Madame la présidente, sénatrice émérite du Loir-et-Cher, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux grandes lignes de force sillonnent le budget de la défense pour 2015 : la cohérence et l’intelligence.
Je commencerai par évoquer la cohérence.
Le projet de loi de finances fait le choix de la cohérence avec les trajectoires tracées par la loi de programmation militaire, que notre assemblée a approuvée, dans un consensus politique suffisamment rare pour qu’il soit relevé. Je salue tous mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, qui y ont contribué. Nous n’ignorons pas les difficultés concernant la réalisation des ressources exceptionnelles ou la mise en place des sociétés de projet – les émérites rapporteurs du programme 146 nous les ont rappelées. Le président de la commission des affaires étrangères, Jean-Pierre Raffarin, en a d’ailleurs appelé au chef des armées lui-même, avec une grande honnêteté intellectuelle que je salue, pour que l’enveloppe sanctuarisée de 31, 4 milliards d’euros soit respectée. Tout cela est vrai, dura lex, sed lex…
Mais il faut dire aussi que, dans ce budget, les priorités de la LPM sont respectées, mises en œuvre, déclinées. J’en donnerai quelques illustrations.
D’abord, 740 millions d’euros de crédits sont consacrés à la recherche et aux études, et les crédits d’acquisition atteindront 16, 7 milliards d’euros.
Ensuite, des équipements importants seront commandés ou livrés : Daniel Reiner et Jacques Gautier ont évoqué l’avion MRTT, le programme Scorpion, les quatre avions Phénix, les huit hélicoptères NH90, les Rafale, les hélicoptères Tigre, la frégate multi-missions, les vingt-cinq VBCI, véhicules blindés de combat d’infanterie…
Enfin, les crédits du maintien en condition opérationnelle, le MCO, si cher – à juste titre – à M. le ministre, progresseront, comme l’an passé d’ailleurs, de 4, 5 % en 2015, pour remonter vers les normes de l’OTAN.
J’en viens maintenant à la seconde ligne de force : l’intelligence, dans les deux acceptions du terme naturellement.
La montée en puissance des capacités en matière de cyberdéfense, de renseignement, de connaissance et d’anticipation se poursuit à un rythme rapide. Elle nous permettra de faire face à la menace quand terrorisme et révolution numérique se percutent pour donner ce que je pourrai appeler, par un raccourci réducteur, le « djihad 2.0 », un terme très moderniste.
Des exemples ? Je pense à l’acquisition prévue d’un troisième système de drone MALE, dénommé Reaper. Chacun sait les résultats considérables enregistrés avec l’acquisition de nos deux premiers drones positionnés à Niamey. Des dizaines de chefs terroristes ont ainsi pu être neutralisés.
Autre exemple, ce projet de budget pour 2015 ouvre une nouvelle phase pour le CERES – je vise non pas le centre d’études de Jean-Pierre Chevènement, mais le programme de satellites d’écoute électromagnétique pour la surveillance de certaines zones, comme, là encore, la bande sahélo-saharienne.
On peut citer également la montée en puissance des moyens des services de renseignement. Je parlerai à cet égard de la direction du renseignement militaire, la DRM, un service de renseignement de 1 600 personnes qui dépend du chef d’état-major des armées. Son rôle est d’offrir une appréciation autonome de la situation militaire et d’éclairer la décision pour la conduite des opérations. La DRM est mobilisée sur tous les fronts, de l’opération Barkhane à l’Irak et sans doute ailleurs aux frontières orientales de l’Europe. Elle a entrepris une mutation très importante, et son expertise se consolide, notamment dans le renseignement image.
Détecter les menaces d’ordre militaire, les surveiller, analyser et identifier les objectifs, recouper, analyser, valider, diffuser le renseignement d’intérêt militaire : on voit bien l’importance de ces missions dans le monde actuel, où les menaces de la force coexistent avec celles de la faiblesse, et où nous devons faire face à la fois à des États proliférants dans le domaine nucléaire et à des groupes terroristes qui savent se diluer, se recomposer, et qui disposent parfois de moyens militaires supérieurs à ceux de certains États.
Dernier exemple de cette priorité à l’intelligence, on peut noter la montée en puissance des capacités cyber au sein du ministère de la défense. Avec « l’état-major cyber », avec le CALID, le Centre d’analyse de lutte informatique défensive, avec la montée en puissance des capacités cyber à la direction générale de l’armement, avec un pôle qui se constitue en Bretagne, avec les exercices en grandeur et en temps réels, tels le récent exercice DEFNET, avec, surtout, son pacte « cyber », le ministère de la défense construit graduellement, patiemment, une réponse cohérente, sérieuse, adaptée, structurée à la cybermenace.
La cohérence et l’intelligence sont mises au service de l’efficacité des armes de la France et du renforcement de la fonction « connaissance anticipation » : autant de réelles raisons d’adopter ce projet de budget qui, n’en déplaise au Front national, préserve l’essentiel national. §