chose pour la politique des grappes d’entreprises, pour laquelle aucun financement opérationnel n’est prévu.

La suppression de ces dispositifs, lesquels, je le répète, ont largement fait leurs preuves, nous pose problème. Surtout, ce qui préoccupe notre commission, c’est que l’aménagement du territoire, rebaptisé par le Président de la République « égalité des territoires », est toujours le parent pauvre de l’action publique. Cette situation provoque, nous le voyons bien, une véritable désespérance de nos territoires et de leurs habitants, qu’ils traduisent dans leurs votes.

Les attentes des habitants de nos territoires sont pourtant connues. Ils veulent, on le sait, des services publics, un accès facilité aux soins, un accès à la téléphonie mobile et à l’internet, et même aux carburants. J’évoque ce dernier point, ce texte tendant à mettre à mal le dispositif d’installation des sociétés distributrices de carburant, alors même qu’une telle mesure aura un impact très fort sur l’attractivité commerciale d’un certain nombre de bourgs ruraux.

Je crois, madame la ministre, je le disais à l’instant, que les besoins de nos territoires et de leurs habitants sont largement connus. Il n’est donc plus temps de commander, comme vous le faites, une consultation nationale sur le numérique, des assises des ruralités ou un rapport sur la téléphonie mobile. Tout cela est déjà largement connu, et il est grand temps d’agir.

Je prendrai quelques exemples. Le plan France Très Haut Débit, c’est très bien, mais ce n’est pas cela qui donne un réseau de téléphonie mobile ou du haut débit aux territoires qui n’en ont pas ! Promettre du très haut débit à ces territoires, c’est pour le moins insuffisant. Notre collègue parlait voilà quelques instants du FACÉ : que ne mettons-nous en place un tel système pour financer le déploiement du très haut débit sur notre territoire !

Le Gouvernement évoque souvent le retour d’un État stratège. Celui-ci, à mes yeux, devrait se positionner pour suppléer les collectivités dans les domaines où elles n’interviennent pas. Surtout, il devrait se poser en régulateur, pour mettre fin à cette situation d’absence de régulation pour les opérateurs.

Nous avons le même problème de régulation pour ce qui concerne l’accès aux soins. Vous vous félicitez constamment de la réussite des maisons de santé pluridisciplinaires, mais combien de maisons ont-elles été installées, alors même qu’elles ne disposent pas de médecins ? Là aussi, comme le Sénat l’a proposé voilà un peu moins de deux ans dans un rapport adopté à l’unanimité, il faut envisager des dispositifs de régulation.

La régulation, madame la ministre, a un avantage énorme : elle ne coûte rien ! Cependant, elle nécessite, c’est vrai, du courage politique. Or force est de le constater, ce gouvernement en manque. La résultante, c’est que l’on a eu beau transformer le ministère de l’aménagement du territoire en ministère de l’égalité des territoires et la DATAR en Commissariat général à l’égalité des territoires, les inégalités territoriales se creusent, la réforme des rythmes scolaires n’ayant fait malheureusement qu’accroître une telle tendance.

Notre commission ne peut se résoudre à cette situation. C’est la raison pour laquelle nous serons extrêmement vigilants tout au long de l’année 2015. Nous souhaitons d'ailleurs profiter du vingtième anniversaire de la dernière loi d’aménagement du territoire pour proposer et mettre en œuvre des solutions fortes.

Vous nous avez annoncé voilà quelque temps la création d’un Comité interministériel pour l’égalité des territoires. Ce sera la première fois depuis le début de ce quinquennat. Nous observerons avec attention ce que le Gouvernement proposera pour montrer, enfin, qu’il se préoccupe vraiment de l’égalité des territoires.

Quoi qu’il en soit, soyez-en convaincue, madame la ministre, le Sénat, notamment la commission chargée de l’aménagement du territoire, sera extrêmement vigilant et déterminé en la matière. §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Joël Labbé.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’aborder la politique de la ville, j’évoquerai les deux autres missions rattachées à la politique des territoires.

Le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », concerne notamment la redynamisation des territoires ruraux, en confortant les bourgs comme pôles de centralité. Nous avons longuement évoqué ce sujet lorsque nous avons débattu des problématiques de la ruralité et de l’hyper-ruralité. J’entendais tout à l’heure notre collègue Pierre Jarlier évoquer la nécessité d’un calendrier : effectivement, puisque seulement cinquante bourgs ont été retenus sur les trois cents identifiés, est-il prévu d’étendre cette opération expérimentale ?

S’agissant de la résorption de la fracture numérique par le déploiement des réseaux, vos intentions sont bonnes, madame la ministre, mais les moyens trop limités. Pourtant, par le passé, c’est avec des moyens extrêmement limités que notre pays a réussi à couvrir son territoire, sans fracture, en réseaux d’électricité, de téléphone et d’eau potable. Toutefois, c’était avant l’avènement du grand libéralisme non régulé, qui n’a que faire des services publics !

S’agissant du programme 162, « Interventions territoriales de l’État », je dirai un mot, en ma qualité de breton, sur l’action spécifique Eau et agriculture en Bretagne. Plus de 8 millions d’euros en crédits de paiement sont encore prévus pour 2015. C’est bien sûr nécessaire, mais cette somme s’ajoute aux autres financements qui se cumulent depuis maintenant des années sans résultat probant.

Il est temps véritablement de mettre en œuvre la transition agricole sur notre territoire breton. La pression des élevages intensifs y est excessive, comme elle l’est sur l’environnement. Nous avons été condamnés de nouveau récemment par la Cour de justice de l’Union européenne pour le non-respect de la directive « nitrates ».

La politique de la ville, quant à elle, est en pleine refondation depuis le vote de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Comme l’a souligné Mme la ministre, il s’agit en quelque sorte De lui appliquer le choc de simplification. Espérons que celui-ci ne sera pas trop violent, tant le sujet est important…

Il était effectivement nécessaire de retrouver une cohérence après avoir empilé différents dispositifs pendant des décennies. Le critère qui a été choisi pour cette nouvelle carte des quartiers prioritaires est celui de la pauvreté des habitants. Le périmètre exact d’intervention sera déterminé en coordination avec les territoires, au travers de la conclusion des contrats de ville. Dès le mois de juin dernier, 1 300 quartiers, dont 200 en rénovation urbaine, ont été identifiés, dans 700 communes.

Une attention particulière doit être accordée aux quartiers qui sortiront des dispositifs précédents. Nous devons continuer à suivre leur évolution et vérifier que la transition se passe correctement. Il faudra donc les accompagner.

Nous saluons également l’effort prévu pour créer des entreprises, donc des emplois, dans ces zones qui connaissent un taux de chômage en moyenne deux fois supérieur au reste du territoire, notamment chez les jeunes.

L’ambition des contrats de ville est forte. Plus que les normaliser, nous devons faire de ces quartiers des quartiers exemplaires, exceptionnels, en vertu de la clause du « territoire le plus favorisé ». Ce principe a pour but de faire bénéficier ces quartiers prioritaires des atouts du territoire environnant, en commençant par l’excellence environnementale, qui réduira également la précarité énergétique, et l’innovation numérique, qui les rendra plus attractifs pour les entreprises.

Le nouveau programme de rénovation urbaine permettra une rénovation de ces quartiers, avec pour mission de les désenclaver aussi bien physiquement que dans les esprits. Cela se fera en concertation avec les habitants au travers des conseils citoyens regroupant les habitants, les associations et les institutions.

Il faut véritablement retisser le lien entre les habitants et les structures politiques locales. À cet égard, j’attire l’attention du Gouvernement sur le collectif Pas sans nous, qui fédère et coordonne les quartiers populaires. Il souhaite la mise en place d’un « fonds d’intervention citoyenne ». Celui-ci pourrait être complémentaire des conseils citoyens, auxquels il pourrait être juste de confier un budget permettant de mener des actions concrètes dans leurs propres quartiers.

Alors, évidemment, les crédits sont en baisse, mais, comme l’ont souligné nos rapporteurs, c’est essentiellement lié à la fin de l’entrée dans le dispositif des zones franches urbaines et à la suppression des emplois francs à l’action « Revitalisation économique et emploi ».

Par ailleurs, la politique de la ville étant transversale, il est difficile de juger les volumes réels engagés à la lumière des seuls crédits de la mission. Les cinq milliards d’euros de subventions de l’ANRU pour la mise en œuvre du nouveau programme de renouvellement urbain sont de nature à nous rassurer quant aux moyens dédiés à cette politique, d’autant qu’un milliard d’euros devrait être consacré à la transition pour ceux qui sortent de la carte des quartiers prioritaires.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer sur quel rythme sont prévus ces financements ?

Pour nous, écologistes, il est essentiel que les opérations d’aménagement urbain intègrent aussi des objectifs de lutte contre la précarité énergétique, mais également prennent en compte la biodiversité et la nature en ville, pour rendre ces quartiers agréables à vivre. Qu’est-il prévu quant aux critères de ce nouveau programme national pour la rénovation urbaine ?

Le projet est ambitieux et il démarre à peine. Nous suivrons attentivement sa mise en œuvre. Évidemment, dans le contexte actuel de diminution des dotations aux collectivités territoriales, nous serons vigilants, afin que les mécanismes de péréquation garantissent une solidarité effective sur l’ensemble du territoire.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, s’agissant du débat sur la politique des territoires, si j’ai bien conscience de la diversité des enjeux que cette question présente, je me concentrerai ici sur le volet « politique de la ville », dans le peu de temps qui nous est imparti.

Pour reprendre le propos du philosophe Henri Lefebvre dans Le Droit à la ville, il faut poser « politiquement le problème de la société urbaine ». Il nous faut comprendre les enjeux auxquels nous avons à faire face, nous fixer des objectifs politiques, puis nous donner les moyens d’y répondre.

En matière de politique de la ville, le constat est aujourd’hui plutôt alarmant : les tensions sont bien présentes dans nos quartiers, et nous les ressentons ; la situation de nombre de nos concitoyens se dégrade dramatiquement, dans un contexte de mise en cause des services publics et de la protection sociale, et ce constat est encore plus vrai dans les quartiers populaires, où les populations sont plus qu’ailleurs en proie aux injustices et aux inégalités.

Dans les quartiers dits « prioritaires », la part des jeunes adultes au chômage est de près de 50 % ; les sans-diplômes sont, eux, 57 % ; quelque 22 % des ménages de ces quartiers sont concernés par une allocation chômage et près de 23 % de la population vivent avec moins de 60 % du revenu médian. Ces difficultés sont connues ; il faut y répondre.

Le Gouvernement, à maintes reprises, a rappelé la dimension prioritaire qu’il accordait à la politique de la ville. De fait, conduire une mutation profonde de cette dernière, la rendre plus lisible, plus juste, plus efficace, ce sont des objectifs que nous approuvons pleinement. C’est ce qui avait amené notre groupe, il y a un an, à voter la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Nous avions alors soutenu les avancées positives que représentaient notamment la reconnaissance du rôle central du maire ou encore l’adoption du principe de la participation des habitants au travers des conseils citoyens. Enfin, nous avions acté le lancement du nouveau programme de renouvellement urbain.

Notre vote n’était pas un blanc-seing donné au Gouvernement, et force est de constater que le budget que nous examinons aujourd’hui, autant que la situation dans laquelle se trouvent nos quartiers les plus en difficulté, donne raison à notre prudence.

La politique de la ville a bien souvent été pensée comme à part, alors qu’elle devrait au contraire constituer le ciment d’une politique publique au service des populations. Aujourd’hui, même cette « roue de secours » est remise en cause par la quête « austéritaire » de réduction des déficits à n’importe quel prix.

Madame la secrétaire d’État, vous déclariez il y a peu que la « politique de la ville est une politique de cohésion sociale » : revenons sur les objectifs qui ont été fixés.

La réforme de la géographie prioritaire a réduit de 2 500 à 1 300 le nombre de quartiers bénéficiant de la politique de la ville. Si nous entendons l’argument d’une meilleure concentration des moyens, nous ne pouvons cependant que nous inquiéter de l’avenir des 1 200 quartiers dorénavant exclus de ces programmes prioritaires, qui concernent près de 200 communes et trois millions de nos concitoyens. Rien ne justifiait, selon nous, de restreindre aussi drastiquement la liste de ces quartiers.

Par ailleurs, seul le critère du revenu a été retenu pour identifier les territoires dits « prioritaires », alors que nous savons pertinemment que des réponses satisfaisantes exigent une prise en compte plus globale des problèmes posés aux habitants de ces quartiers.

Notre groupe sera extrêmement vigilant à ce que ces quartiers déclassés ne soient pas oubliés et puissent, comme cela était prévu dans la loi de février 2014 à la suite du vote de l’un de nos amendements, bénéficier de contrats de ville adaptés, avec la mobilisation des crédits de droit commun.

Un autre aspect sur lequel a beaucoup insisté le Gouvernement est justement la mobilisation du droit commun, notamment par une implication accrue de tous les ministères au travers de conventions bilatérales.

En dehors du fait que nous n’avons aujourd’hui aucune connaissance du contenu de ces conventions, posons-nous la question : comment une action plus efficace peut-elle être mise en place dans un climat d’austérité généralisée, qui amène le Gouvernement à réduire toutes ses interventions ?

L’exemple de l’éducation nationale est à ce titre parlant, puisque l’on sait à présent que les 60 000 postes supplémentaires promis seront pourvus, pour une très grande majorité d’entre eux, non par des postes pérennes de titulaire, mais des postes de stagiaire.

Va-t-on répondre aux besoins de formation de la jeunesse, a fortiori dans les quartiers prioritaires, avec des postes de stagiaire ? Qu’en est-il des établissements sortis de la géographie prioritaire, qui font l’objet d’une forte mobilisation ces derniers jours ?

Si la défense de ce budget de la politique de la ville repose donc en grande partie sur l’argument selon lequel les crédits de droit commun seront davantage mobilisés, ce que nous ne pouvons que soutenir, la traduction concrète demeure plutôt floue.

Enfin, je dirai quelques mots sur l’aménagement et le renouvellement urbains, au cœur de la politique de la ville. La loi de 2014 a prévu le lancement d’un nouveau programme pour la rénovation urbaine qui devra être mis en œuvre par l’ANRU. Doté de cinq milliards d’euros sur dix ans, ce programme est censé bénéficier aux deux cents quartiers dont les dysfonctionnements sont jugés les plus importants, quartiers encore inconnus à ce jour.

Toutefois, pour mener à bien ses missions, c’est de 9, 3 milliards d’euros, et non pas de 5 milliards, que l’ANRU aurait besoin. En effet, le PNRU 1 n’est pas encore achevé et près d’un tiers des crédits d’engagement reste encore à verser. On ne peut donc que constater « l’impasse financière » dans laquelle se trouve l’ANRU, comme l’ont noté les rapporteurs de la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale.

Depuis 2008, l’État n’a pas versé un seul euro à l’ANRU, ses dotations relevant presque exclusivement d’Action Logement, qui doit aujourd’hui – c’est un comble – emprunter pour satisfaire l’ANRU ! Plus encore, le maintien du système d’avance de l’ANRU, qui existait jusqu’à présent, est remis en cause pour le nouveau PNRU. Sans ce dispositif, les communes ne pourront plus démarrer de chantier, faute de trésorerie ou de capacité d’endettement.

Au final, ce budget est bien loin des exigences auxquelles nous avons à faire face. La baisse de la dotation globale de fonctionnement a un impact sur l’ensemble de nos communes, et ce n’est pas l’amendement voté à l’Assemblée nationale visant une hausse de la dotation de solidarité urbaine, aussi intéressant soit-il, qui pourra réparer les dégâts que cause à des milliers de communes une telle réduction.

De même, les crédits spécifiques de la politique de la ville, qui devraient être plus soutenus que jamais, sont encore réduits, contrairement à ce qui a été affirmé. Sont particulièrement concernés, par rapport à l’année passée, la réussite éducative et les postes d’adultes relais. On nous demande de ne pas nous inquiéter… Madame la secrétaire d’État, vous avez déclaré que « gouverner, c’est faire des choix ». Nous veillerons à ce vous assumiez ces choix.

En tout état de cause, nous ne voterons pas les crédits du programme 147, tels qu’ils nous sont aujourd’hui proposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, mes chers collègues, je sais, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, que vous êtes l’interprète de nos territoires auprès de l’exécutif. Aussi, vous ferez le maximum pour que nous soyons entendus par celui-ci.

Parler aujourd’hui de la politique des territoires, c’est souvent verser du vitriol sur une plaie purulente. Pour nous, cette politique doit être une politique d’aménagement du territoire, une politique par laquelle l’État assure sa mission constitutionnelle, garantit à chaque citoyen, à chaque territoire les moyens de se développer. Elle doit donc être une politique d’équilibre, une politique juste pour tous.

Or, depuis plus de trente ans, que constatons-nous ? Exit la planification – la DATAR change de nom, parce qu’elle se dissout dans le paysage –, une décentralisation dont les aspects positifs sont reconnus, mais dont les effets pervers sont voilés, et dont le premier fut récemment mis en exergue par l’un de nos collègues députés socialistes, qui déclarait ceci : « Vous avez aimé le jacobinisme national, vous allez adorer le jacobinisme régional ».

En tant que jacobin national, j’ose affirmer que c’est malheureusement la réalité depuis déjà plusieurs décennies. Les métropoles régionales existent et nous sommes favorables à leur développement – nous avons d’ailleurs voté la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi « MAPAM » –, mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment des territoires interstitiels. Or tel est ce qui s’est passé.

À une échelle différente, ce fut aussi le cas pour certaines banlieues par rapport aux plus grandes concentrations urbaines. Il n’y a pas de territoires ruraux et de territoires urbains, il y a des territoires riches et des territoires pauvres et en difficulté, que ce soit dans l’urbain ou dans le rural.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

De quoi avons-nous besoin ? Et là je me fais l’interprète des territoires interstitiels. Il nous faut trois ingrédients essentiels : liberté, accessibilité à nos territoires et préservation de la matière grise qui peut exister dans nos territoires – et, si possible, en faire venir.

S’agissant de la liberté, nous la trouverons dans la clarification des compétences. Vous annoncez, madame la ministre, et le Gouvernement avec vous, vouloir faire la chasse aux normes. Mais nous devons aussi faire la chasse aux schémas, friandises préférées de nos technocrates nationaux et régionaux, et encore plus aux schémas directifs que le Gouvernement veut sacraliser dans la loi NOTRe, au mépris du principe constitutionnel de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

Nous avons des projets dans nos territoires. Nous les connaissons mieux que des technocrates à vision éloignée parfois de plusieurs centaines de kilomètres. D’ailleurs, il est déraisonnable que des régions continuent de nous imposer des usines à gaz pour obtenir tel ou tel financement. Cela engendre des surcoûts, des pertes de temps et les projets ne se réalisent pas, à commencer dans la région que je connais le mieux, mais cela peut se décliner dans nombre de régions.

Nous avons aussi besoin de matière grise. Nos territoires voient leur matière grise aspirée par les métropoles régionales : préfecture de région – j’ai bien entendu le discours du Premier ministre, il faut renforcer les préfectures des départements qui ne sont pas préfecture de région, et il a raison, mais on continue à ne pas le faire et à supprimer encore dans nos territoires gendarmerie, trésorerie, et j’en passe –, sièges de banque, de compagnie d’assurance et d’agences diverses. Nous avons des difficultés pour embaucher, nous connaissons des problèmes d’accessibilité à nos territoires, sans parler des régimes indemnitaires et des salaires.

Se pose aussi, en ce qui concerne la matière grise, la question fondamentale des formations post-bac hors des métropoles régionales. Et là, c’est un véritable chantier sur lequel il faut intervenir rapidement. L’autonomie des universités, c’est bien, mais quand elles sont en difficulté que font-elles ? Comme je l’ai dit ce matin, quand il y a le feu à la maison, on ne s’occupe plus de la grange. Or, pour nombre de ces universités, les pôles universitaires délocalisés, c’est la grange !

Tout cela est bien évidemment aggravé par les futurs projets de réforme territoriale.

Concernant l’accessibilité, l’injustice flagrante par rapport à l’enclavement de certains territoires s’est creusée : sur la route – les temps de trajet sont plus longs aujourd’hui qu’il y a vingt ans –, sur le rail – il en est de même –, sur les lignes à grande vitesse. À cet égard, j’ai lu dans la presse que le Conseil d’État s’apprêtait à annuler le projet de TGV Poitiers-Limoges. Ce sera une grande réussite s’ils y arrivent, alors que l’on a un besoin vital de ce type de lignes au milieu de la France ! Mais l’injustice s’est creusée aussi en matière de nouvelles techniques, par exemple la 4G.

J’ai là un document relatif à la couverture des services 4G par département métropolitain au 10 juillet 2014. §Je prendrai trois départements emblématiques : la Lozère voit 0, 5 % de sa surface et 15, 9 % de sa population couvertes ; la Creuse, 0 % de sa superficie couverte et 0 % de sa population ; enfin, le département que je connais le mieux, le mien, le Cantal, a 1, 3 % de sa superficie couverte et 22, 2 % de sa population.

Est-ce cela la justice ? Est-ce cela une politique d’aménagement du territoire ? Évidemment, ce n’est pas la faute du gouvernement au pouvoir depuis deux ans. §Cela vise surtout les territoires à faible démographie, mais il y a un lien de cause à effet.

Les dispositifs utilisés par les gouvernements successifs depuis des décennies pour pallier la fracture territoriale n’ont pas permis de la réduire. Il arrive même qu’ils l’aggravent

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable opine de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce n’est pas une modification marginale du système des ZRR, les zones de revitalisation rurale, ou le renouvellement de quelques-uns de ces dispositifs qui remédiera à l’absence d’une véritable politique d’aménagement du territoire – que nous demandons au Gouvernement et à vous-même, madame la ministre. En fonction de vos réponses, notre groupe apportera son soutien à votre politique. §

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Monsieur le président, mesdames les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, en préambule de mon intervention sur le sujet si sensible de l’aménagement des territoires, je tiens à dire ici toute ma sympathie et ma compassion à l’ensemble des populations, spécialement celles de mon département du Var, qui ont été durement touchées par les inondations. Nous avons passé une semaine sur le terrain pour organiser le soutien et la gestion de crise dans ma commune et je sais combien ces épreuves sont éminemment difficiles sur le court terme, lorsqu’il faut évacuer, mais aussi sur le long terme, lorsque l’on voit que rien n’est fait, malgré de belles promesses, pour limiter les caprices de la nature, pas plus en termes d’organisation qu’en termes administratifs ou financiers. Nous arrivons donc dans le vif du sujet et dans le cœur des sujets financés, notamment, par cette mission.

Sans entrer dans des considérations d’écriture budgétaire, je m’accorde avec le rapporteur pour souligner que, pour avoir une meilleure lisibilité, il serait souhaitable que cette mission soit élargie à l’ensemble des programmes qui sont de facto de l’aménagement des territoires. Ce morcellement dans plusieurs missions ne facilite pas la vision globale de la politique gouvernementale sur ce sujet qui touche la vie quotidienne de nos compatriotes.

Commençons par nous féliciter de la mutualisation des moyens pour les administrations en charge de ces questions. La création du Commissariat général à l’égalité des territoires, le regroupement de plusieurs administrations est une bonne chose et nous espérons des économies budgétaires, mais surtout un accroissement de l’efficacité des politiques publiques portées par ces administrations.

Il en est de même pour la fusion annoncée de l’Agence française des investissements internationaux et d’UbiFrance. Notre pays a trop souvent laissé s’installer en parallèle des structures œuvrant sur les mêmes problématiques. Les années passées n’ont pas montré que la concurrence entre structures publiques était très bénéfique.

