Je vais abonder dans le sens de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'État sur un certain nombre de points.
Cher collègue Jean-Baptiste Lemoyne, permettez-moi de vous indiquer que, dans cette enceinte, nous sommes un certain nombre à réfléchir à ces questions depuis plusieurs années.
On veut que le très haut débit soit installé tout de suite et partout. Mais le très haut débit peut faire l’objet d’un usage récréatif aussi bien qu’économique ! Au reste, pour remplir des déclarations en ligne, le très haut débit n’est pas nécessaire. La France est déjà l’un des pays les mieux équipés en Europe en matière de haut débit. Les collectivités territoriales se retrouvent engagées dans une espèce de course-poursuite parce qu’on a promis aux électeurs qu’ils auront la possibilité de télécharger des films très rapidement !
L’économie du secteur doit être prise en compte. S’il est normal que les opérateurs de téléphonie ou de communications électroniques soient taxés – c’est déjà le cas – et participent à la construction et au développement du réseau, il faut se fixer un plan.
À cet égard, je considère que, d’un point de vue financier, le plan du Gouvernement n’est pas raisonnable dans le contexte actuel. Ne nous engageons pas aujourd'hui sur le très haut débit pour tout le monde ! Il faut concentrer l’effort sur les villes-bourgs, où une activité économique peut se développer, dans le respect des territoires. En revanche, il ne faut pas promettre la « lune électronique » à tous les Français !
Par ailleurs, ces amendements témoignent d’une mauvaise connaissance de l’économie du numérique. De ce point de vue, cette taxe appliquée aux opérateurs, c’est n’importe quoi ! En effet, les premiers bénéficiaires du développement du très haut débit, ce sont Google et les grands organismes qui tirent l’essentiel de leurs ressources de la publicité en ligne.
Une étude publiée la semaine passée montre qu’aujourd'hui, en Grande-Bretagne, plus de 50 % des investissements publicitaires utilisent le support numérique. La vraie question est là ! Les opérateurs téléphoniques ou électroniques créent des emplois et des activités en France, même s’ils se développent à l’étranger. Mais que développent Google et les sociétés qui prennent l’argent ?
Nous devons à la fois avoir une réflexion plus approfondie sur le plan de développement du très haut débit et prendre conscience que celui-ci sert d'abord à télécharger de la musique et des films et à regarder des vidéos en streaming. Je le répète, il n’est pas besoin du très haut débit pour remplir une déclaration !
Identifions les zones mal équipées et traitons-les de manière prioritaire, mais donnons-nous du temps. Je me souviens que, quand j’étais enfant, mes parents ont dû attendre cinq ans pour avoir le téléphone… Aujourd'hui, il faut tout tout de suite, pour tout le monde et partout, sans moyens de financement ni logique économique.
Je vous invite à relire l’excellent rapport de Pierre Collin et Nicolas Colin sur la fiscalité de l’économie numérique, qui explique précisément que le développement du très haut débit et les grands discours théoriques tenus par les collectivités territoriales et l’État sur la nécessité d’un très haut débit généralisé pour l’avenir bénéficieront en premier lieu à ceux qui vendent des contenus et, surtout, accaparent la valeur d’attention créée par ces derniers pour devenir les premières agences publicitaires au monde, sans payer d’impôts dans notre pays.
Pour l’ensemble de ces raisons, les sénateurs du groupe écologiste ne voteront pas ces amendements.