Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre débat de cet après-midi est aussi l’occasion de nous arrêter sur les crédits consacrés au transport aérien et, plus spécifiquement, au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », dont je suis le rapporteur spécial.
Ce budget annexe est, vous le savez, très sensible à la conjoncture. La crise n’a pas épargné le secteur du transport aérien, qui est, de plus, soumis à une rude concurrence de la part des compagnies du Golfe ou du sud-est asiatique.
Dans ce contexte, le député Bruno Le Roux a remis au Premier ministre, le 3 novembre dernier, un rapport sur la compétitivité du transport aérien français, un sujet majeur. Nous avons bien évidemment lu ce document avec attention, d’autant qu’il trouve une première traduction législative aux articles 50 ter et 50 quater du projet de loi de finances, adoptés par l’Assemblée nationale sur l’initiative de Bruno Le Roux.
Le rapport fait le constat d’une compétitivité dégradée, notamment du fait d’une série de prélèvements spécifiques à la France, qu’il s’agisse de taxes ou de redevances. Il y aura donc lieu, dans un avenir proche, de faire évoluer sensiblement le budget annexe. Cependant, nous connaissons tous les contraintes budgétaires actuelles, et il ne serait ni raisonnable ni possible de réduire brutalement ces prélèvements de manière substantielle.
Un premier pas – positif – est néanmoins effectué grâce aux articles 50 ter et 50 quater, que j’évoquais à l’instant et qui visent à exonérer à l’horizon de 2016 les passagers en correspondance de taxe de l’aviation civile, tout en préservant les ressources du budget annexe. Il importe que les compagnies bénéficient d’une incitation pour atterrir en France. Je soutiens ces propositions, car j’estime qu’elles sont très favorables à l’attractivité du hub de Paris.
Nous y reviendrons lors de l’examen des articles, mais je comprends que le Gouvernement, en concertation avec Bruno Le Roux, propose une solution alternative, discutée en ce moment même à l’Assemblée nationale, qui examine le collectif budgétaire. L’exonération des passagers en correspondance serait ainsi de 50 % au 1er avril 2015 et de 100 % au 1er janvier 2016, pour un coût total, compensé par le budget général, d’environ 60 millions d’euros. Il existe donc une légère divergence de forme entre le projet de budget que nous examinons cet après-midi et le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, qui est plus favorable.
Pour ma part, je souhaite que le Sénat adopte les articles 50 ter et 50 quater, tels que modifiés par les amendements proposés, pour montrer notre soutien à la mesure de compétitivité qui nous est proposée. La suite de la navette parlementaire permettra de mettre en cohérence les deux textes.
S’agissant toujours de la conjoncture du secteur, et donc des recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », le rapport de Bruno Le Roux contient plusieurs autres préconisations. Je serais heureux, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, si vous pouviez nous présenter les suites que vous comptez donner à ce rapport, notamment les mesures qui pourraient être retenues et celles pour lesquelles vous avez demandé un travail d’expertise complémentaire. Je pense en particulier aux préconisations relatives à la taxe d’aéroport et à la taxe sur les nuisances sonores aériennes, pour lesquelles les recettes restent bien inférieures aux besoins de financement.
Si j’ai débuté mon propos par cette question de la compétitivité, c’est parce que les recettes du budget annexe dépendent exclusivement de la bonne santé du transport aérien.
La DGAC, la Direction générale de l’aviation civile, offre en effet des prestations de services aux acteurs du transport aérien, en contrepartie du paiement de redevances. Il s’agit, à titre principal, du contrôle aérien, essentiel à la sécurité du trafic. En conséquence, et nous l’avons constaté depuis 2008, lorsque la conjoncture est mauvaise et que la croissance s’effondre, le trafic aérien diminue et les comptes du budget annexe s’en ressentent. Les prévisions pour les prochaines années sont, fort heureusement, plus optimistes, puisque, malgré une croissance mondiale encore faible, les différentes évaluations du trafic aérien sont positives, en particulier s’agissant de la France. Les recettes du budget annexe devraient donc augmenter, et ce dès 2015. Au total, en 2015, les crédits du budget annexe devraient donc s’élever à 2, 3 milliards d’euros.