Un mot sur les pôles de compétitivité : ces actions lancées depuis plusieurs années partent d’une excellente idée et il convient de les pérenniser tout en étant vigilant sur leurs résultats concrets – j’insiste sur le mot « concret ».

Cependant, les pôles de compétitivité ne doivent pas être un prétexte pour faire déménager des structures, notamment d’enseignement, et participer ainsi à la désertification de certaines zones. Il paraît inconcevable que les pôles ne puissent pas concentrer en leur sein des structures éclatées sur un territoire mais participant à son maillage. Je pense ici au déménagement d’un certain nombre d’IUT, par exemple à Saint-Raphaël, IUT qui est déplacé de Saint-Raphaël à Toulon, au prétexte qu’ils ne permettraient plus aux gens, par exemple de Saint-Raphaël, aux jeunes en particulier, de mener à bien leurs études.

Un mot rapide, enfin, sur la politique de la ville. Il serait grand temps que cette politique ne soit plus guidée seulement par l’idéologie, voire par le clientélisme ; nous avons toute une série d’exemples dans les rangs de la gauche : M. Guérini, etc. Il faudrait que ce soient les élus de terrain, et eux seuls, qui portent cette responsabilité. Finalement, ils sont élus pour cela. Il faut donc que ce soit eux qui aient le levier pour mener à bien ce pour quoi ils ont été élus.

Comme pour pratiquement tous les sujets, votre seul objectif, avec ce projet de loi de finances, c’est de vous soumettre au diktat bruxellois et de réduire la voilure, encore et encore. Le désengagement de l’État impose aux collectivités territoriales de gérer des politiques qui ne sont pas de son niveau ou pour lesquelles elles n’ont ni les moyens ni la légitimité. Le tragique exemple du barrage de Sivens en est la triste illustration. Les projets d’infrastructures d’envergure doivent être portés par l’État et, dans le même temps, les populations au niveau local doivent être consultées.

L’aménagement du territoire doit être piloté par l’État, garant de l’unité nationale, mais validé par les populations au niveau local ! N’ayez pas peur de la démocratie ! N’ayez pas peur, par exemple, des référendums locaux, qui permettraient probablement de résoudre bien des choses dans ces cas-là.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Je conclus. Il nous faut retrouver un État stratège, une administration centrale qui, à travers ses services déconcentrés, décline cette stratégie au niveau tactique, et des collectivités territoriales qui la rendent opérationnelle avec des moyens alloués par l’État en fonction des missions fixées.

Comme les discussions sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » l’ont souligné, le flou sur les missions et les moyens de chacun entraîne gaspillage, inefficacité, déresponsabilisation et, donc, mécontentement. Nous voterons donc contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires », composée des programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », « Politique de la ville » et « Interventions territoriales de l’État », constitue un outil d’intervention en faveur de l’ensemble de nos territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.

L’approche globale de cette mission budgétaire nous permet de tenir compte des disparités entre les territoires, entre des zones urbaines, périurbaines ou touristiques qui concentrent une part croissante de la population et certaines zones de montagne ou rurales de plus en plus isolées et dépeuplées.

Tous ces territoires, malgré leurs nombreuses diversités, rencontrent des problématiques communes, comme le logement, l’emploi, les transports, l’accès aux services publics de proximité, le très haut débit, la téléphonie mobile, dont nous avons déjà parlé, le développement économique, l’égal accès aux soins et, enfin, la mise en réseau des territoires – des métropoles aux villes moyennes jusqu’aux petits bourgs et aux zones rurales et hyper-rurales environnantes.

C’est pourquoi il me paraît essentiel et urgent de disposer des moyens nécessaires pour mettre enfin en œuvre une politique nationale volontariste en matière d’aménagement du territoire afin de permettre un développement territorial équilibré, plus harmonieux, et d’éviter que le déséquilibre déjà existant entre ces zones rurales et urbaines ne se transforme en fracture irrémédiable.

Nous avons longuement évoqué lors de ces réformes territoriales, notamment dans les départements ayant une métropole, l’articulation future entre l’urbain et le rural. Je rappelle que l’articulation est un système permettant de relier deux entités. Or j’ai peur qu’une entité ne fasse rapidement défaut et que l’articulation ne serve plus à grand-chose. Si je prends le cas de mon département, la Haute-Garonne, 87 % de la richesse se trouve aujourd’hui concentrée sur 10 % du territoire ; nous ne sommes pas loin de mes prévisions catastrophiques.

Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit des crédits à hauteur de 708 millions d’euros en autorisations d’engagement et 761 millions d’euros en crédits de paiement, alors que la loi de finances pour 2014 prévoyait 812, 22 millions d’euros en autorisations d’engagement et 815, 31 millions d’euros en crédits de paiement. Cette baisse notable des crédits, de 12, 77 % pour les autorisations d’engagement et de 6, 64 % pour les crédits de paiement, tend à montrer que ce gouvernement, comme les précédents – pas de jaloux, comme disait Jacques Mézard –, n’a pas réellement pris conscience de l’utilité d’une politique territoriale cohérente et du potentiel existant dans les zones rurales pour insuffler une véritable dynamique dans tout notre pays. D’autant que cette baisse des crédits touche particulièrement le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », dans lequel figurent pourtant les moyens pour redynamiser nos territoires, comme les contrats de plan État-région.

En effet, la nouvelle génération de contrats de plan 2014-2020, avec des orientations prioritaires telles que la couverture du territoire en très haut débit, le développement des usages du numérique ou les mobilités multimodales – sera essentielle pour soutenir l’investissement et la croissance de nos futures régions.

Aussi, cette baisse des crédits met en péril notre politique d’aménagement, dont l’objectif majeur reste l’harmonisation du développement et le rééquilibrage économique.

Après cette présentation assez générale, plusieurs points ayant déjà été abordés cet après-midi, j’insisterai pour ma part plus particulièrement sur deux thématiques : la lutte contre les fractures numériques et le développement du haut et du très haut débit, et tout simplement la téléphonie mobile ; et l’égalité d’accès à une offre de soins de qualité et de proximité pour tous les citoyens.

Aujourd’hui encore, trop de communes, notamment dans mon département, sont en « zone blanche ». Ces communes, situées en zones rurales ou de montagne, ne disposent pas d’une couverture numérique digne de ce nom, même la téléphonie mobile est absente de quasiment toutes les vallées ainsi que du Piémont.

J’écoutais avec grand intérêt il y a quelque temps votre collègue Axelle Lemaire nous présenter le Plan France Très Haut Débit pour 2026. Il est très bien, séduisant. J’ai été séduit aussi. Je peux toutefois vous assurer que nous nous contenterions déjà d’une téléphonie normale. Bien sûr, insuffisamment peuplées, ces zones blanches présentent peu d’intérêt pour les grands opérateurs. Le coût du très haut débit étant très élevé en zone rurale, les programmes d’équipement actuels privilégient très majoritairement les zones offrant un retour sur investissement très rapide.

Il serait intéressant de se pencher sur de nouvelles pistes de financement, soit une taxe sur les opérateurs, soit une taxe beaucoup plus faible – qui a déjà été proposée par Hervé Maurey – sur tous les abonnements, afin de mettre en place un système de péréquation. Nous pourrions ainsi équiper de façon correcte les zones rurales.

On pourrait enfin raisonner en pourcentage de territoire couvert et non plus uniquement en pourcentage de population, ce qui donnerait une image plus réaliste des carences en matière de couverture.

L’apparition sur le marché de certains opérateurs low cost nous a permis de constater que les opérateurs pouvaient aisément supporter une nouvelle petite taxe en vue de cette péréquation.

Dans mon département, pour pallier cette fracture numérique, certains fournisseurs d’accès à internet indépendants et associatifs ont décidé d’investir les campagnes. C’est le cas de l’association toulousaine Tetaneutral.

Même si je salue ces initiatives indépendantes, cette carence reste inadmissible à notre époque et ne manque pas de poser de sérieux problèmes également dans le domaine de l’organisation des secours et des soins médicaux d’urgence.

Depuis décembre 2012, le Gouvernement a lancé un plan de lutte contre la désertification médicale, qui s’ajoute au déploiement à partir de l’année 2010 des maisons de santé et pôles de santé pluridisciplinaires. Il faut aller encore plus loin, car les inégalités ne cessent de croître.

Heureusement, l’installation dans certains territoires ruraux de praticiens roumains est très importante pour l’aménagement du territoire et l’égalité de l’offre de soins. Quand va-t-on se poser la question du numerus clausus dans nos universités de médecine, de pharmacie ou de dentaire ? En effet, parallèlement à l’arrivée de ces praticiens, essentiellement de Roumanie, certains jeunes Français partent étudier à l’étranger, en Roumanie, en Belgique pour une prépa-véto ou en Espagne pour devenir kinésithérapeutes ou dentiste.

Les maires de ces communes situées en zones rurales sont totalement conscients de toutes ces difficultés et de leurs conséquences néfastes pour la population et l’attractivité future de leur territoire.

Aujourd’hui, le sentiment d’abandon dans ces zones rurales est de plus en plus flagrant : suppression de services publics, apparition de déserts médicaux et, de surcroît, diminution des dotations de l’État aux collectivités ! Je citerai encore mon département, qui a été sinistré du fait des inondations en juin 2013. Nous avons vu, lors de la campagne sénatoriale, des maires désespérés quasiment jeter les clefs et se plaindre de manquer, à côté des aides de l’État à hauteur de 90 %, des 5 % ou 10 % d’autofinancement nécessaires pour démarrer la construction d’ouvrages de sécurité basiques. Des mesures d’urgence s’imposent en cas de sinistres pour au moins permettre à ces communes de commencer à dépenser les aides qu’elles ont obtenues.

Comme on a pu le constater lors de la présentation de la réforme territoriale, L’État ne semble malheureusement plus faire confiance aux élus ruraux ni sentir le pouls de ces territoires éloignés des grands centres de décision.

Pourtant, le dynamisme et le potentiel de ces communes existent et reposent sur une politique d’aménagement du territoire volontariste de l’État avec une mobilisation de toutes les forces vives comme les collectivités et les acteurs économiques, sociaux ou associatifs.

Voilà quelques années déjà, l’opinion publique et les médias s’étaient émus de la situation en Roumanie où l’ancien dictateur Ceausescu, dans un de ses délires mégalomaniaques, avait projeté de déplacer toute la population dans de gigantesques mégapoles. C’est, hélas ! chez nous un phénomène naturel…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

… qui ne fera que croître si l’aménagement du territoire reste, comme ces dernières années, un simple vœu pieux électoraliste.

Pour conclure, même si nous sommes tous conscients des efforts budgétaires à accomplir, nous constatons avec amertume que toutes les coupes effectuées sur le projet de loi de finances pour 2015 sont sans aucun effet sur le dérapage de notre dette et de notre dépense publique.

À la lecture de ce budget, dont les crédits baissent malgré l’importance de la mission, le groupe UDI-UC n’est absolument pas certain que le Gouvernement soit en mesure, ni ait envie, de relever les défis qui s’imposent aux différents territoires.

Ce budget manque beaucoup trop d’ambition pour redynamiser nos territoires et endiguer les fractures sociales, économiques ou numériques. Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC votera contre le budget de cette mission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je suis heureux d’intervenir au nom du groupe UMP sur ces crédits de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2015, dont il n’est pas besoin de rappeler l’importance en cette période de crise.

Alors que les grands investissements ferroviaires et même routiers capables de désenclaver certains territoires sont repoussés faute de crédits, alors que la réforme des rythmes scolaires dont l’urgente nécessité continue de nous échapper a créé une nouvelle fracture entre les villes et les campagnes, alors que les dotations aux collectivités continuent de diminuer et continueront de baisser, à l’heure où l’inquiétude grandit dans les territoires, ce budget ne risque pas de rassurer nos élus locaux.

Le 17 novembre dernier, vous étiez, madame la ministre, dans mon département des Côtes-d’Armor dans le cadre des Assises de la ruralité. Vous avez entendu de nombreux témoignages : désertification médicale, départ des derniers commerçants des communes, suppression des distributeurs automatiques et des guichets de poste. Tous concluaient sans surprise à l’urgente nécessité d’aider les territoires en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

En 2009, le ministre Michel Mercier, appartenant à un gouvernement de droite, avait fait un tour de France très similaire et faisait les mêmes constats, posait les mêmes diagnostics, proposait les mêmes solutions. Les diagnostics sont archiconnus depuis longtemps. Madame la ministre, nous attendons des actes.

Mercredi dernier, vous étiez auditionnée sur les crédits de la mission « Politique des territoires » par notre commission de l’aménagement du territoire. Je n’ai pu être présent car je recevais les maires de mon département avec mes collègues costarmoricains. J’ai toutefois lu le compte rendu de cette audition. Je dois bien avouer qu’au-delà des changements sémantiques avec un Commissariat général à l’égalité des territoires qui a pris la suite de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, la DATAR, je reste particulièrement sceptique, surtout après l’audition de ce matin ! Nous serons vigilants.

Il y a bien le programme expérimental pour la revitalisation des centres-bourgs que vous avez lancé, mais précisément j’aimerais comprendre : s’il y avait des crédits pour financer ce programme, pourquoi ne les a-t-on pas affectés, par exemple, au Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, dont les crédits sont en perpétuelle diminution et dont chacun s’accorde à dire qu’il correspond assez bien à la survie des commerces de proximité de nos communes ?

Certes, vous avez maintenu les primes d’aménagement du territoire. Concernant les zones de revitalisation rurale, vous annoncez une mission pour décider de leur devenir... Si le mécanisme est manifestement inefficient, pourquoi attendre avant de le réformer ? Quid, encore, des pôles d’excellence rurale créés sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et dont le grand mérite était de partir des initiatives individuelles privées, pour les valoriser et les aider ?

En matière d’aménagement numérique, de larges proportions de zones rurales risquent l’exclusion d’un réseau structurant le développement indispensable de nos territoires. Aujourd’hui, les opérateurs du très haut débit sont essentiellement attirés par les territoires à forte densité urbaine ; pourtant, 20 millions de Français vivent en milieu rural.

Madame la ministre, ce budget ne permet ni de redynamiser nos territoires ni d’assurer leur développement équilibré et solidaire, notamment en ce qui concerne l’accès de nos concitoyens aux services publics et à l’offre de soins – plusieurs orateurs l’ont dit. Les crédits consacrés à ces deux actions sont en baisse, au détriment des populations des zones rurales et de l’attractivité de ces territoires.

Je souhaite attirer l’attention sur tout l’intérêt de poursuivre le développement des maisons de santé pluridisciplinaires en milieu rural, à condition que des médecins y exercent. Les fonds publics manquent, mais les communes font un travail formidable de mobilisation des professionnels de santé.

Je regrette, enfin, que la discussion des crédits budgétaires soit si morcelée, surtout sur un tel sujet, car au fond de nombreux thèmes intéressent la politique des territoires.

Pour conclure, madame la ministre, je dirai que, comme sur la simplification, l’heure n’est plus aux grandes assises coûteuses avec déplacement de quatre ministres, l’heure n’est plus aux constats ni aux diagnostics, mais à l’action.

Et lorsque les fonds publics manquent, il me paraît urgent d’éviter d’ajouter des réformes qui alourdissent encore la charge des petites communes ou des collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Le Gouvernement doit avoir le courage de mettre en place des régulations, notamment concernant les opérateurs du numérique.

Vous parlez de redynamiser les territoires ruraux, de lutter contre les fractures territoriales, vous évoquez un développement équilibré et durable des territoires et un plan très haut débit, qui est effectivement stratégique pour leur développement.

Votre discours est plein de bonnes intentions, mais cela semble n’être que de la communication. Le gouvernement auquel vous appartenez nous y a habitués, car malheureusement les moyens font défaut.

Le groupe UMP votera donc contre les crédits de cette mission, car les territoires ruraux de notre pays attendent une autre réponse que celle que vous leur proposez.

Applaudissements sur les travées de l'UMP . – M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis, applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’heure où nous établissons une nouvelle organisation territoriale de la République, le budget pour 2015 doit faciliter la mise en œuvre du projet de renforcement de l’égalité des territoires au sein de celle-ci.

Certes, les crédits alloués, notamment au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et au programme 162 « Interventions territoriales de l’État », ont indéniablement baissé par rapport à l’année dernière : on observe en effet une baisse de 17, 6 % en autorisations d’engagement et de 4, 6 % en crédits de paiement.

Néanmoins, il faut souligner que la baisse de ces crédits est aussi l’expression de la volonté affirmée et assumée par l’État de maîtriser les dépenses publiques. Cette baisse ne contrarie pas l’objectif général qui tend à instaurer l’égalité entre les territoires, puisque, je le rappelle, cette mission représente 5 % des crédits globaux dédiés à cet aménagement.

Il faut se féliciter de plusieurs actions menées par le Gouvernement, en particulier de celles qui sont engagées contre la dichotomie entre l’urbain et le rural, contre toutes les fractures sociales et territoriales, qui portent atteinte à l’unité de notre République, laquelle est une et indivisible.

Je pense plus particulièrement à la récente création, le 31 mars dernier, du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, dont le budget de fonctionnement est inscrit dans le programme 112. La création de ce CGET marque une volonté de la part de l’État à la fois de favoriser un développement équilibré et durable des territoires, mais également de mettre en place une justice territoriale et ainsi de lutter contre les inégalités spatiales. À cet égard, il est plus qu’indispensable de donner aux espaces les plus fragiles, y compris les territoires ruraux, les moyens de leur propre développement, comme cela a été rappelé ici même voilà quelque temps.

Je me réjouis également du fait que l’ensemble des nouveaux CPER 2015-2020 comprennent un volet territorial, défini de manière souple, ce qui favorisera l’émergence de projets transversaux. La diversité et la spécificité des territoires sont ainsi prises en compte, et cela doit être salué.

De plus, il faut se féliciter de l’expérimentation visant à conforter le dynamisme des centres-bourgs. Pour ce faire, il est nécessaire, afin de les revitaliser, dans les campagnes et les zones périurbaines, de renforcer une intercommunalité adaptée, comprenant des démarches d’aide et d’accompagnement à la mutualisation. Conforter le dynamisme de ces centres-bourgs passe par un renouveau de l’activité économique de proximité. Dans cette perspective, travailler en liaison avec le secteur de l’économie sociale et solidaire me paraît essentiel.

Par ailleurs, je souhaite souligner l’effort financier de 15 millions d’euros prévus dans le cadre de la programmation annuelle pour le logement social, inscrit dans le programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».

Il faut aussi faire mention de l’entreprise « Plus de services au public » qui fait l’objet d’un plan d’action national et qui comprend la création de 1 000 maisons de services au public, d’ici à 2017. À ce titre, l’article 26 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « projet de loi NOTRe », me semble tout à fait opportun, puisqu’il prévoit également la création d’un fonds de développement pour ces maisons, contribuant ainsi à leur fonctionnement et qui sera alimenté par des contributions de l’État et des opérateurs de service.

Enfin, insistons sur le fait que le plan Très haut débit est conforté. Certains le jugent insuffisant, mais nous partons de si loin ! L’an prochain, 1, 4 milliard d’euros lui sont consacrés au titre du programme 343 de la mission « Économie ». Je m’en réjouis, car – ce constat a été rappelé – la cohésion territoriale passe par l’accès aux différents réseaux d’information, et notamment le réseau numérique.

Le plan Très haut débit est primordial. Rendre accessibles les services numériques, c’est permettre aux citoyens, aux entreprises, bref à tous ceux qui le souhaitent de s’installer dans les communes rurales pour y travailler, et, ainsi, de modifier l’image de communes dortoirs qu’elles renvoient trop souvent.

Je ne doute pas que le Gouvernement saura, à travers ce budget pour 2015, assurer un développement équilibré et solidaire des territoires. Mais pour cela, nous le savons, la redynamisation des zones rurales passe par la réduction de la fracture numérique et par le déploiement des réseaux d’information en leur sein.

Madame la ministre, vous l’avez rappelé mercredi dernier lors de votre audition devant notre commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire : « L’égalité ne signifie pas l’uniformité ». §Il est donc capital d’appréhender le territoire de la République dans sa diversité pour assurer une réelle justice territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

En conclusion, je tiens à vous interpeller sur deux points.

Premièrement, je m’inquiète de l’absence de crédits alloués en 2015 aux pôles territoriaux de coopération économique, qui visent à faire travailler ensemble les entreprises de l’économie sociale et solidaire, notamment les acteurs publics et les associations. Ces pôles sont d’une importance cruciale. Pouvez-vous me dire si cela signifie que ce dispositif sera effectivement abandonné en 2015 ?

Deuxièmement, je m’interroge sur les maisons de santé pluridisciplinaires, les MSP. En effet, le présent budget ne leur attribue, pour 2015, que 2 millions d’euros de crédits de paiement. Ce montant me semble faible pour un dispositif que plusieurs d’entre nous au sein cette assemblée considèrent comme essentiel.

M. Bernard Lalande applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Alors, vous allez voter les crédits, oui ou non ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Giudicelli

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » que nous examinons aujourd’hui devrait être l’expression de la solidarité entre les territoires. Or les programmes qu’elle renferme subissent une baisse significative par rapport à 2014. Les crédits diminuent, tout particulièrement au détriment des populations des zones rurales.

En outre, je constate la réduction des crédits du programme 112 et plus précisément de son action n° 2. Il s’agit des mesures liées au développement solidaire et équilibré des territoires.

Au surplus, je regrette l’abandon progressif des pôles d’excellence rurale, qui ont pourtant prouvé leur efficacité.

Avec ce budget, vous donnez la priorité à la politique de la ville, mais celle qui est consacrée aux territoires ruraux n’est pas à la hauteur des enjeux.

Il y a quelques jours, le Sénat a débattu sur le thème « ruralité et hyper-ruralité ». Le constat est clair : l’écart est en train de se creuser entre les villes et les communes rurales.

Je ne suis pas convaincue que les Assises des ruralités, qui se déroulent actuellement, puissent être l’axe fondateur d’une nouvelle ambition.

Les élus ruraux ont du mal vous croire, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, ces diminutions de crédits vont s’ajouter à d’autres baisses encore plus importantes. La dotation globale de fonctionnement du bloc communal diminuera ainsi de plus de 2 milliards d’euros, pour un total de 6 milliards d’euros sur trois ans. Cette baisse sera prise en charge à 70 % par les communes et à 30 % par les intercommunalités. C’est d’ailleurs le bloc communal qui devra fournir le plus grand effort.

Certes, nous prenons acte des annonces faites par le Premier ministre lors du Congrès des maires de France. Mais il me semble que le compte n’y est pas !

Madame la ministre, l’impact des baisses globales de dotations est manifestement sous-estimé. Bien des collectivités n’auront d’autre choix que de rehausser les tarifs des services publics ou, pis, d’augmenter les impôts locaux. Les investissements vont bien sûr en pâtir.

Parallèlement aux différentes baisses de dotations, les collectivités territoriales doivent faire face à des hausses de charges, au rang desquelles figure le coût de la réforme des rythmes scolaires.

Sous la pression des élus locaux, le Premier ministre vient d’annoncer la transformation du fonds d’amorçage de cette réforme en fonds de soutien. Mais vous avez décidé de ne reconduire cette aide que pour les communes dans lesquelles « sont organisées des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial », ou PEDT. Or certaines petites communes ne disposent pas de la technicité nécessaire pour élaborer ces projets. Avez-vous l’intention d’abandonner ce critère ?

