La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.
La séance est reprise.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un courrier en date du 3 décembre l’informant que le Gouvernement soumet à l’autorisation du Sénat la prolongation de l’intervention des forces armées en Irak.
La date à laquelle le Sénat statuera sur cette demande d’autorisation de prolongation sera fixée lors de la prochaine réunion de la conférence des présidents, le mercredi 10 décembre prochain.
Je vous rappelle que, par courrier en date du 2 décembre 2014, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé l’inscription à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 11 décembre 2014 après-midi de la proposition de résolution relative à un moratoire sur la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques issus de la loi n° 2003–699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et des lois subséquentes, n° 128 (2014-2015), présentée en application de l’article 34–1 de la Constitution, en remplacement de la proposition de résolution n° 89 (2013-2014).
Acte est donné de cette demande.
S’il n’y a pas d’observation, l’organisation de la discussion est inchangée.
Par courrier en date de ce jour, M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et apparentés, demande l’inscription, à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 11 décembre 2014 matin, de la proposition de résolution, présentée en application de l’article 34–1 de la Constitution par M. Gilbert Roger, Mmes Éliane Assassi, Esther Benbassa, MM. Didier Guillaume et Jean Vincent Placé et plusieurs de leurs collègues, sur la reconnaissance de l’État de Palestine, n° 151 (2014-2015).
Cette demande a été communiquée à M. le Premier ministre, en application de l’article 4 de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34–1, 39 et 44 de la Constitution et de l’article 50 ter de notre règlement.
La proposition de résolution ne pourra être inscrite à notre ordre du jour, au plus tôt, que quarante-huit heures après cette demande.
Par courrier en date du 3 décembre 2014, M. Bruno Retailleau, président du groupe Union pour un Mouvement Populaire, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, inscrit à l’ordre du jour du jeudi 18 décembre 2014 après-midi, soit examiné en séance publique selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale commune, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques pourrait être d’une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole serait fixé au mercredi 17 décembre 2014, à dix-sept heures.
Il n’y a pas d’observation ?...
Il en est ainsi décidé.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » (et articles 56 quinquies et 56 sexies) et du compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2015, les dépenses totales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l’audiovisuel public s’élèvent à 4, 38 milliards d’euros, en légère hausse de 0, 43 % par rapport à 2014. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés.
Le Gouvernement a fait part, lors du débat d’orientation budgétaire sur les finances publiques de juillet 2014, de son intention de supprimer à l’horizon 2017 l’ensemble des dotations budgétaires dédiées aux sociétés de l’audiovisuel public.
Vous l’imaginez, madame la ministre, cette évolution soulève des questions sur la pérennité et les modalités du financement public des organismes concernés. J’estime pour ma part que le Gouvernement manque de courage, et je l’ai fait savoir. Plutôt que de réformer l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public afin de tenir compte des nouveaux usages – un choix du long terme, celui qu’ont fait nos voisins allemands notamment –, vous faites le choix du court terme en prévoyant d’augmenter l’an prochain le montant de la redevance de 2 euros, hors inflation, ce qui pèsera sur le contribuable.
D’après les informations dont je dispose, des travaux sont en cours sur cette question, qui pourrait être traitée dans le projet de loi de finances pour 2016. Il me semble cependant entendre cela tous les ans, sans qu’une telle disposition figure en loi de finances. On ne peut que le regretter.
J’en viens plus précisément aux différents secteurs couverts par les deux missions dont je suis le rapporteur spécial.
L’Agence France-Presse bénéficie d’un traitement favorable, en lien avec la mise en œuvre de son nouveau contrat d’objectifs qui clarifie les relations financières qu’elle entretient avec l’État, à la demande de la Commission européenne. Les performances commerciales de l’agence ont par ailleurs progressé, mais cette tendance positive doit être confirmée en 2015.
S’agissant des aides à la presse écrite, les dotations sont stables pour la plupart d’entre elles, à l’exception de l’aide à la modernisation sociale de la presse d’information politique et générale. La réduction s’explique par l’évolution de la démographie de la population concernée. Je note par ailleurs que la seule autre dotation qui diminue est celle du fonds stratégique pour le développement de la presse. Cela me paraît paradoxal, voire contestable, quand ce fonds est présenté publiquement comme l’outil principal pour permettre à la presse de s’adapter aux évolutions du numérique.
Nous sommes un certain nombre, à droite comme à gauche de cet hémicycle, à nous inquiéter également de l’accélération de la disparition des diffuseurs de presse, qu’il s’agisse des kiosquiers ou des maisons de la presse, sur l’ensemble du territoire, et notamment dans les villes moyennes. Je regrette à cet égard l’incapacité du Gouvernement à proposer des mesures susceptibles d’enrayer cette évolution préoccupante.
En ce qui concerne les dépenses fiscales du secteur, l’extension du taux super-réduit de TVA à 2, 1 % aux publications de presse en ligne, adoptée en application du principe de neutralité technologique, fait peser un risque de contentieux communautaire, et donc de sanction financière en cas de condamnation.
Le soutien aux radios locales associatives demeure stable, pour la cinquième année consécutive. Dans le contexte actuel des finances publiques, cela me paraît satisfaisant, ces radios jouant un rôle fondamental de proximité dans les territoires les plus reculés, notamment. À cet égard, je relève également la préservation des crédits d’intervention déconcentrés en faveur de la politique du livre.
Des chantiers sont en cours, comme celui de la rénovation du « quadrilatère Richelieu », site historique de la Bibliothèque nationale de France, qui se poursuit. Il devra être surveillé avec attention : son coût global a en effet été réévalué de 6, 3 millions d’euros par rapport à la prévision initiale, pour un montant global de plus de 218 millions d’euros. Cela doit être observé avec la maîtrise et le cadre d’accompagnement destinés à prévenir les dérapages inquiétants.
S’agissant des dépenses culturelles, deux évolutions appellent plus particulièrement des commentaires. Tout d’abord, le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, est transféré vers le programme 334, « Livre et industries culturelles », de la mission « Médias, livre et industries culturelles », alors qu’il était précédemment rattaché au programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », de la mission « Culture ».
Cette évolution, fruit d’une longue discussion, paraît cohérente, le CNC étant une institution fondamentale pour le dynamisme de l’industrie culturelle qu’est le cinéma.
L’opérateur n’est pas mis à contribution dans le cadre de l’assainissement général des comptes publics en ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2015.
Au-delà du cas du seul CNC, j’aimerais aussi connaître la position personnelle de l’ancienne magistrate de la Cour des comptes que vous êtes, madame la ministre, ainsi que celle du Gouvernement, sur la fiscalité affectée, notamment sur sa rationalisation équilibrée.
J’aimerais également vous interpeller sur le sort de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, qui demeure incertain. Vous avez indiqué que ses missions ne seraient finalement pas transférées au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA. Toutefois, la dotation budgétaire de 6 millions d’euros, stable par rapport à 2015, après deux années de très forte baisse, ne paraît pas suffisante pour permettre à l’organisme de remplir correctement ses missions.
Je rappelle que la Haute Autorité a subi une baisse de 51 % de sa subvention budgétaire en quatre ans. Dans ces conditions, il me semble que le Gouvernement devrait clarifier la situation : soit il supprime la HADOPI – si c’est votre ligne, il faut faire preuve d’un peu de courage et l’assumer –, soit il la conserve en lui donnant les moyens de fonctionner. En tout état de cause, cette situation d’entre-deux n’est pas satisfaisante, ni pour vous, ni pour la Haute Autorité, ni pour la mission de diffusion des œuvres et de protection des droits production sur internet, dont l’utilité nous semble largement partagée.
Il faut souligner le manque d’ambition du Gouvernement pour offrir des perspectives aux créateurs face aux évolutions du numérique.
J’en viens maintenant aux organismes de l’audiovisuel public. L’année 2015 sera importante, voire cruciale pour la plupart d’entre eux.
France Télévisions, dont les moyens publics diminuent de 0, 5 % par rapport à 2014, doit en effet revenir à l’équilibre financier, objectif sur lequel pèsent de fortes incertitudes, tenant notamment au caractère erratique de ses ressources publicitaires. Dans ces conditions, l’entreprise publique devra poursuivre avec détermination la réforme entamée en 2013.
Le processus d’élaboration du prochain contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 se met par ailleurs en place, différents groupes de travail ayant été nommés. Ce document devra en particulier trancher la question cruciale de l’avenir de France 3.
France Médias Monde bénéficiera pour sa part d’une hausse de sa dotation, en cohérence avec le contrat d’objectifs et de moyens signé en avril 2014. La réalisation des objectifs de ce document stratégique a été perturbée par la réduction imprévue des crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014. À cet égard, je souhaite insister sur la nécessité pour l’État de respecter ses engagements contractuels : c’est une question de crédibilité. En outre, les sociétés concernées ont besoin d’un minimum de visibilité sur leurs ressources. Cela n’enlève rien au fait qu’elles doivent, de leur côté, poursuivre les réformes engagées pour réduire leurs dépenses. C’est d’ailleurs bien la mission d’un contrat d’objectifs et de moyens dans un cadre de réduction générale des déficits publics.
Arte France bénéficiera également d’une légère hausse de sa dotation, après deux années de baisse. Le groupe se distingue depuis deux ans par la réussite de sa stratégie de reconquête de l’audience et de développement du numérique, ainsi que par sa capacité à maîtriser ses charges de fonctionnement. Il conviendra donc de confirmer en 2015 ces bons résultats.
Radio France bénéficiera d’une dotation stable par rapport à 2014. Il lui faudra mettre en œuvre le plan stratégique du nouveau président visant, selon ses propres termes, à « adapter l’entreprise aux exigences d’une audience qui doit se renouveler et aux impératifs induits par le digital ». Il conviendra pax ailleurs de vérifier, en termes de performance, si l’ouverture du nouvel auditorium à l’automne 2014 permet d’augmenter la fréquentation des concerts, alors que la Philharmonie de Paris ouvrira ses portes au début de 2015.
Enfin, l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, retrouvera en 2015 un niveau de dotation comparable à celui de 2013, après une année 2014 marquée par une ponction de 20 millions d’euros sur son fonds de roulement, qui l’a contraint à annuler son projet immobilier. Le prochain contrat d’objectifs et de moyens, en cours de négociation, devra donc définir un nouveau projet immobilier susceptible de garantir la préservation des collections dans les meilleures conditions. La nouvelle présidente, nommée au printemps 2014, ambitionne de renforcer les ressources propres de la société. Il sera donc intéressant d’étudier l’évolution de la performance de l’INA à cet égard en 2015.
En conclusion, je dirai que ce budget manque d’ambition et n’est pas à la hauteur des enjeux, qu’il s’agisse de l’accompagnement de la presse dans son processus de modernisation et de restructuration, de la réforme du financement de l’audiovisuel public ou de la protection des droits de propriété intellectuelle.
La commission des finances a donc proposé de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
En revanche, elle a proposé l’adoption sans modification des dispositions purement formelles figurant aux articles 56 quinquies et 56 sexies, visant à décaler la date d’entrée en vigueur de mesures adoptées dans la loi de finances rectificative de décembre 2013, relatives à l’extension et au renforcement du crédit d’impôt jeux vidéo.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015 de France Médias Monde et le plan stratégique 2014-2016 de TV5 Monde ont fixé des ambitions qui sont, hélas, déjà fort limitées pour notre action audiovisuelle extérieure.
Ces ambitions se calibrent sur l’incapacité à apporter les financements publics nécessaires au développement de ces entreprises et, en conséquence, sur leurs seules capacités à engendrer des ressources propres et des économies sur leur fonctionnement.
Ainsi, en 2015, la dotation de France Médias Monde progresse de 0, 9 % et celle de TV5 Monde stagne à son niveau de 2014.
Au fond, il est demandé aux deux entreprises de faire mieux avec des ressources publiques moindres, qui ne couvrent que peu ou pas l’augmentation des dépenses courantes. Principe ô combien vertueux, mais qui trouve vite ses limites.
En effet, la capacité des entreprises à trouver sur le marché publicitaire les ressources nécessaires est faible, en raison de leur diffusion trop limitée sur le marché national et de la concurrence des chaînes locales et des marques leaders à l’étranger.
Le principal gisement de ressources se trouve dans les économies à réaliser. Mais il faut savoir qu’il y a peu à attendre d’une décroissance de la masse salariale. France Médias Monde a connu deux plans sociaux au cours des dernières années et doit procéder en 2015 à une harmonisation des statuts de ses personnels, qui risque d’avoir un impact financier. Chez TV5 Monde, un plan d’intégration de personnels non permanents est en cours, et il est encore difficile d’en mesurer l’impact.
C’est donc avant tout sur le fonctionnement qu’il faut agir. Les résultats obtenus ces dernières années sont encourageants, mais les entreprises risquent d’atteindre vite les limites de l’exercice.
Elles vont, en outre, se trouver confrontées très rapidement à deux difficultés concernant leur diffusion.
La première est immédiate. Il s’agit des conséquences sur les contrats de diffusion par satellite de la dégradation de la parité de l’euro par rapport au dollar.
La seconde est à très court terme. Il s’agit de la demande croissante des opérateurs d’une diffusion des programmes en haute définition. Les deux entreprises ont financé sur leurs ressources la mise à niveau de leurs outils de production, mais la diffusion de la haute définition est plus coûteuse. Faute de moyens, TV5 Monde, pour répondre d’emblée aux demandes, est obligée d’arbitrer, et le contrat d’objectifs de France Médias Monde ne la prévoit pas avant 2016, avec un risque d’éviction de nos médias si cette situation perdure.
L’arbitrage va donc se faire au niveau des programmes, ce qui n’est pas un tabou, mais il pourrait affaiblir leur audience s’il n’est pas réalisé avec discernement. Je pense notamment au décalage de la diffusion de RFI en bambara, ou de la limitation du sous-titrage des programmes de TV5 Monde, moyen essentiel pour étendre leur public aux francophiles. D’autres projets risquent de se trouver menacés : le développement des productions propres, le lancement d’une chaîne « enfant » en Afrique ou encore au projet de chaîne « Art de Vivre », que TV5 Monde s’apprête à lancer en appui à notre diplomatie économique. Sans compter le ralentissement de leurs investissements multimédias, pourtant porteurs d’avenir.
