Le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, qui ne dépend de la région que depuis une dizaine d’années – auparavant, c’était la préfecture, et donc l’État, qui en avait la charge –, a certes lancé un certain nombre d’initiatives, mais nous avons une vraie difficulté, monsieur le secrétaire d'État.
Les empires que sont la SNCF et la RATP ont beaucoup de mal à écouter et à suivre les élus.
Quelle est la réalité ?
Prenons le contrat de plan État-région 2000-2006 : 3 milliards d’euros étaient prévus pour les transports. Dans le contrat portant sur la période 2007-2014, cette somme était de 6 milliards d’euros, et elle sera portée à 8 milliards d’euros pour la période 2015-2020. On pourrait se réjouir devant une telle augmentation, sauf que de moins en moins d’argent vient de l’État.
Ainsi, l’État, qui intervenait à hauteur de 35 % du financement dans le cadre du contrat de plan 2000-2006 et à hauteur de 25 % au titre de celui qui court de 2007 à 2014, n’y contribuera que pour 15 % sur la période 2015-2020. C’est un vrai sujet de préoccupation. Pourtant, j’ai le sentiment que l’État a bien conscience de la situation du réseau francilien, qui nécessite une intervention. C’est d’ailleurs dit et répété par la Cour des comptes, la chambre régionale des comptes, mais aussi dans tous les rapports postérieurs à l’accident de Brétigny-sur-Orge, malheureusement. Mais, dans le même temps, l’État se désengage.
Le conseil régional d’Île-de-France avait signé, avec le Premier ministre précédent, une convention pour que l’État apporte 150 millions d’euros supplémentaires chaque année pour la rénovation et le Grand Paris Express. Finalement, nous n’avons vu du tout ! Pis, Manuel Valls proclame urbi et orbi qu’il nous autorise à prélever de l’impôt et des taxes d’un montant équivalent à ce que le Gouvernement aurait voulu donner. In fine, c’est donc la région d’Île-de-France qui doit prélever 140 millions d’euros de taxes supplémentaires sur les entreprises et les ménages pour remplacer la part qu’aurait dû verser l’État.
De surcroît, le Premier ministre vient de donner son aval au président de la région pour la mise en place du pass navigo à tarif unique en autorisant l’augmentation du versement transport de 0, 13 %, c’est-à-dire, pour simplifier, d’environ 260 millions d’euros. Qui va payer ? Ce sont encore les entreprises ! À un moment, monsieur le secrétaire d’État, il faudra bien lever le pied sur les prélèvements, d’autant que cette mesure doit coûter 400 millions d’euros, donc le compte n’y est pas. Le Gouvernement a laissé planer le doute sur le financement complémentaire.
La région consacre déjà pratiquement 500 millions d’euros annuellement à la rénovation des transports ; la Société du Grand Paris, directement ou indirectement, met entre 500 millions et 600 millions d’euros par an sur le Grand Paris Express, mais l’État se désengage, puisque nous recevrons seulement 1, 4 milliard d’euros de 2015 à 2020, si tout va bien.
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes dans une situation véritablement catastrophique. Je m’empresse de renvoyer dos à dos la droite et la gauche, qui sont toutes les deux responsables de cette situation, car les gouvernements successifs ont tout misé sur le TGV et n’ont rien laissé pour l’Île-de-France pendant vingt ans. Ainsi, la RATP s’est focalisée sur l’international et la SNCF a récupéré l’amortissement du matériel francilien pour investir dans les lignes à grande vitesse…
Résultat des courses : aujourd’hui les TGV connaissent des problèmes, puisque leur situation financière n’est pas brillante, selon un rapport récent ; en parallèle, le réseau francilien est dans une situation calamiteuse, la Cour des comptes et un certain nombre d’autres organismes estimant qu’il faudrait affecter pratiquement dans les deux ou trois ans qui viennent 5 milliards d’euros rien qu’à la rénovation de l’existant pour éviter les accidents comme celui qui s’est produit à Brétigny-sur-Orge. Or personne n’en a les moyens !
Monsieur le secrétaire d’État, je vous enjoins à changer la donne pour mettre fin au désengagement de l’État. Mon excellent collègue Louis Nègre prône l’ouverture à la concurrence ; pour ma part, je n’en sais rien, même si je pense que les règlements européens nous l’imposeront un jour. Seulement, je le répète, la donne doit changer en Île-de-France : on ne peut pas avoir la SNCF, la RATP, le STIF et RFF qui vivent leur vie chacun de leur côté ! Si on ne crée pas une entreprise unifiée de transports publics qui pourrait être une filiale commune à la SNCF et à la RATP, on n’en sortira pas !
Il faut savoir que la Cour des comptes estime à 400 millions d’euros la somme gaspillée à cause de la concurrence entre ces deux organismes. Tous ceux qui utilisent le réseau savent de quoi je parle : on circule parfois avec le RER, géré soit par la RATP, soit pas la SNCF, parfois sur des lignes de chemin de fer de banlieue gérées par la SNCF.
Tant que vous ne vous attaquerez pas aux réformes de structure, la situation demeurera absolument insupportable. Personne, pas plus moi que les autres, ne dit que, d’un coup d’un seul, on aura assez d’argent pour tout faire, mais, au moins, que l’argent public et les impôts soient utilisés de la manière la plus efficiente possible. Monsieur le secrétaire d’État, soyez assuré que j’ai tenu ce discours à vos prédécesseurs, de gauche comme de droite.
Certes, les choses ont un peu évolué avec une gestion plus unifiée des RER, mais c’est totalement insignifiant par rapport à tout ce qu’il faudrait faire. Mais, que voulez-vous, les ingénieurs de la RATP sont tellement meilleurs que ceux de la SNCF qu’ils ne veulent pas entendre parler de fusion, et vice versa. §Tous ces surdoués me ravissent l’âme, mais nous coûtent cher ! Comme ils nous coûtent cher, on ne peut plus investir, car on a trop de dépenses de fonctionnement de structures, au détriment de l’investissement réel.
Monsieur le secrétaire d’État, votre prédécesseur m’avait dit qu’il voulait bien réfléchir à la mise en place d’une entreprise unifiée de transports publics. Je ne dis pas que c’est facile à faire. Je suis bien conscient que, dès qu’on veut changer quelque chose dans ce pays, on risque de provoquer une révolution. Mais il ne s’agit en aucun cas de toucher au statut des personnels ou au caractère public de la structure. Cependant, on doit bien pouvoir trouver des solutions.
Souvenez-vous : c’est moi qui ai demandé au STIF pendant des années de mettre fin à la situation aberrante de la ligne du RER B, le nord étant géré par la SNCF et le sud par la RATP, ce qui impliquait un changement de conducteur à la gare du Nord.