Les élus ne sont pas seuls à être inquiets : la taxe diesel va aussi pénaliser les habitants des territoires ruraux et de montagne, qui n’ont pas d’autre moyen de transport que leur véhicule pour se déplacer, notamment pour aller travailler.

Au-delà des seuls aspects financiers, les préoccupations des élus ruraux portent sur les réformes qui touchent à l’organisation territoriale.

Votre politique a conduit à réduire le poids des territoires ruraux dans les conseils départementaux. Le redécoupage cantonal va éloigner les élus départementaux de nos concitoyens. Dans les Alpes-Maritimes par exemple, il faut désormais plus d’une heure et demie de route pour traverser certains cantons de part en part ! Le nombre de cantons de montagne passe d’une quinzaine à seulement trois.

Votre projet de constitution de communautés de communes à 20 000 habitants n’est pas réaliste. S’il doit être adapté en zone rurale et en zone de montagne, il faut que l’obtention des dérogations envisagées soit facilitée.

En conclusion, je l’affirme : il me semble inutile d’empiler les rapports et de multiplier les assises. Il faut à présent apporter des solutions.

Ce budget n’est pas rassurant, et c’est pour cette raison que nous ne voterons pas les crédits de cette mission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Madrelle

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, débattre de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2015 nous permet d’avancer sur notre projet politique en faveur de la ruralité et de l’hyper-ruralité, et partant de traiter d’enjeux qui sont au cœur des préoccupations du Sénat et du Gouvernement.

Madame la ministre, des Assises de la ruralité, que vous animez, au débat qui s’est tenu le 18 novembre dans cet hémicycle sur le thème « Ruralité et hyper-ruralité : restaurer l’égalité républicaine », en passant par le rapport que vous a remis notre excellent collègue Alain Bertrand l’été dernier pour alimenter notre travail sur le sujet, se dégagent un même constat et une même volonté.

Ces territoires, qui ont souffert de l’absence de politiques spécifiques et efficientes déployées à leur profit, sont également ceux par lesquels la consolidation de notre économie et de notre pacte républicain doit être conçue.

Le Gouvernement a pris la mesure de ce défi, comme en témoignent les actions qu’il a décidé de mettre en œuvre : création du Commissariat général à l’égalité des territoires – CGET – le 31 mars 2014, mise en place de nouveaux contrats de plan État-région 2015-2020 comportant un volet territorial à même de favoriser l’émergence de projets transversaux, lancement d’une mission interministérielle dans la perspective d’une revitalisation rurale, etc.

Cela étant, ce qui me frappe tout particulièrement dans ce projet de loi de finances, c’est le choix de conforter le plan Très haut débit. Une ligne budgétaire de 1, 4 milliard d’euros est en effet consacrée à ce dispositif dans le programme 343 de la mission « Économie ». De fait, une politique de développement solidaire et équilibré des territoires ne se conçoit ni sans le développement des infrastructures nécessaires pour permettre l’accès à l’internet ni sans une promotion des usages qu’il convient d’en développer. Ces critères déterminent eux aussi l’attractivité des territoires et leur compétitivité.

L’internet participe des évolutions conjointes des villes et des campagnes, qui appellent la dilution des frontières entre urbain et rural. Dans la pratique, les interactions entre les réseaux de villes et leurs campagnes se développent étroitement. Ce phénomène s’observe notamment en Gironde, département dont certains territoires répondent, par leur situation, aux critères de l’hyper-ruralité.

Comme l’annonçait en 2008 le groupe de travail consacré aux nouvelles ruralités, les relations entre villes et campagnes se transforment profondément sous l’effet de la mobilité des populations, des biens et des activités. Cette évolution est loin d’être achevée. Notre rôle n’est pas simplement de l’accompagner, il nous revient de l’orienter.

Par exemple, la dématérialisation des services publics est la réponse nécessaire et complémentaire aux maisons de services au public. Nous y reviendrons probablement dans le cadre de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui comporte des dispositions relatives à l’accessibilité des services publics.

Parmi les cinq thématiques qui régissent les CPER 2015-2020, la couverture du territoire par le très haut débit et le développement des usages du numérique figurent en très bonne place. En Aquitaine, la contribution du Conseil économique, social et environnemental régional, le CESER, au projet de CPER 2015-2020 illustre le lien étroit existant entre l’aménagement numérique du territoire en très haut débit et le développement de nouveaux services, usages et contenus. Mentionnant le plan France très haut débit pour une couverture très haut débit de 100 % de la population et des entreprises d’Aquitaine en 2022, cette instance souligne que le recours à la technologie FTTH y est très majoritaire.

C’est sur cette technologie que s’appuie le syndicat mixte Gironde numérique dans le cadre du schéma directeur territorial d’aménagement numérique de la Gironde. La création de cette structure répond précisément au refus de voir s’installer une fracture numérique sur le territoire girondin, Bordeaux possédant sa propre organisation en la matière et étant par ailleurs bien couverte. L’intervention publique était nécessaire, car les opérateurs étaient peu susceptibles d’investir dans des zones où la rentabilité n’était pas jugée suffisante.

Cette politique a eu pour résultat un fort recul des zones grises et blanches dans notre département. Néanmoins, il reste du travail à accomplir pour faire complètement disparaître ces espaces. En la matière, comme pour la promotion de nouveaux usages de l’internet – qui implique nécessairement la formation des acteurs dans le cadre d’une indispensable anticipation des évolutions organisationnelles, l’optimisation des accès à des ressources numériques larges et partagées ainsi que l’accompagnement des acteurs –, il est indiscutable que rien ne saurait être pensé sans un soutien sans cesse croissant de l’État.

Aussi, madame la ministre, je tiens à vous remercier très sincèrement et en toute objectivité des efforts qui ont été accomplis.

Mme Marie-Noëlle Lienemann ainsi que MM. Bernard Lalande et Jean-Louis Tourenne applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, compte tenu du temps de parole qui m’est imparti, je me concentrerai sur quelques constats très simples.

Madame Pinel, vous étiez au côté du Premier ministre, il y a quelques semaines, au trentième congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM. L’an prochain, nous fêterons les trente ans de la loi Montagne. Parmi ceux qui ont mené à bien ce travail législatif, avec Louis Besson, Augustin Bonrepaux et quelques autres, figure Jacques Barrot, qui vient de nous quitter et pour qui j’ai une pensée particulière en cet instant.

Tout le monde a salué le discours du Premier ministre. Disons les choses comme elles sont, on a entendu ce que l’on souhaitait entendre. À présent, comme on dit au rugby, il faut transformer l’essai !

Las, en lisant les divers rapports budgétaires, j’ai désespérément tenté de m’y retrouver un tant soit peu quant aux moyens qui seront consacrés à la politique de la montagne. À l’instar de M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial, je dois souligner que l’on se heurte, en la matière, à de réels problèmes de traçabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Notre première préoccupation n’est pas nécessairement d’obtenir davantage de moyens, c’est de savoir où sont ces ressources et, surtout, comment elles seront mises en œuvre.

Certaines politiques sont spécifiquement consacrées à la ruralité. Or la montagne n’est pas soluble dans la ruralité. Certaines problématiques se recoupent, mais les espaces montagneux soulèvent également des enjeux spécifiques, concernant le handicap, l’altitude, les surcoûts qui sont liés. Parallèlement, et comme la ruralité, la montagne représente, pour la Nation, un apport qui peut être rémunéré. Ainsi de l’énergie : la montagne fournit la majeure partie de l’énergie renouvelable produite dans notre pays, grâce aux technologies hydrauliques. Je songe par ailleurs au potentiel touristique et aux atouts des espaces naturels.

Les politiques mises en œuvre à travers les CPER devront tenir compte de ces particularités, de même que les dispositifs financés par les crédits européens.

À ce jour, les documents budgétaires ne permettent toujours pas d’identifier clairement quelles seront, au sein des CPER, les sommes dévolues aux conventions interrégionales de massif. Cependant, nous connaissons déjà très exactement le montant des enveloppes de crédits européens dédiés aux politiques de massif à travers le Fonds européen de développement économique et régional, le FEDER. Ces crédits sont énumérés très précisément, pour les Alpes, le Massif central et les Pyrénées, à la page 96 du document de politique transversale que nous avons pu consulter.

Les nouveaux programmes européens seront lancés dès le début de l’année prochaine, tandis que les CPER, eux, sont encore en cours de négociation. Le problème, c’est que ces contrats établissent les contreparties nationales nécessaires à la mise en œuvre des financements européens.

Une autre question est la manière dont les départements vont être associés aux conventions de massif, et aux programmes européens associés, car les régions auront désormais la main. Dans les programmations précédentes de crédits européens, les départements apportaient, au titre des contreparties nationales, la part la plus importante.

Il ne faut donc pas se contenter de leur ménager un strapontin à la table des discussions, et, surtout, à celle de la programmation ! Nous comptons sur l’État pour leur permettre de jouer tout leur rôle dans les instances de programmation de ces fonds.

Enfin, je voudrais évoquer un dernier point concernant l’instance mise en place pour succéder à la DATAR : le Commissariat général à l’égalité des territoires, ou CGET. Je n’ai rien contre, madame la ministre, en revanche, un sujet me préoccupe : j’ai lu le document de politique transversale, et j’invite mes collègues à le consulter. Il contient, en page 11, ce paragraphe : « pour apprécier l’efficacité de la politique d’égalité des territoires, le CGET a mis en place un indicateur de performance permettant de suivre la disparité de la création de richesse au niveau régional. Ainsi, l’indicateur “dispersion du PIB régional par habitant” représentant l’écart type du PIB régional par habitant sera suivi chaque année afin de rendre compte de la réduction – baisse de l’écart type – ou de l’augmentation – hausse de l’écart type – des inégalités de création de richesse entre les régions. »

Or, une politique d’aménagement du territoire se définit aussi à un niveau infrarégional, surtout lorsque l’on va faire grandir les régions. Si Lyon ou Nantes s’enrichissent, cela ne signifie pas que dans les territoires ruraux ou les territoires de montagne alentour il y a un enrichissement ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans ce débat, je vais concentrer mon intervention sur le sujet de la politique de la ville.

Cet exercice budgétaire prend place dans une phase de transition : beaucoup de choses vont changer, ou sont en train de changer.

Tout d’abord, la nouvelle loi va mieux cibler les territoires prioritaires. Elle prend en compte autant les territoires ruraux ou les villes moyennes que les territoires urbains. Dans l’esprit de l’égalité républicaine, c’est une bonne chose. Elle va également emporter des mutations dans les structures. Ainsi, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ, va progressivement être intégrée dans le Commissariat général à l’égalité des territoires. Je constate avec satisfaction qu’un délai a été prévu afin que cette évolution se fasse dans les meilleures conditions.

C’est la fin de l’ANRU 1 et le début du PNRU 2. C’est l’accord sur la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, que vous venez de signer, ainsi que votre collègue Christian Eckert, qui dégage une somme importante, issue de la contribution des entreprises.

Dans cette période de mutation, il est particulièrement difficile d’évaluer la montée en puissance des besoins nouveaux et donc de cibler les actions. Alors que l’heure est à la restriction de la dépense publique, on peut cependant se réjouir que la politique de la ville, globalement, hors allégement des cotisations sociales propres aux zones franches urbaines, ou ZFU, soit maintenue au même niveau budgétaire. Cela prouve que le Gouvernement en fait une priorité, et c’est nécessaire, parce qu’il s’agit d’un des piliers du pacte républicain et d’un élément déterminant pour la jeunesse de notre pays. Beaucoup de nos enfants vivent dans ces quartiers et ont besoin du soutien de la puissance publique pour leur avenir.

Ce budget accorde une priorité à l’humain. C’est important ! Trop souvent, la politique de la ville est envisagée sous l’angle des grands travaux. Ceux-ci étaient nécessaires, et beaucoup reste à faire, j’en parlerai, mais en dépit de ces projets et des améliorations qualitatives du bâti ou des équipements publics, la détérioration de la situation sociale pèse sur ces quartiers. Il est fondamental d’y mener des politiques publiques ambitieuses.

Vous maintenez le programme de réussite éducative et le programme adulte-relais. Le groupe socialiste et moi-même approuvons l’effort que vous proposez afin de mieux financer la participation des citoyens, en particulier avec les conseils citoyens, ainsi que l’emploi des jeunes dans ces quartiers. Mon collègue Daniel Raoul a déjà longuement évoqué ce point, je souhaite seulement insister sur l’importance de ces emplois pour les jeunes. Il fallait abandonner les emplois francs, qui n’ont pas donné les résultats escomptés.

Je suggère toutefois que l’on augmente la part des clauses d’insertion pour les jeunes des quartiers dans les travaux de l’ANRU, en quantité, mais aussi en qualité, afin d’orienter les bénéficiaires vers de véritables emplois et de véritables formations. J’ai donné quelques exemples dans lesquels il apparaissait manifestement que la dimension d’insertion était minime au regard de l’exigence de qualification des jeunes, qui reste nécessaire dans ces quartiers.

J’en viens à la question centrale du financement de l’ANRU. Un montant de 1 milliard d’euros est prévu pour achever le PNRU 1 et 5 milliards d’euros sont dégagés, entraînant un effet levier de 20 milliards d’euros, pour la deuxième phase du PNRU.

Il faut également insister sur les 600 millions d’euros qui vont être consacrés au commerce, notamment à travers les fonds de la BPI.

Reste la vraie question : qui paye ? Elle n’est pas nouvelle, et n’est pas propre à ce gouvernement. J’ai à l’esprit les grands engagements pris, « juré, craché », par M. Borloo affirmant qu’avec la création d’une agence les crédits publics seraient sanctuarisés. Bilan des courses : l’État ne finance plus l’ANRU, et laisse à Action logement et au mouvement HLM la responsabilité de cette charge. À cet égard, je souhaite savoir précisément comment vous envisagez ce financement. On nous dit que 850 millions d’euros vont être versés grâce à l’accord qui vient d’être signé sur la PEEC, mais cette somme est inférieure au milliard d’euros prévu initialement.

Je ne voudrais pas, madame la secrétaire d’État, qu’il vienne à l’idée de Bercy de compléter cette somme par un prélèvement sur le mouvement HLM, en particulier sur la Caisse de garantie du logement locatif social, CGLLS ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je rappelle que cette caisse est abondée par la contribution des organismes d’HLM. Qui paye en effet aujourd’hui la politique de la ville ? Essentiellement les collectivités locales, le mouvement HLM et Action logement.

Permettez-moi de vous dire qu’au regard de l’enjeu républicain que porte cette mission, il n’est pas légitime que la puissance publique, comme signe de son implication majeure, ne consacre pas directement des moyens aux poches de pauvreté de notre pays, là où les risques de communautarisme, de décrochages, de ségrégation sont si forts !

Pour autant, je forme le vœu que les grandes intentions de la loi, c'est-à-dire la mobilisation des crédits ordinaires de la puissance publique, les crédits budgétaires normaux, n’oublient pas ces quartiers au motif qu’ils bénéficieraient de la politique de la ville.

Il faut donc – et je compte sur vous, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, car je sais votre implication – que tous les ministères prennent bien la responsabilité de consacrer prioritairement des moyens en faveur de la jeunesse et de ces quartiers. Il y va du pacte républicain ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur le nécessaire maintien à une hauteur convenable des financements du programme 112.

Ce programme subit une baisse notable de 11 millions d’euros pour 2015. Pourtant, l’attractivité des territoires ruraux dépend en grande partie de ces crédits. Je soulignerai quelques programmes qui, pour sympathiques qu’ils apparaissent dans leur intention, seront loin de parvenir à satisfaire les besoins du milieu rural.

Endiguer la fracture numérique, souvent en faisant le choix du déploiement de la fibre optique, voire du satellite, est ruineux pour nos collectivités locales. Alors que les territoires urbains se voient doter en la matière de toutes ces infrastructures, sans bourse délier, nos territoires ruraux sont contraints d’engager des financements qui dépassent largement leurs capacités budgétaires.

Chaque mois de retard pris dans l’installation de ces équipements éloigne un peu plus nos territoires ruraux de la modernité, certes, mais aussi de la capacité à entreprendre. De grâce, madame la ministre, aidez, mais aidez massivement, nos territoires ruraux, surtout ceux qui sont très isolés !

Votre engagement global pour le territoire national est de 270 millions d’euros, pour quatre programmes, le numérique n’étant que l’un d’entre eux. Savez-vous combien coûtera l’installation du très haut débit dans le seul département de l’Aveyron ? 300 millions d’euros ! Quelque 140 millions d’euros seront nécessaires pour équiper seulement 60 % des habitants dans les cinq ans. Avec votre budget, on est donc très loin de l’enjeu.

Autant dire que nous n’avons pas le choix : soit nous restons dans les limbes de l’obscurantisme passéiste, et nous ne prenons pas le wagon de la modernité ; soit, nous nous saignons économiquement – et c’est ce que nous faisons – afin que tous nos habitants accèdent au haut ou au très haut débit, de manière qu’ils aient envie de rester et d’entreprendre dans nos régions.

Imaginez les sacrifices consentis par nos collectivités locales ! Ce qui sera investi là ne le sera évidemment pas ailleurs ! Votre gouvernement, qui n’a que le mot « juste » à la bouche, ne se préoccupe pas, ou si peu, de l’injustice qui naît de cette fracture numérique.

L’attractivité, madame la ministre, est aussi et surtout liée à la santé et à la permanence des soins. Vous le savez, attirer des généralistes en milieu rural n’est pas chose aisée, et seul le travail en association permet encore d’attirer quelques jeunes praticiens. Votre programme 112, sauf erreur de ma part, ne mentionne pas cette thématique pour 2015, avec l’éventuel financement des maisons de santé pluridisciplinaires, dont les territoires ruraux ne sont pas tous équipés.

Nombre de projets voient le jour sur nos territoires, et je souhaite vivement que nous puissions les appuyer financièrement.

Nous avons récemment débattu de l’hyper-ruralité. Or, l’hyper-ruralité, j’ai l’impression que tout le monde s’en fiche, sans doute parce que nous ne pesons pas assez lourd démographiquement.

Nous vivons en effet dans des espaces très peu densément peuplés, je pense notamment à un petit canton de l’Aveyron, celui de Cornus, que vous connaissez sans doute, madame la ministre... Sa densité est inférieure à six habitants au kilomètre carré quand celle du Sahel est de onze habitants au kilomètre carré ! Mon collègue Michel Bouvard et moi-même parlions tout à l'heure de l’hyper-ruralité. Il me disait qu’en certains endroits il s’agit de « ruralité abyssale ». Dans ces endroits, restent les agriculteurs, qui tiennent le pays et ses petits villages. Ces territoires méritent à mon sens quelques égards. Je ne demande pas de passe-droits, mais une politique différenciée.

C’était le cas avec les zones de revitalisation rurale, les ZRR, qui ont subi un sacré coup de rabot l’année dernière. Celui-ci affectera bien sûr les investissements futurs des divers établissements médico-sociaux, voire fragilisera ou mettra en péril des associations.

Nous souhaitons tous, sans opposer les territoires les uns aux autres, que les critères liés à l’hyper-ruralité soient prépondérants pour les ZRR et qu’ils ne soient pas modifiés au gré des influences des uns ou des autres. Madame la ministre, il ne faudrait pas que les seuls pôles d’excellence rurale, que nous apprécions, masquent ce qui ne serait qu’une politique d’accompagnement du délitement du monde rural.

Je vous pose les questions suivantes. Quelles sont vos intentions concernant les ZRR, si utiles pour les organismes d’intérêt général. Allez-vous aider beaucoup plus massivement les zones hyper-rurales afin de réduire la fracture numérique ? Pourra-t-on poursuivre les aides à la construction de maisons de santé pluridisciplinaires dans les zones très rurales ? §

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ma collègue Myriam El Khomri et moi-même ne disposons à nous deux que de quinze minutes, je ne pourrai donc malheureusement pas aborder la totalité de vos nombreuses interrogations. J’ai déjà eu l’occasion de répondre à la plupart d’entre elles en commission, en apportant beaucoup de précisions.

Je vais par conséquent me concentrer sur l’essentiel : le sens politique et stratégique de cette mission budgétaire que nous examinons aujourd’hui.

Auparavant, je veux m’associer à l’hommage rendu tout à l'heure par Annie Guillemot à Jacques Barrot.

La mission « Politique des territoires », et plus spécifiquement le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », placé directement sous ma responsabilité, a connu d’importantes évolutions au cours de l’année précédente, avec notamment la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET.

Cette évolution et les moyens qui l’accompagnent participent de la volonté du Gouvernement de fonder une politique d’aménagement du territoire qui soit davantage axée sur la réduction des inégalités et l’amélioration des coopérations entre l’urbain et le rural. Plusieurs d’entre vous ont évoqué ce point et nous aurons l’occasion d’y revenir prochainement.

J’ai en effet l’intime conviction que l’aménagement du territoire, au même titre que l’emploi, l’éducation ou l’accès au logement, figure parmi les grands défis que la France doit relever.

La raison tient aux profondes évolutions que notre territoire a connues et aux bouleversements de la société qu’elles ont entraînés.

La concentration des populations et des activités, l’évolution des modes de vie ont créé de nouveaux défis à relever en matière notamment de transport, de logement, d’accès aux services, au numérique ou au cadre de vie. Plusieurs d’entre vous sont revenus sur la question du numérique et de la téléphonie, en particulier Philippe Madrelle. Je partage votre avis : l’aménagement numérique est indispensable. Ce thème est fortement revenu au cours de chacun des ateliers des Assises des ruralités.

La question des zones blanches est également primordiale. Ma collègue Axelle Lemaire a rappelé lors de l’atelier dans les Côtes-d’Armor combien ce sujet était important pour les territoires ruraux et que le CGET continuait de mobiliser des crédits pour soutenir l’implantation d’antennes afin d’en finir avec ces zones. Néanmoins, un tel objectif suppose un travail fin et approfondi avec les opérateurs pour qu’une fois l’équipement en infrastructures réalisé ils l’utilisent pour rendre le réseau disponible.

Je suis étonnée des positions de certains d’entre vous, alors que vous avez souligné les inégalités qui existent dans les territoires ruraux. Faut-il vous rappeler que les dix dernières années ces inégalités territoriales se sont particulièrement accentuées et que certains services publics ont été « cassés »…

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

À vous écouter, il faudrait que nous soyons parvenus à rétablir en deux ans un aménagement équilibré que vous avez mis dix ans à détruire !

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Un processus continu de périurbanisation et de réinvestissement des territoires ruraux rend de plus en plus ténue la frontière entre ville et campagne.

Il est désormais nécessaire de distinguer les zones rurales, de plus en plus intégrées aux dynamiques urbaines, qui connaissent une augmentation et un rajeunissement de leur population et donc une demande croissante de services, des zones les plus isolées, que l’on peut qualifier d’hyper-rurales, pour reprendre un adjectif imaginé par le sénateur Alain Bertrand qui m’a remis un excellent rapport sur le sujet, dont nous avons eu récemment l’occasion de débattre ici même.

Répondre au défi de l’aménagement du territoire, c’est avant toute chose prendre conscience de ces disparités, de la richesse qu’elles représentent pour peu qu’on se donne la peine d’adapter nos politiques en fonction de leurs spécificités.

Travailler à l’aménagement du territoire dans ce contexte, c’est agir pour plus de justice entre les territoires et donner corps à notre devise républicaine.

C’est là tout le sens des Assises des ruralités que j’ai organisées aux mois d’octobre et de novembre avec de nombreux parlementaires, des élus locaux, mais aussi des responsables de la société civile. Oui, j’ai conscience du potentiel des zones rurales et je fais confiance aux élus locaux.

