Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 6 décembre 2014 à 21h30
Loi de finances pour 2015 — Article 43, amendement 406

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

L’article 43 du projet de loi de finances vise à étendre aux départements d’outre-mer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en relevant le taux appliqué à la quotité des rémunérations censées définir le crédit d’impôt. Il s’agit là, selon nous, d’un choix plus que discutable.

Vous connaissez notre position sur la question du CICE, mes chers collègues, dont nous avons déjà largement débattu. Mais, là, la problématique s’inscrit dans un environnement ultramarin déjà largement marqué par de profondes inégalités en matière d’avantages fiscaux.

Dans le cas précis, nous sommes en présence d’un bonus fiscal estimé à environ 110 millions d’euros, la première année, et 230 millions d’euros, la seconde. Pour mémoire, en 2010 - dernier exercice dont nous avons connaissance -, le fisc a collecté 320 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés, alors que la somme atteignait 483 millions d’euros en 2008.

Autant dire que, dans le contexte domien, nous risquons d’aboutir, avec la mesure envisagée, à une situation d’exemption fiscale pratiquement totale des entreprises ! Pour autant, cette situation ne dispensera aucunement les familles résidentes du paiement de la TVA, de la majoration des prix, liée notamment à l’octroi de mer, de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, des impositions locales ou de l’impôt sur le revenu.

Cette situation ne doit donc pas être encouragée. Nous pensons que l’argent public devrait être mieux utilisé que par le biais de ce crédit d’impôt. Que l’on songe tout simplement à ce fait : le budget de 230 millions d’euros consacré au CICE est supérieur au coût de l’exonération des intérêts des livrets de développement durable, dont l’effet levier semble autrement plus important que celui du dispositif de crédit d’impôt, deux ans après sa création.

En vérité, nous pourrions envisager, en lieu et place de cette majoration du CICE, une affectation prioritaire de l’épargne centralisée en direction de l’outre-mer. Cela serait sans doute plus pertinent.

L’amendement n° II-406 est donc un amendement de suppression de l’article, cohérent avec notre position de fond sur le CICE. Comme nous l’avons déjà longuement expliqué, ce dispositif nous apparaît, depuis le début, constituer une source inutile de gaspillage d’argent public.

Les deux amendements suivants procèdent de la même logique.

L’amendement n° II-404 rectifié tend à réécrire l’article 43 du projet de loi de finances dans le sens d’une abrogation complète du mécanisme de crédit d’impôt, dont le coût, en apparence grandissant, semble suivre fidèlement la courbe dynamique du nombre des privés d’emploi.

L’amendement n° II-405 rectifié concerne plus particulièrement l’une des faiblesses originelles du crédit d’impôt. Il s’agit d’un amendement de repli au regard de la suppression souhaitable du dispositif, tendant à réduire le taux du CICE à 4 % pour les entreprises exposées à la concurrence étrangère et à la compétition internationale et à seulement 2 % pour les autres.

Je ne vois vraiment pas ce qui justifie que nous subventionnions de manière importante de grandes entreprises, comme l’économie générale du dispositif du CICE le permet aujourd'hui. L’exemple de structures de grande distribution, qui constituent en bien des domaines des points de diffusion de produits importés, concurrençant directement les productions françaises, a déjà été donné. Quand des groupes comme Auchan ou Carrefour, par exemple, cassent les prix dans le secteur des fruits et légumes en important d’Espagne ou du Maroc des marchandises qu’ils pourraient acheter aux producteurs français, on est en droit de se demander pourquoi il faudrait leur accorder – à l’aveuglette, dirai-je - la même aide que celle qui est octroyée à une entreprise de mécanique de précision écoulant la majorité de sa production à l’export.

Nul doute que des progrès restent à accomplir en matière d’allocation de l’argent public en direction des entreprises !

Nous ne sommes absolument pas favorables à l’érection par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 d’un véritable sanctuaire autour du CICE. Ainsi, il serait inenvisageable de remettre en question ce qui constitue, précisément, la dépense fiscale la plus importante du budget de l’État, avec des conséquences hautement douloureuses : 10 milliards d’euros de CICE octroyés aux entreprises, ce sont 11 milliards d’euros de dotation globale de fonctionnement en moins pour les collectivités !

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