À défaut de ressources publiques supplémentaires, il conviendrait, à tout le moins, de donner à ces entreprises des capacités d’être un peu plus dynamiques sur le marché publicitaire, en levant les contraintes qui sont les leurs par assimilation aux chaînes françaises, dès lors que la diffusion peut être segmentée. Il faudrait aussi être plus attentif au respect des engagements pris lors des sommets de la Francophonie sur la « diffusion obligatoire » de TV5 Monde sur la TNT, dans les bouquets satellitaires et sur les réseaux câblés, un engagement qui aurait gagné à être repris et appuyé dans les conclusions du sommet de Dakar. Enfin, il conviendrait d’étendre la diffusion des programmes de France Médias Monde sur le territoire national.
Je souhaite rappeler ici la demande émise par notre commission de diffuser des programmes en langue arabe porteurs des valeurs républicaines et laïques. Cela est désormais rendu possible par une modification du cahier des charges. Mais il faut aller plus loin. La question de la préemption de fréquences, en cas de disponibilité, ou de l’utilisation de fréquences sous-utilisées par Radio France devrait systématiquement être mise à l’étude.
Vous le voyez, madame la ministre, mes chers collègues, la progression limitée des dotations publiques, qui représentent plus de 92 % de leurs ressources, se traduit par une mise sous tension budgétaire des entreprises, qui les fragilise et les oblige à réduire leurs ambitions face à une concurrence accrue.
Sans une réorientation des trajectoires financières, c’est bien à une redéfinition de leurs missions à laquelle il faudra se résoudre. Ce sera l’enjeu du prochain contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde pour 2016-2018, dont nous demandons qu’il nous soit soumis pour avis, au premier semestre 2015, avant les arbitrages budgétaires pour 2016.
Outre une nécessaire ambition, il faudra, en effet, toute votre implication, madame la ministre, et toute notre vigilance pour sauvegarder ces leviers importants de l’influence et du rayonnement de la France et de la Francophonie.
Vous comprendrez que, dans un tel contexte, je ne puisse suivre la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a donné un avis favorable, pour ce qui concerne les programmes 844 et 847, à l’adoption des crédits du compte d’avances à l’audiovisuel public. Je m’abstiendrai, comme je l’ai fait en commission.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après une indispensable réorganisation, en 2012 et 2013, les deux sociétés en charge de l’action audiovisuelle extérieure de la France, France Médias Monde et TV5 Monde, sont désormais dotées d’un contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015 pour l’une, et d’un plan stratégique 2014-2016 pour l’autre. Elles sont entrées dans une phase de stabilisation et de consolidation qui devrait leur permettre de poursuivre leur développement de manière plus efficace.
Dans la maquette budgétaire pour 2015, la présentation des crédits du budget général alloués aux sociétés de l’audiovisuel public a été simplifiée. L’objectif fixé à l’échéance de 2017 par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques de recourir exclusivement à la contribution à l’audiovisuel public – en d’autres termes, la redevance – pour le financement des entreprises publiques du secteur audiovisuel est atteint dès 2015 pour France Médias Monde – FMM – et TV5 Monde.
Leurs dotations publiques sont désormais inscrites respectivement aux programmes 844 et 847 du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Ensemble, ces dotations représentent 8, 6 % des 3, 752 milliards d’euros destinés au secteur de l’audiovisuel public.
Leurs montants respectifs sont en phase avec les plans d’affaire adossés aux documents stratégiques, qui prévoient une progression des ressources publiques de 0, 9 % pour FMM et un maintien des crédits pour TV5 Monde. Dans une période de contraintes budgétaires où chacun est appelé à faire des efforts, cela mérite d’être souligné.
L’audiovisuel extérieur, principalement financé par le budget de l’État jusqu’en 2012, est donc désormais exclusivement financé par la contribution à l’audiovisuel public. Cette situation pourrait paraître quelque peu paradoxale puisque, à l’inverse des autres chaînes de radio ou de télévision du service public, les programmes de l’audiovisuel extérieur n’étaient pas complètement accessibles aux personnes résidant sur le territoire national et qu’ils ne sont pas, a priori, conçus pour ce public.
Toutefois, l’arrivée du numérique, la diffusion de France 24 en français en Île-de-France sur la TNT, mais aussi sur l’internet et les réseaux sociaux grâce à l’ADSL, élargit aujourd’hui très sensiblement leur audience. Je note d’ailleurs que la modification du cahier des charges de France Médias Monde rend cette diffusion possible.
Il nous paraît d’ailleurs important que cela se traduise concrètement dans les faits, pour assurer une diversité des programmes proposés en langue arabe, alors que ceux proposés aux auditeurs par le secteur privé ou les chaînes étrangères sont assez largement de nature confessionnelle, mais aussi pour offrir à nos compatriotes binationaux une ouverture sur l’Afrique à travers RFI, qui n’est reçue qu’en Île-de-France.
Cette évolution du mode de financement nous amène à formuler trois observations.
Premièrement, il faudra veiller à ce que le nouveau mode de financement n’altère pas la politique des programmes des médias concernés. Même si nous considérons que leur diffusion sur le territoire national enrichit l’offre, peut répondre à des besoins spécifiques aujourd’hui insatisfaits et confortera leurs capacités à trouver des ressources publicitaires, ils restent d’abord des leviers de l’influence française à l’étranger.
Deuxièmement, cette situation aura un avantage si elle permet aux sociétés d’échapper aux régulations budgétaires et si ces dernières sont assurées d’une meilleure prévisibilité de leurs ressources. Néanmoins, encore faut-il que n’intervienne pas, dans le cadre d’une loi de finances rectificative, un réajustement de la répartition des dotations, comme ce fut le cas en 2014 pour France Médias Monde : le groupe perdit ainsi 600 000 euros, soit plus du tiers des ressources publiques nouvelles qui lui avaient été affectées par la loi de finances initiale.
Quand on sait que ces entreprises ont des difficultés à collecter des ressources propres et que leurs marges de manœuvre reposent sur un redéploiement toujours difficile de leurs dépenses, ce procédé n’est pas admissible. Il conduit au final à décaler des projets qui constituent des engagements pour les dirigeants aux termes du contrat d’objectifs. C’est ainsi que la diffusion de RFI en bambara a été reportée d’une année, alors que la France est engagée au Mali et dans le Sahel. L’État doit respecter ses engagements !
Troisièmement, et enfin, la redéfinition d’une trajectoire financière ne sera pas simple à obtenir dans le cadre de la répartition du produit de la contribution à l’audiovisuel public, car les deux entreprises sont lilliputiennes par rapport aux autres sociétés de programmes : leur poids en termes d’audience nationale et de budget de production ne leur donne que de faibles leviers d’influence.
Il faudra donc, madame la ministre, ne pas céder aux pressions de toutes parts visant à protéger les grands médias et leurs capacités d’investissement dans la production d’œuvres audiovisuelles, car cela conduirait à marginaliser ces petites entreprises, qui sont pourtant si importantes pour la politique d’influence de la France et qui soutiennent sa diplomatie économique. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées y veillera tout particulièrement.
Forte de ce constat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis, pour ce qui concerne les programmes 844 et 847, un avis favorable à l’adoption des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ». §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la perspective de supprimer l’ensemble des dotations budgétaires à l’horizon 2017 et de leur substituer la seule contribution à l’audiovisuel public va dans le bon sens.
Toutefois, la hausse de trois euros de la contribution à l’audiovisuel public en 2015 ne permettra pas de répondre aux besoins de financement de l’ensemble de l’audiovisuel public. Voilà pourquoi le débat sur la contribution à l’audiovisuel public est devenu une nécessité.
Nous savons tous, et depuis longtemps, que de plus en plus de Français délaissent, et délaisseront encore davantage à l’avenir, leur téléviseur pour accéder aux contenus de l’audiovisuel public sur les supports de réception numérique. À terme, cette évolution fera immanquablement baisser le rendement de la contribution à l’audiovisuel public.
Par ailleurs, si nous avons des indications sur le taux de recouvrement de cette contribution, acquittée par ceux qui reconnaissent avoir un récepteur de télévision, le Parlement n’a, malgré des demandes répétées, reçu aucune indication sur l’étendue de la fraude et les moyens utilisés pour la réduire. Or nous savons qu’un élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public risque de se traduire mécaniquement par une hausse de la fraude.
C’est pourquoi notre commission a souhaité que l’on examine la possibilité de s’inspirer de la réforme réalisée en Allemagne, qui tire les conséquences, en taxant les foyers et non plus les supports de réception, du fait que chacun ait maintenant accès aux programmes de l’audiovisuel public. Cette réforme devrait, en outre, permettre de baisser le montant de la redevance.
J’en viens maintenant à France Télévisions. Ses crédits baissent de 0, 5 %, mais cette diminution des ressources ne constitue pas le seul motif de sa précarité budgétaire. L’objectif de retour à l’équilibre en 2015, prévu par l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens, le COM, a toutes les raisons de ne pas être atteint. Le groupe France Télévisions se trouve donc dans une situation compliquée, et je suis pour ma part circonspect face à la tentation de recourir à des expédients comme le retour à la publicité entre vingt heures et vingt et une heures et pendant la diffusion des grands événements sportifs.
Au-delà du budget pour 2015, c’est le projet même de France Télévisions qui mérite d’être clarifié, ainsi que me l’ont confirmé les représentants du personnel que j’ai rencontrés. Sur quelle base se fera la nomination du futur président au printemps ? Le projet présenté par les candidats ou le projet élaboré par l’État à partir du rapport commandé à Marc Schwartz ? On le voit, la réforme des modalités de nomination du président de France Télévisions en 2013 n’a pas forcément arrangé la situation.
Je dirai un mot sur Arte, pour saluer la clarté du projet de la chaîne culturelle franco-allemande, qui coïncide avec l’augmentation de 33 % en deux ans de son audience. Le projet de loi de finances préserve ses moyens quasiment à l’identique.
J’en viens maintenant à Radio France. Depuis 2012, sa contribution au plan de retour à l’équilibre des finances publiques s’est élevée à 87, 6 millions d’euros. Faute de marges de manœuvre supplémentaires, Radio France ne devrait pas être en mesure d’absorber la baisse attendue de ses ressources propres en 2015. La direction de la société prévoit ainsi un déficit de 15 à 20 millions d’euros.
Là encore, des choix seront nécessaires. Faut-il fusionner des antennes ? Faut-il ne garder qu’un seul orchestre au lieu de deux ? Faut-il engager un plan de départs volontaires ? Toutes ces questions devront recevoir des réponses dans le nouveau COM, qui devrait être soumis à notre examen au premier trimestre 2015.
Je souhaite également que la réalisation des travaux de la Maison de la radio soit accélérée, afin de ramener de la sérénité pour les personnels, qui ont été beaucoup sollicités par ces travaux et que l’incendie du 31 octobre dernier a perturbés, même s’il n’a heureusement pas fait de victimes.
J’en viens enfin à l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, auquel le projet de loi de finances pour 2015 attribue une dotation de 90, 9 millions d’euros, équivalente à celle qui lui avait été attribuée en 2013. Le Parlement aura bientôt à connaître du contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019, qui permettra notamment d’acter le projet immobilier fondé sur le maintien à Bry-sur-Marne.
Pour terminer, je souhaiterais vous interroger, madame la ministre, sur le projet de décret portant modification du régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des services de télévision.
La dernière version du projet de décret traduisait bien la volonté du législateur de trouver un équilibre dans les modalités d’attribution des mandats de distribution en cas de coproduction. Le CSA ayant publié hier son avis sur ce projet de décret, pouvez-vous nous donner votre sentiment à son sujet et nous indiquer la date de publication du décret, qui est attendu par tous les acteurs ?
En conclusion, je rappelle que la commission de la culture a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte difficile que nous connaissons, l’essentiel a été préservé s'agissant des crédits de l’audiovisuel extérieur, et un certain nombre de clarifications bienvenues ont été opérées.
La première clarification concerne le financement par la seule contribution à l’audiovisuel public. Le nouveau programme 847, « TV5 Monde », est doté de 77, 8 millions d'euros. Les crédits de France Médias Monde passent à 247 millions d'euros. À périmètre constant, la dotation augmente de 0, 9 %.
La satisfaction que m’inspire cette stabilité budgétaire ne me fait pas oublier que les crédits de France Médias Monde ont été amputés de 612 000 euros en juillet dernier, ni que les menaces n’ont pas disparu en cette fin d’année. Il conviendra d’être vigilant.
Pour autant, on ne peut que se féliciter que le financement des deux entreprises publiques repose dorénavant entièrement sur la contribution à l’audiovisuel public. Cela constitue un progrès en termes de stabilité de la ressource et d’indépendance du financement. Cependant, le fait que les contribuables français, qui financent l’audiovisuel extérieur, n’y aient pas accès pour la plupart d’entre eux suscite des interrogations ; j’y reviendrai.
J’en viens maintenant à France Médias Monde. Je souhaitais recueillir l’avis des syndicats sur les avancées de la fusion. Après avoir rencontré les représentations des cinq organisations de salariés, je peux témoigner qu’aucune d’entre elles ne demande le retour en arrière : la fusion constitue un acquis.
Ce qui continue à poser question, ce sont les conditions du rapprochement. Si les représentants des salariés s’accordent pour considérer que Marie-Christine Saragosse a su restaurer les conditions de la confiance, ils redoutent le futur statut commun, d’autant que la négociation a pris du retard. La coexistence de personnels exerçant le même emploi sous des statuts différents ne peut perdurer ; on peut comprendre l’appréhension des salariés.
Je suis pour ma part confiante dans l’avenir de France Médias Monde, car le processus de remise à plat des statuts est maintenant achevé. Les équilibres identifiés devraient permettre la convergence réciproque des temps de travail. L’objectif de conclure un accord au premier semestre 2015 est ambitieux, mais crédible. Cet accord constituera l’une des fondations de la nouvelle société ; il faut souhaiter qu’il permette aussi d’insuffler un nouvel esprit commun propre à favoriser de nouvelles dynamiques.
S'agissant des moyens, France Médias Monde a connu une baisse annuelle de 10, 7 millions d’euros de ses ressources publiques d’exploitation sur la période 2011-2015. En cumulé, cela représente une économie de 54 millions d’euros pour les comptes publics. Autant dire que France Médias Monde a déjà fortement contribué à l’effort de redressement des comptes publics. Ainsi, le groupe a perdu 253 équivalents temps plein, soit 20 % de ses effectifs, et réalisé une économie globale annuelle de 19 millions d’euros.
Cet effort d’économie n’a pas empêché le développement de la version arabophone de France 24, ni la migration de la production vers la haute définition. Cependant, les moyens sont aujourd’hui extrêmement contraints, ce qui limite le nombre de nouveaux projets. L’antenne en bambara de RFI est toutefois sur les rails et devrait commencer à émettre au second semestre de 2015 ; il s’agit d’un projet fondamental, compte tenu des enjeux qui traversent la partie du continent africain où cette langue est parlée.
Il me semble éminemment souhaitable de mieux valoriser les antennes de France Médias Monde, ce qui passe par la diffusion de France 24 sur la TNT dans l’ensemble du pays et pas seulement en Île-de-France. De même, si la diffusion de RFI et MCD à Marseille est déjà en discussion, il me semblerait également pertinent de l’étendre au reste du territoire.
J’en viens maintenant à TV5 Monde. Ses grandes priorités concernent le basculement en haute définition, le lancement d’une chaîne pour enfants en Afrique et le projet d’une chaîne consacrée à l’art de vivre pour l’Asie.
Il n’est plus possible de penser séparément la diffusion de TV5 Monde et le reste du service public de l’audiovisuel. Avec le financement intégral de la quote-part de la France par la contribution à l’audiovisuel public, le téléspectateur français est en droit de pouvoir accéder à ces programmes de qualité. TV5 Monde constitue une belle fenêtre sur d’autres cultures francophones : belge, suisse, québécoise, mais aussi africaine, arabe, asiatique. Le coût de sa diffusion sur la TNT serait de 13 à 15 millions d’euros, du fait du surcroît de droits qui devrait être payé.
La commission de la culture a émis un avis défavorable sur l’ensemble des crédits de la mission. Le groupe socialiste ne peut que le déplorer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation de la presse continue de se dégrader gravement. Plus que jamais, la presse, enjeu démocratique central, a donc besoin d’aides publiques pour poursuivre sa transformation et trouver un nouveau modèle économique stable, sachant que le numérique ne produit pas encore son équilibre et que le papier n’en a plus.
Or le constat que je dresse encore cette année, pour le déplorer, est celui d’une absence de réflexion stratégique à moyen et long termes sur cette mutation.
Les mesures proposées dans ce budget ne permettent pas de préparer l’avenir de la presse et ne sont pas à la hauteur des défis en cours, même si les crédits sont globalement maintenus et que des ajustements bienvenus sont opérés à la marge.
Je commencerai par évoquer la question du taux « super-réduit » de TVA, qui autorise une certaine neutralité technologique et favorise la transition numérique. Les représentants de la direction générale des médias et des industries culturelles que j’ai auditionnés n’ont pas caché leur préoccupation à ce sujet, compte tenu de l’évolution du contentieux engagé devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant le livre numérique. Chacun d’entre nous a bien conscience qu’une remise en cause de ce taux de TVA serait très préjudiciable à la presse dans son ensemble.
Les aides directes à la presse, quant à elles, subissent une baisse de 3 %. Je trouve d’autant plus dommageable cette réduction des moyens, au moment où la presse en a tant besoin, qu’elle est justifiée par un transfert de crédits au bénéfice de l’AFP. En somme, madame la ministre, vous faites comme si la presse était mise à contribution pour soutenir l’AFP, alors même que la presse a besoin d’aide et que le soutien à l’AFP relève, au premier chef, de l’État.
L’appui à la diffusion par les aides au portage, comme l’aide à la modernisation de la presse et les aides au pluralisme, sont maintenus, les baisses concernant surtout le soutien à la modernisation sociale de la presse d’information politique et générale.
Les crédits consacrés au Fonds stratégique pour le développement de la presse connaissent, eux, une baisse de 500 000 euros, à 30, 45 millions d’euros.
J’en viens maintenant à Presstalis, dont la situation reste, il ne faut pas le nier, difficile. À court terme, l’équilibre d’exploitation a été atteint à la fin de 2013 et une amélioration devrait être constatée à la fin de 2014, mais, à plus long terme, la question de l’avenir des messageries de presse est en jeu. Je m’étonne que l’on continue à maintenir deux opérateurs sur un marché en régression brutale, alors que la concurrence s’est déplacée vers le numérique.
Au lieu de réfléchir à une rationalisation du secteur au moyen, par exemple, de la création d’un monopole régulé, qui permettrait de maximaliser les mutualisations, on continue d’affaiblir les deux opérateurs en privilégiant des coopérations qui sont longues à négocier et encore plus difficiles à mettre en œuvre, comme le projet de mise en commun des moyens de transport des deux messageries.
Concernant l’aide au transport postal, vitale pour beaucoup de titres de presse, les accords Schwartz avaient prévu un montant d’aide de l’État de 180 millions d’euros la dernière année, après plusieurs années de décroissance. Ce montant sera, en fait, inférieur de 50 millions d’euros, à 130 millions d’euros, l’État excipant de ce que le bénéfice du CICE permettra à La Poste de compenser la baisse de cette dotation. D’une certaine manière, l’État reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre, mais, en l’occurrence, c’est au détriment d’une aide à la presse qui est absolument nécessaire.
À cet égard, je ne vous cacherai pas mon inquiétude concernant le devenir du contrat tripartite État-presse-La Poste, qui arrive à échéance à la fin de 2015, sans que l’on sache quel dispositif prendra sa suite.
J’en viens enfin à l’AFP. Évidemment, je suis préoccupé, car nous devons nous prononcer sur le budget de l’Agence sans connaître le contenu exact du prochain contrat d’objectifs et de moyens, et alors même que l’Assemblée nationale devra discuter, le 17 décembre prochain, la proposition de loi déposée par le député Michel Françaix, qui tend à prévoir, en particulier, une réforme de l’Agence. Le COM étant en voie de finalisation, il serait souhaitable, à mes yeux, qu’il prévoie au minimum un rythme de revalorisation de la subvention de l’AFP régulier, du même ordre que les deux millions d’euros de cette année.
Si l’on peut se féliciter que l’accord trouvé avec la Commission européenne pérennise pour l’instant la subvention de l’État pour les missions d’intérêt général, il reste du chemin pour porter à 100 % la compensation de ces missions, que j’appelle de mes vœux, d’autant que la négociation du COM semble programmer l’érosion progressive de la revalorisation de cette subvention.
Or l’AFP ne pourra survivre sans le maintien d’aides publiques. Je rappelle, à cet égard que, contrairement à ce qui est souvent dit, aucune des grandes agences mondiales ne vit uniquement de ses seules ressources propres.
En conclusion, mes chers collègues, je vous rappellerai que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au risque de nuire au suspense, qui est un ressort classique des industries culturelles, je vous indique d’emblée que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication vous recommande de rejeter les crédits du programme 334, « Livre et industries culturelles ».
Cette recommandation ne procède évidemment pas d’une volonté de réduire les moyens consacrés à une politique que sa dimension « civilisationnelle » justifie pleinement. Bien au contraire, ce sont les décisions budgétaires et l’immobilisme du Gouvernement face à des problèmes essentiels pour l’action publique dans le domaine culturel, qu’il devrait pourtant prendre à bras-le-corps, que nous souhaitons sanctionner par un rejet de ces crédits, seule position qui nous soit accessible.
Madame la ministre, on nous a affirmé que la culture serait préservée contre les coupes que le Gouvernement pratique dans le massif des dépenses publiques. Avec le programme 334, il n’en est rien. Faute d’une politique déterminée de redéploiement des dépenses publiques, vous nous présentez un budget au fil de l’eau, qui ne doit son augmentation qu’à un jeu d’apparences.
Sans les ouvertures de crédits de paiement rendues nécessaires par les opérations patrimoniales en cours, le soutien budgétaire au programme reculerait en euros constants. Nous pouvons en déduire le sort réservé aux grands opérateurs de l’action publique… En refusant de leur accorder les moyens de leurs missions, vous les condamnez soit à une gestion financière aventureuse, soit à un abandon de certaines d’entre elles, avec, en filigrane, des restructurations dont vous devrez porter la responsabilité.
En toute hypothèse, l’édifice subtil, mais fragile, qui permet à la culture de se déployer et de se défendre contre les dangers qui la menacent plus que jamais, dans une ère numérique dominée par quelques mastodontes prédateurs, est miné par vos choix budgétaires. Que dire de l’inexplicable inertie qui semble paralyser votre action dans des champs absolument stratégiques pour notre exception culturelle, c’est-à-dire pour notre culture ?
Madame la ministre, nul ne sait mieux que vous combien de rapports et combien de contributions ont été transmis ces dernières années au Gouvernement, pour que notre pays réussisse la révolution numérique des contenus.
Mme Nathalie Goulet opine.
Le Sénat y a pris toute sa part. À ce sujet, je pense aux initiatives du président Philippe Marini et du président Bruno Retailleau. Plus près de votre majorité, je pourrais citer les contributions d’Yves Rome et d’Yvon Collin. En évoquant ce dernier, je pense bien sûr au rapport dit « des deux Collin », mais il y a aussi eu le rapport Lescure, le rapport Phéline et tant d’autres...
Que faites-vous de ces talents ? Un projet de loi sur la création, qui ne cesse d’être reporté, et une action au service d’une régulation européenne des industries culturelles que l’on attend, comme d’autres attendent Godot. Nous savons bien que la politique est l’art du possible, mais elle doit aussi être l’art de l’audace, faute de quoi il n’y a plus rien de possible.
Pour notre part, nous avons eu l’audace d’inventer la HADOPI. Cette autorité indépendante est le seul organe coordonnant des réponses aux problèmes posés à la volonté de culture par le numérique. En soi, donc, elle se singularise par rapport aux réactions désordonnées qui voient chaque secteur doté dans le désordre de régulations successives.
Ses missions sont appelées à être développées, si j’en crois les recommandations du rapport Imbert-Quaretta. Ce serait, en tout cas, souhaitable, mais, hélas, vous ne lui en donnez pas les moyens, ce que nous n’acceptons pas. Et je pourrais formuler des remarques identiques pour le Centre national du livre, la Bibliothèque nationale de France ou le programme de numérisation des ouvrages indisponibles du XXe siècle.
En somme, vous remettez en cause la possibilité pour la France de développer une offre culturelle numérique, grand impératif positif de notre affirmation culturelle.
Avant de clore mon intervention, madame la ministre, je souhaiterais vous rendre sensible au sort des librairies. Le Sénat les a défendues avec ardeur, en légiférant sur la vente à distance et en complétant la loi sur le prix unique du livre. Je sais bien que le Gouvernement n’est pas toujours attentif aux commerces de détail : j’en veux pour preuve la réforme des professions réglementées et ses dispositifs facilitant la vente de médicaments par les grandes surfaces.
M. Jacques-Bernard Magner s’exclame.
Néanmoins, je veux vous rendre attentive à la nécessité absolue de défendre les petits distributeurs du livre. Ils sont à l’édition française ce qu’est la tranche aux ouvrages imprimés, soit ce qui soutient les feuillets et permet la lecture. Complétez l’action publique à leur profit, et nous vous soutiendrons !
M. Michel Savin applaudit.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Loïc Hervé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que je m’exprime devant vous à la tribune du Sénat. J’en mesure à cet instant l’honneur en pensant à mon territoire d’élection, la Haute-Savoie. Je voulais partager avec vous ce moment d’émotion.
Les missions du champ culturel se ressemblent – malheureusement, dirai-je –, parce que l’on y retrouve les mêmes travers. En l’occurrence, comme la mission « Culture », la mission « Médias, livre et industries culturelles » se caractérise par une stabilisation des crédits qui pourrait n’être qu’illusoire et, surtout, par une absence de choix stratégiques.
En effet, à périmètre constant, les crédits de la mission enregistrent une légère hausse de 0, 43 %, ce qui paraît remarquable dans une époque de contraction budgétaire. Toutefois, en réalité, cette relative stabilité sanctuarise des baisses passées et masque mal l’insoutenabilité des finances du secteur, en l’absence de véritables choix politiques.
C’est particulièrement caricatural pour ce qui concerne le budget de France Télévisions, dont la dotation concentre 85 % du programme « Contribution à l’audiovisuel », qui bénéficiera de près de 65 % de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP. L’institution France Télévisions est donc placée au cœur de la contribution du secteur à la réduction des dépenses publiques et de la réforme structurelle de son financement.
Le contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015 montre que France Télévisions a déjà fourni l’essentiel de l’effort budgétaire qui lui était demandé sur cette période, soit un décalage de près de 10 % de son budget global par rapport au projet de loi de finances pour 2015. Or les seuls gains de productivité ne permettent pas de couvrir la totalité de cet effort, ce qui place France Télévisions en tension financière et en position de forte vulnérabilité face aux incertitudes pesant sur la réforme structurelle du financement de l’audiovisuel public.
Sur le fond, nous soutenons son financement exclusif par la CAP. De même, l’augmentation de son montant ne nous choque pas, puisque son niveau demeure l’un des plus faibles d’Europe. En revanche, la structure des crédits de France Télévisions dans le présent projet de loi de finances est en contradiction avec ces choix. En effet, la part de la CAP qui lui sera attribuée baisse de près de 3 % et sa dotation augmente, au contraire, de plus de 42 %.
Nous comprenons bien les raisons techniques sous-tendant ces chiffres, mais, à l’heure où l’on veut garantir l’indépendance de France Télévisions grâce à la CAP, l’effet d’affichage laisse franchement à désirer.
Plus fondamentalement, il est bien hasardeux d’acter le financement exclusif de l’audiovisuel public par la CAP sans en réformer l’assiette. Une telle réforme était déjà préconisée en 2010 par la présidente Catherine Morin-Desailly dans son rapport d’information sur les comptes de France Télévisions. Elle s’impose aujourd’hui plus que jamais, car, si le Gouvernement est très optimiste sur l’évolution naturelle du rendement de la CAP, France Télévisions, au contraire, craint son décrochage.
Son rendement pourrait ainsi s’effondrer subitement en raison de l’obsolescence de son assiette, alors que la génération de l’internet et des réseaux sociaux entre sur le marché du travail. Un tel phénomène a déjà eu lieu en Finlande en 2006.
Dans cette situation de tension financière et d’incertitude sur la CAP, France Télévisions attend des choix sur son périmètre, c’est-à-dire des décisions politiques capables de restreindre ses missions.
N’est-ce pas le moment, cinq ans après l’adoption de la loi du 5 mars 2009, d’en faire le bilan ? À défaut, et sans orientations claires, si nous restons à périmètre constant dans un univers télévisuel hautement concurrentiel, c’est la qualité des programmes et de la production qui risque de s’en ressentir. Ce phénomène a d’ailleurs déjà malheureusement commencé. France Télévisions est ainsi la seule télévision publique européenne à ne pas avoir pu diffuser les principaux matchs de la Coupe du monde de football, et cela se reproduira pour l’Euro 2016.
Sur les 2, 9 milliards d’euros de ressources globales brutes de France Télévisions, quelque 2, 5 milliards d’euros proviennent de concours publics, dont 2, 3 milliards d’euros de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP. Les ressources publicitaires n’apportent que les 400 millions d’euros restants, ce qui doit nous conduire à relativiser l’enjeu qu’elles représentent. Quoi que l’on pense de la suppression de la publicité à partir de vingt heures, le véritable enjeu financier de France Télévisions est non pas là, mais dans la réforme de la CAP.
Je voudrais par ailleurs et de manière liminaire évoquer également la situation de Radio France, elle aussi bénéficiaire de la CAP. Nous le savons, la Maison de la Radio a connu des travaux importants depuis 2009 et elle a récemment été atteinte par un incendie qui ne peut laisser indifférents les parlementaires que nous sommes. Je veux ici marquer notre solidarité avec ce service public auquel nos compatriotes sont si fortement attachés.
De la même manière, au lendemain du sommet mondial de la francophonie, on ne peut oublier ni France Médias Monde ni la nécessité de maintenir la présence de notre pays et de notre langue dans le monde entier. Il s’agit d’œuvrer au renforcement des médias existants, France 24-RFI et TV5 Monde.
Les autres programmes de la mission ont quant à eux vocation à aider les secteurs de la presse, du livre et des industries culturelles à s’adapter à un environnement de plus en plus concurrentiel et aux bouleversements technologiques auxquels ils sont confrontés. À cet égard, nous nous réjouissons que la diminution des aides à la presse reste maîtrisée. Cependant, ces aides ne devraient-elles pas davantage bénéficier à la presse quotidienne régionale, qui constitue le principal vecteur d’information du pays ? Nous le pensons.
Les crédits consacrés au livre et aux industries culturelles augmentent de 2, 5 %, ce qui représente un effort considérable dans un contexte de tension budgétaire. Quelque 80 % de ces crédits financent la Bibliothèque nationale de France. Ils financent aussi le Centre national du livre, le CNL, dont je tiens à saluer le plan de soutien aux librairies, qui, au travers du budget du CNL, est augmenté de 2 millions d’euros.
En outre, je tiens à relever un paradoxe concernant les industries culturelles proprement dites : leur part des crédits est résiduelle, alors qu’elles représentent 3 % du PIB.
Comme l’a très bien souligné notre rapporteur pour avis Colette Mélot, le jeu vidéo, en particulier, est devenu la première industrie culturelle du pays. Si nous ne voulons pas qu’elle se délocalise, nous devrions mieux accompagner cette industrie que nous ne le faisons aujourd’hui. Certes, la baisse du seuil d’éligibilité au fonds d’aide au jeu vidéo constitue un premier pas, mais le groupe du travail sur les jeux vidéo du Sénat avait formulé d’autres recommandations, qui mériteraient d’être suivies.
Je conclurai sur cette question des industries culturelles en dénonçant le traitement inadmissible que le présent projet de loi de finances réserve à la HADOPI. Alors que le transfert des activités de cette institution au Conseil supérieur de l’audiovisuel ne semble plus à l’ordre du jour, le montant de la subvention qui lui est accordée menace la conduite de ses missions.
Il manque aujourd’hui quelque 1, 5 million d’euros à l’institution, qui ne peut plus puiser dans son fonds de roulement. Ce traitement s’apparente à une tentative d’asphyxie budgétaire, ce qui est inacceptable : si le Gouvernement veut supprimer la HADOPI, qu’il le fasse ! En revanche, tant qu’elle existe, cette institution doit disposer des moyens nécessaires à son fonctionnement.
Au fond, le traitement de la HADOPI n’est pas si surprenant : c’est un symptôme caricatural de ce que j’évoquais au début de mon intervention : l’incapacité du présent budget à faire des choix politiques clairs. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, traiter en six minutes des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est assurément un défi et frôle la « mission impossible ». Nous saluons la légère hausse du budget, chiffrée à 0, 43 %, qui permettra de préserver, autant que possible, les éléments essentiels que sont le soutien à la lecture, le soutien au secteur du livre, les aides à la presse, à l’Agence France Presse et à l’audiovisuel public.
N’oublions pas cependant qu’il faut poursuivre la réorganisation des aides à l’audiovisuel public, afin de mieux soutenir ce secteur face aux enjeux qu’il rencontre. Nous devons mener une réflexion plus générale sur la question de l’adaptation du financement des industries culturelles à la révolution numérique. Dans ce contexte, nous devons également prêter une attention particulière à ce que les médias indépendants ne disparaissent pas au profit de grands groupes audiovisuels. Or le pluralisme est gravement en danger en France.
Concernant les crédits dédiés à l’audiovisuel public, et comme l’a souvent rappelé en commission notre collègue André Gattolin avant de rejoindre la commission des finances, nous devons de nouveau demander à France Télévisions de réaliser de vrais efforts de gestion.
Aujourd’hui encore, il n’existe pas de système sérieux de contrôle interne des coûts, notamment vis-à-vis des « producteurs extérieurs », qui sont parfois des « anciens » des chaînes publiques. On constate que leurs taux de marge peuvent être particulièrement élevés – parfois, ils restent même inconnus. Certaines entreprises se mettent aussi en situation de dépendance. De fait, lorsqu’une émission doit être supprimée ou écartée de la grille, le producteur-animateur argue qu’il se trouve dans une position de quasi-salariat, et l’émission est ainsi reconduite. Ce business model, selon nous assez peu transparent, est à assainir et à revoir.
Par ailleurs, l’alignement de la TVA de la presse en ligne sur celle de la presse papier nous a réjouis, car il s’agit d’une revendication portée de longue date par les écologistes. De fait, elle a certainement offert aux entreprises concernées une bouffée d’air.
Du reste, le véritable problème que je voudrais évoquer ce soir est celui de la presse écrite, en particulier de la presse d’information générale, qui va mal, notre collègue Pierre Laurent l’a dit, et même très mal ! Cette presse vend de moins en moins d’exemplaires et, lorsqu’elle en vend tout de même, vend de plus en plus cher au numéro, pour des raisons évidentes. Les chiffres des trois derniers mois sont de plus en plus préoccupants. Et je n’évoque même pas la disparition des kiosquiers, qui sont quasiment introuvables dans certains centres-villes en région, comme cela a été souligné dans le rapport de M. Baroin.
En outre, l’évolution du lectorat suscite, elle aussi, des inquiétudes légitimes, car les jeunes ne lisent plus la presse, même quand elle est mise à leur disposition gratuitement, et tous ne la lisent pas sur tablette. Une réforme structurelle pérenne des soutiens à la presse se fait toujours attendre, et nous l’appelons de nos vœux.
Selon nous, l’un des critères pour accorder les aides à la presse devrait être la défense et la protection du métier de journaliste, et surtout de photojournaliste, comme nous l’avons souligné en commission. Quels outils proposer pour que les éditeurs de presse utilisent les photographies d’une manière plus conforme à l’éthique ? Nous insistons donc sur la nécessité d’un vrai débat sur la rénovation des aides à la presse, qui pourraient prendre en compte de nouveaux critères.
Ensuite, en ce qui concerne le soutien aux radios locales associatives, sauf erreur de ma part, le Fonds de soutien à l’expression radiophonique est pratiquement bloqué à son niveau de 2010. Je désire attirer de nouveau votre attention sur le fait qu’un certain nombre de radios associatives pourraient en être fragilisées. Des espoirs nous ont été laissés en commission. Qu’en est-il, madame la ministre, de ce fonds qui semble être gelé ?
Nous ne partageons évidemment pas le même point de vue sur la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, la HADOPI. Nous, écologistes, pensons qu’un débat au Parlement sur l’avenir de l’institution et de ses missions s’impose. Depuis la promesse présidentielle, dont le numéro m’échappe, de supprimer la loi HADOPI, où en est-on, madame la ministre ?
Je le répète, la réponse graduée est devenue presque caduque, en raison notamment de la diminution des moyens affectés à cette institution. L’effet pédagogique de ce dispositif sur les internautes reste très controversé et, selon nous, la suppression de la HADOPI se fait encore attendre. Nous souhaitons que cette situation soit clarifiée rapidement.
Sur ce point, nous retenons la proposition de Mme la présidente de la commission : celle-ci suggérait de créer une mission d’information sur cette institution, qui réunirait des données objectives et approfondies en vue de supprimer la HADOPI. Un encouragement plus important au développement de l’offre légale serait également une bonne chose.
Alors que la protection des libraires indépendantes était la priorité de l’année 2013, en 2014, la défense des bibliothèques a été mise en avant, nous semble-t-il, notamment celle de la Bibliothèque nationale de France et de la Bibliothèque publique d’information. Nous saluons ces efforts, mais nous nous permettons de relever que ce sont des sites parisiens. Il convient également de préserver le site de Sablé, qui est situé en région et qui a, lui aussi, son utilité.
Mme Nathalie Goulet approuve.
Enfin, madame la ministre, et sans malice – je l’ai déjà fait l’an dernier au même moment –, puisque nous évoquons la défense du livre, je voudrais partager l’intérêt que j’ai eu à lire l’ouvrage d’Astra Taylor intitulé Démocratie.com. Pouvoir, culture et résistance à l’ère des géants de la Silicon Valley. Nous ne serons pas d’accord, les uns et les autres, à propos des problèmes abordés par cet ouvrage, mais je souhaite attirer votre attention sur ce livre, dont l’auteur prône un « écosystème médiatique » et « des politiques progressistes qui fassent passer l’humain avant le profit ».
Aussi, madame la ministre, en dépit des inquiétudes et des réserves dont nous vous avons fait part, et sur lesquelles je reviendrai, les écologistes ont soutenu en commission le budget qui nous était soumis initialement. Néanmoins, leurs souhaits n’ont pas été suivis par la majorité sénatoriale.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.
« Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout. », écrivait Victor Hugo en 1878.
Ce constat est toujours d’actualité. Tel est l’objet de cette mission consacrée aux médias, à l’industrie culturelle et aux livres.
À l’heure où le numérique modifie en profondeur nos habitudes, la lecture reste un enjeu majeur des politiques publiques : qu’on lise sur un écran, une tablette ou qu’on lise un vieux livre au papier jauni, un beau livre d’art ou une bande dessinée, lire est toujours l’occasion d’apprendre et de s’évader.
Dans le contexte budgétaire serré que nous connaissons, le groupe RDSE salue l’augmentation de 3 % des crédits de paiement du programme au bénéfice de l’action « Livre et lecture ».
Les Français liraient plus, nous dit-on. Toutefois, le mot « lire » inclut indifféremment littérature, presse, modes d’emploi et manuels de bricolage. D’un point de vue qualitatif, des élites aux classes populaires, on lit moins aujourd’hui qu’hier. Le programme international de recherche en lecture scolaire, coordonné tous les cinq ans dans quarante-cinq pays, a récemment révélé que les élèves français âgés de dix ans maîtrisent moins bien la lecture que la moyenne des écoliers européens du même âge et que, sur plusieurs points, leurs performances se sont dégradées depuis une décennie.
Si la lecture publique est une compétence décentralisée, l’État a son rôle à jouer par le maintien de son concours financier et technique. La transmission du savoir par l’intermédiaire du réseau des 1 700 bibliothèques réparties sur le territoire français et des 2 500 librairies indépendantes, et le fait d’encourager les publics défavorisés à lire par la promotion des associations qui s’y consacrent sont essentiels pour lutter contre les inégalités sociales. La réussite du dispositif des « contrats territoire-lecture » mis en place en 2010 doit être saluée, même s’il faut encourager le rapprochement avec d’autres dispositifs de conventionnement et de subventionnement.
Il serait d’ailleurs souhaitable de réfléchir sur l’élargissement de l’amplitude horaire des bibliothèques publiques. À Copenhague, à Amsterdam et dans nombre d’autres villes du nord de l’Europe, les bibliothèques publiques frôlent les cent heures d’ouverture hebdomadaires, contre trente heures en moyenne en France et quarante dans les plus grandes villes. Aux États-Unis, les bibliothèques universitaires restent ouvertes vingt heures sur vingt-quatre, voire vingt-quatre heures sur vingt-quatre en période d’examens ! En France, notamment à Paris, quelques bibliothèques publiques font exception, mais elles sont rares.
Cette mesure viserait aussi à combler les inégalités entre les étudiants, puisque nombre d’entre eux ne disposent pas d’un espace suffisant chez eux pour travailler dans le calme nécessaire. Pour ces étudiants qui cumulent tous les handicaps, les bibliothèques sont des espaces de travail et de réussite. Une pétition, qui a recueilli plus de 10 000 signatures en quelques semaines, a déjà été signée par de nombreuses personnalités. Nous souhaiterions savoir, madame la ministre, où en sont les négociations entre les collectivités locales, le personnel des bibliothèques et votre ministère sur cette question essentielle.
« Cultiver, vivifier », c’est aussi le rôle du programme 180 dédié à la presse, dont le groupe RDSE soutient les objectifs. Si les aides à la presse diminuent de plus de 9 % dans le présent budget, c’est en raison de la baisse de l’aide au transport postal. Et nous savons que l’avenir du schéma de diffusion de la presse écrite fera prochainement l’objet d’un rapport.
Nous saluons les mesures qui ont déjà été prises concernant la modernisation du secteur et le développement de ses diffusions numérique et physique, notamment l’application du taux de TVA réduit de 2, 1 % aux services de presse en ligne, de même que le ciblage accru du fonds stratégique pour les services de presse en ligne.
Le modèle économique de la presse n’est plus viable et doit évoluer. À l’ère du tout-numérique, le paradigme de la lecture a changé. Le numérique a permis de rajeunir au quotidien le lectorat de la presse et doit permettre de repenser le modèle de soutien et de diffusion de la presse nationale.
Depuis le début des années deux mille, la diffusion de la presse papier a connu une baisse de 25 %. Si la mutation numérique, déjà largement entamée, est inéluctable, il convient de ne pas enterrer trop vite ce type de presse, qui reste un vecteur essentiel de l’information. Dans une logique d’anticipation, le groupe RDSE plaide pour une réflexion à moyen et long terme sur l’avenir de la presse et de son modèle économique.
Madame la ministre, mes chers collègues, la majorité du groupe RDSE votera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Applaudissements sur les travées du RDSE . – Mmes Corinne Bouchoux et Nathalie Goulet applaudissent également.
Comme vous l’aviez annoncé lors de votre prise de fonction, madame la ministre, le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est sanctuarisé pour les trois années à venir. Présentant une légère hausse des crédits de 0, 43 % pour 2015, il pourrait recevoir nos suffrages, car nous pensons que le secteur de la culture doit être préservé de la rigueur budgétaire en raison de son poids économique – un peu plus de 3, 2 % du PIB.
Ce projet budget présente cependant plusieurs défauts majeurs : il masque des situations contrastées, manque d’ambition et laisse en suspens des interrogations qu’il faudrait traiter.
Tout d’abord, je le répète, il masque des situations contrastées. Notre rapporteur pour avis, Mme Mélot, a notamment pointé la réduction de 14 % des autorisations d’engagement sur le programme « Livre et industries culturelles ». Ce sont les dépenses d’investissement qui sont réduites, alors que le développement du numérique oblige les différents secteurs à s’adapter pour effectuer leur mutation dans un contexte de compétition internationale, ce qui nécessite des moyens importants.
Sur le plan budgétaire, l’écart se creuse entre autorisations d’engagement, qui diminuent, et crédits de paiement, qui augmentent. Cet effet de ciseau entraîne cette année un reliquat évalué à près de 64 millions d’euros, qui pèseront sur les années à venir et risquent de pénaliser d’autres postes.
On peut parler d’un véritable désengagement de l’État, qui, pour régler ses dépenses, puise dans les fonds de roulement de ses opérateurs, tels la Bibliothèque nationale de France ou la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI. On voit sur le terrain les effets de cette sous-budgétisation, alors qu’il est impératif de ne pas prendre de retard dans l’adaptation de notre droit et de notre économie aux défis du numérique. Le projet de loi sur la création, évoqué pour l’année 2014, a d’ailleurs été maintes fois repoussé.
Ce projet de budget reporte, par ailleurs, la résolution de problèmes de plus en plus prégnants. Ainsi, bien que le Gouvernement ait annoncé la suppression totale des dotations budgétaires aux entreprises de l’audiovisuel public d’ici à 2017, il ne résout pas les difficultés que va poser leur financement.
Certes, la baisse progressive des crédits budgétaires est justifiée, car elle vise à assurer l’indépendance de ces sociétés et à empêcher l’incertitude des fluctuations budgétaires. Ce souci est légitime, mais encore faut-il s’assurer de la fiabilité et de la pérennité des ressources de substitution. Or quelle est la réflexion menée ?
L’avenir du financement de l’audiovisuel public repose, cela a été dit, sur une augmentation constante de la contribution à l’audiovisuel public, précédemment appelée « redevance », telle qu’elle a été créée aux débuts de la télévision. Cette taxation reste-t-elle légitime lorsque les supports de consultation se diversifient jusqu’à rendre l’écran de télévision obsolète ?
Comme l’a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances, François Baroin, revoir l’assiette de la contribution deviendra incontournable, non seulement pour qu’elle soit plus juste, mais également pour assurer la stabilité de son rendement.
À l’image de nos rapporteurs, je m’interroge donc sur la démarche du Gouvernement, qui consiste à remettre la question à plus tard, en augmentant de deux euros la redevance pour 2015.
J’ajouterai que, l’année dernière, lors de l’examen du précédent budget, notre collègue David Assouline appelait à « réfléchir sérieusement au risque d’évasion que représente le visionnage de programmes sur ordinateurs et tablettes, et donc à la modification de l’assiette de la redevance ». Il semble qu’il n’ait pas été entendu.
Je souhaite également évoquer le sujet de la protection des droits d’auteur dans notre pays, depuis que le numérique a transformé les usages.
Le budget de la HADOPI n’a cessé de diminuer : 11 millions d’euros en 2012, quelque 8 millions d’euros en 2013, quelque 6 millions d’euros en 2014 et pour 2015. L’année 2015 est un tournant, car la faiblesse du fonds de roulement est désormais insuffisante pour permettre à la HADOPI d’assurer l’ensemble des missions que le législateur lui a confiées. Une diminution de ses effectifs de 20 % est prévue, ainsi qu’une baisse de 50 % des crédits destinés à la mission d’encouragement au développement de l’offre légale, et de 25 % de ceux qui sont destinés à la réponse graduée.
Selon la direction de la HADOPI, pour maintenir la conduite de ses missions, la dotation devrait être augmentée de 1, 5 million d’euros. Les députés avaient déposé un amendement d’appel en ce sens, mais le budget est si contraint qu’il est difficile d’envisager un prélèvement sur d’autres actions de la mission.
C’est à l’État de prendre ses responsabilités : soit il supprime l’institution ou transfère ses compétences, soit il reconnaît son efficacité et lui donne les moyens de poursuivre sa mission. Il est regrettable que, en choisissant de baisser les moyens de cet organisme, le Gouvernement ne prenne pas de position claire pour l’avenir.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous sommes convaincus de la nécessité d’aller plus loin et plus vite dans l’adaptation de nos entreprises aux réalités du numérique, le groupe UMP rejettera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur l’audiovisuel et la presse, dont la défense constitue, du point de l’offre et du pluralisme, une mission essentielle de notre démocratie.
Je souhaite insister, plus particulièrement, sur les éléments de ce projet de budget qui sont propres à ouvrir de nouvelles perspectives pour les années suivantes. Et je commencerai par évoquer le problème, soulevé par plusieurs orateurs, de la contribution à l’audiovisuel public.
Nous ne pouvons pas effacer le passé ! La dernière fois que nous avons débattu du sujet de l’audiovisuel public dans cet hémicycle, c’était à l’occasion de l’examen d’une loi visant à supprimer la publicité et à ne pas augmenter la redevance.
Nous avions alors dénoncé fortement ces mesures.
Notre audiovisuel public reposait en effet jusqu’alors sur deux pieds, la publicité pour une moitié de son budget et la redevance pour l’autre, ce qui lui permettait d’être indépendant tant à l’égard de l’État que du marché. L’équilibre avait été progressivement rétabli depuis 2002, puis tout a été fracassé.
Je l’avais dit à cette tribune : du fait de la suppression de la publicité et de la complète dépendance de l’audiovisuel public à l’égard d’une dotation, quand les vaches maigres budgétaires arriveront, l’État pourra affirmer en toute légitimité que ses priorités sont ailleurs et réduire cette dotation. Aujourd’hui, nous y sommes !
Heureusement, et même si le montant de la dotation est moins élevé, l’actuel gouvernement a redynamisé la contribution à l’audiovisuel public, grâce, notamment, à l’augmentation de deux euros de cette dernière, ainsi indexée sur le coût de la vie.
M. Jacques-Bernard Magner approuve.
Nous devons nous habituer, en France, à faire preuve d’anticipation, plutôt que de nous attaquer aux problèmes lorsqu’ils sont derrière nous. Il est évident, et je le dis depuis plusieurs années, que les nouveaux usages battront en brèche le dynamisme de cette contribution, qui subsiste encore pour des raisons démographiques : quand un couple se sépare, cela crée deux foyers, deux télévisions, donc deux redevances... Toutefois, la fin approche ! Il n’y aura bientôt plus d’argent pour financer l’audiovisuel public, ce qui est pourtant fondamental. Il faut donc rapidement moderniser le dispositif.
J’ai entendu MM. François Baroin et Jean-Pierre Leleux ; je suis heureux qu’il y ait un consensus. Néanmoins, il faudra assumer ce débat avec force et sans démagogie devant l’opinion publique.
Nous devons être capables de dire, tous ensemble, qu’il faut moderniser la contribution à l’audiovisuel public et élargir son assiette, et ne pas rester tapis au coin du bois, comme certains, chaque fois que l’on débat de culture, d’audiovisuel ou de cinéma, en arguant que « ce sont toujours les mêmes qui ponctionnent les Français »... Tous ces propos démagogiques, je les ai entendus !
À l’époque du débat sur la refondation de l’audiovisuel public et de la formidable « commission Copé », j’ai même entendu M. Copé affirmer : « Moi vivant, la redevance n’augmentera pas d’un seul euro ! »... Il semble que l’on ait désormais recouvré la raison. Tant mieux !
Dans la perspective de la réforme de l’audiovisuel public, je lance un défi à mes collègues, en particulier à ceux de droite : agissons ensemble ! Pour notre part, nous y sommes prêts, afin de faire avancer notre pays et l’audiovisuel public, lequel sera menacé si nous ne trouvons pas les ressources nécessaires à son fonctionnement.
On peut toujours décider de rétablir la publicité dans telle ou telle tranche horaire... Cela ne me dérange pas, dès lors que l’essentiel de l’audiovisuel public est financé par la redevance, qui constitue en quelque sorte une forme d’actionnariat populaire : l’argent donné va directement au poste que les citoyens ont souhaité financer.
Nous devrons ouvrir parallèlement, en 2015 – c’est de la politique ! –, un débat sur le contenu de l’audiovisuel public. Madame la ministre, au premier semestre de 2015, il y aura le renouvellement du président du groupe audiovisuel public et la remise d’un rapport. Je souhaite que le Parlement soit alors associé à un véritable débat sur l’audiovisuel que nous voulons, son périmètre, mais aussi son nouveau financement, dont l’inscription dans le prochain projet de loi de finances conclura nos échanges sur le fond. Telle est la méthode à laquelle j’aspire.
La dotation budgétaire des organismes de l’audiovisuel public baisse certes de 102 millions d’euros en 2015, mais cette réduction est compensée par la hausse du produit de la contribution à l’audiovisuel public, soit une augmentation de 115 millions d’euros.
Oui, les aides à la presse seront globalement maintenues, et c’est heureux. En effet, c’est une nécessité, compte tenu des mutations du secteur. Les crédits destinés au programme « Presse » pour 2015 sont certes en légère baisse de 0, 3 %, mais, dans le contexte budgétaire actuel, il est plutôt louable de ne pas les avoir diminués encore davantage.
Nous reviendrons sur le sujet de la presse tout à l'heure, à l’occasion de l’examen d’un amendement que je qualifierai de surréaliste.
La discussion de cet amendement sera l’occasion d’évoquer la situation de la presse et la façon dont les fonds sont accordés. Une réforme s’impose, c’est une évidence, mais la suppression pure et simple de cette enveloppe n’est certainement pas la bonne réponse. Tout le secteur est en crise, et, même si certains s’en sortaient, une telle porterait un coup à ceux qui sont les plus en difficultés – les plus petits, comme d’habitude – et menacerait le pluralisme.
Le financement de la presse, en particulier de la presse d’opinion, garant du pluralisme de ce secteur, est une tâche importante qui incombe à tout gouvernement. C’est un acquis qui s’apparente à un service public. Vouloir tout remettre en cause dans l’espoir de provoquer une sorte de big bang restructurant ne me semble pas opportun. Je doute que du chaos naisse une situation saine, surtout dans ce secteur : seuls les plus forts surnageront.
Toujours est-il que je me réjouis que les crédits ne baissent pas et que je fais miennes les questions du rapporteur pour avis, Pierre Laurent. La mutation technologique en cours exige un soutien attentif, afin qu’elle ne s’opère pas au détriment du nécessaire pluralisme.
Je veux dire l’importance de cette question pour les socialistes. Dans cet hémicycle, nous avons toujours défendu l’idée que le service public de l’audiovisuel était un bien précieux. L’offre est grande, la bagarre est acharnée, la concurrence est rude, à l’échelon national, mais aussi international. Il faut donc un effort soutenu pour maintenir une offre de qualité, par la préservation des moyens dévolus à cette fin.
C’est le cas chaque année. De ce point de vue, ce budget ne déroge pas à la règle. En revanche, l’année prochaine, il faudra adosser notre débat budgétaire à une réflexion approfondie sur ce qui doit s’apparenter à un nouveau départ, en particulier pour France Télévisions. En effet, la situation ne peut continuer à dégénérer, comme c’est le cas depuis quelques années.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont en très légère hausse, de l’ordre de 0, 43 %. Cette faible augmentation ne doit cependant pas nous tromper : elle équivaut dans les faits à une baisse en euros constants, puisqu’elle ne compense même pas l’inflation. Bien pis, les objectifs budgétaires prévus pour les prochaines années sont, à nos yeux, extrêmement inquiétants et soulèvent de nombreuses questions.
D’ici à 2017, le Gouvernement entend réduire de 32 % les crédits budgétaires de cette mission. L’essentiel de cette diminution reposera sur l’audiovisuel public et, en son sein, sur France Télévisions. C’est donc l’avenir de cette entreprise publique qui est au cœur de nos préoccupations.
Cela a été souligné par tous : l’objectif assumé par le Gouvernement est celui d’un financement des grandes institutions audiovisuelles totalement indépendant du budget de l’État, qui reposerait, hors ressources propres, sur la seule contribution à l’audiovisuel public. Par conséquent, celle-ci devra être fortement revalorisée.
Le Gouvernement entend ainsi diminuer la dotation de l’État à l’audiovisuel public de 263 millions d’euros sur trois ans. Cette enveloppe passera de 292 millions d’euros en 2014 à 29 millions d’euros seulement. Son extinction est programmée. Le budget pour 2015 est donc le premier volet de ce plan pluriannuel.
La part de financement par subvention budgétaire des sociétés de l’audiovisuel est déjà réduite à 160 millions d’euros. Pour compenser ce désengagement, une augmentation de la redevance de trois euros en métropole et d’un euro outre-mer est prévue. Elle fait suite à une revalorisation de six euros en 2013 et de quatre euros en 2014. C’est par cette seule augmentation que l’on peut parler d’un maintien des crédits consacrés aux médias. Toutefois, peut-on véritablement parler de maintien pour décrire le désengagement de l’État et le transfert de cette responsabilité publique sur le budget des ménages ?
Malgré cela, il faut le souligner, le compte n’y est pas. Les crédits de l’audiovisuel public s’élèvent au total à 3, 856 millions d’euros, soit une hausse de 0, 3 % qui ne compense toujours pas l’inflation, malgré une situation financière très problématique. La fragilité de France Télévisions est telle qu’une révision du contrat d’objectifs et de moyens s’est imposée l’an dernier.
Ainsi, le contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 prévoit une inflexion des effectifs légèrement plus forte que prévu. En vérité, aux 340 équivalents temps plein travaillé non remplacés en 2014-2015 s’ajoute une nouvelle réduction de 650 emplois, qui risque d’affecter la capacité de l’entreprise à remplir ses missions de service public.
Ces difficultés financières mériteraient donc, à l’inverse du désengagement programmé, une réflexion forte de l’État sur le développement de l’audiovisuel public et pas seulement sur son maintien. En effet, David Assouline vient de le souligner, ce secteur souffre d’une grande déstabilisation depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2009 qui supprime la publicité après vingt heures sur France Télévisions sans qu’aient été prévus les moyens du financement de l’audiovisuel public. Il faudrait une action forte, avec une nouvelle vision du service public. Or rien de cela n’est au programme.
Si la question de la présence d’écrans publicitaires sur un service public de télévision est légitime, cette suppression n’a fait qu’amputer les capacités de financement de France Télévisions, sans pour autant changer la politique de la demande au bénéfice d’une plus grande qualité du service public.
Telle est notre préoccupation. Hors du transfert sur la redevance, aucune réflexion stratégique d’ensemble ne semble engagée pour penser un nouveau projet culturel et industriel de France Télévisions et pour penser la pérennisation du financement du service public et la diversification de ses ressources.
Par ailleurs, tout se passe comme si la domination du privé dans le paysage audiovisuel français était un tabou auquel on ne devait pas réfléchir, sauf évidemment à vouloir encore la renforcer. Certains commencent d’ailleurs ici à parler de la nécessité de revoir le périmètre de la télévision publique... Tout cela manque donc singulièrement d’ambition.
À nos yeux, il en est de même concernant les livres. Là aussi, nous sommes loin du compte, alors qu’auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, c'est-à-dire l’ensemble de la chaîne du livre, souffrent sans avoir le sentiment d’être soutenus par une politique publique de promotion de la lecture. J’ai encore pu le constater voilà quelques jours, lors des rencontres avec les professionnels au Salon du livre de la jeunesse, à Montreuil.
Dans ce domaine, comme dans les autres, l’action publique semble se contenter d’un maintien des crédits après deux années de baisse, comme si c’était là un sujet de satisfaction. En vérité, avec de tels budgets, nous avons le sentiment que l’absence d’ambition est présentée comme un horizon indépassable. Or, pour la gauche, ce renoncement, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ne peut convenir.
Nous pouvons dresser le même constat pour les crédits consacrés à la presse. J’ai déjà fait part de mon analyse en tant que rapporteur pour avis de la commission de la culture ; je n’y reviendrai donc pas.
Vous comprendrez donc que, dans ces conditions, nous ne votions pas les crédits de cette mission. En l’état, ils ne sont pas en mesure de garantir l’ambition nécessaire, l’existence de médias pluralistes et indépendants, le projet d’un audiovisuel public de qualité passant par la garantie d’un financement pérenne.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant en dernier et pour trois minutes, je vous présenterai non pas les « Cinq dernières minutes », mais les trois dernières minutes !
Sourires.
Le développement de la lecture sur tous les territoires et en faveur de tous les publics est bien une priorité du Gouvernement et des collectivités territoriales. Grâce à cette volonté politique, notre pays bénéficie d’un réseau dense et actif de bibliothèques : quelque 83 % des Français ont aujourd’hui accès à ces lieux formidables de découverte, de rêve et de connaissance. Parce qu’elles sont les garantes de la démocratisation culturelle, parce qu’elles constituent aussi des lieux de socialisation, les bibliothèques font partie de ces équipements essentiels à la vie d’un territoire.
Outil de plaisir et de savoir à tous les âges de la vie, le livre est aussi le premier objet culturel appréhendé par l’enfant. Véritable vecteur de la transmission des savoirs, élément fondamental dans le processus d’apprentissage, « la lecture est une porte ouverte sur un monde enchanté », selon Mauriac.
Certes, la pratique de la lecture a évolué. Autrefois populaire, elle est devenue aujourd’hui plus élitiste, mais aussi plus variée, prenant des formes plus modernes.
Alors même que l’école a un rôle crucial à jouer dans la réhabilitation du livre et de la lecture, des faits récents laissent à penser que, même dans le cadre scolaire, la lecture tend, hélas, à être déconsidérée. Récemment, une professeure agrégée de lettres a reçu un avertissement lui demandant d’adhérer à des objectifs plus scolaires et de proposer moins de lectures à ses élèves.
M. Jacques-Bernard Magner s’indigne.
Trop de lectures ? Cela me fait penser a à la réplique du film Amadeus : « Trop de notes ! »
Marques d’approbation.
Aujourd’hui, quelque 7 % de la population adulte âgée de 18 ans à 65 ans ayant été scolarisée en France sont en situation d’illettrisme. C’est un sujet fort préoccupant, mes chers collègues, et nous serons certainement amenés à en reparler avec le ministère de l’éducation nationale, mais aussi avec vous, madame la ministre.
Le Centre national du livre, établissement public du ministère de la culture, participe à cet objectif de diffusion de la lecture, en organisant, entre autres missions, de nombreux salons du livre sur le territoire national, mixant les publics et les cultures.
Si nous oublions parfois le rôle fondamental du livre et de la lecture, ayons à l’esprit la guerre culturelle qui se mène dans les zones de conflit. En effet, pour Alain, « c’est presque tout que de savoir lire ».
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette discussion, permettez-moi de saluer la qualité des interventions, qui démontrent tout l’intérêt que porte la Haute Assemblée aux sujets culturels. Je veux vous en remercier, au-delà des interrogations et critiques auxquelles j’apporterai les réponses les plus précises possible.
J’évoquerai tout d’abord de façon générale cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Avec près de 4, 4 milliards d’euros de crédits, elle connaît une augmentation de 0, 42 %.
On y retrouve les ambitions politiques que j’ai souhaité mettre en avant avec ce budget et que j’ai déjà pu rappeler lors de l’examen des crédits de la mission « Culture ». L’une de ces ambitions est sans doute plus prégnante que les autres au travers de ce budget : renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays.
Oui, et je l’assume comme telle, la mission que nous examinons aujourd’hui illustre parfaitement cette priorité, puisqu’elle comporte de nombreux champions nationaux. Il n’est qu’à songer, entre autres, à l’AFP ou à notre modèle cinématographique. Je pourrais citer aussi nos productions audiovisuelles. Philippe Haïm et Éric Valette, Fabrice Gobert ont ainsi été primés aux International Emmy Awards, respectivement pour Braquo et Les Revenants. Je pourrais bien sûr citer enfin notre industrie du jeu vidéo, avec des acteurs majeurs comme Ubisoft ou Ankama.
J’ai tenu à rappeler ce niveau d’excellence avant d’entrer dans le détail de cette mission, secteur par secteur. Trop souvent, en effet, on ne mesure pas suffisamment le poids de la culture française non seulement dans notre propre économie, mais, plus largement, dans l’attractivité de la France à l’étranger.
Je dirai à présent un mot de chaque secteur de cette mission budgétaire, afin de vous en présenter les grandes lignes, de vous rappeler nos priorités et l’ambition du Gouvernement, enfin de répondre à vos interrogations, mesdames, messieurs les sénateurs.
Dans le secteur audiovisuel, en cohérence avec la loi de novembre 2013, qui a de nouveau confié au CSA le pouvoir de nommer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public, le Gouvernement a fait le choix de renforcer l’indépendance financière de ces sociétés, en réduisant progressivement la part de leur financement public reposant sur le budget général, qui aura totalement disparu en 2017.
La diminution de 102, 7 millions d’euros des subventions en 2015 sera compensée par la hausse des apports de la contribution à l’audiovisuel public, qui progressera de trois euros en 2015 en métropole et d'un euro outre-mer.
Par ailleurs, comme vous le savez, une réintroduction de la publicité en soirée sur les antennes nationales du service public n’a pas été retenue pour l’année 2015, car, aucune étude d’impact solide n’ayant été effectuée au préalable, nous avons craint qu’une telle réintroduction ne déstabilise les équilibres d’un secteur audiovisuel confronté à un marché publicitaire en crise et à l’arrivée de nouveaux acteurs réinterrogeant leur modèle économique.
Parallèlement, comme l’a annoncé le Président de la République, une réflexion doit être engagée – elle le sera – sur la modernisation du financement de l’audiovisuel public au-delà de 2015. Le Parlement y sera évidemment associé. M. Assouline a parfaitement résumé les enjeux d’une telle modernisation.
Vous le voyez, monsieur Baroin, contrairement à ce que vous avez déclaré lors de votre intervention, le Gouvernement veut mettre en œuvre un financement pérenne pour le service public de l’audiovisuel, au cœur duquel figure en effet la modernisation de l’assiette de la contribution audiovisuelle publique. Nous ne souhaitons pas le faire sans concertation ni étude préalable. En matière d’audiovisuel, je crois plus à la méthode de ce gouvernement qu’aux décisions brutales qui ont pu prévaloir dans le passé, comme M. Pierre Laurent l’a rappelé.
De la même manière, il nous faut tenir un discours de vérité sur l’audiovisuel public. La stabilisation des crédits au cours des trois prochaines années requerra de la part des sociétés concernées un réel effort de maîtrise de leur budget et d’économies, compte tenu de la progression de certaines de leurs charges. Cependant, elle ne remettra pas en cause leur capacité à assurer leurs missions.
Ainsi, je puis vous rassurer, madame Garriaud-Maylam, madame Lepage, monsieur Esnol : les grands équilibres des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et de France Média Monde seront respectés. De même, les dotations publiques à Radio France et à Arte seront stables ou en légère progression. La dotation de l’INA retrouve quant à elle un niveau proche de celui de 2013, après une diminution exceptionnelle de 20 millions d’euros l’an passé, compte tenu du prélèvement sur le fonds de roulement.
Permettez-moi également de vous apporter une précision, madame Garriaud-Maylam, madame Lepage, sur la spécificité de France Médias Monde. Comme vous le savez, le contrat d’objectifs et de moyens pour 2013-2015 signé entre l’État et France Médias Monde en 2014 prévoit un élargissement de la diffusion des médias de France Médias Monde sur le territoire national. France 24 est d’ailleurs désormais disponible sur la TNT, la télévision numérique terrestre, en Île-de-France.
Je rappelle toutefois que la mission première de France Médias Monde est de s’adresser au public international. Nous devons donc collectivement veiller à la cohérence des offres du service public.
En ce qui concerne l’avenir de France Télévisions, je veux à cette tribune être très claire et répondre aux inquiétudes du sénateur Leleux aussi bien qu’aux attentes positives du sénateur Assouline. Comme l’a précisé le Président de la République, l’État actionnaire fera part de sa vision stratégique sur l’avenir de France Télévision dans la perspective de la désignation d’un président par le CSA dans le courant de l’année 2015.
Dans le plein respect des pouvoirs que ce gouvernement a redonnés au CSA, il s’agit ici de tracer les objectifs fondamentaux de France Télévision et de l’audiovisuel public, en tenant compte d’un contexte profondément transformé par le numérique, où la concurrence s’est fortement accrue avec la multiplication des chaînes et des écrans, et où les usages et les attentes du public se sont profondément transformés.
Il faut partir de ces attentes, de ce nouvel environnement, afin de définir le rôle et la place du service public aujourd’hui, pour la télévision linéaire et numérique. C’est ce que font régulièrement les autres grands opérateurs du service public à l’étranger, notamment la BBC.
Ce travail d’analyse sera conduit par les services de l’État. Le Parlement sera naturellement consulté.
Dans le secteur du cinéma, la majorité a décidé dès son arrivée aux responsabilités de mettre fin à l’écrêtement des taxes affectées au Fonds de soutien aux industries techniques cinématographiques et audiovisuelles, compte tenu du lien très spécifique et automatique entre la recette et la dépense qu’elle finance. Les taxes affectées au Fonds de soutien sont la base de calcul des soutiens versés par le CNC au secteur du cinéma et de l’audiovisuel. C’est, en quelque sorte, une « épargne forcée », dont la pertinence et l’efficacité ont été maintes fois reconnues. Telle est ma position, mais également celle du Gouvernement.
Je déplore que la majorité sénatoriale ait réintroduit ce dispositif, montrant ainsi les limites de son attachement à la culture et à l’exception culturelle. Je souhaite que le reste de la discussion parlementaire permette de revenir sur cette situation extrêmement préjudiciable au cinéma français.
Pour sa part, le Gouvernement n’affectera pas les capacités d’action du CNC par un prélèvement sur les réserves de l’établissement. Bien au contraire, afin de prendre en compte le recul prévisionnel de 10 % des recettes attendues du CNC par rapport au budget primitif de 2014, l’établissement sera autorisé à puiser dans sa réserve de solidarité pluriannuelle afin d’amortir l’impact conjoncturel de cette baisse sur les investissements du secteur et d’éviter un effet récessif, lequel serait préjudiciable à la diversité de la création, à l’activité et, in fine, à l’emploi.
