Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont en très légère hausse, de l’ordre de 0, 43 %. Cette faible augmentation ne doit cependant pas nous tromper : elle équivaut dans les faits à une baisse en euros constants, puisqu’elle ne compense même pas l’inflation. Bien pis, les objectifs budgétaires prévus pour les prochaines années sont, à nos yeux, extrêmement inquiétants et soulèvent de nombreuses questions.
D’ici à 2017, le Gouvernement entend réduire de 32 % les crédits budgétaires de cette mission. L’essentiel de cette diminution reposera sur l’audiovisuel public et, en son sein, sur France Télévisions. C’est donc l’avenir de cette entreprise publique qui est au cœur de nos préoccupations.
Cela a été souligné par tous : l’objectif assumé par le Gouvernement est celui d’un financement des grandes institutions audiovisuelles totalement indépendant du budget de l’État, qui reposerait, hors ressources propres, sur la seule contribution à l’audiovisuel public. Par conséquent, celle-ci devra être fortement revalorisée.
Le Gouvernement entend ainsi diminuer la dotation de l’État à l’audiovisuel public de 263 millions d’euros sur trois ans. Cette enveloppe passera de 292 millions d’euros en 2014 à 29 millions d’euros seulement. Son extinction est programmée. Le budget pour 2015 est donc le premier volet de ce plan pluriannuel.
La part de financement par subvention budgétaire des sociétés de l’audiovisuel est déjà réduite à 160 millions d’euros. Pour compenser ce désengagement, une augmentation de la redevance de trois euros en métropole et d’un euro outre-mer est prévue. Elle fait suite à une revalorisation de six euros en 2013 et de quatre euros en 2014. C’est par cette seule augmentation que l’on peut parler d’un maintien des crédits consacrés aux médias. Toutefois, peut-on véritablement parler de maintien pour décrire le désengagement de l’État et le transfert de cette responsabilité publique sur le budget des ménages ?
Malgré cela, il faut le souligner, le compte n’y est pas. Les crédits de l’audiovisuel public s’élèvent au total à 3, 856 millions d’euros, soit une hausse de 0, 3 % qui ne compense toujours pas l’inflation, malgré une situation financière très problématique. La fragilité de France Télévisions est telle qu’une révision du contrat d’objectifs et de moyens s’est imposée l’an dernier.
Ainsi, le contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 prévoit une inflexion des effectifs légèrement plus forte que prévu. En vérité, aux 340 équivalents temps plein travaillé non remplacés en 2014-2015 s’ajoute une nouvelle réduction de 650 emplois, qui risque d’affecter la capacité de l’entreprise à remplir ses missions de service public.
Ces difficultés financières mériteraient donc, à l’inverse du désengagement programmé, une réflexion forte de l’État sur le développement de l’audiovisuel public et pas seulement sur son maintien. En effet, David Assouline vient de le souligner, ce secteur souffre d’une grande déstabilisation depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2009 qui supprime la publicité après vingt heures sur France Télévisions sans qu’aient été prévus les moyens du financement de l’audiovisuel public. Il faudrait une action forte, avec une nouvelle vision du service public. Or rien de cela n’est au programme.
Si la question de la présence d’écrans publicitaires sur un service public de télévision est légitime, cette suppression n’a fait qu’amputer les capacités de financement de France Télévisions, sans pour autant changer la politique de la demande au bénéfice d’une plus grande qualité du service public.
Telle est notre préoccupation. Hors du transfert sur la redevance, aucune réflexion stratégique d’ensemble ne semble engagée pour penser un nouveau projet culturel et industriel de France Télévisions et pour penser la pérennisation du financement du service public et la diversification de ses ressources.
Par ailleurs, tout se passe comme si la domination du privé dans le paysage audiovisuel français était un tabou auquel on ne devait pas réfléchir, sauf évidemment à vouloir encore la renforcer. Certains commencent d’ailleurs ici à parler de la nécessité de revoir le périmètre de la télévision publique... Tout cela manque donc singulièrement d’ambition.
À nos yeux, il en est de même concernant les livres. Là aussi, nous sommes loin du compte, alors qu’auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, c'est-à-dire l’ensemble de la chaîne du livre, souffrent sans avoir le sentiment d’être soutenus par une politique publique de promotion de la lecture. J’ai encore pu le constater voilà quelques jours, lors des rencontres avec les professionnels au Salon du livre de la jeunesse, à Montreuil.
Dans ce domaine, comme dans les autres, l’action publique semble se contenter d’un maintien des crédits après deux années de baisse, comme si c’était là un sujet de satisfaction. En vérité, avec de tels budgets, nous avons le sentiment que l’absence d’ambition est présentée comme un horizon indépassable. Or, pour la gauche, ce renoncement, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ne peut convenir.
Nous pouvons dresser le même constat pour les crédits consacrés à la presse. J’ai déjà fait part de mon analyse en tant que rapporteur pour avis de la commission de la culture ; je n’y reviendrai donc pas.
Vous comprendrez donc que, dans ces conditions, nous ne votions pas les crédits de cette mission. En l’état, ils ne sont pas en mesure de garantir l’ambition nécessaire, l’existence de médias pluralistes et indépendants, le projet d’un audiovisuel public de qualité passant par la garantie d’un financement pérenne.