Intervention de Pierre Laurent

Réunion du 4 décembre 2014 à 22h00
Loi de finances pour 2015 — Compte de concours financier : avances à l'audiovisuel public

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation de la presse continue de se dégrader gravement. Plus que jamais, la presse, enjeu démocratique central, a donc besoin d’aides publiques pour poursuivre sa transformation et trouver un nouveau modèle économique stable, sachant que le numérique ne produit pas encore son équilibre et que le papier n’en a plus.

Or le constat que je dresse encore cette année, pour le déplorer, est celui d’une absence de réflexion stratégique à moyen et long termes sur cette mutation.

Les mesures proposées dans ce budget ne permettent pas de préparer l’avenir de la presse et ne sont pas à la hauteur des défis en cours, même si les crédits sont globalement maintenus et que des ajustements bienvenus sont opérés à la marge.

Je commencerai par évoquer la question du taux « super-réduit » de TVA, qui autorise une certaine neutralité technologique et favorise la transition numérique. Les représentants de la direction générale des médias et des industries culturelles que j’ai auditionnés n’ont pas caché leur préoccupation à ce sujet, compte tenu de l’évolution du contentieux engagé devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant le livre numérique. Chacun d’entre nous a bien conscience qu’une remise en cause de ce taux de TVA serait très préjudiciable à la presse dans son ensemble.

Les aides directes à la presse, quant à elles, subissent une baisse de 3 %. Je trouve d’autant plus dommageable cette réduction des moyens, au moment où la presse en a tant besoin, qu’elle est justifiée par un transfert de crédits au bénéfice de l’AFP. En somme, madame la ministre, vous faites comme si la presse était mise à contribution pour soutenir l’AFP, alors même que la presse a besoin d’aide et que le soutien à l’AFP relève, au premier chef, de l’État.

L’appui à la diffusion par les aides au portage, comme l’aide à la modernisation de la presse et les aides au pluralisme, sont maintenus, les baisses concernant surtout le soutien à la modernisation sociale de la presse d’information politique et générale.

Les crédits consacrés au Fonds stratégique pour le développement de la presse connaissent, eux, une baisse de 500 000 euros, à 30, 45 millions d’euros.

J’en viens maintenant à Presstalis, dont la situation reste, il ne faut pas le nier, difficile. À court terme, l’équilibre d’exploitation a été atteint à la fin de 2013 et une amélioration devrait être constatée à la fin de 2014, mais, à plus long terme, la question de l’avenir des messageries de presse est en jeu. Je m’étonne que l’on continue à maintenir deux opérateurs sur un marché en régression brutale, alors que la concurrence s’est déplacée vers le numérique.

Au lieu de réfléchir à une rationalisation du secteur au moyen, par exemple, de la création d’un monopole régulé, qui permettrait de maximaliser les mutualisations, on continue d’affaiblir les deux opérateurs en privilégiant des coopérations qui sont longues à négocier et encore plus difficiles à mettre en œuvre, comme le projet de mise en commun des moyens de transport des deux messageries.

Concernant l’aide au transport postal, vitale pour beaucoup de titres de presse, les accords Schwartz avaient prévu un montant d’aide de l’État de 180 millions d’euros la dernière année, après plusieurs années de décroissance. Ce montant sera, en fait, inférieur de 50 millions d’euros, à 130 millions d’euros, l’État excipant de ce que le bénéfice du CICE permettra à La Poste de compenser la baisse de cette dotation. D’une certaine manière, l’État reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre, mais, en l’occurrence, c’est au détriment d’une aide à la presse qui est absolument nécessaire.

À cet égard, je ne vous cacherai pas mon inquiétude concernant le devenir du contrat tripartite État-presse-La Poste, qui arrive à échéance à la fin de 2015, sans que l’on sache quel dispositif prendra sa suite.

J’en viens enfin à l’AFP. Évidemment, je suis préoccupé, car nous devons nous prononcer sur le budget de l’Agence sans connaître le contenu exact du prochain contrat d’objectifs et de moyens, et alors même que l’Assemblée nationale devra discuter, le 17 décembre prochain, la proposition de loi déposée par le député Michel Françaix, qui tend à prévoir, en particulier, une réforme de l’Agence. Le COM étant en voie de finalisation, il serait souhaitable, à mes yeux, qu’il prévoie au minimum un rythme de revalorisation de la subvention de l’AFP régulier, du même ordre que les deux millions d’euros de cette année.

Si l’on peut se féliciter que l’accord trouvé avec la Commission européenne pérennise pour l’instant la subvention de l’État pour les missions d’intérêt général, il reste du chemin pour porter à 100 % la compensation de ces missions, que j’appelle de mes vœux, d’autant que la négociation du COM semble programmer l’érosion progressive de la revalorisation de cette subvention.

Or l’AFP ne pourra survivre sans le maintien d’aides publiques. Je rappelle, à cet égard que, contrairement à ce qui est souvent dit, aucune des grandes agences mondiales ne vit uniquement de ses seules ressources propres.

En conclusion, mes chers collègues, je vous rappellerai que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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