Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme 232 de cette mission s’intéresse, notamment, au financement de la vie politique, et c’est précisément sur ce point que je focaliserai mon intervention.
Le financement public de la vie politique recouvre deux dimensions distinctes : d’une part, le financement partiel des partis politiques eux-mêmes ; d’autre part, le financement par l’État de l’organisation concrète des élections.
Comme beaucoup d’autres, ce programme est depuis plusieurs années sous pression, afin d’y trouver matière à faire des économies. Et ces dernières ont été plus que singulières depuis 2011, notamment en ce qui concerne le financement des partis politiques.
Pourtant, la démocratie a besoin de moyens pour vivre et se déployer, pour que nos concitoyens puissent être informés, s’engager puis voter dans des conditions de réelle équité démocratique.
C’est pourquoi nous nous réjouissons des amendements qui ont été adoptés à l’Assemblée nationale, puis lors de l’examen du texte en commission au Sénat, et qui ont permis, d’une part, de revenir sur une nouvelle baisse de 15 % du financement des partis politiques, initialement programmée, et, d’autre part, de revenir sur la proposition du Gouvernement de dématérialiser le matériel électoral en vue des élections cantonales et régionales de l’année prochaine.
Les arguments avancés pour justifier la dématérialisation du matériel électoral portent évidemment sur l’aspect financier, mais aussi sur le caractère écologique de la mesure, en partant du fait qu’une très large proportion de nos concitoyens disposerait d’une connexion personnelle à internet…Une large proportion, oui, mais la totalité des Français, non !
Et cette nuance de taille met à mal le principe d’universalité et d’égalité qui doit, a minima, régir l’organisation de moments aussi fondamentaux dans notre démocratie que sont les élections !
De plus, ce qui nous a été proposé en matière de dématérialisation du matériel officiel de propagande électorale n’était pas de remplacer l’envoi de ce matériel électoral papier, physique, par son envoi sous forme électronique – ce qui, au passage, supposerait la constitution, par le ministère de l’intérieur, d’une liste exhaustive et régulièrement actualisée des courriels individuels de tous les inscrits sur les listes électorales.
Non, ce qui a été proposé par le Gouvernement, c’est la seule et simple mise à disposition du public de ce matériel sur des sites sélectionnés et, accessoirement, sous forme physique dans les mairies et les préfectures.
Cela revient, en gros, à dire à chaque électeur : « À toi citoyen d’aller t’informer en allant naviguer à vue dans la jungle d’internet ! Tu ne reçois pas les données ; va les chercher ! »
Sous couvert d’économies et de modernisation des moyens de l’État, c’est à un accès inéquitable à la vie politique qu’on tente ainsi de nous préparer. Et cela, nous ne pouvons l’accepter !
Passons à présent à l’épineuse question du financement public des partis politiques. On peut évidemment discuter de son niveau, mais, au-delà de la discussion sur son niveau global et du nécessaire contrôle rigoureux qui doit en être fait, c’est une nouvelle fois la question de l’équité démocratique qui doit nous guider.
Aujourd’hui, la subvention accordée à chaque parti dépend du résultat qu’il a obtenu lors du premier tour des élections législatives et du nombre de parlementaires se réclamant de lui.
Bref, le résultat des seules législatives est ainsi déterminant pour la définition de plus des trois quarts des sommes allouées aux formations politiques durant cinq ans.
Or, que constate-t-on avec l’adoption du quinquennat et du calendrier électoral, qui situe la tenue des législatives dans la foulée immédiate de la présidentielle ?
Premièrement, que les élections législatives ont été profondément dévaluées dans la hiérarchie des scrutins nationaux, avec une augmentation d’au moins dix points du taux d’abstention à ces élections au cours des dernières années !
Deuxièmement, que la représentation du poids réel de chacune de nos familles politiques est non seulement distordue par le mode de scrutin majoritaire qui est le nôtre, mais que cette distorsion est encore accrue par le phénomène d’abstention différentielle engendrée par l’ordonnancement actuel du calendrier électoral. Cette situation rend la représentation des familles politiques à travers le premier tour des législatives très discutable.
Monsieur le secrétaire d’État, il existe heureusement de nombreuses solutions pour rétablir un semblant d’équité dans le financement public des partis et mieux tenir compte de leur poids réel dans la société !
L’adoption de la proportionnelle pour les élections législatives résoudrait une bonne partie du problème…
L’autre possibilité, qui n’est d’ailleurs pas exclusive de la première, consisterait à intégrer au sein de la fraction du financement des partis qui repose aujourd’hui sur le nombre de voix obtenues lors du premier tour des législatives les résultats obtenus par les formations politiques lors des élections départementales, régionales et européennes.
Et puisqu’il est toujours de bon ton, par les temps qui courent, de nous comparer avec l’Allemagne, je signale que c’est un système de ce type qui est en place outre-Rhin pour déterminer le financement de chacun des partis politiques !
L’un des grands avantages de ce système est d’être dynamique, en cherchant à tenir compte du poids respectif des familles politiques dans la société, mais aussi de son évolution tout au long du quinquennat.
Alors évidemment, ces questions sont complexes et ne peuvent pas être réglées dans le cadre du seul projet de loi de finances, mais nous devons nous en préoccuper de manière urgente si nous voulons mieux faire vivre la diversité et la vivacité de notre débat public.