À travers les visites que j’ai faites et les débats qui se sont tenus, je peux témoigner de la nécessité d’inventer de nouveaux outils pour faire en sorte que ces territoires soient pleinement inscrits dans le projet national et républicain que nous défendons.

Je suis actuellement en train d’élaborer une feuille de route, sur la base de cette démarche et des contributions riches et diverses que nous avons reçues. Des propositions concrètes seront faites lors du comité interministériel à l’égalité des territoires, qui formalisera cette nouvelle ambition. Ce comité sera présidé par le Premier ministre au premier trimestre de l’année 2015.

Élaborer une politique d’aménagement du territoire qui prenne en compte les spécificités des territoires ruraux et qui soit au service de leur attractivité, c’est aussi le sens du lancement de la nouvelle génération de contrats de plan État-région. L’État mobilisera une enveloppe de 12, 5 milliards d’euros jusqu’en 2020, ce qui correspond au montant de la génération précédente des contrats de plan.

Sur le programme 112 que nous examinons aujourd’hui, cela représente un effort de plus de 735 millions d’euros, dont 100 millions d’euros en 2015. Je précise que la baisse apparente de ces crédits pour 2015 a une explication technique : elle est due à la transition entre les anciens CPER, qui sont en phase d’apurement, et la nouvelle génération, laquelle connaîtra une montée en charge progressive.

Je rappelle combien cet effort est important compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur les finances publiques. Ces crédits abonderont principalement le volet territorial, qui vise à mettre en œuvre des projets et des dispositifs spécifiques pour certains territoires, notamment ruraux. Je pense en particulier à la création des maisons de santé pluridisciplinaires, des maisons de services au public, à l’élaboration de projets de revitalisation de centres-bourgs ou encore la création d’équipements culturels, ainsi que le renforcement de la couverture internet du territoire.

Avec ce nouvel exercice de contractualisation, la politique d’aménagement du territoire est bel et bien au service de la réduction des inégalités et de l’amélioration de la compétitivité de notre pays.

La dernière composante du programme 112 sur laquelle je souhaite m’exprimer devant vous est le dispositif expérimental visant à conforter la présence de centres-bourgs dynamiques et animés dans les territoires ruraux et périurbains.

La liste des cinquante-quatre communes retenues vient d’être annoncée. Au total, ce sont en moyenne 40 millions d’euros par an, pendant six ans, durée de ces contrats, qui seront consacrés à cette expérimentation, avec une approche globale et transversale, monsieur le rapporteur, de soutien au commerce, à l’artisanat, à l’agriculture, à l’économie de proximité, aux services publics.

Ce dispositif expérimental a permis de mettre en lumière une problématique importante. J’y suis très attachée et je suis convaincue que nous allons continuer à agir dans ce domaine, au-delà de cet exercice budgétaire et de manière plus large. Le Premier ministre a d’ailleurs plaidé la semaine dernière devant le Congrès des maires de France en faveur d’une politique partenariale plus ambitieuse, qui aille au-delà de cette expérimentation. Je ne manquerai pas de faire des propositions en ce sens lors du prochain comité interministériel à l’égalité des territoires.

Le Premier ministre a également annoncé que la dotation d’équipement des territoires ruraux sera rehaussée de 200 millions d’euros en 2015, ce qui permettra de soutenir des projets de proximité. Cela représente une majoration d’un tiers par rapport à la dotation de 2014. Le Gouvernement fait donc un effort très significatif en faveur des territoires ruraux.

Voilà donc, très rapidement exposés, quelques-uns des enjeux en matière d’aménagement du territoire, notamment des zones rurales. §

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville

Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je veux m’associer à l’hommage formulé par Annie Guillemot après le décès de Jacques Barrot, qui a marqué de son empreinte humaniste la politique sociale de notre pays.

Pour faire écho aux propos entendus cet après-midi, qu’il s’agisse de la ruralité ou des quartiers, qui sont les territoires visés par la politique de la ville, nous sommes confrontés à des habitants souffrant parfois des mêmes maux, à savoir l’enclavement, les déserts médicaux, le manque de développement économique. Je ne voudrais donc pas que l’on oppose dans cet hémicycle les habitants des quartiers concernés par la politique de la ville avec les habitants des territoires ruraux !

Il a quelques mois, vous adoptiez à l’unanimité la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. J’ai aujourd’hui l’honneur de défendre le budget qui en est la traduction. Je vous prie d’ailleurs de bien vouloir excuser l’absence de Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

De nombreux orateurs l’ont souligné, la loi Lamy développe une ambition forte et renouvelle durablement les outils d’intervention de la politique de la ville. Avant, pour le volet social, nous avions le contrat urbain de cohésion sociale, s’agissant de l’ANRU, nous avions une convention particulière avec cette agence, et le volet « développement économique » était traité au travers des zones franches urbaines. Certains l’ont regretté, les choses étaient assez déconnectées et il y avait la tentation de travailler en silo.

Aujourd'hui, nous sommes dans une stratégie globale et intégrée. Comme l’a indiqué le rapporteur Daniel Raoul, le budget présenté dans le cadre du programme 147 sanctuarise les crédits d’intervention pour les trois années qui viennent, à l’euro près – 338 millions d’euros – sur un nombre moindre de quartiers. C’est à mon sens un marqueur de la politique de la gauche, puisque, je le rappelle, entre 2009 et 2012, le budget avait diminué de 17 %.

L’accompagnement des territoires les plus en difficulté, c’est aussi la solidarité financière : depuis deux ans, cette majorité a renforcé les dispositifs de péréquation. Nous devons poursuivre cet effort, plus encore dans la période actuelle, pour les communes les plus pauvres, comme l’ont souligné Annie Guillemot et Joël Labbé.

Contrairement à ce qu’ont dénoncé quelques orateurs, la baisse du budget n’est liée qu’à la sortie en sifflet des zones franches urbaines. Je le répète : le budget dans les territoires est sanctuarisé.

Nous souhaitons mobiliser les trois piliers dans les 390 contrats de ville, avec une vision transversale qui a été traduite notamment dans notre administration centrale qu’est le Commissariat général à l’égalité des territoires, et comme l’a justement souligné le rapporteur Pierre Jarlier.

Le premier pilier est la cohésion sociale. Marie-Noëlle Lienemann l’a indiqué, il s’agit de donner la priorité à l’humain. C’est le sens de l’action menée par le Président de la République depuis deux ans, pour plus de cohésion nationale.

Concrètement, 187 millions d’euros de crédits financeront les actions de cohésion sociale, notamment celles qui sont portées par les 7 000 associations de la politique de la ville. Pour répondre à M. Rachline, il ne s’agit absolument pas de clientélisme !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État

Il s’agit simplement de soutenir des associations assurant la promotion d’activités éducatives et sportives, et offrant au quotidien des actions aux habitants des quartiers populaires. Ces associations, comme les centres sociaux, sont très utiles à la cohésion sociale. M. Rachline, qui dénonce ici un prétendu désengagement de l’État, a pourtant décidé dans sa ville de se désengager de ces programmes ! Je tenais à le rappeler ici.

Parmi ces crédits fongibles, nous mettons l’accent sur l’emploi et le développement économique, avec une progression de 5 % du budget consacré, notamment pour répondre à la situation particulièrement préoccupante du chômage des jeunes.

Nous mettons aussi l’accent sur la lutte contre le décrochage scolaire avec un doublement des moyens qui lui sont dédiés, qui passent de 3 millions à 6 millions d’euros.

Nous mettons, enfin, l’accent sur la participation citoyenne et sur le soutien au monde associatif. Comme de nombreux orateurs l’ont rappelé, c’est vraiment le fil rouge des nouveaux contrats de ville.

Notre priorité étant la jeunesse, nous consacrons par ailleurs 76 millions d’euros aux programmes de réussite éducative. Je signale à M. Jean-Pierre Bosino que ces programmes n’enregistrent pas de baisse, pas plus d’ailleurs que les financements consacrés aux adultes-relais. En 2013, il y a eu une baisse du forfait des adultes-relais, que nous avons entièrement compensée dans le cadre des exonérations de charges sociales. Nous maintenons donc le même nombre de postes d’adultes-relais pour l’année prochaine, avec une baisse du forfait qui est complètement neutre pour les employeurs associatifs, et les 5 millions d’euros d’économies restent dans le budget des crédits d’intervention de la politique de la ville.

Je souhaite aussi répondre aux inquiétudes sur les financements des associations. Les appels à projets seront lancés avant la fin de l’année. Les préfets peuvent déjà proposer 85 % de l’enveloppe dont ils disposaient en 2014.

Pour 2015, les préfets organiseront la programmation de ces crédits en fonction des grands objectifs déjà définis dans les travaux préparatoires des contrats de ville. Ils devront, bien sûr, retracer les crédits spécifiques de la politique de la ville du programme 147, mais aussi et surtout les moyens de droit commun de l’État, soit près de 4 milliards d’euros, – dans les conventions interministérielles que nous signons avec de nombreux ministères, nous demandons une déclinaison dans chacun des contrats de ville – sans oublier les moyens des collectivités locales et de tous les services publics, pour donner plus de lisibilité à cette politique.

Le deuxième pilier est le développement économique, pour lequel nous demandons une mobilisation extrêmement forte.

Nous voulons en effet venir en soutien aux dynamiques des quartiers et au potentiel de créativité des habitants. Nous souhaitons également favoriser l’emploi dans ces quartiers.

Les « territoires entrepreneurs », qui prendront la suite des zones franches urbaines, seront désormais associés à une vraie stratégie économique locale. Par ailleurs, nous avons également prévu la baisse de l’exonération sur l’impôt sur les bénéfices à 50 000 euros afin de limiter les effets d’aubaine pour les entreprises peu créatrices d’emplois. L’idée est justement de favoriser l’emploi local.

L’entreprise doit réserver une part de ses embauches à des résidents d’un quartier visé par la politique de la ville.

La proposition de créer des territoires entrepreneurs ainsi qu’une mesure concernant les petits commerces seront discutées par l’Assemblée nationale cette semaine dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, que le Sénat examinera à son tour mercredi prochain.

S’y ajoute un plan ambitieux de développement de l’économie dans les quartiers de 600 millions d’euros : investissements de la Caisse des dépôts et consignations et crédits du programme des investissements d’avenir confiés à l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Le troisième pilier est le cadre de vie et les nouveaux programmes de rénovation urbaine.

L’ANRU a été à la fois une révolution urbaine et humaine pour les quartiers. Ce sont 5 milliards d’euros en équivalent subventions, en lien avec Action logement, qui seront prévus dans le cadre de nouveaux programmes de renouvellement urbain. §

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État

Il me semble que vous ne pouvez qu’être d’accord !

Nous nous sommes mobilisés dans le cadre de ce nouveau programme. Pour répondre à MM. Raoul et Bosino, je souligne que les opérations du nouveau programme pourront être amorcées dès 2015.

Pour les trois ans qui viennent, le financement de l’ANRU est garanti à hauteur de 850 millions d'euros et les deux programmes vont s’enchaîner de façon très harmonieuse.

Il est également envisagé un mécanisme d’avance au moment de l’ordre de service, et plus au moment de la signature de la convention. C’est une bonne idée, qui vient de vous, monsieur Raoul

Bravo ! et exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État

Je ne m’étends pas sur Action logement, Sylvia Pinel y reviendra au cours de la discussion. Mais cela montre en tout cas que nous ne sommes pas dans une politique d’austérité, que ces 5 milliards d'euros viennent en soutien de l’investissement public local. Au regard des dix ans de l’évaluation du programme de renouvellement urbain, nous souhaitons, bien évidemment, poursuivre et intensifier les clauses d’insertion, notamment en travaillant avec tous les acteurs de l’emploi sur de véritables parcours d’insertion. Nous travaillons également sur la question des copropriétés dégradées, qui reste une de nos préoccupations, au travers d’une convention avec l’ANAH.

Enfin, la ville durable est en effet un aspect important. L’approche environnementale globale a été intégrée dans le cadre du règlement général de l’ANRU et le nouveau règlement, justement, permettra de travailler sur les questions de performance énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je vous prie de conclure, madame la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, secrétaire d'État

En conclusion, ce budget est conçu pour accompagner au mieux la préparation des contrats de ville. Les contrats sont en cours et, en tant qu’élus locaux, beaucoup d’entre vous y prennent d’ores et déjà toute leur part.

Une attention particulière est portée aux territoires sortants, qui pourront être intégrés dans le cadre des contrats de ville en veille active.

Maintenant qu’est quasiment achevé le travail entre les préfets et les élus sur le périmétrage, qui est validé à près de 95 % et qui fera l’objet d’un décret d’ici à la fin de l’année, nous en appelons à la mobilisation de tous les acteurs pour la préparation de ces contrats de ville, qui visent à améliorer la vie quotidienne des habitants. Le vote de ce budget par votre assemblée renforcerait cette mobilisation. §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Politique des territoires », figurant à l’état B.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Politique des territoires

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

Dont titre 2

23 329 384

23 329 384

Interventions territoriales de l’État

Politique de la ville

Dont titre 2

21 188 680

21 188 680

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Ces crédits ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

J’appelle en discussion l’article 57 ter, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Politique des territoires ».

Politique des territoires

À la fin du premier alinéa du I de l’article 14 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, l’année : « 2015 » est remplacée par l’année : « 2016 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-47 est présenté par M. Raoul, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-126 est présenté par Mme Guillemot, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après les mots :

premier alinéa du I

insérer les mots :

, au premier alinéa du II et au III

La parole est à M. Daniel Raoul, rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-47.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Il s’agit d’un amendement de coordination qui tire les conséquences du vote intervenu à l'Assemblée nationale. Afin de préserver les actions de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ, jusqu’au 1er janvier 2016, il importe d’adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-126.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Cet amendement vise en effet à tirer les conséquences de l’adoption de l’article 57 ter, qui reporte d’un an, soit au 1er janvier 2016, la dissolution de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Le présent amendement prévoit donc, par coordination de reporter également à la même date la suppression des dispositions relatives à l’ACSÉ dans le code de l’action sociale et des familles et dans le code du service national.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Ayant largement dépassé tout à l'heure le temps de parole imparti, je me bornerai à dire que le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques.

Les amendements sont adoptés.

L'article 57 ter est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », figurant à l’état D.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Électrification rurale

Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d’utilité publique et intempéries

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Politique des territoires » et du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-806 du 17 juillet 2014 modifiant le chapitre unique du titre VIII du livre VII de la troisième partie du code de l’éducation relatif aux dispositions applicables à l’université des Antilles et de la Guyane pour y adapter le titre V de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche et les ordonnances n° 2008-1304 du 11 décembre 2008 et n° 2014-807 du 17 juillet 2014 modifiant la partie législative du code de l’éducation, déposé sur le bureau du Sénat le 3 décembre 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le mercredi 3 décembre 2014, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

M. Jean-Pierre Caffet remplace M. Claude Bérit-Débat au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », figurant à l’état B (et articles 52 à 54).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, madame la ministre, mes chers collègues, la mission dont je rapporte les crédits pour la commission des finances traite d’un sujet qui est au cœur des préoccupations des Français : le logement. Ce secteur connaît pourtant une crise sans précédent puisque à peine 300 000 logements seront mis en chantier cette année et que, selon les chiffres de l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, seulement 93 000 logements sociaux seront financés, hors opérations ANRU et outre-mer, sur les 135 000 programmés.

Cette situation très difficile a conduit le Gouvernement à annoncer bien tardivement, le 29 août dernier, un plan de relance dont plusieurs des mesures figurent dans le projet de loi de finances pour 2015.

Importante par le sujet, cette mission l’est aussi par le volume des crédits : plus de 13 milliards d'euros de crédits budgétaires et presque autant en dépenses fiscales.

Ces sommes permettront-elles de relever le défi qui nous est posé et d’atteindre les objectifs que s’est fixés le Gouvernement – 500 000 nouveaux logements par an, dont 150 000 logements sociaux à l’horizon 2017 ? Telle est bien la question principale que nous devons examiner.

Les crédits de la mission présentent une progression substantielle du volume des autorisations d'engagement comme des crédits de paiement, qui passent respectivement de 7, 8 milliards d'euros à 13, 66 milliards d'euros, et de 7, 626 milliards d'euros à 13, 427 milliards d'euros en 2015.

Cependant, cela n’est pas dû à une flambée de la dépense prévisionnelle, mais essentiellement à un changement de périmètre relatif au financement des aides personnelles au logement, j’y reviendrai.

À périmètre constant, l’augmentation des crédits est beaucoup plus modeste, moins de 100 millions d’euros, somme dont on doit se demander si elle sera suffisante puisque la majeure partie des crédits de la mission correspond à des dépenses de guichet, par nature difficilement maîtrisables et très liées à la conjoncture.

J’en viens au programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables ». Malgré des moyens renforcés, avec une augmentation de 4, 5 %, soit près de 60 millions d’euros supplémentaires, il est évident que ce budget se révélera insuffisant puisque la dotation prévue pour 2015 – 1, 375 milliard d’euros – reste inférieure de 21 millions à l’exécution 2013.

Et si l’on rapporte ce chiffre à ce que nous savons aujourd’hui de la probable exécution des crédits 2014, c’est pire encore puisque les crédits ici ouverts pour 2015 sont inférieurs de 100 millions d’euros.

En 2014, du dégel anticipé en crédits d’avance jusqu’au projet de loi de finances rectificative que nous examinerons dans quelques jours, il aura fallu, en cours d’année, rajouter plus de 150 millions d’euros aux crédits votés en loi de finances initiale.

Les crédits inscrits à ce projet de loi de finances pour 2015 ne peuvent donc qu’être considérés comme largement insincères. Il manquera probablement plusieurs dizaines de millions d’euros.

Au titre du programme 109 « Aide à l’accès au logement », le financement du Fonds national d’aide au logement, le FNAL connaît cette année un véritable bouleversement lié à la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.

En effet, pour alléger les charges pesant sur les entreprises, la branche famille de la sécurité sociale sera ainsi privée d’une partie de ses ressources. Le Gouvernement doit donc, à due concurrence, lui trouver d’autres moyens ou alléger ses charges.

Les crédits budgétaires destinés au FNAL progressent ainsi de 5, 9 milliards d'euros, dont 5, 7 milliards d'euros sont liés à ce changement de périmètre. Au total, ils s’élèvent, pour 2015, à près de 11 milliards d’euros.

Mais le FNAL est également alimenté par des ressources non budgétaires : 2, 55 milliards d'euros au titre des cotisations employeurs et 300 millions d’euros apportés par la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, que le Gouvernement souhaite par l’article 53, rattaché à la mission, maintenir en 2015 au niveau de l’an dernier, contrairement aux engagements qu’il avait pris vis-à-vis d’Action logement, qui prévoyaient un prélèvement réduit à 150 millions d’euros.

Financement du FNAL, financement de l’ANRU, financement de l’ANAH, tout cela se fait au détriment des missions initiales de la PEEC : l’aide aux salariés pour l’accession à la propriété et les travaux ainsi que la construction de logements neufs. Les représentants d’Action logement ont estimé à un milliard d’euros, sur cinq ans, la perte subie au titre des retours sur prêts, qui n’existent plus.

Il faut également rappeler que, face à ce qui aurait pu devenir une impasse budgétaire pour Action logement, le Gouvernement l’a autorisé à emprunter auprès de la Caisse des dépôts et consignations un milliard d'euros par an, sur les fonds d’épargne.

À l’évidence, le modèle économique sur lequel repose Action logement ne va plus tenir très longtemps. Même si un accord a été conclu hier soir, les critiques portées demeurent recevables. Voilà pourquoi, mes chers collègues, votre commission des finances vous proposera la suppression de l’article 53.

À périmètre constant, la progression réelle des crédits budgétaires destinés au FNAL n’est donc que de 200 millions d’euros. La question est de savoir s’ils seront suffisants puisque c’est l’État qui garantit l’équilibre du fond. Malheureusement, à cette question, je ne peux que répondre par la négative.

En effet, à la fin de 2014, selon les chiffres qui nous ont été communiqués par le ministère, une dette de près de 250 millions d’euros aura été reconstituée vis-à-vis du FNAL.

Par ailleurs, la prévision du Gouvernement pour 2015 est basée sur une stabilisation du chômage, dont on peut douter.

Il faut également rappeler que les recettes liées aux cotisations sur les salaires, versées par les employeurs, ont toujours été surestimées dans les dernières années.

Certes, le Gouvernement fait état, pour justifier ce chiffre, de la faible augmentation tendancielle des loyers et des charges et de la progression des ressources de la majorité des allocataires, avec l’augmentation du revenu de solidarité active, le RSA, et du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC, en 2013, qui est maintenant devenue l’année de référence. Il a également prévu un changement de mode de calcul des prestations qui conduit à une économie estimée à 68 millions d’euros pour l’État et 19 millions d’euros pour la branche famille en 2015.

Mais cette prévision intégrait également une autre mesure d’économie qui a été décalée à 2016 par l'Assemblée nationale : la transformation de l’APL accession en un mécanisme de sécurisation des acquéreurs qui perdraient au moins 30 % de leurs ressources par rapport à ce qu’elles étaient au moment de la signature de l’acte de vente.

Cette mesure, justifiée par la diminution du volume de ces aides, me semble une mauvaise décision, car on ne peut pas, d’un côté, affirmer vouloir soutenir l’accession sociale à la propriété et, de l’autre, supprimer les aides qui la rendent possible en solvabilisant les acquéreurs les plus modestes.

C’est pourquoi votre commission des finances vous propose d’aller plus loin que l'Assemblée nationale et de supprimer l’article 52 qui réduit l’APL accession à un simple « filet de sécurité ».

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » connaît une baisse de 9 % en autorisations d'engagement, qui s’établissent à 522 millions d’euros, et de 28 % en crédits de paiement, lesquels s’élèvent à 289 millions d’euros.

En particulier, avec 400 millions d’euros en autorisations d’engagement et seulement 160 millions d’euros en crédits de paiement, ce sont les « aides à la pierre » qui enregistrent la diminution la plus forte, avec respectivement une baisse de 11% et de 41 % par rapport à 2014. Autant dire, du jamais vu !

Ces chiffres mettent en évidence le désengagement de l’État dans le financement de la construction de logements sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Afin de compenser ces baisses, il est prévu, comme l’an dernier, de recourir à un fonds de concours, issu du fonds de péréquation géré par la CGLLS, la Caisse de garantie du logement locatif social. Ainsi, 216 millions d’euros seront prélevés sur ce fonds en 2015, contre 173 millions l’année dernière.

Notons également que les modalités d’alimentation du fonds de péréquation de la CGLLS changeront en 2015. C’est l’objet de l’article 54, rattaché à la mission, que votre commission des finances vous propose de conserver en l’état, non parce qu’elle approuve le désengagement de l’État, mais parce qu’il faut bien trouver des moyens pour financer le logement social.

Ainsi, l’article 54 prévoit, pour la période 2015-2017, de porter à 120 millions d’euros, contre 70 millions d’euros précédemment, la fraction de la contribution de la CGLLS destinée au fonds de péréquation, tout en modifiant l’assiette de prélèvement de celle-ci.

Un mot enfin sur le financement de l’ANAH, opérateur du programme 135. L’ANAH avait pour principale source de financement le produit des mises aux enchères des quotas carbone. Or, alors que le plafond de ce produit est fixé à 590 millions d’euros par la loi, l’ANAH n’a perçu, en 2013, que 219 millions d’euros à ce titre et ne devrait pas percevoir davantage en 2014.

