Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 5 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux dire quelques mots d’introduction sur les conditions d’examen de cette mission.

Alors qu’il s’agit d’une mission essentielle, traduisant des objectifs politiques fondamentaux, le temps imparti à son examen est, à nos yeux, bien trop court pour traiter de l’ensemble des sujets. En effet, la plupart des interventions l’ont montré, la problématique relative aux transports prend le pas sur l’ensemble de la mission, bien que tous les programmes soient importants. Une telle situation est frustrante pour nous et pour les agents responsables de ces sujets. Malheureusement, donc, il ne sera pas possible de traiter l’ensemble des programmes et des actions : la prévention des risques, dont les crédits sont trop faibles, la voie d’eau, confrontée à des enjeux stratégiques, l’« après-mines », sujet qui me touche particulièrement, les paysages, la biodiversité bien sûr, l’aérien, la météorologie, l’information géographique et cartographique et le maritime. Tous ces sujets sont importants, mais, je le répète, le temps manque pour les examiner.

Nous aurions a fortiori aimé pouvoir évoquer les projets d’avenir qui concernent votre ministère, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et que nous étudierons bientôt.

Par conséquent, et pour simplifier les choses, nous proposons que, à l’avenir, le programme relatif aux transports redevienne, comme c’était le cas auparavant, une mission autonome.

Cela étant, le projet de loi de finances pour 2015 marque une nouvelle fois une réduction des moyens financiers et humains. Après une baisse de 6, 5 % l’an dernier, les crédits diminuent encore de 5, 81 %, passant de 7, 065 milliards d’euros à 6, 65 milliards d’euros. Le plafond d’emplois accuse, quant à lui, une baisse de 735 équivalents temps plein. De surcroît, les projections budgétaires pour les années 2016 et 2017 confirment durablement cette tendance, puisque les crédits envisagés diminueront pour s’établir, chaque année respective, à 6, 588 milliards d’euros et 6, 558 milliards d’euros. Le cadre est posé !

J’en viens plus particulièrement au programme « Infrastructures et services de transports ».

Le report, que nous souhaitons, du transport routier vers d’autres modes, notamment pour les transports longs, devrait constituer l’objectif premier. Le « tout routier » est en effet une aberration sur le plan de l’émission des gaz à effet de serre, de la sécurité et de la dépense publique.

Pourtant, au sein de ce programme, seuls les crédits relatifs aux infrastructures routières sont en hausse, de 12 %, provenant de fonds de concours. Parallèlement, les crédits affectés aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires diminuent de 14, 8 %. Cette baisse est certes essentiellement due à la suppression de la subvention d’équilibre à l’AFITF, mais elle résulte aussi de la diminution de 2, 9 % des concours à Réseau ferré de France, ou RFF, alors même que les besoins de régénération sont immenses.

Depuis de trop nombreuses années, ce désengagement de l’État du financement de RFF, notamment de sa dette, s’est traduit mécaniquement par une augmentation des péages ; et cela va continuer. Augmenter les péages ferroviaires, c’est augmenter les prix pour les usagers et contribuer, malheureusement, à rendre le rail moins compétitif.

Pour ce qui est des aides de l’État à la SNCF, nous sommes opposés à la baisse de la compensation au titre des tarifs sociaux nationaux de l’État à la SNCF, compensation qui devrait s’établir à 30 millions d’euros en 2015, alors qu’elle atteignait 66, 5 millions d’euros en 2011. Une telle diminution pourrait remettre en cause les missions de solidarité. Pourriez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous donner des précisions sur la manière dont ce sujet va être traité ?

Le système ferroviaire reste donc, malgré la réforme ferroviaire, lourdement endetté, disposant d’une infrastructure dégradée, mis dans l’incapacité de concurrencer la route, laquelle continue de bénéficier d’un régime fiscal et social des plus favorables.

En 2012, la part du rail dans le transport intérieur du fret s’élevait à 10 %. Elle a baissé en 2014 pour s’établir à 9, 7 % ; il est prévu pour 2015 qu’elle atteigne 9, 8 %, et légèrement plus à l’horizon 2017. Comment nous en satisfaire ?

Pourtant, l’AFITF, créée en 2004, devait tenir un rôle décisif pour l’investissement dans le report modal, grâce aux ressources liées à l’exploitation des autoroutes. Comme nous le savons, la privatisation malheureuse des autoroutes a conduit le Gouvernement à proposer un autre financement, qui devait assurer 800 millions d’euros par an. La résiliation du contrat conclu avec Ecomouv’, le 30 octobre dernier, a sonné le glas de l’écotaxe, faisant ainsi peser les plus grandes craintes sur l’avenir de l’AFITF, qui accuse déjà un retard de paiement inquiétant.

