Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 4 décembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux d’intervenir pour la première fois à cette tribune sur l’agriculture.

Avant d’aborder les points essentiels du programme 154, « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », permettez-moi de rappeler quelques éléments importants.

Avec 1, 623 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1, 419 milliard d’euros de crédits de paiement, le programme 154 représente 50 % du total des autorisations d’engagement de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

J’observe d’abord que ce budget est en parfaite adéquation avec les orientations de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui inscrit notre politique agricole dans une triple dynamique de performance économique, sociale et environnementale, grâce notamment à l’accompagnement et à l’adaptation des filières à l’agroécologie.

Je note ensuite que le projet de budget pour 2015 prend aussi en compte, après une année de transition, l’application intégrale de la nouvelle politique agricole commune. La PAC accompagnera les priorités nationales en matière de soutien à l’élevage, à l’installation de nouveaux exploitants ou à la préservation de la diversité de notre modèle agricole. Au total, le financement communautaire s’élève à 9, 1 milliards d’euros pour la France. L’essentiel a été préservé, et je tiens ici à saluer le travail que vous avez effectué, monsieur le ministre, ainsi que les résultats que vous avez obtenus à l’échelle européenne.

Je relève enfin que la crise provoquée par l’embargo russe déstabilise les marchés européens, nos agriculteurs et notre industrie agroalimentaire. Dès la mise en place de l’embargo, au mois d’août 2014, et à la demande de la France, des aides d’un montant de 365 millions d’euros ont été décidées à l’échelon européen afin d’amortir la crise.

Comme M. le ministre et les syndicats agricoles, je souhaite que ces mesures soient financées autrement que sur la réserve prévue pour les crises agricoles. Je note d’ores et déjà que des dispositions allant dans ce sens ont été prises à l’échelon national. Une augmentation de 50 % de l’enveloppe de prise en charge des cotisations sociales pour le second semestre 2014 a ainsi été annoncée. Cette enveloppe passe de 15 millions d’euros à 23 millions d’euros. En outre, les aides de la politique agricole commune seront versées, à hauteur de 3, 4 milliards d’euros, de manière anticipée, dès le 16 octobre. Cela constituera une avance de trésorerie bienvenue pour les agriculteurs.

J’en viens maintenant au contenu du programme 154. Je distinguerai trois orientations caractérisant l’intention politique du Gouvernement.

D’abord, ce projet de budget met l’accent sur les jeunes et sur l’installation des jeunes agriculteurs. Les prêts à l’installation enregistrent une hausse de 4 millions d’euros en crédits de paiement pour atteindre 63 millions d’euros. Ils restent stables en autorisations d’engagement, à hauteur de 22 millions d’euros.

La dotation aux jeunes agriculteurs est ainsi renforcée en 2015 de 5 millions d’euros et atteint 26 millions d’euros. Si l’on y ajoute le complément de 75 millions d’euros pour les aides directes aux jeunes agriculteurs, par le premier pilier de la PAC, ce sont bien 100 millions d’euros qui seront dévolus à l’installation des jeunes, conformément aux engagements pris à Cournon-d’Auvergne en 2013 par le Président de la République. L’avenir des territoires ruraux à forte dominante agricole passe par ce type de mesures, qui doivent être confirmées dans la durée.

Ce budget place aussi la compétitivité au premier plan. Le plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles est substantiellement renforcé, en hausse de 26 millions d’euros. Il atteint 56 millions d’euros en autorisations d’engagement.

En matière d’exonérations de charges, la mise en œuvre du pacte de solidarité viendra soutenir les entreprises agricoles et agroalimentaires. Dès 2015, 729 millions d’euros d’allégements de charges sociales et fiscales supplémentaires seront mis en œuvre : 360 millions d’euros pour les exploitants agricoles et 370 millions d’euros pour les coopératives et les industries agroalimentaires. Ils viendront s’ajouter aux 662 millions d’euros déjà alloués dans le cadre du CICE en 2014. Un soutien effectif est donc apporté à nos entreprises agricoles et agroalimentaires afin d’accroître leur compétitivité.

