Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 24 novembre 2005 à 21h30
Engagement national pour le logement — Article 8

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Jetons de nouveau un regard sur le chapitre II de ce projet de loi. Il s'intitule « développement de l'offre de logements et accès au logement ». Or nous sommes saisis d'un article qui tend à habiliter le Gouvernement à modifier, par voie d'ordonnance, les règles de fonctionnement des bailleurs sociaux publics, et, par conséquent, les conditions statutaires de leurs agents.

Bien sûr, immédiatement, nous pourrions arguer d'une position de principe tendant à refuser que le Parlement ne soit, une fois de plus, dessaisi de son pouvoir législatif sur un sujet pour le moins important. Les offices publics d'HLM et les offices publics d'aménagement et de construction, les OPAC, ce sont tout de même 60 000 agents et plusieurs millions de logements et de locataires !

Nous pouvons nous demander quels liens entretient cette modification de leur situation juridique et administrative, puis financière et comptable, avec le développement de l'offre de logements et l'accès à l'habitat, sauf si l'article a pour objet de libérer quelques logements occupés par les gardiens de cités HLM pour les remettre en location auprès des demandeurs ! De fait, cet article n'a strictement rien à voir, a priori, avec le chapitre auquel il est rattaché.

Tout se passe comme si l'on avait décidé d'introduire ces dispositions dans ce projet de loi pour la seule raison qu'il porte sur le logement, et après avoir attendu qu'un tel texte se présente ! Cette mesure aurait-elle été présentée en deuxième partie de la loi de finances, au moment de la discussion des crédits du logement, qu'il aurait été de même.

Pourquoi donc avoir introduit dans ce texte cet article, dont la rédaction, comme certains le savent, procède d'une longue concertation engagée entre l'union sociale pour l'habitat, l'USH, et le ministère ? En vertu de quelle disposition législative - nous pourrions presque dire constitutionnelle -, le résultat d'une concertation devrait, à tout coup - car ce n'est pas une première - autoriser le Gouvernement à valider l'accord conclu par la voie d'un article d'habilitation ? Tout se passe comme si l'on plaçait le Parlement devant le fait accompli, une partie de la nation, en l'occurrence le ministère et les dirigeants de l'USH, s'arrogeant le droit de donner force de loi à ce qui procède du dialogue et de la concertation.

Cette manière d'agir est contestable, quels que soient par ailleurs les qualités et les antécédents des parties prenantes dans cet accord que l'on nous propose de valider sur parole, les yeux fermés.

Cela pose une autre question, tout à fait essentielle. Les offices publics d'HLM sont régis par des dispositions issues d'une loi ancienne, qui date en l'occurrence de 1912, plusieurs fois modifiée et qui leur a donné le statut d'établissement public à caractère administratif.

Les OPAC sont des organismes de création plus récente, mais dont le trait essentiel est d'être des établissements publics à caractère industriel et commercial, des EPIC. De façon assez surprenante, plutôt que de se demander comment adapter les textes existants, on préfère se diriger vers un statut unique qui, comme de juste, sera celui de l'établissement public à caractère industriel et commercial !

En réalité, malgré leur différence de statut, les offices publics d'HLM et les OPAC exercent aujourd'hui des missions tout à fait comparables, les champs de compétences originels des OPAC pouvant être investis par les offices d'HLM sur simple délibération motivée de leurs instances dirigeantes.

En fait, le statut d'HLM ne constitue pas le moins du monde un obstacle à la poursuite des activités de production de logements, de gestion locative de patrimoine, d'action sociale en direction des locataires. Il ne gêne, peut être, que la mise en oeuvre, à grande échelle, d'une conception du logement social où le locataire n'est plus un usager, mais un client !

En tout cas, nous ne pouvons, évidemment, qu'inviter le Sénat à rejeter, sans la moindre ambiguïté, cet article 8 qui, une fois encore, ne se justifie pas au regard des objectifs du présent projet de loi.

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