Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 3 décembre 2014 à 15h30
Loi de finances pour 2015 — Égalité des territoires et logement

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, madame la ministre, mes chers collègues, la mission dont je rapporte les crédits pour la commission des finances traite d’un sujet qui est au cœur des préoccupations des Français : le logement. Ce secteur connaît pourtant une crise sans précédent puisque à peine 300 000 logements seront mis en chantier cette année et que, selon les chiffres de l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, seulement 93 000 logements sociaux seront financés, hors opérations ANRU et outre-mer, sur les 135 000 programmés.

Cette situation très difficile a conduit le Gouvernement à annoncer bien tardivement, le 29 août dernier, un plan de relance dont plusieurs des mesures figurent dans le projet de loi de finances pour 2015.

Importante par le sujet, cette mission l’est aussi par le volume des crédits : plus de 13 milliards d'euros de crédits budgétaires et presque autant en dépenses fiscales.

Ces sommes permettront-elles de relever le défi qui nous est posé et d’atteindre les objectifs que s’est fixés le Gouvernement – 500 000 nouveaux logements par an, dont 150 000 logements sociaux à l’horizon 2017 ? Telle est bien la question principale que nous devons examiner.

Les crédits de la mission présentent une progression substantielle du volume des autorisations d'engagement comme des crédits de paiement, qui passent respectivement de 7, 8 milliards d'euros à 13, 66 milliards d'euros, et de 7, 626 milliards d'euros à 13, 427 milliards d'euros en 2015.

Cependant, cela n’est pas dû à une flambée de la dépense prévisionnelle, mais essentiellement à un changement de périmètre relatif au financement des aides personnelles au logement, j’y reviendrai.

À périmètre constant, l’augmentation des crédits est beaucoup plus modeste, moins de 100 millions d’euros, somme dont on doit se demander si elle sera suffisante puisque la majeure partie des crédits de la mission correspond à des dépenses de guichet, par nature difficilement maîtrisables et très liées à la conjoncture.

J’en viens au programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables ». Malgré des moyens renforcés, avec une augmentation de 4, 5 %, soit près de 60 millions d’euros supplémentaires, il est évident que ce budget se révélera insuffisant puisque la dotation prévue pour 2015 – 1, 375 milliard d’euros – reste inférieure de 21 millions à l’exécution 2013.

Et si l’on rapporte ce chiffre à ce que nous savons aujourd’hui de la probable exécution des crédits 2014, c’est pire encore puisque les crédits ici ouverts pour 2015 sont inférieurs de 100 millions d’euros.

En 2014, du dégel anticipé en crédits d’avance jusqu’au projet de loi de finances rectificative que nous examinerons dans quelques jours, il aura fallu, en cours d’année, rajouter plus de 150 millions d’euros aux crédits votés en loi de finances initiale.

Les crédits inscrits à ce projet de loi de finances pour 2015 ne peuvent donc qu’être considérés comme largement insincères. Il manquera probablement plusieurs dizaines de millions d’euros.

Au titre du programme 109 « Aide à l’accès au logement », le financement du Fonds national d’aide au logement, le FNAL connaît cette année un véritable bouleversement lié à la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.

En effet, pour alléger les charges pesant sur les entreprises, la branche famille de la sécurité sociale sera ainsi privée d’une partie de ses ressources. Le Gouvernement doit donc, à due concurrence, lui trouver d’autres moyens ou alléger ses charges.

Les crédits budgétaires destinés au FNAL progressent ainsi de 5, 9 milliards d'euros, dont 5, 7 milliards d'euros sont liés à ce changement de périmètre. Au total, ils s’élèvent, pour 2015, à près de 11 milliards d’euros.

Mais le FNAL est également alimenté par des ressources non budgétaires : 2, 55 milliards d'euros au titre des cotisations employeurs et 300 millions d’euros apportés par la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, que le Gouvernement souhaite par l’article 53, rattaché à la mission, maintenir en 2015 au niveau de l’an dernier, contrairement aux engagements qu’il avait pris vis-à-vis d’Action logement, qui prévoyaient un prélèvement réduit à 150 millions d’euros.

Financement du FNAL, financement de l’ANRU, financement de l’ANAH, tout cela se fait au détriment des missions initiales de la PEEC : l’aide aux salariés pour l’accession à la propriété et les travaux ainsi que la construction de logements neufs. Les représentants d’Action logement ont estimé à un milliard d’euros, sur cinq ans, la perte subie au titre des retours sur prêts, qui n’existent plus.

Il faut également rappeler que, face à ce qui aurait pu devenir une impasse budgétaire pour Action logement, le Gouvernement l’a autorisé à emprunter auprès de la Caisse des dépôts et consignations un milliard d'euros par an, sur les fonds d’épargne.

À l’évidence, le modèle économique sur lequel repose Action logement ne va plus tenir très longtemps. Même si un accord a été conclu hier soir, les critiques portées demeurent recevables. Voilà pourquoi, mes chers collègues, votre commission des finances vous proposera la suppression de l’article 53.

À périmètre constant, la progression réelle des crédits budgétaires destinés au FNAL n’est donc que de 200 millions d’euros. La question est de savoir s’ils seront suffisants puisque c’est l’État qui garantit l’équilibre du fond. Malheureusement, à cette question, je ne peux que répondre par la négative.

En effet, à la fin de 2014, selon les chiffres qui nous ont été communiqués par le ministère, une dette de près de 250 millions d’euros aura été reconstituée vis-à-vis du FNAL.

Par ailleurs, la prévision du Gouvernement pour 2015 est basée sur une stabilisation du chômage, dont on peut douter.

Il faut également rappeler que les recettes liées aux cotisations sur les salaires, versées par les employeurs, ont toujours été surestimées dans les dernières années.

Certes, le Gouvernement fait état, pour justifier ce chiffre, de la faible augmentation tendancielle des loyers et des charges et de la progression des ressources de la majorité des allocataires, avec l’augmentation du revenu de solidarité active, le RSA, et du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC, en 2013, qui est maintenant devenue l’année de référence. Il a également prévu un changement de mode de calcul des prestations qui conduit à une économie estimée à 68 millions d’euros pour l’État et 19 millions d’euros pour la branche famille en 2015.

Mais cette prévision intégrait également une autre mesure d’économie qui a été décalée à 2016 par l'Assemblée nationale : la transformation de l’APL accession en un mécanisme de sécurisation des acquéreurs qui perdraient au moins 30 % de leurs ressources par rapport à ce qu’elles étaient au moment de la signature de l’acte de vente.

Cette mesure, justifiée par la diminution du volume de ces aides, me semble une mauvaise décision, car on ne peut pas, d’un côté, affirmer vouloir soutenir l’accession sociale à la propriété et, de l’autre, supprimer les aides qui la rendent possible en solvabilisant les acquéreurs les plus modestes.

C’est pourquoi votre commission des finances vous propose d’aller plus loin que l'Assemblée nationale et de supprimer l’article 52 qui réduit l’APL accession à un simple « filet de sécurité ».

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » connaît une baisse de 9 % en autorisations d'engagement, qui s’établissent à 522 millions d’euros, et de 28 % en crédits de paiement, lesquels s’élèvent à 289 millions d’euros.

En particulier, avec 400 millions d’euros en autorisations d’engagement et seulement 160 millions d’euros en crédits de paiement, ce sont les « aides à la pierre » qui enregistrent la diminution la plus forte, avec respectivement une baisse de 11% et de 41 % par rapport à 2014. Autant dire, du jamais vu !

Ces chiffres mettent en évidence le désengagement de l’État dans le financement de la construction de logements sociaux.

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