La DGAC a mené une politique de maîtrise de ses dépenses. Sa masse salariale se stabilise grâce à la réduction des effectifs engagée depuis 2007 et ses crédits de fonctionnement courant ont également fait l’objet de coupes drastiques, puisqu’ils ont diminué de près d’un quart en quatre ans.
Dès lors, la hausse des recettes couplée à la maîtrise des dépenses permettra à la section d’exploitation du budget annexe de dégager un excédent inédit de 150 millions d’euros en 2015. Cet excédent correspond à une capacité d’autofinancement qui permet au budget annexe de diminuer son recours à l’emprunt et, partant, de réduire son endettement. En effet, les budgets annexes présentent la particularité de permettre un recours à l’emprunt et à l’endettement. Ainsi, la dette du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » diminuerait de 57 millions d’euros en 2015, ce qui n’était pas arrivé depuis 2007, pour s’établir tout de même à 1, 2 milliard d’euros.
S’il faut saluer ces bons résultats, il faut également en souligner les faiblesses.
D’abord, ces chiffres reposent sur une hausse très nette des recettes. Or, dans la période qui s’ouvre, la DGAC sera soumise à un plan de performances européen qui la conduira à limiter l’augmentation de ses redevances. Au surplus, comme je le disais à l’instant, nous devons toujours veiller à ce que les prélèvements opérés sur les compagnies aériennes ne freinent pas leur dynamisme. La DGAC appartient à « l’écosystème » du transport aérien – si je puis m’exprimer ainsi – et, à ce titre, n’échappe pas à l’exigence de productivité qui s’applique à tous les autres acteurs.
Ensuite, certaines dépenses apparaissent désormais très contraintes. C’est le cas des dépenses de fonctionnement, dont on voit mal comment elles pourraient encore être réduites, et des dépenses d’investissement, qui sont absolument nécessaires pour faire évoluer les outils technologiques de la DGAC, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du Ciel unique européen.
En réalité, la seule ligne de dépense sur laquelle il est possible de faire un effort correspond aux dépenses de personnel, qui représentent près de la moitié des dépenses totales.
Jusqu’à présent, les efforts consentis en termes de diminution des effectifs ont été assez largement « recyclés » dans des mesures catégorielles, négociées dans le cadre de protocoles sociaux. C’est le prix du maintien d’une certaine paix sociale dans un contexte d’importante réorganisation, avec la fermeture de plusieurs tours de contrôle. La DGAC doit, cependant, demeurer vigilante sur l’évolution de ce poste si elle veut continuer à maîtriser son équation budgétaire.
Mes chers collègues, je veux vous faire part de mon inquiétude concernant la recherche aéronautique. Jusqu’à récemment, l’État participait à l’effort de recherche aéronautique par le biais de crédits gérés par la DGAC. Avec le grand emprunt, ces lignes budgétaires ont disparu : elles sont devenues l’un des volets du programme d’investissements d’avenir, le PIA.
Si cette modalité de financement a le mérite d’exister, elle me paraît cependant critiquable. En effet, une fois le PIA 2 achevé, comment ces investissements seront-ils financés ? Qui peut croire que de nouveaux crédits budgétaires seront ouverts ? Je me permets d’appeler votre attention sur la nécessité de ne pas décrocher en matière de recherche par rapport à nos concurrents. Or les programmes s’étalant sur plusieurs années, il est souvent très difficile de rattraper le retard accumulé.
Pour terminer sur l’aérien, je souhaite aborder un sujet d’actualité : la cession de 49, 99 % du capital de l’aéroport de Toulouse-Blagnac à un consortium sino-canadien.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, cette opération suscite beaucoup d’émoi parmi les élus locaux. Pouvez-vous nous indiquer les garanties que l’État a prises pour assurer le respect des intérêts publics ? L’État reste actionnaire à hauteur de 10 %. Entend-il céder ses participations à court ou moyen terme ? Plus généralement, nous aimerions connaître la doctrine de l’État en matière de cession des aéroports.