Intervention de Philippe Esnol

Réunion du 4 décembre 2014 à 22h00
Loi de finances pour 2015 — Compte de concours financier : avances à l'audiovisuel public

Photo de Philippe EsnolPhilippe Esnol :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après une indispensable réorganisation, en 2012 et 2013, les deux sociétés en charge de l’action audiovisuelle extérieure de la France, France Médias Monde et TV5 Monde, sont désormais dotées d’un contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015 pour l’une, et d’un plan stratégique 2014-2016 pour l’autre. Elles sont entrées dans une phase de stabilisation et de consolidation qui devrait leur permettre de poursuivre leur développement de manière plus efficace.

Dans la maquette budgétaire pour 2015, la présentation des crédits du budget général alloués aux sociétés de l’audiovisuel public a été simplifiée. L’objectif fixé à l’échéance de 2017 par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques de recourir exclusivement à la contribution à l’audiovisuel public – en d’autres termes, la redevance – pour le financement des entreprises publiques du secteur audiovisuel est atteint dès 2015 pour France Médias Monde – FMM – et TV5 Monde.

Leurs dotations publiques sont désormais inscrites respectivement aux programmes 844 et 847 du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Ensemble, ces dotations représentent 8, 6 % des 3, 752 milliards d’euros destinés au secteur de l’audiovisuel public.

Leurs montants respectifs sont en phase avec les plans d’affaire adossés aux documents stratégiques, qui prévoient une progression des ressources publiques de 0, 9 % pour FMM et un maintien des crédits pour TV5 Monde. Dans une période de contraintes budgétaires où chacun est appelé à faire des efforts, cela mérite d’être souligné.

L’audiovisuel extérieur, principalement financé par le budget de l’État jusqu’en 2012, est donc désormais exclusivement financé par la contribution à l’audiovisuel public. Cette situation pourrait paraître quelque peu paradoxale puisque, à l’inverse des autres chaînes de radio ou de télévision du service public, les programmes de l’audiovisuel extérieur n’étaient pas complètement accessibles aux personnes résidant sur le territoire national et qu’ils ne sont pas, a priori, conçus pour ce public.

Toutefois, l’arrivée du numérique, la diffusion de France 24 en français en Île-de-France sur la TNT, mais aussi sur l’internet et les réseaux sociaux grâce à l’ADSL, élargit aujourd’hui très sensiblement leur audience. Je note d’ailleurs que la modification du cahier des charges de France Médias Monde rend cette diffusion possible.

Il nous paraît d’ailleurs important que cela se traduise concrètement dans les faits, pour assurer une diversité des programmes proposés en langue arabe, alors que ceux proposés aux auditeurs par le secteur privé ou les chaînes étrangères sont assez largement de nature confessionnelle, mais aussi pour offrir à nos compatriotes binationaux une ouverture sur l’Afrique à travers RFI, qui n’est reçue qu’en Île-de-France.

Cette évolution du mode de financement nous amène à formuler trois observations.

Premièrement, il faudra veiller à ce que le nouveau mode de financement n’altère pas la politique des programmes des médias concernés. Même si nous considérons que leur diffusion sur le territoire national enrichit l’offre, peut répondre à des besoins spécifiques aujourd’hui insatisfaits et confortera leurs capacités à trouver des ressources publicitaires, ils restent d’abord des leviers de l’influence française à l’étranger.

Deuxièmement, cette situation aura un avantage si elle permet aux sociétés d’échapper aux régulations budgétaires et si ces dernières sont assurées d’une meilleure prévisibilité de leurs ressources. Néanmoins, encore faut-il que n’intervienne pas, dans le cadre d’une loi de finances rectificative, un réajustement de la répartition des dotations, comme ce fut le cas en 2014 pour France Médias Monde : le groupe perdit ainsi 600 000 euros, soit plus du tiers des ressources publiques nouvelles qui lui avaient été affectées par la loi de finances initiale.

Quand on sait que ces entreprises ont des difficultés à collecter des ressources propres et que leurs marges de manœuvre reposent sur un redéploiement toujours difficile de leurs dépenses, ce procédé n’est pas admissible. Il conduit au final à décaler des projets qui constituent des engagements pour les dirigeants aux termes du contrat d’objectifs. C’est ainsi que la diffusion de RFI en bambara a été reportée d’une année, alors que la France est engagée au Mali et dans le Sahel. L’État doit respecter ses engagements !

Troisièmement, et enfin, la redéfinition d’une trajectoire financière ne sera pas simple à obtenir dans le cadre de la répartition du produit de la contribution à l’audiovisuel public, car les deux entreprises sont lilliputiennes par rapport aux autres sociétés de programmes : leur poids en termes d’audience nationale et de budget de production ne leur donne que de faibles leviers d’influence.

Il faudra donc, madame la ministre, ne pas céder aux pressions de toutes parts visant à protéger les grands médias et leurs capacités d’investissement dans la production d’œuvres audiovisuelles, car cela conduirait à marginaliser ces petites entreprises, qui sont pourtant si importantes pour la politique d’influence de la France et qui soutiennent sa diplomatie économique. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées y veillera tout particulièrement.

Forte de ce constat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis, pour ce qui concerne les programmes 844 et 847, un avis favorable à l’adoption des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ». §

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