Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 3 décembre 2014 à 22h00
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'état

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà tout juste un an, le Parlement adoptait la loi de programmation militaire qui affichait des ambitions fortes dans un cadre budgétaire contraint.

Monsieur le ministre, vous reconnaissiez alors que cette loi était fragile et que toutes les recettes devraient être au rendez-vous dans la durée.

À ce moment-là, la France envisageait de réduire très fortement sa présence militaire au Mali, attendait les contingents européens et onusiens pour alléger son dispositif en République centrafricaine, et n’envisageait pas de nouveaux théâtres d’opérations.

Un an plus tard, nous avons dû redéployer notre dispositif au Sahel avec l’opération Barkhane en vue de décloisonner notre action et couvrir le Mali, le Niger, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Tchad face à la pression terroriste.

Mais nous avons dû intervenir de nouveau en force au nord du Mali pour arrêter des regroupements djihadistes.

Nous sommes toujours présents en République centrafricaine où, comme au Mali, la faiblesse des contingents onusiens nous oblige à ne pas baisser la garde et à maintenir un dispositif important. Depuis l’été dernier, nous sommes également présents au Moyen-Orient dans le cadre d’une coalition pour stopper puis réduire Daech, qui menace la stabilité de la région et de nos pays.

Voilà deux semaines, pour la première fois depuis près de cinquante ans, nos avions ont frappé le même jour des cibles distantes de plusieurs milliers de kilomètres au nord du Mali et en Irak. Nos troupes, avec professionnalisme, efficacité et volontarisme, sont présentes sur de nombreux théâtres ou prépositionnements, souvent en surtension, avec, parallèlement, une surutilisation et une usure de nos matériels et une consommation importante de missiles, bombes et munitions dont les stocks se réduisent.

Pourtant, dans le même temps, les crédits de la défense sont fragilisés par des incertitudes ; certains parlent même d’insincérité.

Le Président de la République est le chef des armées. Il ne peut, chaque jour, demander plus aux hommes et aux femmes de la défense sans leur donner les moyens pour accomplir leurs missions.

Le budget des OPEX, on le sait, sera dépassé ; la défense contribuera à financer ce surcoût à hauteur de 20 %. Monsieur le ministre, c'est satisfaisant au regard de ce que nous aurions pu avoir à payer.

Les reports de charges en fin d’exercice s’aggravent légèrement par rapport à l’année 2013, dépassant les 3, 5 milliards d’euros. Cette pratique, qui perdure depuis des années, n’est pas – reconnaissons-le ! – de bonne gestion.

Nous en avons longuement parlé, les REX risquent surtout de ne pas être au rendez-vous.

Face à ces réalités, les hauts responsables français, le Président de la République et le Premier ministre, ont qualifié la défense de « priorité ». Il convient donc de donner des instructions à Bercy pour que ce ministère cesse d’utiliser la défense comme variable d’ajustement.

Pour 2015, l’enjeu principal, au-delà de la difficile réduction supplémentaire des effectifs, reste la réalisation des programmes d’investissement. Je l’ai dit, je regrette l’absence des crédits pour un programme d’études amont en vue de la réalisation d’un drone MALE européen à l’échéance 2020–2025, alors que les industriels sont prêts à travailler ensemble. La défense doit disposer, en temps et en volume, de la totalité des ressources, y compris la compensation des 2, 1 milliards d’euros de REX. En l’absence de celle-ci, la solution du PIA nous semblait intéressante. J’ai indiqué, en revanche, les réserves que m’inspirait la complexité de la mise en œuvre des sociétés de projet.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas faire simple et ne pas étudier, comme cela a été proposé, une alternative strictement financière reposant sur une convention de mandat, c’est-à-dire un prêt de la part d’un établissement financier pour bénéficier des taux d’intérêts actuellement très bas ?

La réponse du Président de la République au président de la commission des affaires étrangères, Jean-Pierre Raffarin, a apporté un point positif. Celui-ci l’a dit, le montant de 31, 4 milliards d’euros a été écrit noir sur blanc. En revanche, le Président de la République évoque encore les cessions des fréquences, le montage des sociétés de projet. Pis, il envisage un report des financements au début de l’année 2016, c’est-à-dire trop tard pour commander en temps et en heure les équipements, en pratiquant une forme de cavalerie budgétaire.

Monsieur le ministre, dans cette enceinte, nous connaissons tous votre engagement. Nous vous demandons d’étudier toutes les pistes, y compris les plus simples, et d’être le rempart de la défense face aux coups successifs de Bercy.

Parce que ces équipements correspondent à un besoin urgent de nos armées, parce que les hommes et les femmes de la défense s’engagent sans réserve et risquent leur vie, parce que la France doit être présente auprès des nations amies agressées et faire face au terrorisme, je ne peux voter contre les crédits de la mission « Défense ». Néanmoins, compte tenu des faiblesses et des incertitudes que je viens d’évoquer, à titre personnel, je m’abstiendrai.

Monsieur le ministre, les hommes et les femmes de la défense vous font et nous font confiance. Alors, ne les décevons pas et donnons à nos armées les moyens dont elles ont besoin ! §

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