Pour compenser ce manque à gagner, ce sont les taxes sur le gazole qui augmentent – article 20 du présent projet de loi de finances –, créant ainsi une recette supplémentaire de 807 millions d’euros perçue sur les particuliers, et de 332 millions d’euros sur les camionneurs. Notons que cette ressource n’est prévue que pour l’année 2015. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce qu’il adviendra ensuite ?

Comme nous, la Cour des comptes reste sceptique sur ce remplacement. Elle indique dans son rapport du mois d’octobre dernier sur le sujet : « le risque existe désormais que les projets nouveaux soient lancés tout en étant sous-financés et que l’État fasse le pari à la fois d’un étalement dans le temps de la réalisation des projets et d’une participation accrue des collectivités territoriales ». Tout cela nous confirme l’urgence de doter l’AFITF de ressources pérennes.

Par ailleurs, nous avons été extrêmement surpris de constater que le budget pour 2014 de l’AFITF fait état de crédits équivalents pour la route et pour le rail. Pouvez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous donner plus de précisions sur ce point ?

Nous regrettons également que les éléments de langage fournis à l’appui des bleus budgétaires confirment l’abandon du wagon isolé – vous savez que nous y tenions beaucoup – au profit des autoroutes ferroviaires. Sans offre « multi-lots multi-clients », le fret est placé dans une démarche purement concurrentielle, sans que soient prises en compte les exigences d’aménagement du territoire.

Concernant les transports collectifs, nous déplorons la suppression de l’article 16 de la loi portant réforme ferroviaire qui instituait un versement transport interstitiel, permettant aux régions de financer le développement de l’offre de TER. Une telle mesure, après le passage à 10 % de la TVA appliquée aux transports urbains, pénalise les collectivités et les usagers. Nous proposerons donc son rétablissement lors de l’examen des articles non rattachés.

Du reste, nous sommes particulièrement inquiets de la volonté affichée par le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique de libéraliser les liaisons par autocar, qui pourront clairement constituer une concurrence déloyale pour les TER, comme le déplorent les régions, voire pour les TGV, dont l’équilibre économique reste fragile. Dans l’objectif d’un report modal, cette mesure ne peut pas nous convenir.

Dans le peu de temps qui me reste pour mon intervention, je voudrais revenir sur deux points qui me semblent importants.

L’eau, tout d’abord. En 2014, les agences de l’eau ont dû acquitter une contribution exceptionnelle de 210 millions d’euros. Ce n’était pas, d’ailleurs, la première fois qu’elles le faisaient. Il est désormais prévu que les six agences fassent l’objet d’un prélèvement annuel de 175 millions d’euros, de 2015 à 2017, pour alimenter le budget de l’État. Chacun sait pourtant combien les financements des agences de l’eau sont nécessaires, notamment pour que les collectivités rurales se dotent des équipements d’assainissement adaptés aux normes. Une fois encore, les collectivités seront touchées, et, par contrecoup, les habitants aussi.

La politique de gestion et de prévention des déchets, ensuite. La proposition de directive européenne dite « paquet déchets » comme le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte fixent de nouveaux objectifs en matière de prévention, de réduction de la production des déchets ou de valorisation. Cette politique appelle un renforcement des moyens alloués à la politique de gestion des déchets, sans pour autant conduire à augmenter les coûts supportés par le contribuable et par la collectivité, ce à quoi nous souscrivons.

À ce titre, je regrette que l’amendement déposé par le groupe CRC tendant à revenir à un taux de TVA réduit de 5, 5 % n’ait pas été adopté ; il s’agit pourtant d’un service de première nécessité. Au moment où le déchet devient une marchandise à forte valeur ajoutée, la manne ainsi produite doit permettre de stabiliser, voire de réduire, la facture pour les particuliers.

Ces quelques exemples illustrent au fond la distance entre les objectifs et la réalité budgétaire. Comme un symbole de ce décalage, les crédits de l’action n° 5, Lutte contre le changement climatique, sont en baisse, alors même que, nous le savons, un événement majeur doit se tenir à Paris au mois de décembre 2015, la COP 21.

Compte tenu de ces éléments, nous voterons contre ce budget, afin de protester contre une austérité qui reporte les effets de la crise sur les particuliers et les collectivités, et qui compromet, madame la ministre, les objectifs en matière de transition écologique que vous défendez et que nous soutenons. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion