Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 4 décembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Stéphane Le Foll, ministre :

Ils ont d’ailleurs posé des questions très judicieuses, et ils ont obtenu gain de cause.

Le Gouvernement avait proposé une exonération des cotisations sociales jusqu’à 1, 3 SMIC, qui reprenait en fait le dispositif du contrat vendanges, mais de manière générale. Ces parlementaires, dont certains étaient de départements viticoles, je le dis au passage, ont argué que le texte du Gouvernement tendait à remettre en cause la notion même de cotisation sociale en introduisant un mécanisme de modulation. D’après eux, cela transformait ces cotisations en impôts.

Dans la mesure où le Conseil constitutionnel a donné raison aux pétitionnaires, on est passé d’un système d’exonérations de cotisations sociales à un système jouant sur l’impôt, en supprimant la première tranche.

Dès lors que cette mesure vaut pour tous les salariés, elle s'applique aussi, évidemment, aux contrats vendanges, qui ne sont pas supprimés puisque, contrairement à ce que j’ai pu entendre, on continuera à pouvoir embaucher des jeunes sur leurs congés payés et des étudiants.

Dans ces conditions, il devient difficile, après avoir obtenu gain de cause auprès du Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une requête pertinente, intelligente, de justifier la défense d’une seule partie, alors qu’on a raison sur le fond : à partir du moment où le Conseil constitutionnel a décidé, force est d’appliquer sa décision. C’est ce qui a conduit à la suppression de la première tranche de l’impôt. Mais, au départ, ce n’est pas moi qui ai saisi le Conseil constitutionnel ! Ce sont les députés de l’UMP !

Je souhaite également évoquer les problèmes de la forêt. Je suis d’accord, un financement plus important est nécessaire. On peut également considérer que nous avons besoin d’organisation, de structuration, d’incitation et de volonté pour donner de l’ambition à la forêt française ? Le fonds stratégique est une étape ; il est fragile, j’en suis parfaitement d’accord. Si ce que nous avons mis en place réussit, en partant d’une hypothèse de 10 millions d’euros, on pourra arriver, d’ici à deux ans, à 30 millions d’euros, grâce aux fonds européens et à la taxe sur le défrichement. C’est modeste, c’est sans doute insuffisant, mais cela reste un élément fort.

Dans la mesure où ce fonds n’a pas pu faire l’objet d’un compte d’affectation spéciale, j’ai cherché à le garantir, en le définissant en tant que fonds spécifique et stratégique. Il est inscrit dans la loi de finances ; il sera le réceptacle d’un certain nombre des éléments que j’ai évoqués, en particulier des taxes de défrichement, sur une partie des sentiers forestiers. Il s’agit, par divers moyens, de conforter ce fonds.

D’ici à quelques semaines ou quelques mois, nous ferons des propositions, je vous l’annonce d’ores et déjà, pour mobiliser une partie de l’épargne en faveur de la forêt. Un travail intéressant a été conduit en la matière.

Comme vous, monsieur Leroy, je pense qu’il faut continuer à renouveler et à développer notre forêt. C’est un élément stratégique majeur.

J’en viens à la question des installations. Selon les chiffres de la MSA, entre 2012 et 2013, le nombre des installations a augmenté de 6 %, c’est-à-dire qu’on en a compté 12 600, dont 8 600 concernaient des moins de quarante ans. L’honnêteté m’oblige néanmoins à dire qu’on a enregistré dans le même temps 20 000 départs à la retraite.

Chacun le sait, le phénomène ne date pas d’aujourd’hui ! Pour que le nombre des installations rejoigne celui des cessations d’activité et des départs à la retraite, soit entre 10 000 et 15 000, objectif fixé dans la loi d’avenir pour l’agriculture – avec une étape à 8 000 –, il faudra poursuivre notre effort. À cet effet, nous avons débloqué près de 100 millions d’euros, sans compter un abondement auquel nous avons récemment procédé.

L’installation, au même titre que la jeunesse et le renouvellement, fait partie de nos axes stratégiques et nous serons tous d’accord pour considérer qu’il s’agit là d’un enjeu majeur.

