Autrement dit, lui permet-il non seulement de garantir l’intégrité de son territoire et la protection de sa population, mais aussi de contribuer à lutter contre toutes les menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale ?
Est-il à la fois conforme à la trajectoire financière fixée par la loi de programmation militaire 2014-2019, en adéquation avec les besoins opérationnels de nos forces armées, et suffisant pour faire face au tumulte du monde actuel ?
La réponse à ces interrogations est positive, car le budget de la défense pour 2015 est sanctuarisé. Avec plus de 30 milliards d’euros de crédits, la mission « Défense » représente près de 10 % du budget général et constitue, hors charge de la dette, le deuxième poste budgétaire de l’État, derrière la mission « Enseignement scolaire ».
Dans le contexte budgétaire contraint actuel, qui conduit chaque ministère à contribuer au redressement des finances publiques, cet effort en matière de défense est significatif.
Il témoigne également du fait que le Gouvernement a pris toute la mesure des menaces qui pèsent sur la sécurité des Français et tient sérieusement compte de la dégradation récente de la situation sécuritaire internationale. Je veux, bien entendu, faire référence à la crise ukrainienne, qui a surgi aux portes de l’Europe, aux guerres transnationales qui secouent la Syrie, l’Irak ou la Libye, aux actions des groupes terroristes tels que Al-Qaïda au Maghreb islamique, Boko Haram, ou encore Daech, désormais constitué en véritable armée, mais également à l’expansion des cybermenaces ou au risque de certaines pandémies.
Le besoin de protection est donc réel, et le projet de loi de finances pour 2015, qui correspond à la deuxième annuité d’application de la loi de programmation militaire, tient sa promesse en ce qu’il maintient les crédits de la mission « Défense » au niveau de ceux de 2014.
Ce texte permet ainsi de mettre en œuvre la vision stratégique exprimée dans le Livre blanc de 2013 et de financer le choix de modèle d’armée qui en a émergé. Cette vision stratégique entend, tout en maîtrisant les moyens de la défense et en les inscrivant dans la contrainte budgétaire, parvenir à protéger les Français, à assurer la crédibilité de nos armées et de notre dissuasion nucléaire et à conférer au pays la capacité de prendre l’initiative des actions conformes à ses intérêts et à ceux de la communauté internationale.
À cette fin, et pour préserver l’autonomie stratégique de la France – un concept qui signifie que notre pays doit disposer de l’outil militaire et de la capacité d’entraînement permettant d’agir seul –, la priorité fixée est d’avoir des forces bien entraînées, bien équipées et bien renseignées.
Cette priorité a bel et bien été traduite dans le budget de la défense pour 2015. En effet, les dépenses d’investissement y sont très importantes. En matière d’équipement des forces, par exemple, élément essentiel – vous en conviendrez, mes chers collègues – pour répondre aux besoins opérationnels et mettre à disposition des armées le matériel nécessaire au succès des opérations, les seuls crédits de paiement s’élèvent à 6, 3 milliards d’euros, soit plus de 60 % des investissements de l’État prévus pour 2015 pour la mission.
L’accent a également été mis sur la prospective de défense, dont le niveau est maintenu, plus particulièrement sur le renseignement, puisque les crédits qui sont affectés à ce poste progressent de 2, 2 % par rapport à 2014.
De même, les crédits, hors personnel, du programme « Soutien de la politique de défense » relatif à la politique immobilière, aux systèmes d’information d’administration et de gestion, à la politique des ressources humaines, aux restructurations, ainsi qu’à la politique culturelle et éducative permettant de renforcer le lien entre l’armée et la nation, augmentent quant à eux de 10 %.
Malgré tout, eu égard à certaines limites, nous devons demeurer vigilants. Si ce projet de budget pour 2015 suit le cap fixé par la loi de programmation militaire 2014–2019, il n’en demeure pas moins que les crédits baissent en réalité de 500 millions d’euros par rapport aux prévisions et que seule la compensation par des ressources exceptionnelles permet de réussir l’exercice et donc de parvenir à maintenir la stabilité du budget.
