Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, notre pays, cela a été dit par de nombreux intervenants, est confronté à une crise du logement sans précédent. Le nombre de demandeurs ou de mal-logés augmente chaque année, alors que, dans le même temps, la mise en chantier de nouveaux logements diminue. Sans doute la situation à laquelle sont confrontées un grand nombre de familles les fait hésiter à s’engager dans un projet immobilier. Mais il faut probablement aller plus loin dans l’analyse pour comprendre le pourquoi de cet état de fait.
Il est clair que la situation économique de notre pays, l’augmentation du chômage ou la crainte pour de nombreuses personnes de perdre leur emploi obligent à une certaine prudence, que l’on peut concevoir. D’autres paramètres contribuent néanmoins aux hésitations et à l’attentisme de nombre de nos concitoyens.
Durant tout mon parcours d’élu, en tant que maire en particulier, j’ai développé la construction de logements, en accession à la propriété ou en locatif. J’en fais un constat que je résumerai par quelques chiffres, qu’il s’agit d’analyser pour mieux saisir les évolutions et la situation que nous connaissons aujourd’hui. Ma petite commune, qui ne comptait que 284 habitants à l’origine, en accueille aujourd’hui plus de 1 500. Les premiers à s’y installer dans les années 1970 ont pu devenir propriétaires grâce aux mécanismes d’accession à la propriété pour moins de 100 000 francs, soit environ 15 000 euros. Il y a vingt ans, pour avoir le même logement, il fallait compter 100 000 euros. Aujourd’hui, il faut la même somme pour le seul terrain, ce qui, bien sûr, fait réfléchir et hésiter.
Vu autrement, la moitié des familles à situation professionnelle identique et à revenu comparable – en valeur actualisée – qui s’engageaient dans cette voie il y a vingt ans n’osent plus le faire aujourd’hui. L’expliquer est relativement simple. Depuis quelques années, toutes les communes ont l’obligation d’être dotées d’un document d’urbanisme, ce qui, en soi, est bien normal. Les lourdeurs des procédures et les dossiers à remplir font néanmoins que quatre à cinq ans sont parfois nécessaires pour finaliser le projet. Cela peut même être plus long, surtout s’il y a des situations particulières, comme la présence de bâtiments classés ou de sites protégés. Il faut y ajouter les obligations développées dans les schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, concernant l’utilisation du foncier.
Toutes ces contraintes s’additionnent ; elles entraînent la raréfaction des terrains à bâtir. La rareté faisant la cherté, le prix du foncier constructible s’est envolé. Des opérations de constructions d’ensembles de logements, réalisées par des organismes d’HLM, pouvaient hier être équilibrées sans financement extérieur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ; ces mêmes organismes doivent faire appel aux collectivités territoriales, elles-mêmes déjà en difficulté.
Il faut encore ajouter, tant pour les particuliers que les constructeurs publics ou privés, l’empilement des réglementations et des normes, de plus en plus contraignantes. Le Gouvernement a fait de la simplification des procédures une priorité ; s’il est un domaine où c’est une nécessité, c’est bien l’urbanisme et le logement ! La simplification permettrait probablement la relance de la construction, qui en a grand besoin, avec les conséquences qui en découleraient pour l’emploi.
Une disposition en vigueur il y a quelques années, la procédure de révision simplifiée, se montrait, de ce point de vue, très utile. Elle avait même permis la relance de la construction et constituait en cela une avancée. Il serait peut-être intéressant de réfléchir à sa réactivation, madame le ministre, ne serait-ce que pour une période déterminée.
Lorsqu’on parle urbanisme et surfaces disponibles pour la construction, deux notions sont immédiatement mises en avant : la protection du foncier agricole et la protection des zones spécifiques. Il nous faut sans doute être vigilants pour répondre à ces préoccupations légitimes, mais il est possible, sans que l’effort soit très important, et sans nuire à l’activité agricole ou à la spécificité des terrains, de distraire des terrains, ce qui permettrait de dégager des emprises constructibles.
Par ailleurs, dans la plupart des communes, notamment dans les bourgs ou hameaux, des terrains délaissés ou des « dents creuses », qui n’ont plus de vocation agricole, pourraient être déclarés constructibles.
Il nous revient donc à nous, parlementaires, comme au Gouvernement, de savoir ce que nous voulons. Si le logement est réellement une priorité pour vous, madame le ministre, il faut seulement s’en donner les moyens. Le foncier est un problème majeur. Or tout semble fait pour qu’il devienne une rareté, pour que le nombre d’emprises disponibles diminue. Tout cela aboutit à la situation que nous connaissons. Il faut essayer de trouver une solution, qui peut passer par la réactivation de la mesure que j’ai évoquée, utilisée il y a quelques années, cela afin de dégager des emprises et donc de construire des logements.