Intervention de Alain Houpert

Réunion du 4 décembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Alain HoupertAlain Houpert, rapporteur spécial :

Nous y reviendrons tout à l’heure, plusieurs collègues ayant déposé des amendements portant sur ce sujet.

Plus globalement, je m’inquiète des effets concrets des arbitrages budgétaires du Gouvernement, qui ne semble pas prendre la mesure des difficultés économiques rencontrées par les exploitations et par certains territoires.

À ce titre, les points qui suscitent mon inquiétude sont nombreux : je citerai, à titre d’exemples, la simple reconduction des aides globales aux filières, le recours au programme des investissements d’avenir, en remplacement de crédits budgétaires du ministère, l’avenir de la filière sucrière quand l’heure de sa dérégulation approche, le bouclage financier hésitant du plan annoncé par le Président de la République à Cournon, les effets de l’intégration de la prime herbagère agroenvironnementale, la PHAE, dans le dispositif de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, la suppression de certains régimes d’exonération de cotisations sociales, dont celui du « contrat vendanges », des ponctions sur les fonds de roulement de grands partenaires, en particulier les chambres d’agriculture, etc.

Mes inquiétudes redoublent à la vue des coupes opérées par le Gouvernement à l’Assemblée nationale à l’occasion de la seconde délibération. Les crédits de la mission ont été diminués de 26, 5 millions d’euros, dont 21, 4 millions d’euros au titre du seul programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », qui porte les dispositifs d’intervention du ministère. Par quelle ardente obligation, monsieur le ministre, justifiez-vous de telles coupes à l’aveugle ? Je vous cite : « une actualisation des prévisions de dépenses » !

Dans ces conditions, je crains que ne s’accentue la perte de vitalité de notre agriculture, qui subit déjà un recul préoccupant en termes de surfaces et d’emplois. J’insiste pour que le désengagement de l’État ne se traduise pas par une réduction des soutiens à la « ferme France ».

À cet égard, il convient de veiller à ce que le pays mobilise ses enveloppes européennes au titre de la PAC et de rester attentifs à la mobilisation effective du programme des investissements d’avenir et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». En ce qui concerne ce dernier, je me demande si d’autres formules que celle d’un compte d’affectation spéciale ne seraient pas plus propres à assurer la continuité du financement du développement agricole et rural.

Plus globalement, je pense que des économies sont possibles sur la mission « Agriculture alimentation, forêt et affaires rurales », monsieur le ministre, mais je ne crois pas à celles que vous avez annoncées. Il me semble, par exemple, que l’on peut poursuivre les efforts de rationalisation des ressources humaines du ministère. Concernant ces dépenses de personnel, je souhaite que les transferts de responsabilités de l’État vers les régions dans le cadre de la nouvelle PAC soient accompagnés des transferts d’emplois nécessaires.

De même, je crois dans les effets des allégements fiscaux et sociaux et je souhaite que le coût des normes soit mieux maîtrisé.

Enfin, la prise en compte des objectifs de développement agricole durable me paraît aller dans le bon sens, mais je souhaite que les équilibres qui ont permis à l’agriculture de compenser par des gains de productivité le recul des terres et de l’emploi ne soient pas perdus de vue.

J’en terminerai en évoquant l’article rattaché à la mission, que la commission des finances vous proposera de supprimer.

Cet article concerne le champ d’application des dispositifs d’exonération de cotisations sociales de l’emploi saisonnier agricole. Il tend, d’une part, à exclure les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers, les ETARF, du dispositif d’exonération, et, d’autre part, à mettre fin à l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les salariés embauchés pour les vendanges. Ce second volet concerne le régime du fameux « contrat vendanges ».

Selon moi, ces deux mesures ne sont pas justifiées et l’exposé des motifs du Gouvernement n’est pas convaincant. Ainsi, l’objectif de la réforme du régime des ETARF serait la lutte contre la précarisation des emplois et le travail clandestin. Or la saisonnalité de nombreux travaux agricoles est une réalité qui s’impose, et non une organisation du travail choisie par l’employeur ! Une certaine flexibilité du travail est nécessaire, sauf à mettre en difficulté les entreprises concernées. De même, l’argument de la lutte contre le travail clandestin est surprenant, dans la mesure où l’exonération appliquée contribue à normaliser les conditions d’emploi.

Par ailleurs, la suppression de l’exonération pour les « vendangeurs » n’est ni une mesure favorisant l’attractivité de ces emplois, ni une mesure de justice sociale. Elle traduit plutôt, monsieur le ministre, la propension du Gouvernement à rechercher des effets d’aubaine fiscalo-sociaux, ce qui revient à faire des économies de bouts de chandelles sur le dos des plus défavorisés !

Je rappelle qu’il s’agit là de salariés modestes, dont les gains mensuels moyens sont de l’ordre de 650 euros, c’est-à-dire inférieurs au seuil de pauvreté. Ce sont souvent des étudiants, ou des gens qui exercent cette activité en tant que second emploi. Voilà quelles sont les personnes concernées par une mesure dont la mise en œuvre se traduira, à l’évidence, par une élévation des coûts salariaux et/ou par une réduction de la main-d’œuvre.

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