Intervention de Pierre Médevielle

Réunion du 5 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter l’avis de la commission du développement durable relatif aux politiques de la prévention des risques et qui concerne les crédits des programmes 181, 170 et 217.

Je dirai tout d’abord quelques mots sur le programme 217, qui sert de support à la mise en œuvre des politiques du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ce dernier, je le constate, figure cette année encore parmi les grands perdants, comme le ministère de la culture et de la communication et le ministère de la défense. Cela remet en cause à moyen terme la réalisation de ses missions. Or, de mon point de vue, il mérite beaucoup mieux !

Je ne vous présenterai pas en détail l’évolution des crédits. Au vu du temps qui m’est imparti pour la présentation de la position de la commission à l’égard de ce budget, je souhaite plutôt insister sur les quelques points m’apparaissant comme les plus problématiques.

Je veux parler de la situation budgétaire préoccupante de trois opérateurs, à commencer par celle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.

Le projet de loi de finances pour 2015 lui alloue un budget quasiment stable de 94 millions d’euros, mais l’Agence avait dû fournir un gros effort en 2013, subissant la perte brutale de 50 équivalents temps plein.

Selon moi, ce budget traduit une très mauvaise prise en compte de la hausse significative des missions que l’ANSES devra à l’avenir assumer. L’application de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt la conduira effectivement à prendre en charge la gestion des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires, ainsi que l’instauration, sur le territoire national, d’un réseau de phytopharmacovigilance calqué sur notre réseau de pharmacovigilance.

Ces évolutions, plutôt positives, vont nécessiter une forte réorganisation en interne. Il manquerait à ce jour 4 millions d’euros à l’Agence pour boucler son dispositif. Une piste de financement évoquée est une taxe additionnelle à la taxe sur le chiffre d’affaires pour les metteurs sur le marché de pesticides proportionnelle au volume des ventes, sur le modèle de ce qui existe en matière de médicaments vétérinaires. J’aimerais, madame la ministre, connaître votre sentiment sur cette solution.

Du fait aussi de l’intensification des productions animales et végétales, l’ANSES a de plus en plus de mal à remplir toutes ses nouvelles missions. Les représentants auditionnés nous ont fait part d’un retard très inquiétant dans l’examen de dossiers de réévaluation de certaines substances au plan européen. La médecine du travail, qui évalue avec l’ANSES le risque de cancer professionnel lié à certaines de ces substances, s’inquiète de plus en plus de ces retards accumulés.

Je pense qu’il nous faut être prudents et que des contraintes budgétaires supplémentaires imposées à l’ANSES pourraient conduire à perdre de vue certains risques sanitaires et, donc, menacer à terme la santé de nos concitoyens et la capacité de réaction de la France en cas de crise.

L’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, constitue le deuxième point du présent budget qui a attiré mon attention.

Ce sujet a été assez régulièrement évoqué ces derniers temps. Ainsi, l’actualité nous a montré que le coût du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection était appelé à augmenter substantiellement dans les années à venir. Tels sont les faits, indépendants de la position que nous pouvons avoir, les uns ou les autres, sur le nucléaire. Que nous fermions certaines centrales ou que nous prolongions la durée de vie de centrales existantes, l’activité de l’ASN connaîtra un accroissement très significatif dans les années à venir.

L’enjeu consiste donc à permettre à l’Autorité d’y répondre, dans des délais acceptables, tout en maintenant une exigence maximale en termes de sécurité des populations. Il est impératif d’examiner une réforme du financement de la sûreté nucléaire. Aujourd’hui, la piste de l’affectation directe du produit d’une taxe sur les opérateurs à l’ASN a été évoquée par beaucoup, notamment, dans cette enceinte, par notre collègue Michel Berson. Je rappelle que l’ASN et l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, reçoivent une dotation – stable, mais insuffisante – de l’État de 300 millions d’euros, alors que la taxe sur l’opérateur EDF en rapporte 576 ! Sans commentaire !

Madame la ministre, menez-vous une réflexion sur le sujet ? Dans un contexte contraint, une telle solution permettrait de doter l’Autorité de moyens supplémentaires et pérennes.

Pour finir, je m’arrêterai brièvement sur le cas de Météo France, déjà évoqué par Vincent Capo-Canellas.

Cet opérateur joue un rôle central en matière de prévention des risques dans notre pays. Pour la troisième année consécutive, sa dotation budgétaire est en baisse. Cet organisme se trouve aujourd’hui dans une situation financière extrêmement difficile et risque de ne pas pouvoir remplir correctement sa mission au-delà des deux ou trois années à venir.

Pour Météo France, satisfaire la demande qui lui est formulée d’augmenter ses recettes commerciales sera difficile eu égard à la concurrence, notamment celle des Britanniques : ceux-ci viennent de s’équiper d’un super calculateur de 120 millions d’euros – plus de la moitié du budget de Météo France –, alors que le nôtre souffre déjà d’obsolescence !

Je suis convaincu que l’écologie et la prévention des risques constituent aujourd’hui, en particulier au titre de la sûreté des personnes et des biens, une mission régalienne de l’État. Cette mission est malheureusement appelée à prendre une importance croissante du fait des dérèglements climatiques, générant des phénomènes de plus en plus violents, et de nos changements de mode de vie. À l’aune de ces enjeux, les crédits alloués en la matière sont très largement insuffisants.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la commission du développement durable, au vu de ces éléments, a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de ces programmes. Nous sommes conscients des efforts budgétaires à faire, alors, des économies, oui, mais pas dans des domaines aussi sensibles que la sécurité des personnes ou le nucléaire !

Une poursuite de la politique budgétaire actuelle pourrait avoir des conséquences désastreuses. On peut déjà parler d’une chronique de catastrophes annoncées ! Au-delà de notre vote et de nos convictions, je vous demande donc solennellement, madame la ministre, de tirer la sonnette d’alarme. §

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