Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 5 décembre 2014 à 21h45
Loi de finances pour 2015 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Axelle Lemaire :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’avez plus particulièrement interpellée sur cinq sujets : l’importance de l’économie numérique pour notre pays, en termes de croissance et de création d’emplois ; le rôle du régulateur des télécommunications, l’ARCEP ; le programme budgétaire supportant le plan d’investissements d’avenir ; la gouvernance du numérique ; enfin, le plan « France très haut débit ».

Je vous remercie, monsieur Lalande, d’avoir souligné l’importance du numérique pour l’activité économique de la France. Je salue votre lucidité quant aux enjeux de la transformation numérique de l’économie. Au-delà des jeunes entreprises innovantes et des start-up, il convient désormais de faire en sorte que l’innovation irrigue l’ensemble du tissu économique, en particulier nos industries traditionnelles. Tel est précisément l’objet des 34 plans de la nouvelle France industrielle qui, sous la supervision conjointe d’Emmanuel Macron et de moi-même pour ce qui concerne le numérique, font actuellement l’objet d’une révision de leur feuille de route afin de les rendre encore plus efficaces et opérationnels. La France se numérise sous l’impulsion des start-up !

Vous avez aussi souligné l’urgence d’accompagner la couverture mobile du territoire français, ainsi que le déploiement des innovations mobiles dans le monde. Le marché africain du mobile croît ainsi de 9 % par an actuellement, et cette tendance se maintiendra au moins dans les cinq prochaines années. Il est donc essentiel que nous soutenions la conquête des marchés internationaux par nos entreprises. Le Gouvernement s’y emploie.

En ce qui concerne l’ARCEP, il est vrai que le Gouvernement lui a demandé de consentir des efforts budgétaires. Il faut saluer les réductions de dépenses qui ont été mises en œuvre par le régulateur, avec une baisse du plafond d’emplois, en 2015, de 9 ETP, sur un total de 171 emplois. La réduction de sa dotation de fonctionnement est en phase avec l’effort demandé à l’ensemble des administrations et reste somme toute modérée, puisqu’elle s’élève à 0, 7 % du budget de fonctionnement.

Contrairement à ce qui a pu être dit, l’ARCEP ne s’est vu attribuer aucune mission nouvelle. Ainsi, le traitement de la demande d’attribution de la bande de 700 mégahertz ou le lancement des attributions de fréquences dans les outre-mer relèvent des missions de cet organisme depuis sa création, il y a quinze ans.

Oui, il est essentiel de clarifier en permanence le rôle du régulateur par rapport à celui du pouvoir politique, notamment en raison des évolutions technologiques. L’examen du projet de loi relatif au numérique pourrait être l’occasion de mener une réflexion sur les évolutions de compétences nécessaires pour mieux refléter les besoins du secteur des télécommunications, qui ont beaucoup changé ces dernières années, ne serait-ce qu’en raison de la nécessité de réguler le déploiement de la fibre optique par les opérateurs, qu’ils soient publics ou privés.

Ce qu’il faut retenir, c’est que l’action du régulateur et celle du Gouvernement doivent être complémentaires, et les rôles précisément définis.

Il revient au Gouvernement de définir la politique sectorielle en matière de télécommunications, au travers par exemple du plan « France très haut débit » ou des programmes de couverture mobile.

Il incombe à l’ARCEP de définir les règles du jeu permettant d’assurer une concurrence saine et suffisante.

C’est vers une telle répartition des compétences que nous tendons ; nous la clarifierons peut-être plus encore au travers du futur projet de loi.

S’agissant du programme budgétaire servant de support aux investissements d’avenir, il est évidemment nécessaire que le Parlement puisse suivre l’utilisation des crédits qui sont alloués à ceux-ci. C’est la raison pour laquelle un document de bilan figure en annexe du dossier législatif présenté chaque année : il expose le détail des crédits engagés et de leur usage pour l’ensemble du programme des investissements d’avenir.

Pour ce qui concerne plus précisément le programme 407, la loi de finances pour 2014 prévoyait que les crédits ne seraient effectivement mobilisables qu’à compter du 1er janvier 2015. Nous nous sommes mis en ordre de bataille. Le volet consacré au cofinancement par la BPI, au côté des investisseurs privés, des accélérateurs de start-up va être mis en œuvre par le biais d’un appel à manifestation d’intérêt qui sera très prochainement publié. En outre, dès le premier trimestre de 2015, un appel à projets concernant le volet relatif à l’attractivité de la French Tech et portant sur 15 millions d’euros sera lancé.

