Intervention de Michel Le Scouarnec

Réunion du 4 décembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Michel Le ScouarnecMichel Le Scouarnec :

Les restructurations des services du ministère de l’agriculture et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne sont pas remises en cause. L’alimentation, la sécurité alimentaire et la traçabilité auraient dû être des axes essentiels de la loi, notamment s’agissant des fraudes.

Or il n’y a pas suffisamment de moyens humains et financiers pour les services chargés des différents contrôles réglementaires et sanitaires. L’externalisation des services de contrôle de l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, pour les appellations d’origine contrôlée, les AOC, en témoigne.

Que dire également du financement des chambres d’agriculture, avec la création d’un Fonds national de solidarité et de péréquation et la baisse concomitante de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, qui passe de 297 millions d’euros à 282 millions d’euros ? Depuis de nombreuses années, ces organismes consulaires ont observé un plafonnement en valeur de leurs recettes fiscales, alors qu’ils doivent assurer de nouvelles missions déléguées par l’État.

L’objectif du développement durable de la forêt est mis en avant. Mais cela ne peut se concrétiser qu’en réaffirmant les principes d’une gestion multifonctionnelle mise à mal depuis plusieurs années. Il faut donc un véritable réengagement de l’État et l’arrêt de la privatisation rampante de l’ONF.

Or le financement du régime forestier est régulièrement remis en cause, l’État cherchant à se désengager en faisant supporter les coûts à d’autres acteurs.

Les crédits du programme 149, qui définissent la politique nationale en matière de forêt et de filière bois, sont en baisse de 15 % par rapport à 2014, ce qui ne permet ni d’apporter une réponse adéquate à l’exploitation de nos forêts en accord avec les besoins économiques, sociaux et culturels ni de renouveler durablement cette ressource.

L’ONF est asphyxié financièrement. Il subit une baisse drastique de ses crédits.

Et la subvention du Centre national de la propriété forestière est réduite à zéro, contre 16 millions en 2014.

Pourtant, la création, la même année, du Fonds stratégique de la forêt et du bois, et les enjeux soulevés lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt constituaient des signaux encourageants. Aussi, nous nous étonnons de la contradiction entre ces diminutions de crédits et les louables objectifs annoncés.

Le régime forestier assure une péréquation financière entre les régions où l’exploitation forestière est rentable et celles qui sont dotées de grandes forêts peu productives. Or son financement continue d’être remis en cause.

Le projet initial prévoyait d’augmenter les taxes à l’hectare payées par les communes à l’ONF, afin d’économiser 50 millions d’euros sur trois ans. Pour apporter des garanties face à l’indignation provoquée par cette proposition, il a été demandé à l’Office de prendre à sa charge une baisse de dotations de 20 millions d’euros. Cette solution est très loin d’être satisfaisante!

De plus, l’ONF a perdu presque 20 % de ses effectifs depuis quinze ans. Il lui est pourtant encore demandé de supprimer 150 équivalents temps plein par an. Ce n’est ni raisonnable ni acceptable au vu de la souffrance dans laquelle se trouve son personnel.

Ce budget est loin des 150 millions d’euros par an qui sont nécessaires à la relance de la filière bois. À l’heure de la transition énergétique, il faut encourager non seulement le développement des chaudières biomasse ou à bois, mais aussi l’exploitation du bois produit en France, ce qui favorise les filières courtes.

Monsieur le ministre, les crédits proposés sont insuffisants pour financer la modernisation de la filière bois que vous appelez pourtant de vos vœux. C’est surprenant ! L’État s’apprête à apporter 70 millions d’euros par an pendant vingt ans au projet d’E.ON à Gardanne, projet privé allemand de centrale biomasse dont la validité économique, et surtout écologique est loin d’être démontrée.

Dans le contexte actuel, nous attendions plus de ce budget. La gestion de la forêt va constituer un enjeu majeur pour notre société. Elle est déjà exposée aux convoitises et aux spéculations, et elle perd malheureusement tous les arbitrages face aux lobbies financiers, industriels ou immobiliers. La gestion de la forêt publique doit rester exemplaire, le régime forestier ayant montré depuis plus de deux siècles son efficacité face aux pressions des intérêts du court terme.

Vous l’aurez compris, même si nous soulignons certaines avancées, nous affirmons que notre politique agricole et forestière mérite une ambition porteuse de plus d’espoir pour nos exploitants.

Il n’y a qu’une marche à franchir. Malheureusement, ce budget ne le permet pas aujourd’hui. C’est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de cette mission. §

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