Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plusieurs années que l’on dresse à cette tribune le constat des difficultés rencontrées par l’agriculture et les secteurs associés. Or, force est de le constater, malgré les textes successifs, la situation des agriculteurs ne s’est pas améliorée. Chaque débat législatif ou budgétaire doit être l’occasion de le rappeler.
En vingt ans, le nombre d’exploitations agricoles a baissé de plus de moitié. Ce sont les petites et moyennes structures des territoires ruraux, déjà fragiles, qui en ont le plus souffert. Le secteur agricole a été touché par les crises et par la mondialisation, dans le contexte d’une concurrence grandissante de pays émergents, mais aussi de certains de nos voisins européens.
Au niveau de l’Union européenne, la politique de surcontribution de la PAC aux économies budgétaires pour les années 2014 à 2020 va largement amputer les capacités d’action au bénéfice du monde agricole européen. Comme les rapporteurs spéciaux le soulignent justement, nous assistons à un « lent déclin budgétaire de la première politique commune de l’Europe ».
La situation internationale est aussi facteur de tensions. Ainsi, sur fond de crise en Ukraine, la Russie a décrété à l’égard de l’Union européenne un embargo lourd de conséquences. Il fait chuter, entre autres, les cours du porc, des pommes ou du lait, en pénalisant nos régions exportatrices – mon département en fait partie – et contraint à mobiliser de précieuses ressources pour amortir le choc, en puisant notamment dans la réserve de crise de l'Union européenne, qui, cela vient d'être dit, est presque épuisée.
Pour en revenir à la France, notre modèle agricole a eu tendance à sacrifier le secteur primaire – les producteurs – au profit du secteur tertiaire – les services agricoles, financés par les premiers. À terme, le modèle économique est difficilement tenable. Notre politique agricole et nos orientations budgétaires doivent prendre en compte cette réalité.
La question des charges, de la pression fiscale et des normes se pose aussi. La suppression de certains régimes d’exonération de cotisations sociales n’est pas une bonne nouvelle pour les métiers agricoles à haute intensité de main-d’œuvre. Là encore, le revenu disponible est atteint.
Le Sénat vient de mettre en place un groupe de travail sur les normes en matière agricole et, dans ce contexte, il faut s’en féliciter.
Parmi les autres contraintes, je pense à l’urbanisme dans les zones agricoles, où l’habitat dispersé est souvent la règle. La loi ALUR – pour l'accès au logement et un urbanisme rénové – a été une source de rigidité supplémentaire et, malgré quelques avancées contenues dans la loi d’avenir pour l’agriculture, les annexes des bâtiments demeurent interdites. Or les territoires ruraux sont vivants, et leurs habitants doivent pouvoir entretenir et faire évoluer leur habitat sans contraintes excessives ; cette discussion budgétaire est aussi l’occasion de le rappeler.
La suppression des quotas laitiers – outil de régulation du marché du lait en Europe – programmée pour 2015 inquiète les producteurs français, compte tenu du risque accru de surproduction et de baisse des prix. Déjà, depuis deux mois, les prix chutent. Des mécanismes de prévention et de régulation sont nécessaires, sauf à ce que nous changions de modèle ; ce serait alors un autre débat !
Trop de sujétions pèsent sur le monde agricole hexagonal, notamment par rapport à certains de nos voisins européens. Par conséquent, beaucoup reste à faire, en particulier, en matière d’harmonisation fiscale et sociale. La France doit rester à la pointe de ce combat.
Un autre moyen d’accroître les revenus des agriculteurs consiste à valoriser certaines productions et à les attacher à leur terroir. C’est tout le principe des produits sous signes de qualité, comme les AOC. Ainsi, dans mon département du Calvados, comme dans d’autres, les produits sous signes de qualité font la fierté des producteurs…