Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015 de France Médias Monde et le plan stratégique 2014-2016 de TV5 Monde ont fixé des ambitions qui sont, hélas, déjà fort limitées pour notre action audiovisuelle extérieure.
Ces ambitions se calibrent sur l’incapacité à apporter les financements publics nécessaires au développement de ces entreprises et, en conséquence, sur leurs seules capacités à engendrer des ressources propres et des économies sur leur fonctionnement.
Ainsi, en 2015, la dotation de France Médias Monde progresse de 0, 9 % et celle de TV5 Monde stagne à son niveau de 2014.
Au fond, il est demandé aux deux entreprises de faire mieux avec des ressources publiques moindres, qui ne couvrent que peu ou pas l’augmentation des dépenses courantes. Principe ô combien vertueux, mais qui trouve vite ses limites.
En effet, la capacité des entreprises à trouver sur le marché publicitaire les ressources nécessaires est faible, en raison de leur diffusion trop limitée sur le marché national et de la concurrence des chaînes locales et des marques leaders à l’étranger.
Le principal gisement de ressources se trouve dans les économies à réaliser. Mais il faut savoir qu’il y a peu à attendre d’une décroissance de la masse salariale. France Médias Monde a connu deux plans sociaux au cours des dernières années et doit procéder en 2015 à une harmonisation des statuts de ses personnels, qui risque d’avoir un impact financier. Chez TV5 Monde, un plan d’intégration de personnels non permanents est en cours, et il est encore difficile d’en mesurer l’impact.
C’est donc avant tout sur le fonctionnement qu’il faut agir. Les résultats obtenus ces dernières années sont encourageants, mais les entreprises risquent d’atteindre vite les limites de l’exercice.
Elles vont, en outre, se trouver confrontées très rapidement à deux difficultés concernant leur diffusion.
La première est immédiate. Il s’agit des conséquences sur les contrats de diffusion par satellite de la dégradation de la parité de l’euro par rapport au dollar.
La seconde est à très court terme. Il s’agit de la demande croissante des opérateurs d’une diffusion des programmes en haute définition. Les deux entreprises ont financé sur leurs ressources la mise à niveau de leurs outils de production, mais la diffusion de la haute définition est plus coûteuse. Faute de moyens, TV5 Monde, pour répondre d’emblée aux demandes, est obligée d’arbitrer, et le contrat d’objectifs de France Médias Monde ne la prévoit pas avant 2016, avec un risque d’éviction de nos médias si cette situation perdure.
L’arbitrage va donc se faire au niveau des programmes, ce qui n’est pas un tabou, mais il pourrait affaiblir leur audience s’il n’est pas réalisé avec discernement. Je pense notamment au décalage de la diffusion de RFI en bambara, ou de la limitation du sous-titrage des programmes de TV5 Monde, moyen essentiel pour étendre leur public aux francophiles. D’autres projets risquent de se trouver menacés : le développement des productions propres, le lancement d’une chaîne « enfant » en Afrique ou encore au projet de chaîne « Art de Vivre », que TV5 Monde s’apprête à lancer en appui à notre diplomatie économique. Sans compter le ralentissement de leurs investissements multimédias, pourtant porteurs d’avenir.
À défaut de ressources publiques supplémentaires, il conviendrait, à tout le moins, de donner à ces entreprises des capacités d’être un peu plus dynamiques sur le marché publicitaire, en levant les contraintes qui sont les leurs par assimilation aux chaînes françaises, dès lors que la diffusion peut être segmentée. Il faudrait aussi être plus attentif au respect des engagements pris lors des sommets de la Francophonie sur la « diffusion obligatoire » de TV5 Monde sur la TNT, dans les bouquets satellitaires et sur les réseaux câblés, un engagement qui aurait gagné à être repris et appuyé dans les conclusions du sommet de Dakar. Enfin, il conviendrait d’étendre la diffusion des programmes de France Médias Monde sur le territoire national.
Je souhaite rappeler ici la demande émise par notre commission de diffuser des programmes en langue arabe porteurs des valeurs républicaines et laïques. Cela est désormais rendu possible par une modification du cahier des charges. Mais il faut aller plus loin. La question de la préemption de fréquences, en cas de disponibilité, ou de l’utilisation de fréquences sous-utilisées par Radio France devrait systématiquement être mise à l’étude.
Vous le voyez, madame la ministre, mes chers collègues, la progression limitée des dotations publiques, qui représentent plus de 92 % de leurs ressources, se traduit par une mise sous tension budgétaire des entreprises, qui les fragilise et les oblige à réduire leurs ambitions face à une concurrence accrue.
Sans une réorientation des trajectoires financières, c’est bien à une redéfinition de leurs missions à laquelle il faudra se résoudre. Ce sera l’enjeu du prochain contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde pour 2016-2018, dont nous demandons qu’il nous soit soumis pour avis, au premier semestre 2015, avant les arbitrages budgétaires pour 2016.
Outre une nécessaire ambition, il faudra, en effet, toute votre implication, madame la ministre, et toute notre vigilance pour sauvegarder ces leviers importants de l’influence et du rayonnement de la France et de la Francophonie.
Vous comprendrez que, dans un tel contexte, je ne puisse suivre la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a donné un avis favorable, pour ce qui concerne les programmes 844 et 847, à l’adoption des crédits du compte d’avances à l’audiovisuel public. Je m’abstiendrai, comme je l’ai fait en commission.