Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2015, les dépenses totales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l’audiovisuel public s’élèvent à 4, 38 milliards d’euros, en légère hausse de 0, 43 % par rapport à 2014. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés.
Le Gouvernement a fait part, lors du débat d’orientation budgétaire sur les finances publiques de juillet 2014, de son intention de supprimer à l’horizon 2017 l’ensemble des dotations budgétaires dédiées aux sociétés de l’audiovisuel public.
Vous l’imaginez, madame la ministre, cette évolution soulève des questions sur la pérennité et les modalités du financement public des organismes concernés. J’estime pour ma part que le Gouvernement manque de courage, et je l’ai fait savoir. Plutôt que de réformer l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public afin de tenir compte des nouveaux usages – un choix du long terme, celui qu’ont fait nos voisins allemands notamment –, vous faites le choix du court terme en prévoyant d’augmenter l’an prochain le montant de la redevance de 2 euros, hors inflation, ce qui pèsera sur le contribuable.
D’après les informations dont je dispose, des travaux sont en cours sur cette question, qui pourrait être traitée dans le projet de loi de finances pour 2016. Il me semble cependant entendre cela tous les ans, sans qu’une telle disposition figure en loi de finances. On ne peut que le regretter.
J’en viens plus précisément aux différents secteurs couverts par les deux missions dont je suis le rapporteur spécial.
L’Agence France-Presse bénéficie d’un traitement favorable, en lien avec la mise en œuvre de son nouveau contrat d’objectifs qui clarifie les relations financières qu’elle entretient avec l’État, à la demande de la Commission européenne. Les performances commerciales de l’agence ont par ailleurs progressé, mais cette tendance positive doit être confirmée en 2015.
S’agissant des aides à la presse écrite, les dotations sont stables pour la plupart d’entre elles, à l’exception de l’aide à la modernisation sociale de la presse d’information politique et générale. La réduction s’explique par l’évolution de la démographie de la population concernée. Je note par ailleurs que la seule autre dotation qui diminue est celle du fonds stratégique pour le développement de la presse. Cela me paraît paradoxal, voire contestable, quand ce fonds est présenté publiquement comme l’outil principal pour permettre à la presse de s’adapter aux évolutions du numérique.
Nous sommes un certain nombre, à droite comme à gauche de cet hémicycle, à nous inquiéter également de l’accélération de la disparition des diffuseurs de presse, qu’il s’agisse des kiosquiers ou des maisons de la presse, sur l’ensemble du territoire, et notamment dans les villes moyennes. Je regrette à cet égard l’incapacité du Gouvernement à proposer des mesures susceptibles d’enrayer cette évolution préoccupante.
En ce qui concerne les dépenses fiscales du secteur, l’extension du taux super-réduit de TVA à 2, 1 % aux publications de presse en ligne, adoptée en application du principe de neutralité technologique, fait peser un risque de contentieux communautaire, et donc de sanction financière en cas de condamnation.
Le soutien aux radios locales associatives demeure stable, pour la cinquième année consécutive. Dans le contexte actuel des finances publiques, cela me paraît satisfaisant, ces radios jouant un rôle fondamental de proximité dans les territoires les plus reculés, notamment. À cet égard, je relève également la préservation des crédits d’intervention déconcentrés en faveur de la politique du livre.
Des chantiers sont en cours, comme celui de la rénovation du « quadrilatère Richelieu », site historique de la Bibliothèque nationale de France, qui se poursuit. Il devra être surveillé avec attention : son coût global a en effet été réévalué de 6, 3 millions d’euros par rapport à la prévision initiale, pour un montant global de plus de 218 millions d’euros. Cela doit être observé avec la maîtrise et le cadre d’accompagnement destinés à prévenir les dérapages inquiétants.
S’agissant des dépenses culturelles, deux évolutions appellent plus particulièrement des commentaires. Tout d’abord, le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, est transféré vers le programme 334, « Livre et industries culturelles », de la mission « Médias, livre et industries culturelles », alors qu’il était précédemment rattaché au programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », de la mission « Culture ».
Cette évolution, fruit d’une longue discussion, paraît cohérente, le CNC étant une institution fondamentale pour le dynamisme de l’industrie culturelle qu’est le cinéma.
L’opérateur n’est pas mis à contribution dans le cadre de l’assainissement général des comptes publics en ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2015.
Au-delà du cas du seul CNC, j’aimerais aussi connaître la position personnelle de l’ancienne magistrate de la Cour des comptes que vous êtes, madame la ministre, ainsi que celle du Gouvernement, sur la fiscalité affectée, notamment sur sa rationalisation équilibrée.
