Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis trois ans, la commission des affaires économiques examine les crédits en faveur de la pêche et de l’aquaculture dans un rapport budgétaire dédié. Ces crédits, qui figurent au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sont très modestes : 47, 9 millions d’euros pour 2015. Ils sont même en légère baisse – de 1, 6 million d’euros, soit 3 % – par rapport aux 49, 5 millions d’euros qui leur étaient alloués dans la loi de finances pour 2014.
Ces crédits permettent de financer l’action sociale en faveur des marins-pêcheurs, à travers la participation aux caisses de solidarité chômage intempéries, la collecte de données scientifiques sur l’état des ressources halieutiques ou encore les moyens de contrôle des pêches.
Au sein de cette enveloppe de 47, 9 millions d’euros, les crédits d’intervention économique en faveur du secteur de la pêche restent modestes : moins de 25 millions d’euros pour aider à l’installation, financer les scientifiques embarqués ou encore aider au stockage des prises accessoires. En revanche, les plans de sortie de flotte ou encore les contrats bleus disparaîtront en 2015, car ils ne seront plus financés.
En réalité, les crédits budgétaires pèsent peu dans le soutien à la pêche et à l’aquaculture par rapport aux aides européennes. De ce point de vue, le nouveau Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, a un rôle essentiel à jouer. Nous connaissons, depuis le milieu de l’année 2014, le montant réservé à la France : 588 millions d’euros sur sept ans, dont 369 millions d’euros au titre de l’action économique en faveur de la filière pêche. C’est 70 % de plus qu’avec le Fonds européen pour la pêche, le FEP. Encore faut-il pouvoir utiliser rapidement ces fonds… C’est pourquoi je demande au Gouvernement de nous indiquer le calendrier de mise en œuvre du FEAMP et les priorités que la France entend mettre en avant, sachant qu’une partie de l’enveloppe est régionalisée. De la mise en œuvre rapide du fonds dépend le succès de la politique de soutien à la pêche maritime et à l’aquaculture.
En tout état de cause, il ne faut pas tout attendre des aides européennes. En effet, l’interdiction, depuis 2002, d’apporter des subventions publiques à la construction des navires de pêche empêche d’aider à l’acquisition de nouveaux bateaux, plus modernes, plus adaptés. C’est le souci numéro un, alors que la flotte de pêche est vieillissante – vingt-trois ans en moyenne, et vingt-sept ans pour la seule flotte métropolitaine. Les jeunes n’ont pas les moyens de financer par leurs propres moyens des navires neufs et sont donc condamnés à racheter des navires anciens et gourmands en carburant, poste qui peut représenter jusqu’à 40 % du coût d’exploitation d’un navire.
Un appel à projets a été lancé pour concevoir le navire de pêche du futur. Les solutions techniques existent. Mais la question centrale est celle du financement des investissements. Nous attendons avec impatience les résultats de la mission confiée à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale des affaires maritimes sur ce sujet.
La pêche doit, en outre, s’adapter en permanence aux évolutions de la réglementation européenne.
La politique commune de la pêche, la PCP, a organisé une gestion de plus en plus stricte des ressources halieutiques. La dernière réforme de la PCP définit de nouvelles contraintes pour les pêcheurs. Les rejets en mer seront progressivement interdits, obligeant les pêcheurs à débarquer toutes les captures. Les quotas de pêche seront fixés de manière à atteindre, dès 2015 et au plus tard en 2020, le rendement maximum durable, le RMD. Cette règle peut conduire à réduire les quotas de manière spectaculaire d’une année sur l’autre.
Pour 2015, les quotas seront fixés dans quelques jours par le Conseil des ministres de l’Union européenne. Dans une communication de juin dernier, la Commission européenne constatait que la surpêche était en baisse : elle concernait 94 % des stocks en 2003 et seulement 41 % en 2012. Dans le même temps, on a progressé dans la connaissance et le suivi de l’état des stocks.
Pourtant, la Commission européenne propose pour 2014 d’importantes baisses de quotas pour certaines pêcheries. En mer Celtique, ces diminutions atteindraient 64 % pour le cabillaud, 41 % pour l’églefin, 30 % pour le hareng. Pour la sole, elles seraient de 60 % en Manche Est et de 38 % dans le golfe de Gascogne.
S’il convient de préserver la ressource, il importe aussi de prendre en compte la situation socio-économique des pêcheurs !
La même recherche d’équilibre doit être mise en œuvre dans le dossier de la pêche en eaux profondes : il faut retenir une approche fondée sur la science, appliquant le principe de précaution, mais sans interdire totalement cette forme de pêche.
Je terminerai en disant quelques mots sur l’aquaculture, qui recèle d’immenses potentialités de développement.
La France est bien cotée dans les domaines de l’ostréiculture et de la mytiliculture. Toutefois, pour ce qui concerne les huîtres, des solutions sont encore à trouver face au problème de surmortalité des naissains.
La pisciculture marine reste bien faible, malgré la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui prévoyait la mise en place de schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine. Dans certaines régions, comme sur la façade méditerranéenne, les conflits d’usage du littoral ne permettent pas aux acteurs de se mettre d’accord. Pourtant, il s’agirait là d’une activité créatrice d’emplois, à condition d’en maîtriser les aspects environnementaux.
L’aquaculture mérite donc un peu plus d’attention de la part des pouvoirs publics.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques a émis un avis de sagesse sur les crédits dédiés à la pêche et à l’aquaculture.