Intervention de Sophie Primas

Réunion du 4 décembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Sophie PrimasSophie Primas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de m’exprimer spécifiquement sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », j’interviendrai très brièvement sur les deux prélèvements que nous avons examinés lors de la première partie du projet de loi de finances pour 2015. Ils concernent, vous n'en serez pas surpris, les chambres d’agriculture.

Si ces dernières doivent naturellement participer à l’effort de redressement des finances publiques, je me félicite de l’équilibre des aménagements que nous avons adoptés au Sénat lors de l’examen des articles 15 et 18, du maintien du montant 2014 de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de la déduction des investissements engagés durant l’ensemble de l’exercice 2014, dans le cadre du prélèvement sur le fonds de roulement.

J’espère que le Gouvernement a entendu le Sénat et que ces avancées essentielles pour les chambres d’agriculture seront maintenues dans la suite de la discussion budgétaire. Nous comptons en effet sur les chambres d’agriculture, qui sont des acteurs majeurs, pour accompagner techniquement les mutations de l’agriculture française que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre, et auxquelles vous avez consacré une loi entière et bien des heures dans cet hémicycle. Ne vous privez donc d’aucun moyen pour réussir.

J’en viens aux crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui. J’aborderai deux points.

Tout d’abord, je me réjouis de la levée du plafond d’emplois de l’ANSES, qui permettra la création de vingt postes supplémentaires, des postes absolument nécessaires pour l’accomplissement des missions d’évaluation de l’Agence. La mission d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, que j’avais eu l’honneur de présider, avait prôné dès l’année dernière la levée du plafond d’emplois. Elle avait considéré, d’une part, que ces postes étaient financés hors budget de l’État par les redevances des dossiers d’autorisations de mise sur le marché déposés par les industriels et, d’autre part, que l’érosion très importante de la masse salariale qu’avait connue l’Agence entre 2012 et 2013, par exemple, avait conduit à une réduction des effectifs de quarante personnes entre le début et la fin de l’année. Après avoir perdu quarante postes l’an dernier, elle en gagnera donc vingt cette année. Je salue l’effort ainsi consenti.

Néanmoins, je formulerai de réelles réserves sur cette bonne nouvelle, car la charge de travail de cette agence s’est fortement accrue, entre autres, sur les sujets agricoles.

L’Agence a d’abord un stock très important de dossiers d’AMM en retard. Cela s’explique par le manque de moyens dont elle dispose pour les examiner dans les délais prévus, par son succès et l’excellence de son travail, mais aussi par les nombreux dossiers déposés par les fabricants européens non français. Le délai des dix-huit mois d’instruction n’est donc plus tenu. Selon mes informations, le délai d’instruction atteindrait aujourd’hui près de trois ans, ce qui est absolument insoutenable. Cela empêche l’arrivée de nouveaux produits, dont certains sont très attendus, y compris dans le domaine de l’agroécologie et pour des productions orphelines.

Par ailleurs, la loi d’avenir pour l’agriculture a transféré à l’Agence les décisions d’autorisation de mise sur le marché, ce qui, de fait, alourdit sa mission. Elle a désormais également la responsabilité de mesurer le bénéfice attendu d’un produit au regard des risques qu’elle évalue usuellement.

Enfin, répondant là aussi à l’une des recommandations de la mission d’information, ce dont je vous remercie, vous avez confié de nouvelles missions à l’ANSES, à savoir le suivi post-AMM et de manière indépendante des industriels des produits phytosanitaires sur lesquels elle serait alertée. À cette fin, l’Agence n’a d’autre choix que de recourir à des experts et de les financer.

Aussi, et même si, je le répète, la levée du plafond d’emplois va dans le bon sens, les besoins budgétaires qui résultent des missions supplémentaires assignées à l’Agence ne sont actuellement pas totalement couverts par les redevances perçues.

Ainsi, 4 millions d’euros seraient nécessaires au financement des postes consacrés aux missions post-AMM. Lors de la discussion du collectif budgétaire à l’Assemblée nationale, un député du groupe socialiste a déposé un amendement tendant à proposer un modèle de financement proche de celui qui a été mis en place pour le médicament vétérinaire. Cet amendement ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances, quel mode de financement allez-vous mettre en place pour que l’ANSES puisse assurer l’ensemble de ses missions ? Je ne suis évidemment pas favorable à un alourdissement de la fiscalité.

J’aborderai aussi trois dispositifs de soutien aux agriculteurs en difficulté qui marquent des retraits à mes yeux trop importants. Mon collègue René-Paul Savary a déposé des amendements que j’ai cosignés et que je défends ici. Les deux premiers sont les plus modestes en termes budgétaires, mais ils ont une importance forte humainement.

Le premier est le dispositif AGRIDIFF. Il s’agit d’une enveloppe en faveur des exploitants faisant face à d’importantes difficultés structurelles et se trouvant dans l’incapacité d’assurer seuls leur redressement. Ce dispositif connaît une baisse constante, alors que de nombreuses crises structurelles ont parfois conduit les agriculteurs au bord de la désespérance. L’amendement de M. Savary tend à remettre ce fonds à son niveau de 2013. Ce serait là un tout petit effort budgétaire, mais un symbole humain important.

Le second dispositif est le Fonds d’allégement des charges financières. Ce fonds prend en charge les intérêts des échéances des prêts bancaires professionnels, afin de soutenir les exploitations agricoles connaissant une situation financière difficile due à une conjoncture particulière. Ce fonds est principalement utilisé dans la filière fruits et légumes. Son montant est en baisse constante. La baisse a ainsi été de 8 millions d’euros en 2012 et elle sera de 1, 5 million d’euros en 2015. Compte tenu de la conjoncture pour cette filière, de la pression de l’embargo russe et des effets désastreux de l’arrivée massive de produits d’Europe de l’Est en France, il est souhaitable d’augmenter les crédits de ce fonds. L’amendement vise à le repositionner à hauteur de 6, 5 millions d’euros.

Enfin, je ne m’étendrai pas sur les assurances climatiques, mes collègues en ayant déjà parlé.

Le dispositif de subvention actuel repose sur un cofinancement entre la France et les fonds européens. Je prends acte de l’effort consenti dans le projet de loi de finances pour 2015 et de l’accroissement des crédits d’engagement. Toutefois, le montant proposé ne permettra pas de couvrir parfaitement les besoins des exploitants. Aussi l’amendement que nous avons déposé tend-il à prévoir à un accroissement de cette enveloppe à hauteur de 10 millions d’euros. Mon collègue Gérard César a déposé un amendement tendant à prévoir une hausse de 7 millions d’euros. Nous trouverons probablement un montant commun.

Tels sont les principaux points que je souhaitais aborder. Monsieur le ministre, je vous remercie des éclaircissements que vous pourrez nous apporter. §

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