La situation de l’ONF est une vraie question. Je veux être très clair : le régime forestier est garanti, même si nous allons devoir procéder à des adaptations et faire des choix compte tenu des efforts qui sont demandés aux différents opérateurs de l’État.

Je rappelle que l’ONF, depuis que nous sommes aux responsabilités, a reçu près de 100 millions d’euros, au-delà du contrat d’objectifs et de performance ; nous ne faisons qu’en reprendre une partie, soit 20 millions d’euros.

Je suis d’accord, nous demandons à l’ONF un effort. La vente du bois lui assure une partie de son financement, mais il faut rester vigilant. Le régime forestier, c’est-à-dire la gestion de la forêt publique, l’équilibre à trouver entre les forêts qui sont rentables économiquement et celles qui ne le sont pas, c’est, pour notre pays, un enjeu sur lequel on ne peut pas transiger.

Je le répète, en dépit des efforts de gestion qui sont demandés à l’ONF, le régime forestier sera préservé, je m’y engage et je ne changerai pas d’avis.

Pour ce qui est du Centre national de la propriété forestière, j’ai rencontré récemment son nouveau président, un Sarthois. J’ai pu lui indiquer que le fonctionnement du centre ne serait pas affecté. L’effort sur le fonds de roulement est fait et si jamais il devait survenir un problème, nous serions là pour assurer la pérennité du fonctionnement du CNPF.

Le prélèvement sur fonds de roulement est lié à la suppression de la subvention. Celle-ci sera rétablie dès 2016.

S’agissant de l’ANSES, nous avons trouvé des solutions, après de longs débats, sur le déplafonnement et nous avons décidé la création de 10 emplois pour lui permettre d’assumer ses nouvelles responsabilités. C’est là un sujet de satisfaction. Nous pouvons compter sur cette agence.

Je conclurai mon propos en évoquant la directive Nitrates, qui fait partie de ces débats d’actualité qui sont souvent source d’incompréhension pour les agriculteurs.

Cette directive n’est pas toute récente, mais nous devons nous plier aux injonctions européennes dans la mesure où une procédure d’infraction a été ouverte contre la France. Aussi allons-nous définir des zones vulnérables selon des critères sur lesquels nous sommes en train de travailler. J’ai demandé à l’INRA et à l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, un travail de fond sur ce sujet. Actuellement, le seuil de nitrates à respecter pour stopper l’eutrophisation est de 18 milligrammes par litre ; nous avons engagé des discussions à ce sujet.

Systématiquement, les agriculteurs situés en zone vulnérable anticipent le risque et investissent pour stocker les effluents d’élevages. Dans le contexte actuel, cette contrainte est souvent considérée comme insupportable. Donc, notre objectif est de tout faire pour réduire le risque lié à l’investissement, à la fois en donnant des précisions sur les zones à risque par une identification fine des bassins hydrographiques grâce au satellite, en faisant en sorte qu’une partie des effluents d’élevage – en particulier tout ce qui est fumier pailleux – soit stockée en plein champ, car cela ne nécessite pas d’investissement, et en accroissant les possibilités d’épandage sur les pentes afin de rendre le stockage moins nécessaire.

Si, malgré ces mesures, des adaptations s’avèrent encore nécessaires, nous allons mettre en place une charte de l’autoconstruction, afin de permettre à l’agriculteur de limiter ses coûts d’investissement.

Si, au bout du compte, il subsiste des besoins de stockage, alors, nous appuierons financièrement les investissements, en particulier au moyen du plan de modernisation. Les discussions qui ont été engagées à cette fin avec les régions sont bien avancées.

Je le répète, nous devons déférer à la demande de l’Europe ; à défaut, nous serions sanctionnés. Dans le même temps, mon rôle en tant que ministre est de tout faire pour éviter que les investissements ne pèsent sur la trésorerie des agriculteurs.

Modifier l’ensemble des critères et des éléments à prendre en compte : c’est ce que nous avons négocié avec le mystère de l’environnement et c’est ce que nous négocierons avec l’Europe. Pour ma part, je le redis de manière claire, je ne veux pas infliger aux agriculteurs une nouvelle charge qui les mettrait en difficulté. La situation est déjà assez difficile pour eux.

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