Afin d’écarter tout malentendu, je précise que la loi de finances pour 2013 prévoyait 565 millions d'euros de crédits pour le PIA, mais il est normal que ce programme n’existe plus, puisque les crédits sont désormais gérés par l’opérateur, à savoir la BPI. Ces crédits n’ont donc pas disparu.

J’en viens maintenant à la gouvernance du numérique dans notre pays. Pour voyager beaucoup, je peux vous assurer qu’elle fait l’objet d’une grande rationalisation et qu’elle reflète une volonté politique très forte. La gouvernance de l’économie numérique est d'abord assurée par le ministère de l’économie, qui est chargé de définir la politique suivie. Cette politique est ensuite appliquée et exécutée par les administrations, en l’occurrence la direction générale des entreprises, pour l’essentiel, qui comporte un service dédié à l’économie numérique.

Trois missions aujourd'hui très opérationnelles, exercées en lien direct, au quotidien, avec les territoires et les acteurs économiques, gagneraient à être réunies.

Il s’agit d'abord de la mission French Tech, grâce à laquelle neuf écosystèmes numériques ont été récemment labellisés et qui a contribué à la mobilisation des start-up, des grands groupes, des instituts de recherche, des écoles d’ingénieurs ou de commerce et des collectivités locales pour créer une dynamique dans l’ensemble des territoires.

La mission French Tech pourrait être associée plus étroitement, au sein d’une gouvernance commune, à la mission France très haut débit, qui assure le suivi de l’application du plan « France très haut débit ». Elle effectue un travail de co-construction et d’accompagnement des projets portés par les collectivités locales, qui en sont le moteur, en lien avec les opérateurs de télécommunications. La mission France très haut débit, qui porte sur les infrastructures, les « tuyaux », les réseaux, pourrait se rapprocher des écosystèmes numériques des entreprises.

Pour pousser cette logique jusqu’au bout, la délégation aux usages de l’internet, qui existe depuis plus de dix ans, serait également impliquée. Le rôle de cette délégation, qui est de contribuer à la diffusion des usages, c’est-à-dire des contenus, auprès des administrations, des entreprises, des citoyens, pourrait se renforcer à l’heure où cette question des usages se pose de manière plus pressante encore au sein des assemblées des collectivités locales. Il s’agit d’une demande forte de la part des élus, en particulier dans les zones rurales ou périurbaines ; ils souhaitent que l’État les accompagne dans la définition des usages prioritaires du numérique.

L’Agence du numérique réunira ces trois missions. Elle aura une gouvernance ouverte, transparente, qui associera pleinement les collectivités locales. Il ne faut pas confondre cette agence avec le régulateur, l’ARCEP, qui est une autorité administrative indépendante, ni avec le Conseil national du numérique : cette instance consultative, elle aussi indépendante, que l’on nous envie à l’étranger, remet des avis au Gouvernement et peut également s’autosaisir.

Pour parachever le tableau de la gouvernance du numérique, il faut ajouter que les services publics qui y contribuent sont regroupés au sein de la mission Etatlab, directement placée auprès du Premier ministre.

J’en viens au plan « France très haut débit », qui vous préoccupe particulièrement. Sachez que ce plan se déroule plutôt bien. Tout d’abord, la péréquation fonctionne. Dès le départ, le choix a été fait de concentrer les investissements privés dans les zones à forte densité urbaine, pour que l’action publique s’exerce en priorité là où elle est le plus nécessaire, c'est-à-dire là où les opérateurs de téléphonie refusent d’investir parce que la rentabilité n’est pas suffisante. Nous conduisons une action rationnelle, qui permet d’assurer le déploiement du très haut débit de la manière la plus efficace qui soit.

Ce plan repose sur la maximisation de l’investissement privé, qui représente les deux tiers des 20 milliards d'euros d’investissements prévus à l’horizon de 2022. Dans le détail, un premier tiers de ces 20 milliards d'euros provient des investissements directs des opérateurs, un deuxième est fourni par les opérateurs privés en tant que clients des zones de réseau public, et le troisième se compose des investissements publics, financés pour moitié par l’État, pour moitié par les collectivités locales.

Le plan permet de donner de la visibilité aux investissements publics, en particulier à ceux de l’État. Cette visibilité est nécessaire aux opérateurs, pour qu’ils puissent élaborer leurs projets d’investissements. Soyez certains que l’État – Emmanuel Macron l’a rappelé – reste très vigilant quant au respect par les opérateurs des engagements pris dans le cadre du plan. Les changements qui ont pu intervenir dans le secteur industriel des télécommunications ne doivent en aucun cas remettre en cause ces engagements. L’État s’emploie à dialoguer avec les opérateurs pour s’assurer que ce soit bien le cas. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion