Intervention de Michel Savin

Réunion du 4 décembre 2014 à 22h00
Loi de finances pour 2015 — Compte de concours financier : avances à l'audiovisuel public

Photo de Michel SavinMichel Savin :

Comme vous l’aviez annoncé lors de votre prise de fonction, madame la ministre, le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est sanctuarisé pour les trois années à venir. Présentant une légère hausse des crédits de 0, 43 % pour 2015, il pourrait recevoir nos suffrages, car nous pensons que le secteur de la culture doit être préservé de la rigueur budgétaire en raison de son poids économique – un peu plus de 3, 2 % du PIB.

Ce projet budget présente cependant plusieurs défauts majeurs : il masque des situations contrastées, manque d’ambition et laisse en suspens des interrogations qu’il faudrait traiter.

Tout d’abord, je le répète, il masque des situations contrastées. Notre rapporteur pour avis, Mme Mélot, a notamment pointé la réduction de 14 % des autorisations d’engagement sur le programme « Livre et industries culturelles ». Ce sont les dépenses d’investissement qui sont réduites, alors que le développement du numérique oblige les différents secteurs à s’adapter pour effectuer leur mutation dans un contexte de compétition internationale, ce qui nécessite des moyens importants.

Sur le plan budgétaire, l’écart se creuse entre autorisations d’engagement, qui diminuent, et crédits de paiement, qui augmentent. Cet effet de ciseau entraîne cette année un reliquat évalué à près de 64 millions d’euros, qui pèseront sur les années à venir et risquent de pénaliser d’autres postes.

On peut parler d’un véritable désengagement de l’État, qui, pour régler ses dépenses, puise dans les fonds de roulement de ses opérateurs, tels la Bibliothèque nationale de France ou la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI. On voit sur le terrain les effets de cette sous-budgétisation, alors qu’il est impératif de ne pas prendre de retard dans l’adaptation de notre droit et de notre économie aux défis du numérique. Le projet de loi sur la création, évoqué pour l’année 2014, a d’ailleurs été maintes fois repoussé.

Ce projet de budget reporte, par ailleurs, la résolution de problèmes de plus en plus prégnants. Ainsi, bien que le Gouvernement ait annoncé la suppression totale des dotations budgétaires aux entreprises de l’audiovisuel public d’ici à 2017, il ne résout pas les difficultés que va poser leur financement.

Certes, la baisse progressive des crédits budgétaires est justifiée, car elle vise à assurer l’indépendance de ces sociétés et à empêcher l’incertitude des fluctuations budgétaires. Ce souci est légitime, mais encore faut-il s’assurer de la fiabilité et de la pérennité des ressources de substitution. Or quelle est la réflexion menée ?

L’avenir du financement de l’audiovisuel public repose, cela a été dit, sur une augmentation constante de la contribution à l’audiovisuel public, précédemment appelée « redevance », telle qu’elle a été créée aux débuts de la télévision. Cette taxation reste-t-elle légitime lorsque les supports de consultation se diversifient jusqu’à rendre l’écran de télévision obsolète ?

Comme l’a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances, François Baroin, revoir l’assiette de la contribution deviendra incontournable, non seulement pour qu’elle soit plus juste, mais également pour assurer la stabilité de son rendement.

À l’image de nos rapporteurs, je m’interroge donc sur la démarche du Gouvernement, qui consiste à remettre la question à plus tard, en augmentant de deux euros la redevance pour 2015.

J’ajouterai que, l’année dernière, lors de l’examen du précédent budget, notre collègue David Assouline appelait à « réfléchir sérieusement au risque d’évasion que représente le visionnage de programmes sur ordinateurs et tablettes, et donc à la modification de l’assiette de la redevance ». Il semble qu’il n’ait pas été entendu.

Je souhaite également évoquer le sujet de la protection des droits d’auteur dans notre pays, depuis que le numérique a transformé les usages.

Le budget de la HADOPI n’a cessé de diminuer : 11 millions d’euros en 2012, quelque 8 millions d’euros en 2013, quelque 6 millions d’euros en 2014 et pour 2015. L’année 2015 est un tournant, car la faiblesse du fonds de roulement est désormais insuffisante pour permettre à la HADOPI d’assurer l’ensemble des missions que le législateur lui a confiées. Une diminution de ses effectifs de 20 % est prévue, ainsi qu’une baisse de 50 % des crédits destinés à la mission d’encouragement au développement de l’offre légale, et de 25 % de ceux qui sont destinés à la réponse graduée.

Selon la direction de la HADOPI, pour maintenir la conduite de ses missions, la dotation devrait être augmentée de 1, 5 million d’euros. Les députés avaient déposé un amendement d’appel en ce sens, mais le budget est si contraint qu’il est difficile d’envisager un prélèvement sur d’autres actions de la mission.

C’est à l’État de prendre ses responsabilités : soit il supprime l’institution ou transfère ses compétences, soit il reconnaît son efficacité et lui donne les moyens de poursuivre sa mission. Il est regrettable que, en choisissant de baisser les moyens de cet organisme, le Gouvernement ne prenne pas de position claire pour l’avenir.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous sommes convaincus de la nécessité d’aller plus loin et plus vite dans l’adaptation de nos entreprises aux réalités du numérique, le groupe UMP rejettera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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