J’aimerais également vous interpeller sur le sort de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, qui demeure incertain. Vous avez indiqué que ses missions ne seraient finalement pas transférées au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA. Toutefois, la dotation budgétaire de 6 millions d’euros, stable par rapport à 2015, après deux années de très forte baisse, ne paraît pas suffisante pour permettre à l’organisme de remplir correctement ses missions.
Je rappelle que la Haute Autorité a subi une baisse de 51 % de sa subvention budgétaire en quatre ans. Dans ces conditions, il me semble que le Gouvernement devrait clarifier la situation : soit il supprime la HADOPI – si c’est votre ligne, il faut faire preuve d’un peu de courage et l’assumer –, soit il la conserve en lui donnant les moyens de fonctionner. En tout état de cause, cette situation d’entre-deux n’est pas satisfaisante, ni pour vous, ni pour la Haute Autorité, ni pour la mission de diffusion des œuvres et de protection des droits production sur internet, dont l’utilité nous semble largement partagée.
Il faut souligner le manque d’ambition du Gouvernement pour offrir des perspectives aux créateurs face aux évolutions du numérique.
J’en viens maintenant aux organismes de l’audiovisuel public. L’année 2015 sera importante, voire cruciale pour la plupart d’entre eux.
France Télévisions, dont les moyens publics diminuent de 0, 5 % par rapport à 2014, doit en effet revenir à l’équilibre financier, objectif sur lequel pèsent de fortes incertitudes, tenant notamment au caractère erratique de ses ressources publicitaires. Dans ces conditions, l’entreprise publique devra poursuivre avec détermination la réforme entamée en 2013.
Le processus d’élaboration du prochain contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 se met par ailleurs en place, différents groupes de travail ayant été nommés. Ce document devra en particulier trancher la question cruciale de l’avenir de France 3.
France Médias Monde bénéficiera pour sa part d’une hausse de sa dotation, en cohérence avec le contrat d’objectifs et de moyens signé en avril 2014. La réalisation des objectifs de ce document stratégique a été perturbée par la réduction imprévue des crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014. À cet égard, je souhaite insister sur la nécessité pour l’État de respecter ses engagements contractuels : c’est une question de crédibilité. En outre, les sociétés concernées ont besoin d’un minimum de visibilité sur leurs ressources. Cela n’enlève rien au fait qu’elles doivent, de leur côté, poursuivre les réformes engagées pour réduire leurs dépenses. C’est d’ailleurs bien la mission d’un contrat d’objectifs et de moyens dans un cadre de réduction générale des déficits publics.
Arte France bénéficiera également d’une légère hausse de sa dotation, après deux années de baisse. Le groupe se distingue depuis deux ans par la réussite de sa stratégie de reconquête de l’audience et de développement du numérique, ainsi que par sa capacité à maîtriser ses charges de fonctionnement. Il conviendra donc de confirmer en 2015 ces bons résultats.
Radio France bénéficiera d’une dotation stable par rapport à 2014. Il lui faudra mettre en œuvre le plan stratégique du nouveau président visant, selon ses propres termes, à « adapter l’entreprise aux exigences d’une audience qui doit se renouveler et aux impératifs induits par le digital ». Il conviendra pax ailleurs de vérifier, en termes de performance, si l’ouverture du nouvel auditorium à l’automne 2014 permet d’augmenter la fréquentation des concerts, alors que la Philharmonie de Paris ouvrira ses portes au début de 2015.
Enfin, l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, retrouvera en 2015 un niveau de dotation comparable à celui de 2013, après une année 2014 marquée par une ponction de 20 millions d’euros sur son fonds de roulement, qui l’a contraint à annuler son projet immobilier. Le prochain contrat d’objectifs et de moyens, en cours de négociation, devra donc définir un nouveau projet immobilier susceptible de garantir la préservation des collections dans les meilleures conditions. La nouvelle présidente, nommée au printemps 2014, ambitionne de renforcer les ressources propres de la société. Il sera donc intéressant d’étudier l’évolution de la performance de l’INA à cet égard en 2015.
En conclusion, je dirai que ce budget manque d’ambition et n’est pas à la hauteur des enjeux, qu’il s’agisse de l’accompagnement de la presse dans son processus de modernisation et de restructuration, de la réforme du financement de l’audiovisuel public ou de la protection des droits de propriété intellectuelle.
La commission des finances a donc proposé de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
En revanche, elle a proposé l’adoption sans modification des dispositions purement formelles figurant aux articles 56 quinquies et 56 sexies, visant à décaler la date d’entrée en vigueur de mesures adoptées dans la loi de finances rectificative de décembre 2013, relatives à l’extension et au renforcement du crédit d’impôt jeux vidéo.