Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 4 décembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Stéphane Le Foll, ministre :

Je me souviens très bien du niveau auquel se situaient les discussions lorsque je suis arrivé : nous étions à moins de 800 milliards d’euros annuels pour la perspective financière à cinq ans. Une baisse aussi importante du budget global ne pouvait qu’entraîner une réduction de celui de la PAC. La stratégie que nous avons suivie – et ce n’était pas, je le rappelle, celle de l’ancien ministre de l’agriculture – n’a pas consisté à rechercher un accord direct avec l’Allemagne sur cette question, mais à trouver un accord majoritaire qui lie la question agricole à celle de la politique de cohésion territoriale.

C'est en effet le lien entre les fonds liés à la cohésion et celui lié à la politique agricole qui a permis de construire une majorité. Les pays d'Europe centrale étaient encore plus attachés aux fonds de cohésion qu’à la politique agricole. Dès lors, si l’on avait « lâché » sur les fonds de cohésion, la France n’aurait pas pu parvenir au résultat qu’elle a obtenu sur le budget de la politique agricole.

Voilà une vraie différence ! Personne ne pourra jamais dire quelle aurait été la conséquence d’un autre choix stratégique. Tout ce que je sais, c’est qu’elle aurait été négative pour le montant du budget de l’agriculture au niveau européen.

Maintenant, nous avons 9, 1 milliards d’euros par an, dont un peu plus de 7 milliards d’euros sur le premier pilier et 2 milliards d’euros sur le second pilier. Alors, on peut discuter sur cet acquis, se demander s'il est suffisant, mais il constitue en tout cas un résultat très positif par rapport à ce que chacun pouvait anticiper. Et que ceux qui l’ont critiqué se le disent : ce résultat a été salué non seulement politiquement, mais surtout syndicalement, avec une belle unanimité ! La FNSEA elle-même a souligné qu’il s'agissait d’un très bon résultat pour la France. Que dis-je, pour la France ? Pour les agriculteurs français. Mais il est vrai que, lorsque nos agriculteurs ont des perspectives, notre pays peut en avoir aussi !

J’en viens à la question du budget national. Il doit s'inscrire dans une complémentarité avec le budget européen, en tenant compte des choix opérés dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, car c'est après avoir défini le budget global que l’on a pu négocier une réforme de la PAC.

Tous ceux qui, ici, ont participé au débat sur la PAC gardaient en tête le fait que l’élevage français était en train de se rétrécir au profit de productions céréalières. En 2011 et 2012, les prix des céréales étaient extrêmement élevés, si bien que dans des départements comme le mien, l’élevage, qui prévalait, tendait à se rétracter au profit du retournement des terres…

L'objectif était alors d’énoncer des choix stratégiques au niveau de la politique agricole commune qui nous permettent de stabiliser l’élevage et d’éviter, en particulier, un découplage total des aides européennes – débat européen majeur –, c'est-à-dire l’absence de tout lien entre l’aide à l’hectare et la production effective. Cette bataille pour maintenir un certain niveau de couplage des aides, c'était donc d'abord une bataille pour l’élevage.

À ce propos, j’ai entendu M. Yvon Collin faire état du niveau des aides aux vaches allaitantes, de problèmes de dégressivité, ou de problèmes liés aux génisses… Ces sujets particuliers ne doivent pas occulter le fait que les aides sont globalement maintenues pour l’élevage.

Imaginons qu’il n’y ait plus que des aides à l’hectare. Qu’est-ce qui justifierait, dans beaucoup de régions, que l’on continue à investir dans l’élevage, en particulier bovin et ovin ? Rien ! Le couplage était donc un enjeu majeur, et il se trouve que ce système, joint aux aides de compensation des handicaps, a permis de faire un lien entre le budget national et le budget européen

En effet, la fameuse prime nationale à la vache allaitante – la PSVA, bien connue de tous nos services –, qui figurait dans le budget national et représentait 166 millions d’euros, a été transférée au budget européen dans le cadre de la négociation que j’ai menée sur le couplage des aides. Cela permettait de maintenir l’aide aux éleveurs et aux bassins allaitants tout en gérant la réduction du budget national – je savais évidemment quelles étaient nos contraintes budgétaires.

C'est ainsi qu’il a fallu jouer sur la négociation européenne pour anticiper la nécessaire réduction du budget national sans remettre en cause les aides aux éleveurs. Voilà l’emboîtement entre l’Europe, la PAC et le budget national auquel nous sommes parvenus.

Que se serait-il passé si nous avions eu un budget européen moindre et toujours autant de contraintes au niveau du budget national ? Qu’on y réfléchisse bien ! Comment aurions-nous pu maintenir le niveau des aides directes, destinées en particulier aux éleveurs, si nous n’avions pas bénéficié de ce jeu de complémentarité et de transfert ? Nous aurions été confrontés – je peux le dire maintenant que nous avons gagné notre pari – à de grandes difficultés !

D’ailleurs, lors des premières négociations que j’ai menées avec Bercy, nous avions envisagé une telle évolution : confrontés à la nécessité d’une réduction du budget, nous avons donc agi de manière à être en phase avec les agriculteurs.

Pour en terminer avec la question des compensations de handicaps, cette importante politique d’aide absolument nécessaire pour maintenir l’agriculture, et notamment l’élevage, je rappelle que, dès 2015, la promesse faite par le Président de la République, à savoir 1 milliard d’euros pour l’ensemble de la zone, sera réalisée, alors que nous en étions encore l’an dernier à 620 millions d’euros, pour l’ensemble des zones ICHN – indemnités compensatoires de handicaps naturels – et PHAE – prime herbagère agroenvironnementale. Cet effort a été reconnu par tous, y compris dans des articles parus dans les revues d’un certain nombre de départements concernés. Avec les zones ICHN, cette PAC est bien meilleure ! Elle a permis d’introduire un rééquilibrage, un verdissement, et de garantir les grands objectifs de l’agriculture française, en particulier pour l’élevage.

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