Ces ressources, portées à 2, 3 milliards d’euros, augmentent de 30 % par rapport à 2014. Elles sont pourtant bien incertaines. On le sait, elles ne seront pas au rendez-vous. En effet, il est établi que le produit de la cession des fréquences hertziennes, qui devait en constituer la majeure partie, ne sera pas disponible à temps.
Aussi, face à des recettes exceptionnelles aléatoires et afin de garantir la disponibilité des ressources nécessaires, le ministère de la défense a été contraint d’inventer en urgence une solution qui, si elle a le mérite d’exister, peut néanmoins laisser perplexe a bien des égards : la création de sociétés de projet capitalisées avec le produit de cessions de participations détenues par l’État, mais également ouvertes à des capitaux privés. Ces sociétés permettraient de réaliser l’achat de matériel militaire très coûteux, et concéderaient ensuite un droit d’usage au ministère de la défense moyennant le paiement d’un loyer.
S’il est fondamental, pour ne pas dire impératif, de pouvoir poursuivre la modernisation de nos forces armées, en particulier de leur équipement, la perspective que celui-ci, destiné à la défense nationale, puisse être détenu en partie par des investisseurs privés, y compris étrangers, conduit, ou devrait conduire, à s’interroger, même si l’État reste majoritaire. Ne l’oublions pas, la défense est une mission régalienne.
En outre, si ce choix est guidé par la seule logique budgétaire, une telle solution, présentant certes l’avantage d’une rentrée d’argent rapide, ne sera-t-elle pas plus coûteuse et donc contre-productive à long terme ? Notre expérience des partenariats publics-privés devrait nous amener à méditer….
Mon analyse serait incomplète si je ne mentionnais pas un autre enjeu résidant dans la maîtrise du report de charges résultant de la gestion effectuée en 2014 et estimé à 3, 45 milliards d’euros.
Enfin, il me paraît important de souligner que, si le présent projet de budget parvient aujourd’hui à répondre aux besoins opérationnels, s’il respecte les engagements pris, c’est grâce à la réalisation d’efforts considérables exigés du ministère de la défense et entrepris depuis plusieurs années, visant notamment à maîtriser sa masse salariale, à optimiser son fonctionnement, ainsi qu’à conduire de profondes restructurations. Il convient désormais d’admettre ensemble que les marges de manœuvre sont très limitées, pour ne pas dire inexistantes.
En effet, en 2015, la masse salariale diminuera pour la quatrième année consécutive : 7 500 emplois seront encore supprimés.
S’agissant du budget de fonctionnement, il s’élève à 2, 6 milliards d’euros et permet seulement aujourd’hui d’assurer des conditions de vie et de travail décentes, en répondant aux besoins les plus élémentaires des bases de défense.
Ainsi que j’ai eu l’occasion de le rappeler tout à l’heure, les programmes d’équipement et d’armement sont, quant à eux, considérés comme prioritaires, à juste titre, dans la mesure où ils visent au remplacement de matériels qu’il n’est plus possible d’utiliser davantage et non pas à franchir un saut technologique.
Quant à l’activité opérationnelle, c’est-à-dire l’entretien du matériel et les frais de fonctionnement liés à l’entraînement, on ne peut pas sérieusement envisager de s’y attaquer sans risquer de porter atteinte à la préparation opérationnelle, garantie de la réactivité de nos forces et de leur sécurité.
Pour conclure, les récents événements ont confirmé la pertinence de la vision stratégique qui a présidé à l’élaboration du Livre blanc et qui s’est traduite dans la loi de programmation militaire 2014–2019.
Le projet de budget pour 2015, sous réserve que les recettes exceptionnelles soient confirmées ou que des ressources de substitution soient garanties, respecte cette vision en sanctuarisant la mission « Défense », et montre ainsi l’importance qu’attache la France, malgré les tensions budgétaires qu’elle connaît, aux menaces actuelles et à ses responsabilités sur la scène internationale. C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE voteront ces crédits. §