Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 5 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Budget annexe : publications officielles et information administrative

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », la commission des affaires sociales s’intéresse pour la septième année consécutive au budget de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA.

En 2014, la MILDT, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, est devenue la MILDECA. On le voit avec ce nouvel acronyme, l’accent est mis sur les conduites addictives et rappelle que les addictions ne sont pas forcément causées par un produit. Au contraire, les addictions comportementales comme le jeu pathologique connaissent un fort développement et prennent des formes nouvelles.

La clarification des responsabilités de la MILDECA était plus que jamais nécessaire, car la situation française en matière d’addictions est préoccupante. Les comportements à risques se développent, certaines drogues se démocratisent et d’autres évoluent.

Il y va ainsi du cannabis, dont il me semble nécessaire de rappeler la dangerosité. Le produit lui-même est en pleine mutation et voit sa concentration en THC augmenter. Avec plus de 500 000 usagers quotidiens, la solution passe à mes yeux par la contraventionnalisation de son premier usage. Le Sénat a adopté en 2011 une proposition de loi sur le sujet dont j’étais l’auteur et qui, je le regrette, n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

La cocaïne est désormais plus accessible et elle a vu son usage au cours d’une année tripler depuis dix ans.

Quant à l’héroïne, elle reste toujours un problème de santé publique majeur en raison des risques de contamination aux hépatites B et C et au VIH. Ainsi, 60 % des injecteurs seraient porteurs du VHC. Les traitements de substitution, méthadone et Subutex, ont constitué une grande avancée en matière de réduction des risques. Toutefois, leur mésusage est courant : 20 % des personnes sous Subutex le consommeraient par voie intraveineuse. Il faut instituer des contrôles plus stricts sur leur prescription, en classant le Subutex comme stupéfiant ou en le remplaçant par le Suboxone.

Ces drogues illégales ne doivent toutefois pas masquer le fait que ce sont des produits licites qui sont la principale source des addictions et leurs conséquences sanitaires.

Pour l’alcool, auquel 50 000 décès par an peuvent être imputés, le binge drinking concerne maintenant chaque mois près d’un jeune de dix-sept ans sur deux. Quant au tabac, près de 13 millions de Français en consomment encore quotidiennement. La lutte contre le tabagisme doit être une priorité : il cause encore 73 000 décès chaque année.

La MILDECA est-elle en mesure de répondre à ces défis ? On peut en douter : en 2015, son budget diminuera de 5 % par rapport à 2014, à 19, 6 millions d’euros. Toutefois, ces économies devraient porter sur les dépenses de fonctionnement et non d’intervention. Elle dispose également des ressources du fonds de concours, dont il faut noter la baisse ces dernières années.

La mise en œuvre du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017 constitue son principal chantier pour les années à venir. Les acteurs du champ des addictions le jugent équilibré. Je ne partage certes pas tous les choix de ce plan, mais ses grandes lignes font consensus. Il faut néanmoins veiller à éviter un saupoudrage inefficace de ressources financières limitées.

L’année prochaine sera marquée par un grand rendez-vous législatif – on peut toutefois le penser – : le projet de loi relatif à la santé. Son article 9 autorise l’expérimentation pour une durée de six ans de salles de consommation à moindre risque.

J’y suis fondamentalement opposé. Pour avoir visité un centre de ce type à Genève, je ne pense pas que cet outil soit adapté à la situation française, à ses traditions comme à sa législation. Cette légalisation de facto de l’usage de drogues brouillerait et rendrait inaudible le message qui doit être celui de l’État, celui de la prohibition. Je crains, et je suis loin d’être le seul dans ce cas, que cela n’aboutisse à créer une zone de non-droit, le rassemblement d’un grand nombre de consommateurs en un même lieu attirant mécaniquement leurs fournisseurs. Quel devra être le comportement de la police ? Ne pourra-t-elle plus contrôler les passants dans ce secteur ? Et que penser de la responsabilité des personnels des structures en cas d’overdose ?

Sous la direction de sa présidente, la MILDECA a su engager l’évolution de la politique française de lutte contre les addictions, qui a pour spécificité de former un continuum qui va de la prévention à la répression sans négliger le soin et la réduction des risques. Une nouvelle impulsion a été donnée et une feuille de route a été établie.

La commission des affaires sociales a estimé qu’il ne fallait pas, à ce stade, marquer de défiance vis-à-vis de ces orientations. Elle a reconnu la nécessité de faire participer la MILDECA à l’effort général d’économies que doit faire l’État. Elle a donc donné un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

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