Compte tenu du caractère incertain de cette recette et des besoins attendus de l’ANAH, il fallait donc trouver d’autres sources de financement.

Pour ce faire, le plafond de la fraction du produit de la taxe sur les logements vacants qui lui est affectée était fixé à 51 millions d’euros pour 2015, contre 21 millions d’euros auparavant, mais le Sénat, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, a décidé de le porter à 91 millions d’euros, afin de garantir un financement plus sécurisé de l’agence.

Celle-ci perçoit également des recettes issues des certificats d’économie d’énergie, et 50 millions d’euros devraient lui être attribués par Action logement en 2015, alors que ce réseau ne devait, en principe, plus financer l’ANAH à compter de 2013. Enfin, 40 millions d’euros pourraient aussi être alloués à l’agence par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA.

Dans ces conditions, on peut espérer, comme l’affirme le Gouvernement, que le financement de l’ANAH sera assuré pour 2015 – ce sera en partie grâce au Sénat.

C’est d’autant plus souhaitable que, en juillet dernier, l’ANAH a été contrainte, faute de moyens, de demander aux préfets et aux collectivités territoriales de ne plus traiter que les demandes des ménages très modestes, dans le cadre du programme « Habiter mieux », laissant en souffrance quelque 12 000 dossiers.

La question du maintien d’une ressource principale si fluctuante que la vente des quotas carbone pour l’ANAH mérite d’être soulevée pour l’avenir.

Notons, enfin, que pour rétablir l’équilibre général du budget le Gouvernement a, en seconde délibération, à l’Assemblée nationale, par un coup de rabot généralisé, décidé de réduire les crédits de la mission de 23 millions d’euros.

Autant dire que les arguments utilisés pour justifier ces chiffres ne sont guère convaincants.

Dans ces conditions, et suivant mon avis, la commission des finances propose au Sénat de ne pas adopter les crédits de cette mission. Elle vous propose également deux amendements de suppression des articles 52 et 53 rattachés à la mission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le secteur de la construction traverse une crise profonde.

Le quotidien Les Échos, dans son édition du 21 novembre dernier, a ainsi pu titrer : « construction de logements : un naufrage sans précédent ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

L’ensemble des indicateurs sont en berne, qu’il s’agisse de l’investissement des particuliers, du nombre de construction de logements neufs – pour la première fois depuis 1997, le nombre de mises en chantier pour 2014 devrait être inférieur à 300 000 – ou encore des emplois perdus dans le secteur de la construction, au nombre de 25 000 en 2013.

Le Gouvernement a proposé diverses mesures budgétaires, juridiques ou techniques pour remédier à cette crise. Toutefois, et les professionnels me l’ont unanimement dit, la confiance ne reviendra que si ces mesures s’inscrivent dans la durée et si est mis en place rapidement un environnement juridique et fiscal stable et lisible.

Or je constate que dans le projet de loi de finances plusieurs de ces mesures sont limitées dans le temps.

J’en viens maintenant aux crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ». Ces crédits augmentent sensiblement cette année, de près de 75 %.

L’évolution des crédits est toutefois différenciée selon les programmes.

Le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » voit ses crédits croître de 4, 5 %.

Je voudrais ici m’arrêter sur les crédits de l’hébergement d’urgence, qui augmentent cette année de 21 % en raison de l’accroissement du nombre de familles avec des enfants en bas âge et du nombre de personnes ayant une situation administrative complexe. Ainsi, 20 % de ces places seraient occupées par les déboutés du droit d’asile.

Dans la détermination du montant des crédits, vous avez anticipé, madame la ministre, les conséquences de la réforme du droit d’asile, dont on ne sait dans quel délai et dans quels termes elle sera votée, même si en principe elle devrait permettre d’accélérer les procédures d’examen. En réalité, cette réforme ne réglera pas les tensions sur le dispositif généraliste. Seule l’adoption d’une position claire et courageuse à l’égard des déboutés du droit d’asile – l’éloignement ou la régularisation – permettra de le faire.

Le programme 109 « Aide à l’accès au logement » voit ses crédits s’accroître très fortement de 115 %, pour des raisons purement comptables, l’État ayant décidé de budgétiser les aides au logement. Pour autant, ce programme ne traduit aucune volonté politique, pas même celle de mener rapidement une réflexion sur les modalités d’attribution de ces aides, réflexion qui devra intégrer, comme en fait état une étude de l’INSEE, leur effet inflationniste sur les loyers.

Le Gouvernement propose, par souci d’économie, que les aides personnalisées au logement en accession, ou APL accession, soient désormais attribuées uniquement lorsque les ressources du ménage diminuent de plus de 30 % par rapport à leur niveau lors de la signature du prêt ou du contrat de location-accession.

D’un point de vue budgétaire, cette réforme n’a aucun sens. Selon le Gouvernement, l’économie pour l’État devrait être de 7 millions d’euros, ce qui est très faible, alors même que cette réforme aura un impact significatif sur le nombre de constructions et sur la solvabilité de nombreux ménages modestes souhaitant accéder à la propriété.

En conséquence, je vous proposerai un amendement de suppression de cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

S’agissant du Fonds national d’aide au logement, le FNAL, qui gère les APL, il recevra une contribution renforcée d’Action logement de 300 millions d’euros. Action logement est de plus en plus souvent sollicité pour financer des dépenses éloignées de sa mission d’investisseur dans la construction de logements sociaux, intermédiaires et en accession à la propriété.

Pour cette raison, je vous proposerai également de supprimer l’article 53. J’invite le Gouvernement à trouver d’autres moyens de financement, que ce soit pour le FNAL ou l’ANAH.

Enfin, le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » voit ses crédits diminuer fortement, de 9 % en autorisations d’engagement et de 28 % en crédits de paiement.

Les crédits à la pierre sont en forte diminution, de 47 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 105 millions d’euros en crédits de paiement. Je déplore ce choix de diminuer les aides à la pierre alors que les collectivités ne sont pas en mesure de compenser cette baisse en raison de la diminution importante de leurs dotations budgétaires et que les organismes d’HLM utilisent de plus en plus leurs fonds propres, au risque d’être fragilisés à un moment crucial où leurs efforts doivent porter sur la production et la construction.

Vous avez, madame la ministre, décidé de maintenir au même niveau les objectifs annuels de construction de logements sociaux, soit 150 000 logements. Je m’interroge sur la pertinence de ce choix, alors que les objectifs de cette année ne devraient pas être atteints, comme ils ne l’ont d’ailleurs jamais été depuis 2012.

Enfin, je regrette que la subvention unitaire par logement social soit supprimée s’agissant des PLUS et que le montant de la surcharge financière permettant la compensation du coût du foncier dans les zones les plus tendues diminue de 9, 3 %.

En conclusion, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, l’avis de la commission des affaires sociales porte essentiellement sur la politique d’hébergement et de réinsertion des personnes sans abri, dont les crédits sont regroupés dans le programme 177.

Si, comme l’a rappelé le rapporteur spécial, les crédits alloués à l’hébergement progressent de près de 5 % en 2015, on peut s’attendre à ce qu’ils soient, comme chaque année, insuffisants pour faire face à des besoins qui augmentent de manière soutenue, en raison de circonstances économiques que chacun connaît.

Tous les ans, en effet, des crédits supplémentaires doivent être débloqués en cours d’année afin de corriger une sous-évaluation initiale qui est récurrente. Au demeurant, si les crédits consacrés à l’hébergement augmentent par rapport à la loi de finances initiale de l’année dernière, ils demeurent inférieurs aux crédits réellement exécutés en 2013.

Cette sous-évaluation est problématique, car elle empêche les acteurs de l’hébergement – les collectivités territoriales et le monde associatif notamment – de bénéficier d’une visibilité suffisante pour mener à bien leurs missions dans un climat de sérénité.

Elle est aussi le signe d’une politique tournée vers la gestion de l’urgence plus que vers la recherche de solutions pérennes, et la répartition proposée des crédits ne peut que confirmer cette lecture.

On constate en effet que ce sont les crédits destinés à l’hébergement d’urgence qui progressent, alors que ceux qui bénéficient au logement adapté ou aux centres d’hébergement et de réinsertion diminuent ou stagnent.

Il est également préoccupant de constater que le recours à l’hôtel, qui doit être subsidiaire, demeure important, alors que ce mode de logement, qui conduit souvent à financer des marchands de sommeil que l’on veut par ailleurs combattre, ne permet pas la réinsertion des personnes concernées.

Cette priorité accordée à l’urgence a également pour conséquence de remettre en question l’objectif, affiché par le Gouvernement, de sortir de la gestion saisonnière de l’hébergement, qui consiste à ouvrir des places temporaires au moment des grands froids pour les refermer au printemps sans proposer de solution pérenne aux personnes accueillies.

J’aimerais aussi aborder deux problématiques qui viennent alourdir la charge des dispositifs financés par le programme 177, alors qu’elles ont leurs logiques propres.

Premièrement, une partie des crédits du programme est destinée à financer le fonctionnement des aires d’accueil pour les gens du voyage. La réforme qui doit entrer en vigueur en 2015 prévoit de moduler l’aide versée aux communes et aux EPCI en fonction de l’occupation réelle de ces aires.

Cette modulation des aides versées aux collectivités en fonction de l’occupation risque, à terme, de diminuer la participation de l’État et, par voie de conséquence, d’augmenter celle des collectivités.

Par ailleurs, le contexte international a conduit à un accroissement spectaculaire de la pression migratoire au cours des dernières années, et le nombre de demandeurs d’asile a presque doublé depuis 2007.

Les dispositifs d’hébergement dits « généralistes » doivent ainsi faire face à la saturation des structures d’accueil des demandeurs d’asile et à l’explosion du nombre de personnes déboutées dans leur demande, mais qui ne quittent pas pour autant le territoire. Ces personnes sont hébergées dans ces centres d’urgence, voire à l’hôtel, sans qu’une insertion dans l’emploi et le logement puisse être envisagée, faute de régularisation de leur situation administrative.

La réforme du droit d’asile prévue en 2015 pourrait améliorer les délais de traitement des demandes, mais l’effet à court terme pourrait être une augmentation du nombre de déboutés, et donc de la charge qui pèse sur les dispositifs d’hébergement.

Si un certain nombre d’efforts sont mis en œuvre pour améliorer la prise en charge des sans-abri, la politique en la matière s’inscrit davantage dans une logique humanitaire que dans une logique sociale.

De plus, les crédits proposés sont largement insuffisants pour couvrir les besoins.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission que nous examinons. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je subis aujourd’hui le baptême du feu, sachant que du haut de cette tribune plus de deux siècles vous contemplent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

J’en suis honoré et impressionné.

Les crédits consacrés à la mission « Égalité des territoires et solidarité » confirment que celle-ci demeure une priorité du Gouvernement, même dans un contexte budgétaire contraint. Les crédits, ainsi que les mesures fiscales qui l’accompagnent, traduisent la volonté de solidarité du Gouvernement et sa détermination à apporter à l’économie du bâtiment qui souffre un soutien salutaire. Les deux premiers plans de relance en portaient déjà la marque.

Il convient, je crois, de saluer à sa juste mesure l’effort consenti par le Gouvernement pour satisfaire les deux grandes priorités qu’il s’est données : le droit pour tous à un abri décent et un grand coup de pouce à notre économie.

Effort d’autant plus méritoire qu’il s’inscrit dans un contexte de nécessaires économies tous azimuts pour tenter d’éponger une dette abyssale creusée profondément entre 2002 et 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » s’établissent à 13, 4 milliards d’euros, contre 7, 6 milliards d’euros en 2014. À périmètre constant, les crédits budgétaires de la mission sont en augmentation de 80 millions d’euros, soit un budget en hausse, ce qui, dans un tel contexte budgétaire, je le répète, mérite d’être souligné.

Je m’attarderai plus avant sur l’un des quatre programmes de la mission, à savoir le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », dont les crédits augmentent de 4, 5 % par rapport à 2014.

Mais je ne peux faire l’économie, car la production de logements est l’une des conditions essentielles de la lutte contre les exclusions, de mentionner les cinq grandes mesures fiscales de ce PLF destinées, par leur ampleur nouvelle, à atteindre l’objectif ambitieux, réaffirmé avec détermination, la construction de 150 000 logements sociaux. Il n’y a que les combats que l’on ne mène pas qui sont perdus d’avance ! Aussi, je vous félicite de le faire, madame la ministre.

Ces mesures sont les suivantes : la prolongation et l’extension du prêt à taux zéro, le PTZ, au-delà des zones tendues, afin, notamment, mais pas seulement, d’améliorer l’habitat ancien dans 6 000 communes rurales pour la revitalisation de leur centre-bourg ; le taux de TVA à 5, 5 % pour les opérations d’accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; l’alignement du régime d’imposition des plus-values de cession de terrains à bâtir et l’abattement exceptionnel pour libérer du foncier privé ; l’allégement fiscal pour les travaux de rénovation énergétique ; le renforcement du dispositif de la réduction d’impôt sur le revenu de l’investissement locatif.

Le logement est l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens. Les demandes en matière d’accès au logement sont de plus en plus nombreuses. La majeure partie des crédits de la mission, soit 82 %, y est consacrée. Il s’agit des 10, 98 milliards d’euros de dotation d’équilibre de l’État pour financer l’aide personnelle au logement, l’APL, et l’allocation de logement à caractère social, l’ALS.

Je tiens à saluer ici l’engagement et le pragmatisme du Gouvernement en faveur de l’accession à la propriété, notamment par l’extension du prêt à taux zéro et sa prolongation jusqu’à 2017, ce qui permettra de doubler le nombre de réalisations, en passant de 47 000 à 80 000 logements, quand il n’existait que 30 000 bénéficiaires de l’APL accession.

Le programme 177, objet plus précisément de mon intervention, et qui est consacré à la prévention de l’exclusion et à l’insertion des personnes vulnérables, représente 1, 375 milliard d’euros en 2015. La loi de finances initiale pour 2014 avait déjà été l’occasion d’un effort important de réévaluation. Cet effort se poursuit en 2015 afin de répondre aux différentes situations de vulnérabilité.

Ce programme traduit les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Ces mesures sont l’honneur d’une nation civilisée et humaniste.

La politique d’hébergement du Gouvernement poursuit trois objectifs, qui tendent à réduire la demande et à améliorer la qualité de la réponse.

Tout d’abord, il faut anticiper davantage, par une politique de prévention plus efficace des ruptures et de maintien dans le logement.

Ensuite, il faut inscrire les actions dans un processus continu, plutôt que d’être contraint de réagir dans l’urgence. C’est l’objectif visé avec la fin de la gestion saisonnière de l’hébergement, qui nécessite un changement en profondeur de l’action sociale. Un groupe de travail a été constitué pour ’aboutir à des propositions concrètes dès 2015.

Enfin, il faut coordonner plus efficacement l’action des nombreux acteurs. À cette fin, une attention particulière sera portée en 2015 à l’amélioration de l’organisation des services offerts par les dispositifs d’hébergement afin d’améliorer la fluidité, l’effectivité et la qualité des prises en charge.

Le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté a prévu l’établissement, dans chaque département, d’un diagnostic global, dit « à 360° », de l’offre et des besoins en matière de solutions d’hébergement. La généralisation devrait se poursuivre en 2015. Ces diagnostics doivent permettre l’actualisation des plans départementaux, modifiés par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR.

Le programme 177 comprend trois actions, mais 94, 5 % des crédits sont alloués à l’action « Hébergement et logement adapté ».

Même en hausse de 67 millions d’euros, on peut se demander s’ils seront suffisants, tant les besoins sont croissants.

Toutefois, les crédits pour le logement d’urgence sont en augmentation de 21 %, et les crédits pour le logement adapté – intermédiation locative, résidences sociales, etc. – qui est une passerelle vers un logement plus autonome sont pérennisés à hauteur de 200 millions d’euros, après une progression de 30 % en 2014.

Par ailleurs, les crédits pour les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, qui assument une double mission d’hébergement et d’accompagnement, voient également leurs montants reconduits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Les recours à l’hébergement à l’hôtel se sont multipliés : au 31 décembre 2013, 25 000 places d’hôtel étaient ainsi ouvertes, contre 20 000 places un an plus tôt et 16 000 places en 2011. À titre de comparaison, les centres d’hébergement d’urgence comptent 28 692 places.

Madame la ministre, vous avez pris la mesure de ce problème et vous nous proposez des moyens volontaristes et diversifiés pour placer, dites-vous, la solidarité au cœur des politiques publiques. Je les rappelle pour mémoire : injonction adressée aux préfets d’ouvrir des places supplémentaires ; mise en place, à plus long terme, de solutions pérennes de logement pour des personnes en difficulté sociale ou financière, et sortie de la logique purement saisonnière ; diagnostics territoriaux pour identifier un nombre de places pérennes dans chaque territoire ; présentation dans les prochaines semaines d’un plan de résorption des nuitées hôtelières en Île-de-France, qui représentent 75 % de la capacité nationale ; publication au 1er trimestre 2015 des décrets concernant les mesures de prévention des expulsions prévues par la loi.

Le principe d’accueil inconditionnel des personnes sans domicile, auquel nous tenons tous, doit être et sera respecté.

Par ailleurs, deux réformes auront des effets sur le programme 177 en 2015 et devraient permettre une meilleure adaptation de l’offre à la demande : une réforme de l’asile pilotée par le ministre de l’intérieur, qui devrait, au terme d’un délai de six mois, faciliter les retours vers le pays d’origine ; une réforme de l’aide mensuelle à la gestion des aires d’accueil.

Le budget de la mission tient compte de la situation financière du pays et des impératifs de réduction de la dépense publique. Il affirme la priorité politique donnée au logement et illustre, une fois de plus, s’il en était besoin, votre attachement à la solidarité, à la justice sociale, à l’humanité, qui, je n’en doute pas, nous guident, les uns et les autres, dans toutes nos actions.

Je vous remercie, mes chers collègues, de votre attention et vous invite à adopter en l’état les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec une dotation de 13, 6 milliards d’euros pour l’année 2015, le budget de la mission « Égalité des territoires et logement » est globalement préservé. C’est pour nous une satisfaction, mais toute relative tant les besoins en logement restent une préoccupation majeure dans notre pays.

Si les objectifs définis par la loi ALUR de production de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, sont réaffirmés dans le cadre du présent PLF pour 2015, ces objectifs n’ont pas été atteints en 2013, avec 332 000 logements mis en chantier et 433 000 permis de construire délivrés. Nous redoutons, hélas, pour 2014, …

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

… que le nombre de mises en chantier ne soit inférieur à 300 000, et ce malgré les moyens mis en œuvre : en 2013, mobilisation du foncier public, moratoire sur les nouvelles normes, accélération des procédures de révision des documents d’urbanisme, dispositifs d’incitation à l’investissement locatif ; en 2014, intensification des mesures d’aide à la pierre, mobilisation exceptionnelle du réseau Action logement pour accompagner l’accroissement de la production de logements locatifs sociaux, taux de TVA réduits.

Tout cela dénote une véritable volonté politique, et nous espérons que toutes ces mesures cumulées permettront enfin d’approcher les objectifs ambitieux présentés par le Gouvernement pour 2015. D’autant qu’au besoin de nouveaux logements et de logements rénovés se conjugue la nécessité vitale pour l’ensemble des métiers du bâtiment d’une relance de l’activité de construction et de rénovation.

On peut cependant regretter, madame la ministre, que votre budget se concentre beaucoup sur les exonérations fiscales pour les ménages assujettis à l’impôt. Il favorise en creux un enrichissement des ménages les plus aisés…

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

… au détriment des plus pauvres.

Nous tenons à saluer l’effort constant autour de l’hébergement d’urgence, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit non de long terme, mais d’urgence, d’autant que l’on observe une dégradation dans le parcours vers la stabilisation dans le logement, comme le montre la détérioration du taux de sortie des personnes hébergées vers un logement.

L’effort autour des APL se poursuit, mais nous devons faire l’examen de ce système, qui contribue trop fortement à l’augmentation des loyers, notamment pour les petites surfaces et les étudiants.

Il est urgent, madame la ministre, de mettre en œuvre un encadrement des loyers…

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

… partout où la situation le justifie, afin d’enrayer leur augmentation.

Par ailleurs, les subventions massives pour la construction de logements privés ne doivent pas absorber ni dominer les efforts pour la construction de logements sociaux, et ce afin de stopper la hausse des prix de l’immobilier.

N’oublions pas, même si le sujet est moins souvent évoqué, que nous devons poursuivre les efforts pour diminuer le nombre de logements vacants et mettre en œuvre effectivement le droit au logement opposable.

Madame la ministre, ce budget souffre, comme je l’ai dit, du défaut majeur de concentrer son action sur les exonérations fiscales, qui coûtent très cher et pour de nombreuses années.

Je salue tout de même de nouveau les efforts constants déployés pour l’hébergement d’urgence, la stabilisation et la réinsertion dans le logement. Sur ces sujets, les efforts du Gouvernement sont indéniables et doivent se poursuivre, voire s’intensifier, pour que demain, dans la cinquième puissance du monde, civilisée et humaniste, pour reprendre la formulation employée par l’orateur qui m’a précédé, plus personne ne dorme dans la rue. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » font aussi les frais de l’austérité mise en œuvre en étroite liaison avec les exigences de la Commission de Bruxelles. Les coupes sont renforcées par l’Assemblée nationale de près de 30 millions d’euros.

Les choix opérés vont à l’encontre de toutes les valeurs de progrès, puisque ces crédits affaiblissent les dispositifs de solidarité, ponctionnent encore les acteurs du logement social et renforcent la rente privée. §

Comment croire que la crise du logement pourra être résolue par l’accentuation de dispositifs d’exonération fiscale au service de la création de patrimoine foncier ?

Comment croire également que la relance de la construction passe par une diminution des aides à la pierre, qui atteignent un niveau très faible, alors même que le Président de la République promet la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Cet objectif est très loin d’être atteint, malheureusement, dois-je dire, car nous y sommes favorables.

Comment croire, enfin, que le « 1 % logement » pourra pallier éternellement tous les désengagements de l’État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Dans le projet de loi de finances pour 2015, la mission reste sur les mêmes rails que par le passé, je veux dire avant 2012.

Nous croyons, pour notre part, qu’il convient, au contraire, que l’État assure une politique publique en la matière, parce que l’accès à un toit devrait être un droit, et pas seulement l’objet d’un marché spéculatif.

La loi ALUR tentait d’opérer une sorte de régulation, mais le Premier ministre a fait le choix de la dénoncer. Nous estimons que ce renoncement est fort regrettable.

Ce projet de loi de finances traduit également la volonté affichée de développer le logement intermédiaire. Nous n’avons pas d’objection de principe sur ce point, car la mixité sociale doit être favorisée et donc la diversité de l’offre.

Cependant, pour nous, l’urgence, c’est aussi de faire baisser les prix du marché afin de dénoncer le poids des dépenses liées au logement. Il faut savoir qu’il existe un écart de l’ordre de 30 % avec l’Allemagne.

Comment comprendre que le niveau global des aides à la pierre se situe à peine à 160 millions d’euros en crédits de paiement et que, parallèlement, vous annonciez 1, 9 milliard d’euros pour le logement intermédiaire, dont 1 milliard d’euros financé par le budget de l’État ?

N’y a-t-il pas, à vos yeux, une inversion des priorités ? Au regard du nombre de demandeurs de logements accessibles ou aidés, de la situation économique, qui conduit à l’exclusion d’un nombre grandissant de nos concitoyens, ne pensez-vous pas que la construction de véritables logements sociaux est, pour l’heure, la grande priorité ?