J’évoquerai à présent les industries culturelles elles-mêmes. Afin de répondre aux questions soulevées notamment par Mme Mélot dans son rapport, je tiens tout d’abord à dire mon attachement à la filière musicale, pour qui l’arrivée du numérique a profondément bouleversé et reconfiguré la chaîne de valeur, emportant avec lui tous les modèles existants de création, de production et de diffusion, alors même que l’écoute musicale, en ligne ou en concert, est toujours au cœur des pratiques culturelles des jeunes et des moins jeunes.
Pour soutenir l’ensemble de cette filière, constituée de très petites entreprises, qui illustrent la reprise du développement créatif, et d’entreprises plus importantes, qui créent des effets d’entraînement, j’ai proposé de réformer le crédit d’impôt phonographique, qui soutient l’enregistrement d’albums par de jeunes artistes, afin de le rendre tout simplement plus incitatif. Cette réforme permettra de donner de la visibilité aux acteurs pour les trois prochaines années et de leur permettre de s’adapter à la réalité du tissu entrepreneurial – il s’agit d’entreprises plus jeunes, parfois de petite taille.
Par ailleurs, le budget pour 2015 permettra la poursuite du soutien au réseau des labels indépendants. En cette fin d’année 2014, j’ai en effet décidé la mise en place d’aides exceptionnelles aux plateformes de musique en ligne innovantes. Près de dix plateformes seront aidées dans ce cadre.
Enfin, le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine intégrera des mesures en faveur de la filière musicale, afin notamment d’améliorer la transparence des relations entre artistes-interprètes, producteurs et plateformes. Il s’agit de moderniser nos outils de régulation à l’ère numérique, comme le Gouvernement l’a fait dans le domaine de l’audiovisuel ou du livre.
Un autre des défis qu’il nous appartiendra collectivement de relever dans les mois à venir est celui de la mutation structurelle du secteur de la presse. Cela me donne l’occasion de répondre aux interrogations de M. Baroin et de Mmes Bouchoux et Laborde.
Conformément à l’engagement du Président de la République, l’année 2014 a été consacrée à la réforme des dispositifs des aides à la presse élaborée en 2013. Le Fonds stratégique pour le développement de la presse a été modernisé dans un décret de juillet dernier, afin de faciliter la transition numérique.
Nous ne faisons plus de distinction aujourd’hui entre la presse papier et la presse en ligne, car, comme le Gouvernement a eu l’occasion de l’affirmer lors de l’abaissement du taux de TVA aux services de presse en ligne, il n’existe pas de différence fondamentale entre les supports d’accès à l’information. Le principe de neutralité technologique doit donc s’appliquer.
De même, le Fonds stratégique pour le développement de la presse privilégie désormais les projets mutualisés. C’est indispensable à l’heure de la contraction des volumes que nous constatons. De même, il s’est adjoint des compétences d’experts en matière numérique, afin d’être plus pertinent et plus réactif dans le choix des projets financés.
Parallèlement, les critères de l’aide au portage ont été refondus, conformément aux engagements. Si l’année 2014 est bien une année de transition, le dispositif créé met fin à la distinction, si souvent décriée, entre aide au flux et aide au stock. Afin de mutualiser les outils de production, l’aide est désormais versée aux réseaux de portage eux-mêmes, et elle est bonifiée en cas de portage multititres.
De la même manière, l’aide versée aux éditeurs prend désormais davantage en compte l’évolution des volumes portés, tout en étant plus prévisible. Elle est dorénavant, je pense, une aide plus intelligente et plus efficace pour faire évoluer les comportements économiques. Il n’en demeure pas moins, comme le souligne justement le sénateur Pierre Laurent dans son rapport budgétaire, et comme l’a également déclaré David Assouline, que des enjeux d’ampleur attendent la presse dans les mois qui viennent, notamment en termes de diffusion.
Monsieur Laurent, j’ai pris connaissance avec attention des réformes que vous appelez de vos vœux, que ce soit en matière d’aides à la presse ou de portage.
Soyons très clairs : la chute des volumes constatée depuis deux ans, de près de 10 % par an pour la vente au numéro s’agissant de la presse quotidienne nationale et de 3 % à 5 % pour les autres acteurs ne sera pas soutenable pour la filière si l’ensemble de celle-ci n’engage pas des réformes à la hauteur des enjeux. En effet, ce sont bien les éditeurs eux-mêmes, et les autres acteurs de la filière, qui ont en main les conditions de leur mutation.
Cette mutation passe, comme certains d’entre vous l’ont rappelé, par l’ouverture résolue des réseaux de portage et par une mutualisation des moyens à la disposition des messageries. À cet égard, j’insiste pour que les travaux engagés entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse, les MLP, sur leur système d’information commun connaissent une accélération et produisent prochainement des résultats.
Cette mutation passe aussi par la recherche d’une plus grande efficacité économique du postage. J’espère que les travaux en cours entre La Poste et la presse magazine porteront rapidement leurs fruits.
Dans ce contexte, les moyens en faveur des différents réseaux de diffusion de la presse sont préservés en 2015, dans mon budget ou dans celui de mon collègue en charge de l’économie. Les moyens en faveur du pluralisme, un sujet qui vous est également cher, monsieur Laurent, monsieur Assouline, sont également préservés.
Dans un contexte de forte mutation, l’État a souhaité enfin concentrer ses moyens en faveur de la qualité de l’information. Tel est le sens de la priorité appuyée du Gouvernement à l’Agence France Presse, qui verra ses moyens augmenter de 5 millions d’euros en 2015.
Ce soutien budgétaire est un élément d’un soutien plus large à ce champion national qu’est l’AFP, l’une des trois seules agences de presse d’échelle mondiale. Non seulement l’Agence participe pleinement du rayonnement de notre pays à l’étranger, mais elle permet à l’ensemble de nos journaux, y compris sur les théâtres d’opérations difficiles, où les éditeurs peinent désormais à envoyer leurs propres journalistes, de disposer d’une information de qualité.
L’année 2014 a ainsi permis de sécuriser le financement public de l’Agence au niveau communautaire et d’élaborer, grâce aux travaux du député Michel Françaix, les voies et moyens d’assurer la nouvelle vague d’investissements nécessaires à la complète mutation numérique de l’agence. Le contrat d’objectifs et de moyens de l’AFP, qui devra être signé avant la fin de l’année, traduira l’ambition que nous avons collectivement pour le devenir de l’Agence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, mes propos ne seraient pas complets si je n’évoquais pas avec vous les crédits en faveur des industries culturelles. Certains d’entre vous en ont parlé, notamment Mme Mélot dans son rapport budgétaire, ainsi que M. Baroin et M. Savin au cours de leurs interventions, les crédits de la HADOPI sont maintenus cette année au même niveau que ceux de l’année dernière : ils s’élèveront à 6 millions d’euros.
Je tiens à dissiper vos inquiétudes. Le montant retenu cette année tient compte de la situation financière globale de cette autorité administrative, qui pourra encore en 2015, même s’il s’agit probablement de la dernière année où cette solution pourra être retenue, prélever sur son fonds de roulement pour assurer le financement de ses missions.
Je me suis aussi engagée auprès de la HADOPI à lui verser sa subvention dès le début de l’année 2015, afin de lui permettre, si elle le souhaite, d’alléger ses normes prudentielles.
En matière de livre et de lecture, enfin, je suis heureuse que ce programme puisse illustrer, après deux années d’efforts très importants, une reprise des capacités d’investissement du ministère de la culture.
L’avancement du grand chantier de remise aux normes du site de Richelieu de la BNF pèse désormais moins sur notre budget et nous laisse des marges de manœuvre. Des redéploiements seront possibles. Nous augmenterons ainsi la dotation dédiée aux travaux de maintenance, de renouvellement et de mise en sécurité des installations du site de Tolbiac. Une enveloppe exceptionnelle de 18 millions d’euros sera dégagée en trois ans.
Ce budget triennal permettra aussi, j’en suis très heureuse, le lancement du projet de rénovation de la Bibliothèque publique d’information, la BPI, afin d’améliorer les conditions d’accueil du public en lien avec le Centre Pompidou et de rendre à la BPI son rôle central d’animateur du réseau des établissements de lecture publique.
L’année 2013 et le début de l’année 2014 ont vu se concrétiser la priorité présidentielle en faveur des librairies indépendantes. À cet égard, je rappelle à Mme Mélot que quelque 18 millions d’euros ont été mobilisés en faveur du réseau Chapitre, ce qui a permis d’en sauver les deux tiers, ainsi que deux tiers des emplois correspondants. Un effort considérable a donc été fait en 2013.
L’année 2014, quant à elle, a été consacrée aux bibliothèques. Ce budget en est la traduction très concrète pour les deux établissements publics de l’État. On ne peut donc pas parler, comme Mme Mélot, d’une asphyxie des opérateurs.
Pour autant, le réseau de lecture publique ne sera pas négligé, puisque l’enveloppe de la DGD, la dotation globale de décentralisation, afférente aux bibliothèques sera maintenue.
Les médiathèques demeurent le premier réseau d’équipement culturel de notre pays. C’est aussi celui auquel accède le plus grand nombre, quelle que soit sa condition sociale ou sa localisation géographique. Ce réseau prouve toute sa modernité en effectuant dans de nombreux endroits sa mutation en centre de ressources d’accès à la culture et aux savoirs, que ces ressources se présentent sous forme physique ou sous forme numérique. Ce réseau est effectivement un levier puissant de lutte contre l’exclusion ou l’illettrisme, comme vous l’avez indiqué, madame Blandin.
La journée du 8 décembre prochain sera consacrée à un échange, que j’espère le plus nourri possible, avec les élus locaux et nationaux, sur la place des bibliothèques dans le pacte républicain au XXe siècle. Ce sera un moment fort pour notre politique culturelle de demain. J’espère, madame Laborde, que vous pourrez y participer et ainsi enrichir les débats.
Vous le voyez, ce budget préserve la force de frappe de nos industries culturelles. Notre audiovisuel, notre presse, nos livres sont des atouts considérables face à des défis qui ne le sont pas moins. Comme je le soulignais tout à l’heure, l’un d’entre eux est l’adaptation de notre cadre réglementaire à la transition numérique, et je souhaite ouvrir une brève parenthèse sur ce sujet pour répondre à Mme Mélot.
Madame la sénatrice, depuis maintenant deux ans et demi, je suis extrêmement attentive à la question de l’équité des règles en matière de concurrence et de fiscalité entre les entreprises qui ont une activité sur notre territoire, quel que soit le pays d’implantation de leur siège.
Le Gouvernement a pris plusieurs initiatives en ce sens, notamment dans le domaine fiscal : l’extension de la taxe VàD du CNC, le travail sur la fiscalité générale dans le cadre du plan d’action « BEPS » de l’OCDE et l’initiative que nous venons de lancer avec les Allemands et les Italiens afin qu’une directive soit élaborée en 2015 pour lutter contre l’optimisation fiscale. De même, à partir du 1er janvier 2015, la TVA du lieu de consommation d’un service électronique sera la règle.
Toutes ces mesures vont dans le même sens, de sorte que je ne vois pas très bien comment on peut affirmer que le Gouvernement, en particulier le ministère de la culture, n’a rien fait pour résoudre ces problèmes d’équité fiscale et de régulation ! Au contraire, il s’est mobilisé et il continuera à le faire. J’ajoute que ce sont des mesures très difficiles à mettre en œuvre, car elles touchent à des points très techniques de droit fiscal.
Pour conclure, ce budget prépare les secteurs de la culture aux mutations majeures qu’ils doivent entreprendre. Je veux le dire ici, à cette tribune : je trouve quelque peu ridicule de vouloir opposer la défense de nos industries culturelles à la promotion de ce qui fait le socle historique de notre culture, comme certains continuent ou s’obstinent à vouloir le faire.
Être ministre des artistes, de tous les artistes et de la création c’est aussi leur donner les moyens de grandir, de réussir et de conquérir.
La culture n’est pas une marchandise, et c’est tout le sens du combat que nous avons mené collectivement, l’année dernière, en faveur de l’exception culturelle. Pour autant, la culture s’insère aussi dans une économie.
L’audiovisuel et le cinéma sont des industries, mais ils sont aussi porteurs d’une vision du monde, d’une sensibilité, d’une subjectivité : celles des auteurs et des artistes qui ont pu trouver dans notre pays les conditions pour exercer leurs talents et toucher le public du monde entier. Et je suis fière que la Chine soit aujourd'hui le deuxième marché pour la vente de droits internationaux du secteur du livre. Ce succès est bien sûr une bonne nouvelle pour nos maisons d’édition, qui trouvent de nouveaux débouchés, mais il illustre aussi le rayonnement de la pensée, de la littérature et, pour tout dire, de la culture de notre pays dans un autre grand pays.
Je suis heureuse de mettre mon action également au service de la réussite économique de notre culture, ici, en France, et partout à l’étranger, puisqu’elle permet, tout simplement, de faire rayonner nos créateurs et notre culture !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Médias, livre et industries culturelles
Presse
Livre et industries culturelles
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
L'amendement n° II-346, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Presse
Livre et industries culturelles
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique
Total
Solde
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. C’est un amendement de mauvaise humeur, mes chers collègues, mais, voyez-vous, après deux ans de frustration, examiner un amendement déposé en deuxième partie d’un projet de loi de finances est assez plaisant !
Sourires.
J’avais déposé un amendement similaire en 2008, en 2009 et en 2010, recevant toujours le même genre de promesses. Or, bien que ces subventions de 130 millions d’euros, de 140 millions d’euros, voire de 150 millions d’euros soient renouvelées quasiment chaque année selon des critères d’attribution discutables, même s’ils ont été quelque peu affinés dernièrement, on n’a jamais vu le secteur de la presse dans un si mauvais état : des rédactions fragilisées ou en crise, une déontologie contestable, des titres qui disparaissent.