Une dotation de 120 millions d’euros au titre du programme d’investissement d’avenir sera versée pour la période 2015-2017.

Les crédits du dispositif d’assurance récolte sont renforcés de 5 millions d’euros par rapport à 2014 et atteignent 24, 3 millions d’euros.

La loi d’avenir a permis de conforter la coopération agricole en améliorant la démocratie sociale – la participation des salariés est dorénavant possible – et en clarifiant les mécanismes de formation des prix et l’information.

Afin d’accroître encore la compétitivité de nos coopératives, il serait utile que nous nous penchions sur la question des règles applicables aux subventions des investissements, qui varient, pour un même objet, suivant le statut juridique de l’investisseur, fragilisant parfois certaines démarches coopératives.

Ce budget permettra aussi d’accompagner la transition vers le modèle agroécologique. Les groupements d’intérêt économique et environnemental contribueront à cette transition, sur un mode collectif, gage de meilleure faisabilité. Le budget 2015 permettra d’accompagner les premières créations.

L’indemnité compensatoire de handicap naturel est renforcée de 53 millions d’euros pour atteindre 232 millions d’euros en 2015. De plus, elle est étendue à des surfaces pouvant atteindre 75 hectares, contre 50 actuellement. Grâce à un cofinancement européen de 75 %, en hausse à la suite des négociations françaises sur la PAC, 928 millions d’euros seront consacrés à l’ICHN.

Ces mesures conforteront la diversité du mode d’exercice des professions agricoles en soutenant les petites exploitations, qui constituent dans des départements comme le mien, le Gers, l’armature de l’économie rurale. C’est un de vos objectifs, monsieur le ministre, et je vous en remercie.

Le financement des mesures agroenvironnementales et climatiques, ainsi que les aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique enregistrent une hausse de 9 millions d’euros par rapport à 2014 et s’établissent à un peu plus de 65 millions d’euros. L’agence Bio voit ses crédits augmenter de 17 % pour atteindre 1, 25 million d’euros.

Permettez-moi d’évoquer des dossiers d’actualité qui préoccupent et inquiètent à juste titre nos agriculteurs.

Je commencerai par l’application de la directive européenne « nitrates ».

M. le ministre de l’agriculture a engagé une démarche de fond, sur la base d’études scientifiques, pour convaincre à terme les instances européennes que des évolutions de cette directive sont possibles. Je salue cette démarche, qui mobilise nos instituts de recherche. Je souhaite que, sans attendre l’issue des travaux, les propositions de nos agriculteurs puissent être entendues et prises en compte pour une application circonstanciée et de bon sens des textes.

Votre objectif de justification rationnelle d’un zonage plus fin permettrait de ne pas pénaliser les agriculteurs, qui sont aujourd’hui inquiets de ce qui les attend dans ce domaine.

De manière plus générale, les travaux de révision ou de simplification des normes que le Gouvernement a engagés dans de nombreux domaines doivent aussi prendre en compte l’agriculture. C’est un point important sur lequel des progrès restent à accomplir.

Quand les situations sont fragiles, et elles le sont trop souvent, il y va purement et simplement de la viabilité des exploitations. En tant que sénateur, j’apporterai ma contribution à ce travail nécessaire.

Dans un contexte général toujours difficile, les crédits du programme 154 permettent de soutenir l’installation de jeunes agriculteurs à un niveau significatif, d’améliorer la compétitivité de nos exploitations et d’approfondir la transition de nos pratiques vers le modèle pertinent de l’agroécologie. L’objectif de triple performance est clairement posé, et l’action est engagée en ce sens.

Pour ces raisons, et pour d’autres que je n’ai pu aborder faute de temps, j’approuve l’épure de ce budget, qui constitue une étape supplémentaire dans la modernisation de l’agriculture dont la France a besoin pour son avenir.

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