D’ailleurs, François Hollande s’était engagé à porter les aides à la pierre à hauteur de 800 millions d’euros. Nous en sommes loin, ces aides diminuant de 39 % en crédits de paiement et de 11 % en autorisations d’engagement. L’aide unitaire aux logements relevant du PLAI, le prêt locatif aidé d’intégration, diminue également de 1 000 euros, passant en deux ans de 7 500 euros à 6 500 euros, soit un niveau inférieur à celui d’avant 2012. Comment le justifier ? Comment construire plus de logements si les aides sont moindres, a fortiori dans un climat d’assèchement des ressources des collectivités locales ? Nous sommes dubitatifs !

Cette baisse, est-il annoncé, sera compensée par des fonds de concours provenant des opérateurs de logement. Ainsi, ce sont les bailleurs sociaux qui vont eux-mêmes financer – du moins en partie - les aides à la pierre qu’ils perçoivent. Nous proposerons la suppression de ce dispositif exonérant l’État de ses responsabilités.

Nous constatons que la dépense fiscale ne souffre pas de la rigueur puisqu’elle se situe, cette année, à hauteur de 15 milliards d’euros, soit plus que les crédits accordés à la mission. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le président en exercice avait appelé, fort justement, à limiter les niches fiscales. Nous en sommes loin ! L’idée était pourtant très bonne.

Je voudrais également évoquer le 1 % logement, qui continue à être sollicité. Alors qu’au travers de la lettre d’engagement mutuel, le Gouvernement s’était engagé à diminuer les prélèvements, il recommence à vouloir les accentuer. Il n’est pas sain que l’ensemble de la politique du logement soit financé par ce dispositif du 1 % logement, qui contracte les missions d’aides à la pierre, le financement de l’ANRU et, dernièrement, des aides personnelles au logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

En outre, on ne peut pas alourdir ses missions sans revoir son périmètre. Il faudrait donc instaurer une participation des entreprises dès dix salariés, ce qui apporterait une grande bouffée d’oxygène et, surtout, offrirait un levier efficace pour relancer le secteur du bâtiment et faire reculer la crise. Voilà une proposition de nature à changer la donne ! Il faut oser ! En effet, il convient de reconquérir au plus vite les 30 000 emplois perdus dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Relancer la construction sociale permettrait d’engager à nouveau la bataille pour l’emploi, de lutter contre le chômage massif et de longue durée.

J’en viens à la situation du livret A, levier essentiel de financement du logement social. L’abaissement du taux à 1 % durant l’été a, hélas ! conduit depuis septembre à un mouvement de décollecte, qui pénalisera la construction de logements sociaux. Le choc de construction annoncé par Manuel Valls devrait passer, non par des mesures d’exonérations fiscales, mais par un financement renforcé des acteurs du logement et des aides directes à la construction publique.

Les bailleurs sociaux sont en difficulté, sommés de mutualiser leurs moyens pour pallier les désengagements de l’État et financer eux-mêmes, en grande partie, la politique du logement. Pour cette raison, nous proposons, d’ailleurs de longue date, la création d’un prêt à taux zéro pour les offices eux-mêmes.

Il faut aussi donner concrètement les moyens à la Caisse des dépôts et consignations de jouer son rôle de levier pour le financement du logement. Nous sommes d’autant plus inquiets que les collectivités, qui participent très largement à l’effort de construction, sont affaiblies financièrement par la baisse des dotations. Comment les communes et intercommunalités pourront-elles poursuivre, demain, leurs efforts financiers pour mettre en œuvre leurs programmes locaux d’habitat ?

Par ailleurs, nous prenons acte de la rebudgétisation intégrale des aides au logement dans le budget de l’État. Toutefois, nous déplorons la révision de leur mode de calcul, visant à faire baisser les APL dont le montant global est jugé trop lourd. Le Gouvernement rogne également sur l’APL accession, pour 3 millions d’euros. Autant d’économies de bout de chandelles, réalisées sur les plus démunis, parmi lesquels se trouvent de nombreux jeunes confrontés à une dure réalité ! Nous proposons le versement des APL dès le premier mois et au premier euro.

Comment ne pas déplorer, enfin, l’absence de hausse réelle des budgets pour l’hébergement d’urgence ? Nous savons d’ores et déjà que les crédits prévus seront insuffisants.

Comment comprendre que, lors du passage à l’Assemblée nationale, les crédits pour la prévention des expulsions aient encore été amputés de près de 10 millions d’euros ? Connaissez-vous le nombre de sans-abri, mes chers collègues ? Il est indigne de notre République, puisque ce sont près de 120 000 de nos concitoyens qui dorment encore dehors. Avoir un toit devrait être un droit fondamental ! La Fondation Abbé-Pierre précise dans son rapport que, en dix ans, leur nombre a augmenté de 40 % et que, aujourd’hui, près de 35 000 enfants et jeunes seraient concernés.

Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas de tels crédits, qui accentuent le désengagement de l’État et témoignent d’un manque d’ambition pour mettre en œuvre une politique vraiment nouvelle en la matière. Conformément aux injonctions de Bruxelles, le Gouvernement compte trop sur l’initiative privée pour développer l’offre pour le plus grand nombre.

Ce budget ne permettra pas d’atteindre les engagements de construction de 500 000 logements par an, ni de résoudre le problème essentiel, celui qui consiste à permettre à chacun de trouver un logement de qualité, économe en énergie et accessible. La réponse n’est donc pas adaptée aux besoins de millions de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous apprendrai rien, même s’il est bien de le rappeler, en vous disant que l’égalité fait figure d’horizon de la République française. Aussi ce principe d’égalité doit-il pouvoir se traduire dans les politiques d’aménagement du territoire.

À titre liminaire, je souhaiterais souligner que dissocier les politiques d’aménagement du territoire de celles de l’égalité des territoires n’est pas pertinent. Prévoir deux missions budgétaires qui traitent de ces sujets ajoute de la confusion, même si la mission « Politique des territoires » et la mission « Égalité des territoires et logement » sont examinées successivement, ici, au Sénat. En tout cas, cela nuit incontestablement à la lisibilité du financement de notre politique en faveur de nos territoires.

Madame la ministre, vous avez eu l’occasion de rappeler de manière très juste, lors des états généraux des nouvelles ruralités, que « l’égalité des territoires, c’est donner à chaque Français une égalité d’accès à l’ensemble des services et équipements essentiels à la qualité de vie […], tout en tenant compte de la particularité de chaque territoire. C’est l’égalité républicaine. » Nous partageons pleinement cette définition d’une égalité dans la diversité.

Comme l’explique l’économiste Eloi Laurent dans son rapport intitulé Vers l’égalité des territoires, c’est parce que ces inégalités territoriales affectent le bien-être de nos concitoyens et minent de ce fait la cohésion nationale que la justice territoriale constitue une nouvelle frontière du pacte républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

La mission « Égalité des territoires et logement » connaît deux changements notables de son périmètre.

Le premier, c’est la rebudgétisation du financement du Fonds national d’aide au logement pour 5, 7 milliards d’euros. Celle-ci explique pour l’essentiel l’augmentation massive des crédits de la mission, qui s’élèvent à 13, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 13, 4 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2015, soit une progression de 75 %.

Le second changement, c’est le déplacement du programme 147 relatif à la politique de la ville vers la mission « Politique des territoires », rendant ainsi compte de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires. Si un tel choix se comprend aisément, il n’en reste pas moins discutable au regard des synergies entre les politiques de construction, d’accès au logement et de rénovation urbaine. Ce nouveau point conforte l’idée de superposition et de confusion des deux missions budgétaires, que je relevais à l’instant.

Nous le savons, la situation du logement dans notre pays est intolérable, et les problèmes que nous rencontrons s’expliquent, pour l’essentiel, par l’insuffisance de l’offre de logements. Cette situation n’est pas nouvelle, et il convient de rappeler la responsabilité collective de tous les gouvernements, qui, sans remonter à Albin Chalandon et aux chalandonnettes, ont échoué à apporter des solutions durables depuis plus de vingt ans. En effet, malgré les nombreuses déclarations d’intention et la multitude de lois successives, force est de constater que celles-ci se sont révélées largement insuffisantes à enrayer le déficit structurel de logements auquel nous faisons face.

Le Premier ministre a eu l’occasion de rappeler en août dernier, lors de son discours annonçant un nouveau plan de relance du logement, que le logement était une priorité de son action et du quinquennat. L’objectif de construction de 500 000 logements neufs d’ici à 2017 a été réaffirmé et de nouvelles mesures de simplification et d’assouplissement des normes et dispositifs existants - ce que nous apprécions - ont été annoncées.

Madame la ministre, le principal enjeu est donc de faciliter l’accès au logement de nos concitoyens, notamment de ceux qui bénéficient de revenus modestes.

Les difficultés d’accès à un logement ne sont pas sans conséquence sur l’emploi : selon une étude du CRÉDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, entre 2007 et 2012, pas moins de 500 000 personnes ont dû renoncer à un emploi du fait de l’impossibilité de disposer d’un logement économiquement accessible, et ce malgré les dispositifs de garantie des risques locatifs existants.

À ce titre, pour répondre aux craintes des bailleurs en matière d’impayés de loyers, qui renforcent ces difficultés d’accès au parc locatif privé, la garantie universelle des loyers, la GUL, a été instaurée. Sur cette question très importante pour nos concitoyens en situation de précarité, il apparaît, madame la ministre, que vous avez recentré le dispositif de la GUL. Vous avez signé ces jours-ci une nouvelle convention avec Action Logement afin de mieux faire fonctionner ce système de garantie que nous sommes très nombreux à considérer comme nécessaire dans les secteurs tendus, surtout en période de crise. Aussi, je vous remercie de bien vouloir nous donner des précisions sur cette politique et ce que vous en attendez, sachant que l’urgence est là.

Le groupe du RDSE constate donc que le Gouvernement, malgré un contexte difficile, se donne les moyens de mener une politique ambitieuse en matière de logement. C’est la raison pour laquelle, même si son intitulé ne nous convient guère, nous apporterons notre soutien à cette mission.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Monsieur le président, madame le ministre, chers collègues, comme je l’ai déjà souligné à l’occasion de mon intervention dans le cadre de la précédente mission, j’ai du mal à comprendre pourquoi les missions « Politique des territoires » et « Égalité des territoires et logement » sont séparées.

Je débuterai la présente intervention en évoquant l’égalité des territoires.

La véritable question que pose cette mission est la suivante : comment maintenir l’unité du territoire français, tout en conservant les spécificités de nos provinces ? Le maillage territorial a fait la France, et la présence de représentants de l’État au plus près des populations est l’un des symboles de notre pays. Or, depuis des années, les gouvernements UMPS successifs ont abandonné de nombreux territoires. La disparition des bureaux de poste dans les villages en est l’un des symboles les plus marquants.

Ce renoncement de l’État stratège à organiser l’unité dans la diversité de nos territoires a conduit la population à se concentrer en région parisienne ou dans quelques grandes agglomérations et à déserter les campagnes. L’absence de toute volonté réelle de la puissance publique conduit à l’hypertrophie de l’agglomération parisienne et à la croissance de quelques villes. S’y ajoute une attirance pour les côtes maritimes, notamment pour les rivages méditerranéens, entraînant des catastrophes en termes d’urbanisme comme mon département en a encore fait les frais voilà quelques semaines.

Ces déséquilibres géographiques pèsent lourdement sur le marché immobilier, même locatif, et aggravent les difficultés rencontrées par les Français pour se loger. Des régions entières du territoire national sont ainsi laissées à l’abandon, avec un parc immobilier parfois important - comme dans le Nord-Pas-de-Calais ou en Lorraine -, qui ne demanderait qu’à être entretenu ou restauré au lieu de se dégrader.

Sur la question des logements sociaux, il est temps d’adapter la loi aux possibilités des communes. L’objectif est non pas de construire autant de logement social que possible, mais d’attribuer les logements existants de la manière la plus juste.

À coup de sanction financière, on oblige les villes, qui n’en ont d’ailleurs plus les moyens, contrairement à ce que le Gouvernement imagine peut-être, à construire des logements sociaux, trop souvent ghettoïsés ou attribués selon des procédés clientélistes. D’ailleurs, on ne compte plus les affaires judiciaires qui, dans ce domaine, touchent vos partis respectifs - affaire Gérard Dallongeville ou autres : la liste est longue ! Au lieu de cela, on pourrait imaginer d’autres types d’aides, responsabilisant mieux ceux qui en bénéficient.

L’absence de mixité sociale, issue d’un discours faussement égalitariste depuis des décennies, est aujourd’hui un fléau pour notre pays. La politique du logement pourrait être un moyen de s’attaquer à cette problématique.

L’idée d’un chèque logement, sur le modèle des tickets restaurant, financé à la fois par l’État et par les entreprises, pourrait être intéressante. Le dispositif permettrait à des personnes ayant de faibles revenus d’avoir accès au marché « traditionnel » du logement, voire de se loger au plus près de leur lieu de travail et dans des quartiers auxquels, malheureusement, elles ne peuvent plus aujourd’hui prétendre.

Il faut donc les responsabiliser, leur redonner de la fierté et peut-être un peu moins les assister.

Un des aspects de ce sujet concerne les personnes auxquelles on fournit des aides au logement. Votre budget, madame le ministre, souligne une nouvelle fois vos choix idéologiques. En augmentant de plus de 4 % l’enveloppe allouée au programme 177, « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », tout le monde sachant bien que ce sont d'abord des ressortissants étrangers qui en bénéficieront

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

… vous soulignez une nouvelle fois le peu de considération que vous avez pour les plus pauvres de notre pays, que vous êtes pourtant, tous ici, chargés de défendre. Manifestement, nous n’avons pas les mêmes priorités, et je m’en honore !

Le rapporteur spécial souligne que « l’hébergement d’urgence doit faire face au nombre toujours plus important de demandeurs d’asile qui, soit ont été déboutés, soit ne disposent pas de places dans les structures qui leur sont en principe réservées et font donc appel aux dispositifs de droit commun ».

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Je conclus, monsieur le président.

Nous n’avons pas assez de logements pour nos compatriotes, mais vous préférez en faire des laissés-pour-compte et loger des personnes en situation irrégulière.

En matière d’aide au logement, quel que soit le type d’aide auquel on recourt, il convient enfin de mettre en place la priorité nationale.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Cette solidarité nationale a d’abord pour but d’aider les Français en difficulté, et Dieu sait si nous savons qu’ils sont nombreux ! Cela reste l’argent des Français que vous utilisez. Eh non, bien que ce soit l’État qui paie, cela ne coûte pas rien ! Il faut donc la réserver en priorité à nos compatriotes.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission budgétaire « Égalité des territoires et logement » est décidément bien mouvante d’une année sur l’autre. Comme l’ont souligné les différents rapporteurs, son périmètre a largement évolué depuis l’année dernière. Entre le déplacement du programme « Politique de la ville » vers la mission « Politique des territoires » et la rebudgétisation du financement du Fonds national d’aide au logement, il est bien difficile de comparer le budget présenté pour 2015 avec celui de l’année dernière.

Notre rôle est certes de voter les crédits, mais aussi de contrôler leur évolution et leur utilisation. Je ne suis pas sûre qu’un tel mouvement soit de nature à simplifier notre mission de contrôle, ni même à rendre cohérente la politique publique du logement. La confiance dans ce domaine, moteur essentiel de ce secteur, tarde toujours à revenir.

Le constat est, aujourd’hui, malheureusement clair : on construit de moins en moins, et on n’a jamais construit aussi peu depuis fort longtemps dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Loin de l’objectif des 500 000 logements, on passera probablement en 2014, si l’on exclut le programme national de rénovation urbaine, le PNRU, en dessous de 300 000 logements. Or mon collègue Daniel Dubois le rappelait en commission des affaires économiques : 100 000 logements en moins par an, ce sont 180 000 emplois en moins ! En ce temps d’atonie de la croissance, c’est un manque terrible.

Face à cet effondrement de la construction, certaines mesures correctrices bienvenues ont été présentées, en particulier en matière de simplification. On en annonce d’autres ; il en faudra cependant beaucoup plus. De même, les incitations fiscales arrivent bien tard.

En premier lieu, j’aurais quelques questions générales à vous poser sur ce budget, madame la ministre.

Comment expliquer, face à des annonces néanmoins plutôt positives, que les crédits du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » diminuent ? Où sont les priorités du Gouvernement ? Les messages envoyés nous paraissent bien contradictoires.

On se focalise en général sur la vacance de logements dans les grandes agglomérations, mais le problème du nombre de logements vacants dans le monde rural est également important. Madame la ministre, vous êtes en charge non seulement du logement, mais aussi de l’aménagement du territoire – on l’a vu dans la mission précédente. Dans le cadre des Assises des ruralités en cours, quelles mesures spécifiques au logement pourrez-vous proposer pour y remédier ?

Par ailleurs, je voudrais revenir sur l’article 52 rattaché à la mission qui réforme les APL accession, perçues par des ménages modestes. Vous prévoyez que ces aides seront désormais versées aux seuls ménages subissant une diminution de revenus de 30 %. Cette mesure va désolvabiliser les primo-accédants et risque de faire perdre encore 10 000 logements nouveaux, probablement de 15 000 à 20 000 dans l’ancien.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Cela est incompréhensible, et nous soutiendrons la suppression de cet article proposée par la commission des finances.

Concernant l’hébergement d’urgence, je rejoins Mme la rapporteur pour avis : si nous nous réjouissons de l’augmentation des crédits qui lui sont consacrés, nous nous inquiétons des inégalités qui se creusent entre les territoires. Nous nous inquiétons également des conséquences du report de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile sur les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, et l’hébergement de droit commun, alors que la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » devrait être abondée en priorité. Les crédits ouverts permettront-ils de couvrir cette prestation ? Je vous le rappelle, les structures d’hébergement d’urgence de droit commun sont déjà au bord de l’explosion. Ne mélangeons pas tout ! Les demandeurs d’asile ont besoin d’un accompagnement spécifique.

En deuxième lieu, je souhaiterais appeler votre attention sur la question des garanties communales et communautaires.

Le logement locatif a pu être produit ces dernières années grâce aux collectivités qui, palliant le désengagement de l’État, en ont garanti le financement. Or les collectivités, notamment les communautés urbaines et les communautés d’agglomération, sont aujourd’hui confrontées à une progression importante des garanties d’emprunt en faveur du logement social. Pour citer un exemple, l’agglomération que je préside garantit, au 30 novembre 2014, 235 millions d'euros d’emprunts, avec une progression constatée de 40 millions d'euros par an, soit à terme un stock évalué à 500 millions d'euros pour répondre aux objectifs de la rénovation urbaine et à ceux de la production de logements. Cette progression est d’autant moins contrôlée et régulée que les ratios prudentiels de la loi Galland, mis en place pour limiter le risque, ne prennent pas en compte le logement social.

Pourtant, les financeurs des collectivités, banques et investisseurs sur le marché obligataire, prennent, eux, de plus en plus en compte cette dette garantie lorsqu’ils étudient la situation financière des collectivités et leur solvabilité. La croissance importante des garanties d’emprunt commence donc à peser sur les conditions financières des prêts accordés aux collectivités. Il existe des cas très concrets sur mon territoire. Certaines communautés d’agglomération ou communautés urbaines sont déjà, aujourd’hui, confrontées à cette inquiétude de leurs financeurs, les amenant à chercher à maîtriser l’octroi des garanties au logement social.

Dans la période récente, des communes ont déjà connu une telle situation, mais elles ont pu se tourner vers leurs intercommunalités pour prendre le relais. Demain, avec les tensions financières que vont connaître les budgets locaux, certains territoires ne vont-ils pas se retrouver en panne de création de logements sociaux, faute pour les bailleurs de trouver des garants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Il paraît donc important de trouver un nouveau mécanisme de garantie des prêts au logement social qui ne soit pas un vecteur d’inégalités entre les territoires. Le développement de l’intervention de la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, pourrait être une solution. À ce propos, on rappellera que la Cour des comptes avait souligné en 2013 que les fonds propres immobilisés au niveau de la CGLLS pouvaient gagner en efficacité. En 2011, près de 500 millions d'euros étaient immobilisés en fonds propres au niveau de la CGLLS alors que cet organisme n’avait été appelé en garantie que trois fois depuis 2002, pour un montant de 232 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Certes, depuis lors, le Gouvernement en a décidé autrement en centralisant la trésorerie de cet opérateur auprès du Trésor public afin de l’utiliser pour contribuer au désendettement de l’État.

D’autres pistes existent : pourquoi ne pas envisager que la garantie des emprunts soit répartie entre les différents niveaux de collectivités, régions et départements notamment, en fonction du périmètre d’intervention des bailleurs sociaux pour partager la charge avec les intercommunalités ? Quelles mesures envisagez-vous pour sécuriser ces collectivités ?

Enfin, j’aimerais revenir sur la question de l’Agence nationale de l’habitat et de son financement.

Je me félicite une nouvelle fois de l’adoption de l’amendement que j’avais déposé lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances visant à augmenter de 40 millions d’euros supplémentaires le produit de la taxe sur les logements vacants, garantissant ainsi à l’ANAH un revenu annuel de 91 millions d’euros. Près de 12 000 dossiers restent cependant en suspens dans le cadre du programme « Habiter mieux », qui seront reportés, nous le savons, sur l’année 2015. Autrement dit, malgré l’augmentation qui a été soutenue sur l’ensemble de nos travées, les crédits seront insuffisants.

Les crédits du Fonds d’aide à la rénovation thermique, ou FART, ainsi que ceux du Commissariat général à l’investissement, le CGI, accompagnent parallèlement le programme « Habiter mieux ». Là aussi, les baisses des taux d’intervention pour les ménages très modestes et modestes seront importantes. Comment conserverons-nous une dynamique en matière de rénovation thermique des logements si nous continuons dans cette direction ?

L’ANAH est un partenaire financier décisif pour nos politiques territoriales en matière de requalification et d’amélioration thermique du parc privé ancien. En sécurisant son financement, nous permettons la poursuite de ces politiques au profit des habitants très modestes. Nous serons donc particulièrement vigilants - je compte particulièrement sur les sénateurs présents en commission mixte paritaire – sur le maintien des 40 millions d'euros jusqu’au bout du processus parlementaire.

Enfin, un texte sur la transition énergétique devrait bientôt nous être transmis. Nous espérons qu’il sera l’occasion de faire en sorte que l’ANAH puisse continuer à fonctionner après 2015 au service de la transition énergétique et de la lutte contre la précarité énergétique. L’objectif ne doit pas être de produire du logement neuf en laissant de l’habitat ancien dégradé et vacant en milieu rural comme en milieu urbain. N’oublions pas l’essentiel, à savoir que les ménages les plus modestes occupent aujourd'hui de l’habitat ancien dégradé et sont en situation de précarité énergétique. Le principal problème en matière d’impayés concerne l’énergie plus que les loyers.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Ne nous trompons pas d’objectif. Nous devons disposer d’un fonds s'agissant de la transition énergétique, auquel le CGI pourrait participer dans le cadre de ses objectifs environnementaux de développement durable. Il faut en revenir aux fondamentaux, à savoir les ménages les plus modestes, réconcilier l’urbain et le rural. Ce sont des enjeux que nous partageons tous.

Voilà un objectif commun, voilà des pistes pour les budgets futurs ! Nous pourrions tous ensemble faire en sorte que le CGI soit non pas simplement dans une prospective à dix ans mais également un relais de croissance en soutenant le BTP et l’ensemble de notre territoire national.

