Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais faire écho aux propos tenus par notre collègue Dominique de Legge, rapporteur spécial, en constatant d’entrée de jeu que le compte n’y est pas.
Ne croyez pas que la situation nous satisfasse, bien au contraire. C’est un moment grave que nous vivons. Tous ceux qui ont travaillé sur la mission « Défense » pour 2015 l’ont fait avec la conscience de leurs responsabilités et animés de l’espoir de trouver des financements par le biais de déplacements de crédits à l’intérieur des programmes et d’entendre le Gouvernement nous annoncer une augmentation des crédits ou, au minimum, une sanctuarisation effective du budget.
Malgré la détermination des uns, la communication des autres, les chiffres restent les mêmes, et ils sont alarmants. Ce soir, nous avons dépassé le stade du constat amer pour entrevoir une double réalité : celle d’un budget aux recettes artificielles destinées à couvrir des dépenses, elles, bien réelles et totalement indispensables ; celle d’une loi de programmation militaire à l’agonie. Pourtant, depuis plus d’un an, les parlementaires ont alerté, les industriels ont informé, les responsables de la défense ont exprimé leurs inquiétudes.
Monsieur le ministre, depuis plus d’un an, le Président de la République et vous-même, vous vous êtes engagés à sanctuariser le budget de la défense. Or plus nous avançons dans l’année, plus les amputations et les reports de charges augmentent. Sur l’exercice 2015, ces reports devraient atteindre 3, 8 milliards d’euros.
Prenons-nous la mesure des enjeux ? En effet, cela signifie que les investissements sont menacés. Les emplois de notre industrie de défense et ceux de nos PME et TPE sous-traitantes ne sont pas délocalisables ; il y va donc de la sauvegarde de 400 000 emplois. Nous ne pouvons nous permettre ce luxe ! Cela signifie aussi que nous amorçons un décrochage capacitaire et technologique, alors que la France est l’un des leaders mondiaux de l’industrie de défense.
Plus nous avançons dans l’année, plus les OPEX se multiplient et se prolongent dans le temps, générant des coûts humains, matériels et financiers. De prime abord, la sous-dotation des OPEX pouvait sembler acceptable dans la mesure où un financement interministériel était mis place. Mais l’article 4 de la LPM est un piège pour le ministère de la défense puisque celui-ci contribue à ces dépenses à hauteur de 20 %.
La triste réalité, c’est que nos armées et notre outil de défense sont en surtension. Toujours plus loin, toujours plus longtemps, mais avec moins d’hommes et des équipements vieillissants : tel est l’axiome de la LPM.
Plus de 8 000 hommes ont été déployés dans plusieurs opérations. Rendons-nous compte de ce que cela implique, tant pour les hommes que pour le maintien en condition opérationnelle du matériel. Alors que les déflations de personnels se poursuivent, la défense devrait continuer d’assumer, sans moyen, une politique étrangère aux ambitions croissantes ?
La défense supporte à elle seule plus de 60 % des baisses totales des effectifs de la fonction publique. Quel autre ministère supporterait de telles compressions de personnels alors que ses missions s’accroissent ? Certainement pas celui de l’économie et des finances, toujours aussi prompt à imposer aux autres ce qu’il n’a jamais su s’imposer.
Mes chers collègues, serions-nous devenus schizophrènes ? Comment la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, peut-elle prétendre assurer une présence et une implication continues sur la scène internationale sans engager les moyens nécessaires ?
La première question que je pose est la suivante : jusqu’à quand et dans quelles conditions le ministère de la défense va-t-il pouvoir tenir ?
Est-il responsable d’affirmer dans le même temps que, pour être crédible, la LPM doit être exécutée à l’euro près alors que, sur 31, 4 milliards d’euros, seuls 29, 1 milliards d’euros seront disponibles à temps ? Certes, des pistes sont à l’étude, comme les abondements du programme d’investissements d’avenir ou encore les créations de sociétés de projet, mais les fondements juridiques de ces sociétés sont incertains et quasi inconnus – Dominique de Legge en a parlé –, alors que nous savons d’ores et déjà qu’elles représenteront une charge financière de plus en plus importante et qu’il est difficile de faire du leasing sur du matériel qui, par définition, est susceptible de disparaître du capital des sociétés qui l’utilisent.
Si l’heure n’était pas si grave, je serais tenté de dire que nous-mêmes, nos responsables militaires et nos soldats attendons les REX, les ressources exceptionnelles, comme d’autres attendaient Godot, et que nous sommes dans la situation de sœur Anne…
Derrière nos comptes et nos chiffres, il y a des hommes. Aussi, ma deuxième question tient-elle à notre responsabilité à tous, en tout premier lieu à celle, constitutionnelle, du chef des armées.
Aujourd’hui, le Président de la République doit assumer ses objectifs et avoir le courage de les imposer à son ministre du budget. S’il lui manque la volonté politique de donner les moyens d’équiper les troupes, il s’agit là d’un manquement grave à ses devoirs, en dépit de tous les efforts que vous déployez, monsieur le ministre, et que je reconnais bien volontiers.
Pour le groupe UMP, l’heure est à la responsabilité et à l’honnêteté envers nos soldats et nos concitoyens. Si la sincérité de ce budget réside dans ces efforts dérisoires de contournement de l’obstacle budgétaire, cela nous semble grave. Nous voulons mettre nos moyens en adéquation avec nos engagements diplomatiques. Ce soir, pour ceux qui risquent leur vie pour les idéaux de leur pays, pour la survie de notre outil de défense, notre groupe, majoritairement, votera contre ces crédits.