Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 5 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la tenue de ce débat sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est particulièrement importante, tant 2015 sera une année structurante pour les politiques publiques concernées.

Nous regrettons bien évidemment la nouvelle baisse des crédits ; je ne m’attarderai pas sur les chiffres, ils ont déjà été largement rappelés. Je reviendrai plutôt sur les trois enjeux majeurs des mois à venir : l’adoption de deux lois, attendues depuis longtemps, relatives à la transition énergétique pour la croissance verte et à la biodiversité, et l’accueil de la vingt et unième Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dite « COP 21 ».

J’ai déjà eu l’occasion, lors de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État », de me féliciter de l’inscription du programme 341, consacré à l’organisation de cette conférence ; je n’y reviendrai donc pas davantage.

Pour ce qui concerne le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, le Gouvernement a affiché une véritable ambition quant au chemin à prendre. L’enjeu est maintenant de veiller, dans le présent projet de budget et au-delà, à assurer les investissements nécessaires à la réussite de cette transition. Si toutes nos inquiétudes ne sont pas levées, des mécanismes de financement très intéressants ont néanmoins été annoncés.

Il s’agit d’abord du crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui permet le remboursement de 30 % des dépenses de rénovation énergétique engagées par les ménages, soit 900 millions d’euros de dépenses pour l’État n’apparaissant pas dans ce budget.

Il s’agit ensuite de la ligne de financement de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, de 5 milliards d’euros pour les travaux de performance énergétique engagés par les collectivités territoriales.

Il s’agit enfin de la mise en place du fonds de financement de la transition énergétique, doté de 1, 5 milliard d’euros sur trois ans, géré par la CDC, alimenté à la fois par les crédits du programme d’investissements d’avenir, la valorisation des certificats d’économie d’énergie et de nouveaux crédits de la CDC. Ce fonds devrait notamment financer le doublement du fonds chaleur, la prime à la conversion des véhicules diesel vers des véhicules propres, les appels à projets portant sur les 1 500 méthaniseurs, ainsi que la dynamique des territoires à énergie positive – les TEPOS – pour la croissance verte et celle des territoires zéro gaspillage zéro déchet.

Ces trois opportunités de financement intéressantes permettent à la dépense publique d’avoir un effet de levier tout en mobilisant l’épargne privée ; dans le même temps, elles stimulent la création d’emplois dans les secteurs de la rénovation et sensibilisent les Français sur ces problématiques.

Nous savons que l’État a vocation non pas à financer entièrement la transition énergétique, mais à créer les conditions et les garanties nécessaires pour enclencher un mouvement. Des outils financiers existent, nous devons maintenant veiller à ce que les particuliers, mais surtout les collectivités territoriales, s’en saisissent.

Notons aussi la préservation, sur la période 2015-2017, du budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, qui doit également contribuer à atteindre l’objectif de doublement du fonds chaleur.

Toutefois, je souhaite exprimer notre inquiétude sur trois points majeurs.

Premièrement, pour ce qui concerne le programme « Paysages, eau et biodiversité », si nous avons bien noté que ses crédits sont maintenus à hauteur de 276 millions d’euros – condition indispensable à la mise en place de l’agence française pour la biodiversité, une fois le projet de loi relatif à la biodiversité adopté –, nous regrettons beaucoup que les agences de l’eau subissent de nouvelles coupes dans leurs budgets : 175 millions d’euros par an seront prélevés entre 2015 et 2017. Je tiens à rappeler que les écologistes défendent le principe selon lequel « l’argent de l’eau va à l’eau », et ce particulièrement quand certaines agences se trouvent déjà dans une situation financière difficile.

Deuxièmement, la taxe poids lourds constitue l’une de nos grandes préoccupations. Si l’on peut se féliciter du fait que la perte de recettes liée à son abandon soit compensée par le relèvement de la taxation du diesel, laquelle rapportera 1, 14 milliard d’euros au budget de l’AFITF, nous tenons à souligner le caractère antisocial de ce nouveau mécanisme. En effet, cette taxe, destinée à financer nos infrastructures de transport, concerne l’ensemble des véhicules, notamment ceux des ménages modestes, tandis que la taxe poids lourds ne visait que ceux qui utilisent et dégradent le plus ces mêmes infrastructures.

Le principe pollueur-payeur est inscrit dans la Constitution, madame la ministre, et la hausse de la taxation sur le diesel ne doit pas permettre d’enterrer définitivement le principe d’une taxe poids lourds, assurément plus juste socialement. Nous espérons donc beaucoup des récentes déclarations du Président de la République en faveur d’une expérimentation en région.

Troisièmement, nous exprimons notre grand désarroi face à l’exclusion par le Gouvernement d’un certain nombre d’acteurs du domaine santé et environnement. Voilà un an, votre prédécesseur, Philippe Martin, avait déjà délibérément écarté les lanceurs d’alerte et les ONG spécialisés dans le dialogue environnemental au profit, je vous le rappelle, d’une ONG… de surfeurs.

Cette année encore, mis à part quelques places réservées aux personnalités qualifiées, ces mêmes ONG ont été tenues à l’écart de la conférence environnementale – qui s’est déroulée la semaine dernière –, alors même qu’elles sont largement soutenues par l’opinion française. Je pense tout particulièrement au Rassemblement pour la planète, qui réunit une trentaine d’ONG spécialisées dans la pollution de l’air, les antennes relais, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les déchets…

Ces associations, madame la ministre, représentent le cœur de la démocratie. Elles constituent en effet des contre-pouvoirs indispensables aux puissants lobbies qui gangrènent l’action de l’État et des collectivités.

Devant le déficit, l’échec, voire l’absence de dialogue, elles en sont réduites à protéger et défendre nos concitoyens devant les tribunaux. Souvent peu aidées, sinon abandonnées, par les institutions et les pouvoirs publics, elles tirent leur force et leur crédibilité d’un militantisme exemplaire et de leurs compétences.

Lors de son discours d’ouverture de la conférence environnementale, le Président de la République a annoncé le lancement d’un chantier pour promouvoir précisément un nouveau modèle de « démocratie participative ». Dont acte ! En effet, que serait une démocratie sans ces contre-pouvoirs ? Comment comptez-vous les aider, madame la ministre ?

Nous regrettons, une fois encore, la baisse du budget de l’écologie malgré l’augmentation des défis environnementaux et énergétiques qui se posent à la France. Au-delà des financements, une volonté politique forte est nécessaire pour répondre aux crises environnementales, énergétiques et climatiques. Le temps n’est plus aux paroles ; il est aux actions. Dans un monde déstabilisé, l’urgence environnementale et climatique ne nous permet plus de tergiverser. Le rendez-vous de la COP 21 ne peut être manqué ; la contribution essentielle de la France pour sa réussite doit être exemplaire. En ce sens, le Président de la République et le Gouvernement peuvent compter sur le soutien infaillible des écologistes.

Malgré un certain nombre d’engagements allant dans le bon sens, de nombreuses interrogations persistent. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, le groupe écologiste s’abstiendra aujourd’hui. §

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