Le groupe UDI-UC ne votera malheureusement pas les crédits de cette mission, car ils sont bien trop insuffisants par rapport à ces enjeux déterminants pour notre avenir.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Calvet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais en préambule m’associer à l’hommage rendu à Jacques Barrot, ce grand humaniste qui m’avait accueilli, à l’Assemblée nationale, lors de mon premier mandat de député.

La promesse électorale du Président de la République d’accroître l’offre de logements accessibles au plus grand nombre sombre chaque trimestre un peu plus dans l’échec.

Debut de section - PermalienPhoto de François Calvet

Les ventes de logements neufs ne cessent de chuter depuis huit trimestres consécutifs et moins de 300 000 logements neufs auront été mis en chantier en 2014, ce qui est le niveau le plus bas, au regard de la population française, depuis les années quarante.

Dans ce contexte, le Gouvernement maintient son objectif de production de 150 000 logements sociaux. On peut légitimement douter de la réalisation de cet objectif de production de logements, qui représenterait une augmentation de 15 % par rapport aux résultats obtenus en 2013. C’est un peu comme les objectifs de croissance, toujours optimistes dans l’annonce et sans cesse revus à la baisse. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir légiféré.

La loi du 18 janvier 2013, qui prévoyait, d’une part, le relèvement du taux de production de logements sociaux prévu par la loi SRU et, d’autre part, la mise à disposition gratuite des terrains de l’État aux collectivités territoriales pour libérer du foncier, n’a eu aucun effet positif.

Après trois lois et 212 articles en deux ans sur le logement, après des centaines d’heures de débat parlementaire ponctuées de déclarations médiatiques fracassantes, le résultat est là : le secteur du logement est tétanisé et sinistré.

Entre l’avalanche de normes et de mesures coercitives, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Calvet

… et malgré l’annonce du choc de simplification, l’instabilité fiscale sur le patrimoine immobilier incite tous les investisseurs avisés à attendre.

En deux ans et demi, vous avez réussi le tour de force de décourager les investisseurs, qui n’ont aucune visibilité, d’inquiéter les bailleurs en ne pensant qu’aux droits des locataires, d’insupporter un peu plus les propriétaires de résidences secondaires en annonçant une surtaxe de 20 % dont personne ne connaît les conditions d’application. Vous avez également réussi à décourager de très nombreux maires, que nous rencontrons, en rendant impossible l’application de la loi SRU, qui se traduit par un nouvel impôt et une dégradation des moyens d’investissements des communes.

Je voudrais, puisque nous sommes au Sénat, vous démontrer l’absurdité de cette loi, que nous avons dénoncée en vain dans cet hémicycle.

Alors que la loi ALUR instaure le principe du plan local d’urbanisme intercommunal afin de favoriser une gestion coconstruite de l’urbanisme entre les communes membres, la loi n’inscrit pas la problématique de production mutualisée de logements locatifs sociaux. L’article 55 de la loi SRU n’a pas évolué. Le concept de mutualisation des objectifs communaux sur la base du volontariat des communes n’est admis que dans le cadre d’un programme local de l’habitat.

Je voudrais souligner ici que les élus de la communauté d’agglomération Perpignan Méditerranée se sont engagés dans cette démarche puisque toutes les communes, même celles qui n’avaient aucune obligation au titre de la loi, ont produit du logement locatif social. Ainsi, à l’échelle du territoire communautaire, l’objectif SRU 2011-2013 de l’ensemble des quinze communes SRU de l’agglomération a été atteint à 130 %, et l’objectif spécifique 2013 à 111 %.

Force est de constater que, au final, cette démarche intercommunale réussie, basée sur le volontariat des maires, n’a aucun impact puisque les objectifs et les obligations restent du niveau communal et que les communes ne les ayant pas atteints vont être carencées. Je citerai, à titre d’exemple, le cas de deux communes, traversées par le fleuve Agly, qui n’ont quasiment aucune capacité d’urbanisation du fait d’un PPRI, un plan de prévention des risques d’inondation, très contraignant, sans doute à juste raison comme nous avons pu encore le constater ce week-end dans notre département des Pyrénées-Orientales.

Ces communes n’arriveront jamais à atteindre les objectifs réglementaires, même en développant une production volontaire dans le cadre du renouvellement urbain. De ce fait, sept communes vont faire l’objet d’un constat de carence et les pénalités majorées pourraient s’élever à près de 1 750 000 euros par an sans l’intervention de Mme la préfète. Par ailleurs, je me permets de vous rappeler que la majoration des pénalités vient alimenter un fonds national, dont le pourcentage de retour sur le territoire est très faible.

S’agissant des problèmes de production de logements HLM, je ne reviendrai pas sur ce qu’a excellemment dit Mme Létard des garanties d’emprunt octroyées par les collectivités dont le volume nous inquiète. Même si ces garanties ne sont pas prises en compte dans les « ratios Galand », il est urgent de revoir cette réglementation, qui risque de constituer – nous l’avons déjà dit – un frein à la production de logements sociaux.

En matière d’habitat privé, vous réaffirmez votre volonté de rénover 500 000 logements privés par an d’ici à 2017 afin de lutter contre la précarité énergétique. Permettez-moi de douter de la réalisation de cet objectif quand je vois les difficultés auxquelles nous sommes confrontés pour satisfaire toutes les demandes au titre du Fonds d’aide à la rénovation thermique. Si cette situation se confirme, ce sont nos petites entreprises du bâtiment et nos concitoyens qui en souffriront.

Il semblerait que le Gouvernement commence à se rendre compte des ravages provoqués par ces mauvais signaux et à faire marche arrière : l’encadrement des loyers, adopté par l’ensemble de la majorité dans la loi ALUR, est mort avant même d’être né ; le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, en cours de navette parlementaire, comporte déjà des mesures visant à assouplir la loi ALUR ; enfin, le 29 août dernier, le Premier ministre a annoncé un énième plan de relance de la construction et du logement dont ce budget est supposé être le support…

Il sera malheureusement très difficile de redonner confiance au secteur, de le redynamiser, au regard de ce qui a été détruit. Le nouveau dispositif fiscal en faveur de l’investissement locatif demeure incertain, et la possibilité de louer aux ascendants pourrait être abandonnée, ce qui ruinerait le seul aspect attractif de cette mesure.

De même, la réforme du dispositif APL accession réduit considérablement son intérêt puisqu’il bénéficiera uniquement aux ménages dont le montant total des ressources perçues est inférieur de plus de 30 % aux ressources évaluées à la date de signature du contrat de location-accession ou de leur prêt immobilier. Cette mesure, qui va désolvabiliser une grande partie des primo-accédants, risque de les faire renoncer à l’achat de très nombreux logements neufs ou anciens.

Fidèle à votre stratégie, vous préférez gérer la pénurie plutôt que de prendre des mesures pour accroître l’offre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Calvet

Vous préférez la politique des rustines, en augmentant les dépenses sociales, à l’encouragement d’une véritable offre de logement pouvant bénéficier à toute la filière de la construction, laquelle lance aujourd’hui des appels au secours sans avoir le sentiment d’être entendue.

Pour ces raisons, qui ne permettent pas de voir la réalité des axes d’amélioration que nous souhaitons tous, le groupe UMP ne votera pas les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Oui, madame la ministre, il est difficile de débattre uniquement de cette ligne budgétaire et de ses programmes, car votre action s’inscrit dans un cadre beaucoup large : elle concerne d’autres chapitres du budget, notamment les aides fiscales, dont on a un peu trop usé à mon goût. Pour ma part, je suis plutôt favorable à d’autres types d’interventions, mais ces aides demeurent néanmoins l’un des éléments déterminants de la politique menée par le Gouvernement.

L’examen de votre budget intervient dans une période difficile. J’entends avec délectation mes collègues de l’UMP nous expliquer que l’origine de la crise est à trouver dans la loi ALUR… Oui, il y a une profonde crise du logement et de l’immobilier en France et dans presque toute l’Europe ! Nous sommes installés dans un cycle de crise et les politiques du logement sont longues à produire leurs effets. Mais il est faux de prétendre que les subventions, les aides fiscales permettraient d’agir immédiatement sur la construction, sur l’offre de logements. Ce cycle de chute de la production ne provient ni de la loi ALUR ni de l’arrivée de la gauche au pouvoir. Vous avez la mémoire courte, chers collègues de la majorité sénatoriale.

Vous avez cité Les Échos, mais, dès juillet 2011 ce quotidien titrait : « Le ralentissement des mises en chantier se confirme ». À la fin de 2011, ce journal titrait à nouveau : « La construction de logements neufs baissera en 2012 ». Je vous rappelle que, à cette époque, la gauche n’était pas encore au pouvoir et que la loi ALUR n’avait pas été votée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Enfin, en mai 2012, quelque temps avant l’élection présidentielle, Les Échos titraient : « Logements neufs : la glissade du marché s’accélère sur fond de problème de financement »… Ce n’était toujours pas la gauche qui était au pouvoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Une fois le cycle enclenché, il est difficile de l’inverser. Les gouvernements de gauche ont commencé à prendre des mesures pour tenter de le faire, mais cela s’avère d’autant plus difficile que la droite n’a pas mené de politique contracyclique au moment où les prix augmentaient : elle a préféré prendre des mesures fiscales sans plafonnement, ce qui a poussé à la spéculation. Le prix du logement, aujourd’hui trop cher dans notre pays, a décollé durant les dix ans où vous étiez au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Il s’agit d’un handicap majeur pour le droit au logement, pour la compétitivité française. Vous auriez dû prendre des mesures contracycliques, vous avez fait l’inverse ! Vous avez alimenté la spéculation et produit du logement dont le prix est décalé par rapport au revenu des Français. Là est la raison de la crise !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La gauche a pris des dispositions dont je ne vais pas reparler ici. Il faut maintenant – vous le savez, madame la ministre – que toute une série d’annonces se transforme vraiment en actes. Certaines ont commencé à prendre forme, vous vous y êtes attelée. Notre groupe va vous accompagner pour réussir ce passage à l’action. Or les services de Bercy ne vous rendent pas toujours service : ils passent leur temps à trouver des critères de « machin » pour brider les initiatives ; ce qui devait être simple, à l’instar des annonces du Président de la République et du Premier ministre, se transforme en usine à gaz que vous devez simplifier. Je veux souligner vos efforts en ce sens.

Quelles sont les réponses du Gouvernement à la question centrale de la production de logements ?

Premièrement, s’agissant du logement intermédiaire, une ordonnance et des dispositifs fiscaux ont été pris. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous expliquiez concrètement comment va s’opérer le passage à l’action et quelles seront les répercussions sur les opérateurs.

Deuxièmement, M. Valls a fait des propositions sur la relance de l’accession à la propriété. Il me semble que les opérateurs se sont montrés plutôt satisfaits de ces annonces et souhaitent, comme moi, qu’elles se concrétisent dans les faits.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mais il faut d’abord en passer par le débat budgétaire, et nous y sommes !

Troisièmement, concernant l’accession sociale, je partage votre avis, monsieur Dallier, sur le PTZ rallongé. J’ai déposé des amendements sur cette question, et je regrette de ne pas avoir été entendue par Bercy. Vous avez raison, nous aurions pu agir plus tôt !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

J’en arrive enfin au logement social. N’exagérons pas ! Vous faites comme s’il ne s’était rien passé ! Je passe sur la loi SRU, le foncier public… À cet égard, madame la ministre, pourriez-vous nous dire où en est la mission de M. Repentin ? Là aussi, il serait peut-être temps d’accélérer les choses. Du temps où la droite était au pouvoir, la TVA était à 7 %, elle est aujourd’hui à 5, 5 %. De plus, le prélèvement sur les organismes a été supprimé, ce qui permet une mutualisation des moyens au sein du mouvement HLM. Jean-Marc Ayrault a pu signer un pacte et Manuel Valls arrêter un calendrier…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Aujourd’hui, le blocage majeur pour faire du logement social dans ce pays, c’est le foncier, ce sont les maires. Avec les changements à la tête des municipalités, 20 000 logements sociaux programmés ne seront pas réalisés.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Après Bercy, ce sont les maires qui vous servent de boucs émissaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est la vérité ! Les bailleurs sociaux, qui sont très liés au 1 % logement, ne disent pas autre chose. Demandez à M. Baffy, ancien président de la fédération française du bâtiment et aujourd’hui à la tête de la fédération nationale des entreprises sociales pour l’habitat, il vous parlera des masses de logements sociaux bloqués en raison des maires qui n’en veulent plus !

Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Dans le temps qui m’est imparti, je voudrais vous dire, madame la ministre, que je peux comprendre la baisse temporaire des aides à la pierre en raison de ces 20 000 logements bloqués. Toutefois, je le dis tout net, l’engagement du Président de la République de doubler les aides à la pierre doit être tenu d’ici à la fin de son mandat.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Et ce n’est pas le prélèvement sur la CGLLS pour financer le logement social qui se substituera à l’aide à la pierre promise, indispensable à la réussite de notre politique de logement social !

Des aides aux maires bâtisseurs ont été promises. Là aussi, nous attendons des éléments d’information.

Madame la ministre, si déjà tout ce qui a été promis était bel et bien mis en œuvre…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et si nous pouvions vous aider à éviter que Bercy ne bride votre action, nous sommes sûrs que vous réussiriez. Nous approuverons votre budget, car nous avons confiance en votre détermination.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis désolée de devoir vous ramener à quelque chose d’aussi terre à terre que le déroulement de nos travaux.

Nous avons à examiner ce soir les crédits de la mission « Défense », et il est indispensable de ne pas commencer trop tard. Aussi, je vous propose de mettre aux voix l’amendement du Gouvernement et les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », puis de reporter l’examen des articles 52, 53 et 54 à samedi, après ceux qui ont déjà été reportés concernant les collectivités territoriales.

Il s’agit, à mon sens, de la seule proposition réaliste si nous ne voulons pas décaler l’examen des crédits de la mission « Défense » et des autres missions. J’espère qu’elle recevra l’assentiment de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette proposition de la commission des finances ?

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Le Gouvernement y est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

La discussion des articles rattachés à la mission « Égalité des territoires et logement » se poursuivra donc samedi 6 décembre après-midi, à la suite de l’examen des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ».

La parole est à M. Charles Revet.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, notre pays, cela a été dit par de nombreux intervenants, est confronté à une crise du logement sans précédent. Le nombre de demandeurs ou de mal-logés augmente chaque année, alors que, dans le même temps, la mise en chantier de nouveaux logements diminue. Sans doute la situation à laquelle sont confrontées un grand nombre de familles les fait hésiter à s’engager dans un projet immobilier. Mais il faut probablement aller plus loin dans l’analyse pour comprendre le pourquoi de cet état de fait.

Il est clair que la situation économique de notre pays, l’augmentation du chômage ou la crainte pour de nombreuses personnes de perdre leur emploi obligent à une certaine prudence, que l’on peut concevoir. D’autres paramètres contribuent néanmoins aux hésitations et à l’attentisme de nombre de nos concitoyens.

Durant tout mon parcours d’élu, en tant que maire en particulier, j’ai développé la construction de logements, en accession à la propriété ou en locatif. J’en fais un constat que je résumerai par quelques chiffres, qu’il s’agit d’analyser pour mieux saisir les évolutions et la situation que nous connaissons aujourd’hui. Ma petite commune, qui ne comptait que 284 habitants à l’origine, en accueille aujourd’hui plus de 1 500. Les premiers à s’y installer dans les années 1970 ont pu devenir propriétaires grâce aux mécanismes d’accession à la propriété pour moins de 100 000 francs, soit environ 15 000 euros. Il y a vingt ans, pour avoir le même logement, il fallait compter 100 000 euros. Aujourd’hui, il faut la même somme pour le seul terrain, ce qui, bien sûr, fait réfléchir et hésiter.

Vu autrement, la moitié des familles à situation professionnelle identique et à revenu comparable – en valeur actualisée – qui s’engageaient dans cette voie il y a vingt ans n’osent plus le faire aujourd’hui. L’expliquer est relativement simple. Depuis quelques années, toutes les communes ont l’obligation d’être dotées d’un document d’urbanisme, ce qui, en soi, est bien normal. Les lourdeurs des procédures et les dossiers à remplir font néanmoins que quatre à cinq ans sont parfois nécessaires pour finaliser le projet. Cela peut même être plus long, surtout s’il y a des situations particulières, comme la présence de bâtiments classés ou de sites protégés. Il faut y ajouter les obligations développées dans les schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, concernant l’utilisation du foncier.

Toutes ces contraintes s’additionnent ; elles entraînent la raréfaction des terrains à bâtir. La rareté faisant la cherté, le prix du foncier constructible s’est envolé. Des opérations de constructions d’ensembles de logements, réalisées par des organismes d’HLM, pouvaient hier être équilibrées sans financement extérieur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ; ces mêmes organismes doivent faire appel aux collectivités territoriales, elles-mêmes déjà en difficulté.

Il faut encore ajouter, tant pour les particuliers que les constructeurs publics ou privés, l’empilement des réglementations et des normes, de plus en plus contraignantes. Le Gouvernement a fait de la simplification des procédures une priorité ; s’il est un domaine où c’est une nécessité, c’est bien l’urbanisme et le logement ! La simplification permettrait probablement la relance de la construction, qui en a grand besoin, avec les conséquences qui en découleraient pour l’emploi.

Une disposition en vigueur il y a quelques années, la procédure de révision simplifiée, se montrait, de ce point de vue, très utile. Elle avait même permis la relance de la construction et constituait en cela une avancée. Il serait peut-être intéressant de réfléchir à sa réactivation, madame le ministre, ne serait-ce que pour une période déterminée.

Lorsqu’on parle urbanisme et surfaces disponibles pour la construction, deux notions sont immédiatement mises en avant : la protection du foncier agricole et la protection des zones spécifiques. Il nous faut sans doute être vigilants pour répondre à ces préoccupations légitimes, mais il est possible, sans que l’effort soit très important, et sans nuire à l’activité agricole ou à la spécificité des terrains, de distraire des terrains, ce qui permettrait de dégager des emprises constructibles.

Par ailleurs, dans la plupart des communes, notamment dans les bourgs ou hameaux, des terrains délaissés ou des « dents creuses », qui n’ont plus de vocation agricole, pourraient être déclarés constructibles.

Il nous revient donc à nous, parlementaires, comme au Gouvernement, de savoir ce que nous voulons. Si le logement est réellement une priorité pour vous, madame le ministre, il faut seulement s’en donner les moyens. Le foncier est un problème majeur. Or tout semble fait pour qu’il devienne une rareté, pour que le nombre d’emprises disponibles diminue. Tout cela aboutit à la situation que nous connaissons. Il faut essayer de trouver une solution, qui peut passer par la réactivation de la mesure que j’ai évoquée, utilisée il y a quelques années, cela afin de dégager des emprises et donc de construire des logements.

Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les résultats de la politique menée par le Gouvernement, tout le monde le reconnaît, sont plus que mitigés. Force est de constater que le domaine du logement n’échappe pas à la règle.

La période actuelle est marquée, depuis 2011, par la baisse de la production de logements neufs, avec une perspective de 300 000 logements construits en 2014. Dès lors, l’objectif de 500 000 logements neufs par an affiché par le Président de la République ne sera, semble-t-il, jamais tenu, comme nombre de ses promesses d’ailleurs. Les mises en chantier ont ainsi diminué de 12 %, et ce ne sont pas les baisses des dotations de l’État aux collectivités territoriales, pourtant pourvoyeuses d’emploi en matière de construction, qui vont améliorer cette tendance.

Parallèlement à ces baisses annoncées, nous avions mis en garde le Gouvernement contre la loi ALUR, dont nous savions qu’elle risquait de bloquer le marché immobilier. Las, il n’a pas voulu nous entendre. Finalement, le Premier ministre lui-même a reconnu qu’il s’agissait d’une mauvaise loi. Nous voilà désormais contraints de légiférer par petites touches pour tenter de remédier à la situation. Des petites touches, il en faudra beaucoup, non seulement dans le code de la construction, mais aussi dans celui de l’urbanisme, en particulier en matière de simplification des procédures ou d’allégement des normes, que Charles Revet vient d’évoquer. Et je ne parle même pas des recours abusifs, au sujet desquels une législation encore plus serrée est souhaitable !

Comme le veut le vieil adage, « quand le bâtiment va, tout va ». Alors, pourquoi cette mission présente-t-elle des mesures qui, au fond, nous paraissent mal ficelées ?

Il faut certes souligner la révision du dispositif de prêt à taux zéro, permettant l’acquisition dans l’ancien avec travaux en zone rurale. Ce dispositif, à mon sens insuffisant, reste néanmoins un bon outil pour encourager les familles modestes à s’engager dans un projet d’accession.

Cela dit, la relance du secteur devrait reposer sur l’accession sociale à la propriété. Or l’article 52 du présent projet supprime 1 milliard d’euros d’aides aux accédants, sauf pour ceux qui verront leurs revenus chuter de 30 %. C’est totalement contre-productif. Je soutiens donc la proposition du rapporteur spécial de le supprimer, le régime actuel étant plus sécurisant. En effet, cette quasi-suppression de l’APL accession pourrait exclure du marché de nombreux emprunteurs modestes, qui n’auront plus la possibilité de trouver un financement sans cette aide, leur taux d’endettement devenant trop important.

La lutte contre l’habitat indigne est quant à elle assez maltraitée, puisque le budget qui lui est alloué accuse une baisse de presque 20 %.

Parallèlement, certains m’ont alerté sur un point qui les inquiète, semble-t-il, à juste titre : l’aide à la location de logement. L’APL augmente de façon presque automatique, ce qui provoque un phénomène de type inflationniste sur le marché de la location. Je pense en particulier aux petites surfaces en zones tendues, proposées aux étudiants notamment.

Alors que j’avais cru comprendre que le Gouvernement souhaitait se lancer dans un programme ambitieux en faveur du logement et de l’accession, les présentes mesures semblent donc tout à fait à rebours de ces annonces.

Si les articles proposés sont finalement adoptés, je doute, hélas ! que l’année 2015 voie le commencement d’une amélioration dans le secteur. Or il ne fait aucun doute que la crise de la construction d’aujourd’hui se traduira par une grave crise du logement dans quelques années ; c’est bien là le plus inquiétant.

Dans le contexte actuel de raréfaction drastique des financements publics, c’est en tant que maire, président d’un office public d’HLM et président de l’union des maires de mon département, lequel compte 816 communes, que je me fais le relais des craintes exprimées par tous les élus que je rencontre, par tous ceux avec qui j’ai échangé lors de la campagne pour les élections sénatoriales de septembre dernier, qu’ils appartiennent à l’opposition ou à la majorité. Ces préoccupations ont d’ailleurs été excellemment relayées par François Baroin, tout récemment élu président de l’Association des maires de France, que je tiens à saluer en ces lieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Oui, mes chers collègues, nous, maires, sommes extrêmement inquiets des baisses dont vont pâtir nos territoires ruraux et périurbains, évoqués par Valérie Létard dans son intervention. Les communes sont en effet donneuses d’ordre en matière de logement et, par conséquent, des aménagements structurants induits. Le « bloc local » n’est-il pas, et de très loin, le principal vecteur de l’investissement public, représentant 80 % de la dépense ? En effet, tout ce qui relève, par exemple, de la rénovation thermique ou du programme d’accessibilité des bâtiments publics et des logements incombe en grande partie aux collectivités locales. Toutes ces opérations, même si elles représentent souvent de faibles montants unitaires, constituent au bout compte des volumes considérables, dont les entreprises du bâtiment ont un besoin vital aujourd’hui.