La dernière fois que j’avais déposé cet amendement, notre collègue Philippe Marini, alors président de la commission des finances – autres temps, autres mœurs… – s’était engagé à nous fournir un détail de ces aides et, surtout, de la justification des dépenses. On n’a pas cessé, au cours de l’examen de ce budget, de raboter les fonds du Centre national du cinéma, des chambres de commerce ou des chambres d’agriculture. Or, s'agissant de ces aides, on ne dispose d’aucune justification !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet amendement d’appel et de mauvaise humeur vise à alerter sur le nécessaire ajustement des aides aux besoins – au lieu de les renouveler systématiquement comme aujourd’hui –, parce que, quand on examine la liste des titres qui sont aidés, on est frappé par des différences extrêmement importantes, notamment entre les titres imprimés et les titres en ligne, sans qu’aucun critère d’attribution soit précisé.
Je souhaiterais donc que le Gouvernement apporte des clarifications et s’engage sur la façon dont est répartie cette aide et, surtout, sur les justifications des dépenses, car c’est bien le minimum que l’on puisse attendre en matière de contrôle budgétaire, pour des crédits aussi importants.
Si l’objectif est de soutenir une activité déficitaire, disons-le franchement. S’il s’agit d’aide à la numérisation, combien d’années faudra-t-il la financer ? Et s’il s’agit d’aide à la modernisation, laquelle, et à quel prix ?
La commission n’a pas examiné cet amendement, et je m’exprimerai donc à titre personnel.
Je dois reconnaître que je suis quelque peu tombé de l’armoire en prenant connaissance de votre amendement, ma chère collègue, mais, puisqu’il vous a été dicté par la colère et la mauvaise humeur, mon incompréhension se dissipe quelque peu…
Vous avez dressé un diagnostic qui, sur certains points, peut se défendre, notamment sur l’état actuel de la presse. L’ennui, c’est que vous proposez un traitement consistant à éradiquer la maladie par la disparition du corps malade, méthode, vous en conviendrez, pour le moins contestable.
Si vous attendez une réponse, madame Goulet, il faut vous tourner non pas vers la commission, mais du côté du Gouvernement. Tout en émettant à titre personnel un avis défavorable sur cet amendement, je laisse donc le soin à Mme la ministre d’exposer sa position.
Les aides à la presse trouvent une justification dans la Constitution : en accompagnant les éditeurs de presse et leur distribution, tant physique qu’en ligne, l’État garantit leur contribution au débat civique dans notre pays. Le Conseil constitutionnel comme le Conseil d’État ont souligné que les aides à la presse dite « d’information politique et générale », ou IPG, concourent au pluralisme de l’information et s’inscrivent donc dans l’objectif constitutionnel de pluralisme des médias.
Madame la sénatrice, à l’occasion de la présentation de votre amendement et auparavant, vous avez appelé l’attention des pouvoirs publics sur l’indépendance des médias, en particulier celle des rédactions. Il va de soi que ce soutien se fait dans le respect de la liberté et de l’indépendance de la presse.
L’indépendance des titres doit s’entendre, bien évidemment, au plan éditorial, mais aussi au plan économique. C’est la raison pour laquelle les aides sont attribuées sur la base de critères objectifs. Les décisions au cas par cas, notamment la reconnaissance comme titre de presse ou les aides aux projets d’investissement, sont prises après l’avis de commissions où l’État et la presse sont paritairement représentés.
Vous êtes également attentive, madame la sénatrice, à ce que les aides ne deviennent pas des rentes, notamment pour les plus grands groupes de presse.
De surcroît, il est important que les aides ne concourent pas indirectement à renforcer le poids de quelques titres qui sont déjà importants. Aussi, le Gouvernement a veillé à ce que certaines aides prévoient un traitement spécifique pour les plus petits titres. Ainsi, à partir de 2014, la politique d’aide à la presse hebdomadaire régionale est progressivement réformée, afin qu’un même groupe de presse régionale ne capte pas une part trop importante des fonds.
De même, les petits projets d’investissement sont traités de façon accélérée au sein du Fonds stratégique pour le développement de la presse. En outre, le soutien bancaire de l’IFCIC, l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, à la création et à la transmission de titres imprimés ou en ligne, est réservé aux PME.
Vous le savez, j’attache une importance particulière à cette question de l’écosystème des médias. Nous allons donc continuer de réfléchir à la façon la plus pertinente possible de favoriser la création, le développement et la diversité des titres de presse.
Reste, et vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, que la situation de la presse, dans son ensemble, est difficile. Le chiffre d’affaires du secteur a reculé pour la sixième fois consécutive de plus de 5 % l’an dernier. De façon inédite, les quatre postes de recettes de la presse – ventes au numéro, abonnements, publicité et annonces – ont tous reculé en 2013.
Ces difficultés touchent toutes les familles de presse et tous les titres, grands ou petits. L’État ne peut donc rester indifférent à une telle situation, même si, bien évidemment, la responsabilité économique est, d’abord, celle des éditeurs et du secteur lui-même. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le leur dire, s’agissant tant des restructurations des imprimeries que des difficultés des messageries de presse.
Nous veillons, bien évidemment, à ce que les deniers publics n’interviennent pas là où les fonds privés suffisent à faire face. En matière de transparence, je voulais vous indiquer, madame Goulet, que, depuis 2013, tout est publié sur le site du ministère de la culture, où vous trouverez donc tous les détails sur les aides directes à la presse et les critères d’attributions.
Comme vous vous en doutez, madame la sénatrice, l’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.
J’ai effleuré le sujet tout à l’heure par anticipation au cours de mon intervention : cet amendement, qui vise purement et simplement à supprimer tous les crédits budgétés du programme « Presse », sans fournir la moindre explication dans son objet, est tout de même un peu court.
J’ai bien compris que Mme Goulet l’avait déposé par mauvaise humeur, mais il ne faut pas galvauder nos travaux. On touche ici à un sujet sensible, qui demande plus d’arguments et de fond, car le secteur de la presse connaît une telle révolution que bien des gens sont à cran, à tous les échelons de la production.
S’il s’agit de dire que tout n’est pas parfait dans le système actuel, je suis d’accord, car moi non plus je ne me satisfais pas que la presse people ou Le Journal de Mickey soient considérés comme des titres concourant au pluralisme de l’information, que l’État doit garantir et aider !
Sourires.
Cela étant, des avancées ont été accomplies récemment, et il faut en féliciter le Gouvernement. Tout d’abord, des progrès ont été réalisés en matière de transparence : si vous allez sur le site du ministère de la culture, madame Goulet, vous trouverez non seulement le détail des aides, mais aussi les critères d’attribution, même si ceux peuvent être contestés par ailleurs.
Des réformes ont aussi été menées à bien. Je pense notamment à la signature de la convention-cadre entre l’État et les entreprises de presse bénéficiant d’un fort montant d’aides qui conditionne le versement des aides au respect de certains engagements, à la simplification des obligations déclaratives pour les groupes et éditeurs de presse signataires des conventions-cadres sollicitant une aide au titre de plusieurs dispositions, à la réforme du fonds stratégique pour le développement de la presse, dont les financements sont désormais ouverts aux publications de presse et aux services de presse en ligne d’information politique et générale.
Je mentionnerai également la modification de la composition de la commission paritaire des publications et agences de presse, désormais dotée d’un président suppléant, ou encore la prorogation jusqu’au 31 décembre 2016 du fonds d’aide à la presse hebdomadaire régionale ou locale – avec un plafonnement progressif de l’aide pour un seul groupe à 25 % du fonds pour éviter que les effets de concentration ne confèrent un avantage écrasant. S’il reste des progrès à faire, nous allons de l’avant, me semble-t-il.
Pour conclure, je dirai un mot d’une avancée très positive qui est confirmée dans ce projet de loi de finances : depuis le 1er février 2014, la presse en ligne bénéficie enfin du taux super-réduit de TVA de 2, 1 %, qui était réservé jusqu’alors à la seule presse papier.
Il ne faut pas oublier que, dans cette révolution de la technologie et des usages que connaît la presse, la presse en ligne doit être soutenue comme un des facteurs clefs du pluralisme. Or, malgré la mesure d’égalité fiscale que je viens d’évoquer, elle reste encore la parente pauvre de l’aide publique, qui n’est pas à la hauteur des enjeux. Si on observe, par exemple, le cas des États-Unis, de très nombreux titres sont maintenant exclusivement en ligne, et les aides devront bien prendre en compte cette évolution.
Comme je le soulignais lors de la discussion générale, la presse papier a souffert d’une baisse sensible de sa diffusion au bénéfice, bien sûr, du numérique. Il faut donc trouver un équilibre.
Par ailleurs, comme je l’ai indiqué tout à l’heure – je crois que Mme la ministre a apporté un début de réponse sur le sujet –, il est important que nous menions une réflexion sur le devenir de la presse et sur son modèle économique à moyen et long terme, dans la perspective d’une modification des critères d’attribution des aides.
Les membres de mon groupe ne voteront donc pas cet amendement.
Nous ne voterons évidemment pas cet amendement, dont je doute que les auteurs mesurent les conséquences que son adoption entraînerait : celle-ci signerait tout bonnement l’arrêt de mort de la plupart des journaux de notre pays ! Or nous ne parlons pas seulement d’une marchandise ; nous parlons de la démocratie, du pluralisme, du débat d’opinion. À la vérité, je pense que cet amendement n’est pas très sérieux.
Par ailleurs, je conteste l’idée, assez courante et encore exprimée ce soir, selon laquelle on serait laxiste dès lors que l’on est aidé. Dans les faits, la plupart des rédactions travaillent dans des conditions difficiles pour produire leur journal.
Mme Françoise Laborde acquiesce.
Du reste, certains secteurs de la presse eux-mêmes ont théorisé des modèles économiques prétendument sans aides ; je pense en particulier à la presse gratuite, qui a écrémé le marché publicitaire avant de s’éteindre aujourd’hui. Or je ne suis pas sûr que ces titres aient beaucoup contribué, dans la dernière décennie, au pluralisme et à la qualité de l’information.
Certains arguments avancés à l’appui de cet amendement sont donc très discutables. Il est vrai, toutefois, que la remise à plat des aides reste nécessaire. Un examen s’impose, destiné à garantir que les aides remplissent totalement leurs objectifs.
Ainsi, comme Mme la ministre vient de le signaler, il convient de veiller à ce que les groupes les plus puissants ne captent pas la grande majorité des aides, sinon leur totalité, alors que la qualité de l’information, que ce soutien vise à favoriser, passe par la confrontation d’opinions différentes, donc par le pluralisme de la presse.
J’espère enfin que les auteurs de cet amendement seront aussi attachés à un contrôle vigilant des aides et de leur utilité dans d’autres domaines. En ce moment, de nombreux patrons manifestent pour obtenir des aides. J’espère, madame Goulet, que vous ferez preuve de la même exigence à leur égard quand il s’agira de leur octroyer des crédits d’impôt ou des exonérations de cotisations sociales !
Mme Nathalie Goulet acquiesce.
La présente discussion a ceci d’intéressant qu’elle nous permet de constater les progrès accomplis sur ce poste au cours des deux derniers exercices budgétaires, dont nous avons été privés de la possibilité de débattre, grâce, notamment, à certains collègues de l’actuelle opposition sénatoriale.
J’insiste sur l’utilité d’une remise à plat des aides à la presse, ou au moins d’un débat et, en toute hypothèse, de justifications. Le fait est qu’un certain nombre de titres perçoivent des subventions dont l’utilité est véritablement sujette à caution.
J’approuve le soutien au pluralisme des rédactions. J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi relative à la reconnaissance juridique du conseil de rédaction, qui vise à protéger les rédactions en les dotant d’un statut juridique. Ce n’est donc certes pas moi qui pourfendrai la liberté de la presse ! Reste que je suis très contente d’avoir eu ces explications ce soir.
Quoi qu'il en soit, je retire mon amendement, monsieur le président.
L'amendement n° II-346 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. David Assouline s’exclame.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 64 :
Le Sénat n'a pas adopté.
J’appelle en discussion les articles 56 quinquies et 56 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Médias, livre et industries culturelles
Le III de l’article 27 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 est ainsi rédigé :
« III. – Les 1° et 2° du I entrent en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État. » –
Adopté.
L'article 56 quinquies est adopté.
Le III de l’article 28 de la même loi est ainsi rédigé :
« III. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État. » –
Adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
E n euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de
paiement
Avances à l’audiovisuel public
France Télévisions
ARTE France
Radio France
France Médias Monde
Institut national de l’audiovisuel
TV5 Monde
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 5 décembre 2014, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2014-2015).
Examen des missions :
- Sport, jeunesse et vie associative (+ article 61)
M. Claude Raynal, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome III, annexe 31) ;
MM. Jean-Jacques Lozach et Jacques-Bernard Magner, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 112, tome VI).
- Administration générale et territoriale de l’État (+ articles 45 et 46)
M. Hervé Marseille, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome III, annexe 2) ;
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome I).
- Pouvoirs publics
Mme Michèle André, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome III, annexe 23) ;
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome XIII).
- Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : publications officielles et information administrative
M. Michel Canevet, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome III, annexe 9) ;
MM. Jean-Marie Bockel et Jean-Pierre Masseret, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome IX) ;
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 111, tome II) ;
M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome XI) ;
M. Jean-Yves LECONTE, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome XII).
- Écologie, développement et mobilité durables (+ articles 50 ter à 50 quinquies)
Budget annexe : contrôle et exploitation aériens (+ article 64)
Compte spécial : aides à l’acquisition de véhicules propres
Compte spécial : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
MM. Jean-François Husson, Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteurs spéciaux (rapport n° 108, tome III, annexes 10 a, 10 b et 10 c) ;
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome II) ;
M. Michel Le Scouarnec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome III) ;
M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome I) ;
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome II) ;
M. François Aubey, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome III) ;
M. Louis Nègre, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome IV) ;
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome V) ;
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome VI).
- Économie (+ article 51)
Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
MM. Jacques Chiron et Bernard Lalande, rapporteurs spéciaux (rapport n° 108, tome III, annexe 11) ;
M. Philippe Leroy, Mme Élisabeth Lamure, M. Martial Bourquin, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome IV) ;
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome VI).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 5 décembre 2014, à zéro heure vingt-cinq.