Enfin, madame la ministre, je le rappelle, depuis deux ans et demi que vous êtes aux affaires, et alors que les textes de loi sur la réorganisation de notre territoire se bousculent, aucune réunion du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire et d’attractivité régionale n’a été programmée, aucune politique d’aménagement du territoire n’a été lancée.

Je m’interrogeais donc sur le volet relatif à l’égalité des territoires de cette mission, quand, à l’occasion du congrès des maires de France tenu la semaine passée, le Premier ministre a fait des annonces à destination des communes rurales. Nous aurait-il enfin entendus pour ce qui concerne l’égalité des territoires ?

Il a révélé, d’abord, la tenue en janvier prochain du premier comité interministériel à l’égalité des territoires, après avoir constaté le trop grand écart entre les dotations des grandes villes et des petites communes.

Il a annoncé, ensuite, une augmentation de 200 millions d’euros de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la fameuse DTER, bien connue du monde rural, ainsi que l’établissement d’un fonds de 100 millions d’euros pour les maires bâtisseurs en zone tendue, destiné à accorder « une aide de 2 000 euros pour chaque logement permettant l’accueil de populations nouvelles ». Nous espérons que tout cela pourra se mettre en place pour 2015.

Malgré tout, madame la ministre, vous comprendrez que nous soyons circonspects sur votre budget ; nous attendons de vous non seulement des engagements, mais aussi des actes !

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

M. Claude Bérit-Débat remplace M. Jean-Pierre Caffet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la mission « Égalité des territoires et logement », que nous examinons aujourd’hui, est extrêmement importante.

Elle est importante, d’abord, parce que les personnes non ou mal logées sont encore beaucoup trop nombreuses dans notre pays. La persistance de la crise et les difficultés socio-économiques qui l’accompagnent ont durablement fragilisé certains ménages. Cette précarisation a pour conséquence la dégradation de l’accès au logement, mais aussi aux soins ou à l’éducation. Dans ce contexte, la solidarité doit plus que jamais être au cœur de notre intervention. Nous savons que la pauvreté recouvre plusieurs visages ; il nous faut mobiliser un grand nombre d’outils sur notre territoire pour répondre à cet enjeu complexe.

Le sens des crédits des programmes en faveur de l’hébergement de cette mission, c’est précisément de faire reculer les inégalités d’accès au logement en actionnant plusieurs leviers.

Les aides personnelles au logement, versées à 6, 5 millions de ménages, ont ainsi été revalorisées au 1er octobre, faisant progresser l’effort de solidarité du Gouvernement de 80 millions d’euros. Elles sont utiles aux familles ; elles sont justes. Elles représenteront désormais 11 milliards d’euros sur les 13 milliards d’euros du budget total de mon ministère. À ce titre, contrairement à ce que j’ai pu entendre, je précise qu’il s’agit d’un budget sincère et cohérent avec les prévisions de la Caisse nationale d’allocations familiales.

Comme vous le savez, l’une des principales évolutions de ce budget, votée lors de son examen à l’Assemblée nationale, est le report d’une année, au 1er janvier 2016, de l’entrée en vigueur de la réforme des aides à l’accession, lesquelles devraient être réorientées vers un dispositif de sécurisation des ménages, prenant la forme d’une aide versée aux propriétaires accédants connaissant une chute brutale de leurs revenus. Je sais que cette mesure, y compris son report, ne fait pas l’unanimité sur ces travées…

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

… et que certains souhaitent revenir sur le large consensus qui s’est pourtant dégagé à l’Assemblée nationale. Je rappelle pourtant que les APL accession sont en perte de vitesse depuis plusieurs années et que l’élargissement du prêt à taux zéro, dont je parlerai plus tard, rendait cette réforme nécessaire.

Le report d’un an doit permettre de répondre aux demandes, que je sais nombreuses, des parlementaires des deux assemblées et de tous les groupes politiques de bénéficier d’un temps d’échanges et d’expertise sur le fonctionnement et le coût des aides personnelles au logement en général. Les députés de la commission des affaires économiques ont d’ailleurs annoncé leur volonté de créer un groupe de travail après l’examen du budget. Je ne doute pas que la Haute Assemblée se saisira également de ce sujet et qu’elle formulera des propositions, que j’étudierai avec la plus grande attention. C’est la raison pour laquelle je vous demanderai, mesdames, messieurs les sénateurs, de valider ce report.

En ce qui concerne la politique d’hébergement, je crois que vous avez tous conscience de la difficulté à gérer la progression alarmante des demandes en matière d’accès au logement et à l’hébergement. Des moyens financiers très significatifs sont pourtant dégagés pour la mise en œuvre du principe d’accueil inconditionnel des personnes sans domicile. Les crédits de la politique d’hébergement et du logement accompagné progressent par rapport à 2014. En outre, le développement du logement adapté, qui est une passerelle vers le logement, verra ses crédits pérennisés à hauteur de 200 millions d’euros, après avoir déjà connu une progression de 30 % en 2014.

Ces efforts supplémentaires prolongent la mobilisation exceptionnelle que le Gouvernement soutient depuis deux ans, dans le cadre de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. En particulier, 7 000 places d’hébergement supplémentaires ont été pérennisées à l’année, dont 1 400 au sein des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, qui offrent des possibilités d’hébergement plus long et un suivi social renforcé. Plus de 7 000 places de logement accompagné ont également été créées.

Par ailleurs, un groupe de travail a été mis en place à la rentrée au sein de la délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, afin de réaliser les objectifs fixés par le Gouvernement.

Un certain nombre de réformes majeures ont déjà été engagées, dont la plupart aboutiront dès 2015. Parmi elles, la mise en œuvre de diagnostics territoriaux à 360 degrés : ce dispositif, que M. Tourenne a signalé, vise à identifier un nombre suffisant de places pérennes et accordées aux besoins d’un territoire donné ; il a déjà été mené à bien dans treize départements et sera étendu à l’ensemble du territoire avant la fin du premier semestre de 2015.

Quant à la réforme des services du 115, destinée à améliorer la prise en charge des personnes sans domicile, elle aura lieu elle aussi dès l’année prochaine.

De plus, un rapport sur l’opportunité d’instaurer un statut unique pour les structures d’hébergement, généralisant les missions de stabilisation et d’insertion, sera remis au Parlement au début de 2015.

Enfin, le préfet de la région d’Île-de-France, particulièrement confrontée à ces problèmes, travaille actuellement sur un plan de résorption des nuitées hôtelières, qui sera présenté très prochainement. L’intermédiation locative en sera un axe fort, car l’accès au logement doit être l’horizon de l’ensemble des politiques menées. D’ailleurs, pas plus tard qu’hier, j’ai annoncé le lancement, au début de l’année prochaine, de deux nouveaux appels à projets destinés à loger cinq cents familles via le dispositif Solibail et cent autres grâce à un dispositif expérimental d’appartements partagés.

Malgré le contexte actuel de maîtrise des dépenses publiques, et alors que tous les signaux de la grande précarité sont au rouge, jamais – je dis bien jamais – un gouvernement n’aura consacré autant de moyens à l’aide aux plus fragiles de nos concitoyens.

Reste que les efforts en matière d’accès au logement et d’hébergement seraient vains si nous ne nous attaquions pas au fond du problème, qui est le manque cruel de logements, notamment de logements abordables. Cette crise n’est pas une nouveauté ; elle n’est pas apparue en 2012. En réalité, la baisse de la construction de logements en France a commencé dès 2008.

Pour faire face à une situation devenue exceptionnelle, par son ampleur et par la gravité des conséquences qu’elle entraîne sur notre société tout entière, il était impératif de proposer des solutions exceptionnelles. Telle est la raison d’être des deux plans de relance de la construction de logements que le Premier ministre et moi-même avons présentés aux mois de juin et d’août derniers.

La présente mission est la traduction budgétaire des mesures que nous avons annoncées, destinées à relancer la construction et à soutenir l’emploi dans tous nos territoires, dans un contexte économique difficile depuis de nombreuses années.

À ceux qui reprochent à ces mesures leur coût, je réponds que certaines d’entre elles ne sont pas budgétaires. Je pense aux cinquante mesures de simplification que nous avons présentées au mois de juin, dont quarante seront applicables d’ici à la fin de l’année. Une autre série de mesures de simplification des normes et des procédures sera annoncée avant la fin de 2014.

À ceux qui mettent en cause leur efficacité, je signale qu’il est pour le moins contestable de critiquer l’efficacité de mesures que nous n’avons pas encore appliquées, souvent en se fondant sur des chiffres et des analyses qui ne tiennent compte ni des efforts consentis ni des solutions nouvelles.

À tous, je fais observer qu’il est impératif de soutenir le secteur du bâtiment, qui est nécessaire à la reprise de la croissance, et de restaurer la confiance avec les acteurs de la chaîne du logement pour, in fine, construire les logements dont nous manquons cruellement.

Oui, la politique du logement a un coût ; mais elle est destinée à nos concitoyens et au soutien de notre économie. Même en période de crise prolongée, comme aujourd’hui, l’État doit continuer à assumer des ambitions à la hauteur des besoins des Français !

Aussi, je veux réaffirmer que l’objectif de construire 150 000 logements sociaux, dont 8 000 au titre de la rénovation urbaine, est bien maintenu. Ces logements seront financés grâce aux 400 millions d’euros de crédits d’aide à la pierre, complétés par un apport d’Action Logement de plus de 1, 2 milliard en 2015, par un taux de TVA réduit à 5, 5 % et par la mobilisation du fonds d’épargne, ainsi que par l’aide aux maires bâtisseurs annoncée par le Premier ministre lors du congrès des maires de France.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que la participation d’Action Logement à la construction de logements sociaux a suscité quelques interrogations parmi vous. Je vous précise que la convention quinquennale entre l’État et Action Logement, qui consacre le retour à la contractualisation des emplois des fonds issus de la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, a été approuvée la semaine dernière ; elle a d’ailleurs été signée hier par les dirigeants d’Action Logement, plusieurs de mes collègues membres du Gouvernement et moi-même.

Cette convention est donc le fruit d’un accord entre l’État et les partenaires sociaux, lui-même obtenu après d’importantes négociations. Elle garantit à ces partenaires une meilleure maîtrise des emplois de la PEEC, pour fournir aux salariés des entreprises cotisantes des services adaptés destinés à faciliter leur accès au logement et à favoriser leur accès à l’emploi.

Afin de préserver le modèle économique d’Action Logement, acteur essentiel de la nécessaire relance de la construction, cette convention inaugure un changement important pour le financement du logement social et de la rénovation urbaine : Action Logement pourra désormais intervenir sous la forme de subventions ou de prêts aux bailleurs en fonction des opérations.

Cette convention quinquennale fixe les grands axes de la répartition des crédits consacrés au logement social, au logement intermédiaire, au logement libre, au renouvellement urbain et aux salariés.

Ainsi, le développement du logement social et intermédiaire bénéficiera de financements à hauteur de 6 milliards d’euros d’ici à 2019, pour permettre la construction de 600 000 logements en cinq ans.

Les salariés, notamment les jeunes actifs et les salariés en mobilité ou rencontrant des difficultés d’accès à un logement ou de maintien dans un logement seront davantage accompagnés dans leur parcours résidentiel et professionnel.

Un nouveau dispositif de sécurisation locative sera mis en place en remplacement de la garantie des risques locatifs, pour sécuriser en priorité les salariés entrant dans un emploi par tout contrat de travail et accédant à un logement du parc locatif privé. Ce dispositif sera également ouvert aux jeunes salariés de moins de trente ans et aux ménages accompagnés dans le cadre d’une intermédiation locative. En outre, monsieur Requier, j’ai demandé aux partenaires sociaux de mener une réflexion au sujet des chômeurs en mobilité géographique. Ce dispositif, fruit de la négociation, prend la relève du travail important que la Haute Assemblée a accompli dans le cadre des débats sur la loi ALUR, un travail auquel M. Mézard a particulièrement contribué.

Enfin, la convention précise les modalités de financement du nouveau plan national de rénovation urbaine : les financements d’Action Logement seront composés de prêts à hauteur de 40 %, de manière à respecter l’engagement d’un financement du nouveau PNRU à hauteur de 5 milliards d’euros en équivalent subvention.

Un autre accord a été signé dont je suis satisfaite, car il apportera des solutions concrètes à nos concitoyens les plus modestes : l’agenda HLM 2015-2018, signé avec l’Union sociale pour l’habitat en septembre dernier et que Marie-Noëlle Lienemann a évoqué.

La mutualisation de 300 millions d’euros par le mouvement HLM, prévue dans cet accord, permettra la création dans les trois prochaines années de 15 000 logements très sociaux, aussi appelés « super PLAI-HLM ». Cette production s’ajoutera au programme de PLAI adaptés, dont le deuxième appel à projets a été lancé en mars dernier et qui vise à créer 2 000 « super PLAI » en 2014, puis 3 000 en 2015.

Je tiens à mentionner aussi le renforcement du prêt à taux zéro, qui permet aux locataires qui le souhaitent de devenir propriétaires. De fait, l’accès à la propriété est une aspiration très forte parmi les classes moyennes. Seulement, du fait de la fragilisation des parcours professionnels et personnels et des difficultés socio-économiques persistantes, la marche vers l’accession est devenue beaucoup trop haute pour une partie de la population.

Ce budget entérine la prolongation du prêt à taux zéro jusqu’en 2017, avec un niveau d’aides de 1 milliard d’euros pour l’ensemble des prêts signés en 2015. Nous procédons à un rééquilibrage entre les territoires et à un ciblage plus fin des bénéficiaires, ce à quoi je suis particulièrement attachée. Nous visons la signature de 80 000 prêts par an, contre 38 000 aujourd’hui.

Parce que je considère qu’il est absolument indispensable d’engager la dynamique de relance du logement dans tous nos territoires et de soutenir les projets de rénovation qui bénéficient principalement aux petites entreprises et aux artisans du bâtiment, le projet de loi de finances prévoit d’élargir le bénéfice du prêt à taux zéro à l’achat de logements anciens dans 6 000 communes rurales. Ces communes seront définies sur le fondement de critères objectifs : un niveau de vacance supérieur à la moyenne et un niveau minimal de services à la population.

Dans la conjoncture difficile que nous traversons, ces mesures visent à adresser un signal fort aux classes moyennes et modestes. Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet objectif est largement partagé sur vos travées. Elles s’accompagnent d’un important effort financier en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments : au-delà de l’élargissement du crédit d’impôt développement durable, transformé en crédit d’impôt pour la transition énergétique, l’Agence nationale de l’habitat apportera un soutien plus important aux publics modestes pour leurs travaux de rénovation énergétique.

Je sais que des interrogations se font jour au sujet du financement de l’ANAH ; plusieurs orateurs ont signalé ce problème. De fait, la principale ressource de cette agence est incertaine, car très dépendante du cours d’échange de la tonne de quota carbone. C’est la raison pour laquelle l’ANAH bénéficiera en 2015 de moyens complémentaires propres à lui permettre d’assurer dans de bonnes conditions le paiement des aides.

Au cours de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, vous avez relevé à 91 millions d’euros le plafond de la taxe sur les logements vacants, dont le produit est affecté à cette agence ; cette mesure devra être encore débattue dans le cadre de la navette parlementaire.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures que comporte la mission « Égalité des territoires et logement ». Ne pas adopter ses crédits, ce serait refuser l’augmentation des moyens consacrés à l’hébergement d’urgence et à l’accès au logement des plus fragiles. Ce serait refuser de reconnaître la nécessité du travail engagé pour l’amélioration de leurs conditions d’accueil. Ce serait revenir sur le principe même d’un État garant de la solidarité nationale.

En définitive, ne pas adopter les crédits de cette mission, ce serait nier la nécessité de mettre en place des dispositifs essentiels, dotés d’un fort effet de levier, pour relancer la construction de logements, alors qu’il s’agit d’une préoccupation majeure de nos concitoyens. Ce serait, en somme, refuser l’égalité républicaine !

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », figurant à l’état B.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Égalité des territoires et logement

Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

Aide à l’accès au logement

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

Conduite et pilotage des politiques du logement et de l’égalité des territoires

Dont titre 2

777 192 852

777 192 852

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° II-345 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

Aide à l’accès au logement

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

Conduite et pilotage des politiques du logement et de l’égalité des territoiresDont titre 2

Total

Solde

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Cet amendement a pour objet d’inscrire dans le projet de loi de finances les 100 millions d’euros annoncés par le Premier ministre lors du congrès des maires de France en faveur des maires bâtisseurs.

Depuis 2012, nous avons pris un ensemble de mesures destinées à faciliter l’accès au logement dans les zones où les besoins sont les plus importants. Dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014 que vous examinerez dans quelques jours, le Gouvernement a prévu de nouvelles mesures visant à accroître l’offre de logements dans les zones tendues.

La mesure que cet amendement tend à instaurer s’inscrit dans cette politique de soutien aux maires bâtisseurs : il s’agit d’une aide de l’État versée aux communes qui font partie d’une zone tendue et mènent un effort particulier en matière de construction. Elle répond à une demande ancienne de l’ensemble des élus locaux, de toutes sensibilités politiques.

Les modalités du dispositif seront déterminées par voie réglementaire, mais je puis déjà vous en indiquer les principales orientations.

Notre objectif est d’inciter les maires à construire davantage pour répondre aux besoins de croissance démographique des territoires les plus tendus. L’ordre de grandeur de l’aide sera de 2 000 euros par logement construit au-delà d’un taux de croissance normal ; elle sera donc destinée aux territoires qui accomplissent les efforts les plus importants en matière de construction. Ce montant, rapporté aux coûts d’équipements supportés par les finances locales pour chaque construction de logement, exercera un effet incitatif puissant sur les collectivités locales.

Par ailleurs, un seuil d’éligibilité sera défini sur le fondement du potentiel financier, pour concentrer l’aide sur les collectivités locales qui en ont le plus besoin. De plus, les communes ne seront pas éligibles à l’aide tant qu’elles n’auront pas rempli leurs obligations de construction de logements sociaux.

Ce dispositif entrera en vigueur en 2015.

Un premier bilan sera réalisé mi-2015 afin de déterminer le montant dû à chaque commune, et les premières aides seront versées au dernier trimestre de 2015. C'est la raison pour laquelle le présent amendement ouvre un montant d'autorisations d'engagement supérieur à celui des crédits de paiement pour 2015, l'essentiel des primes ayant vocation à être versées, vous l’avez compris, à compter de début de 2016.

L’idée d'une aide aux maires bâtisseurs est évoquée depuis de nombreuses années ; aujourd'hui, le Gouvernement vous propose de la mettre en œuvre, car elle est indispensable pour soutenir les communes qui font les efforts nécessaires pour améliorer l'accès au logement de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Permettez-moi tout d’abord de vous dire très respectueusement, madame la ministre, que je ne suis pas disposé à recevoir de leçons d’égalité républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Ne pas voter les crédits de votre ministère, pour reprendre votre anaphore que je goûte fort peu, ne nous ôterait aucun brevet de légitimité républicaine.

J’en viens à l’amendement. La commission n’ayant pu l’examiner, je vous donnerai mon sentiment personnel.

Depuis très longtemps, je réclame des aides pour les maires bâtisseurs. L’idée qui se concrétise ici me paraît donc bienvenue. Deux points m'inquiètent cependant.

Le premier, c’est la faiblesse de l’enveloppe : 100 millions d’euros en autorisations d’engagement. Nous avons lu dans la presse que l’aide s'élèverait à 2 000 euros par logement. Si le chiffre est exact, cela représente 50 000 logements par an. J’ajoute que, en 2015, vous n’apportez que 15 millions d’euros de crédits de paiement ; cela ne fait donc que 7 500 logements, ce qui est très peu par rapport aux 300 000 logements mis en chantier. Peut-être le dispositif sera-t-il ultérieurement abondé par des crédits supplémentaires…

Le second point, ce sont les critères d’attribution, notamment pour les villes ne respectant pas les critères de la loi SRU. Faut-il comprendre que toutes les villes ayant moins de 25 % de logements sociaux seront privées de l’aide ou seulement les villes qui sont carencées ? Rappelons en effet que certaines villes, bien que soumises à l’article 55 de la loi SRU et disposant de moins de 25 % de logements sociaux, respectent les engagements imposés par la loi pour chaque période triennale. Je vous le dis, parce que c'est le cas de la mienne ! Les maires bâtisseurs attendent ces aides. C’est pourquoi j’ose espérer que les critères n’excluront que les communes carencées.

Voilà les points sur lesquels je souhaiterais que vous m'apportiez des éclaircissements avant de rendre un avis sur une mesure à laquelle je suis, sur le principe, très favorable.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

En présentant l’amendement, j’ai donné l’ensemble des précisions sur lesquelles le Gouvernement pouvait s'engager, sachant que l’annonce de la mesure n’a été faite que la semaine dernière, au congrès des maires. Les derniers arbitrages sont en passe d'être rendus, mais les éléments que je vous ai restitués sont les seuls qui soient déjà actés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Cette mesure était attendue depuis longtemps. Le fait que l’annonce du Premier ministre soit très rapidement suivie d’une traduction budgétaire est également très positif.

Je conseille seulement de veiller à éviter trop de saupoudrage. L’aide ne doit pas être systématique, quel que soit le logement, sinon cela coûtera très cher, sans garantie d’efficacité en termes de construction.

Il me semble que les premiers critères avancés par Mme la ministre sont bons. Pour ma part, j’ajouterai que, plus qu’une dotation pour le logement, il serait intéressant de réfléchir à une subvention au titre des équipements – écoles, crèches, aménagements publics… – que la construction de ces logements rendrait nécessaire. Cet argent financerait ainsi le secteur de la construction et des travaux publics, ce qui nous permettrait de faire coup double.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Nous verrons ce que seront les critères. En tout cas, j’espère qu’ils seront sélectifs et, donc, incitatifs. S’il s’agit de faire du saupoudrage, compte tenu de la faiblesse des crédits, la mesure n’aura guère d’intérêt.

Quoi qu’il en soit, je suis partisan de ce type de dispositif. J’émets donc un avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », figurant à l’état B.

J’ai été saisi, dans le délai limite, d’une demande d’explication de vote de la part de Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Vous avez la parole, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Le groupe socialiste votera les crédits de cette mission.

Je veux juste ajouter que nous sommes très attentifs à la question des aides à la personne. C’est un sujet que nous aborderons sans doute lors de l’examen des amendements, même si j’ai bien compris que certains de nos collègues ne souhaitaient pas que ce débat ait lieu. Pour ma part, je suis convaincue que des aides à l’accession à la propriété sont indispensables. Ces aides doivent-elles s'appliquer à l’ancien ou au neuf ? La réflexion est ouverte, mais, selon moi, si l’on veut soutenir la construction, cibler le neuf serait sans doute préférable.

Quoi qu’il en soit, le compromis qui a été trouvé à l’Assemblée nationale est positif. Je souhaite cependant que le Sénat soit désormais associé à la réflexion sur l’avenir de ces aides.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ».

Ces crédits ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mes chers collègues, avant de suspendre la séance, je vous rappelle que nous examinerons samedi après-midi les articles 52 à 54 rattachés à la mission « Égalité des territoires et logement », à la suite de l’examen des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Par lettre en date de ce jour, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a fait connaître à M. le président du Sénat que le groupe CRC exerce son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays.

La conférence des présidents sera saisie de cette demande de création lors de sa prochaine réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

J’ai reçu avis de la démission de M. Alain Chatillon, comme membre de la délégation sénatoriale aux entreprises.

J'informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la délégation sénatoriale aux entreprises en remplacement de M. Alain Chatillon, démissionnaire.

Cette candidature a été affichée, et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.