Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 8 décembre 2014 à 10h00
Loi de finances pour 2015 — Articles additionnels après l'article 44 decies

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Selon toute vraisemblance, l’année 2017 ne marquera pas nécessairement l’atteinte des objectifs de réduction des déficits publics et de maîtrise de la progression de l’encours de la dette.

D’ici à cette date, outre une pression forcenée sur la dépense publique qui ne produira pas d’économies notables, sauf à remettre en question nombre des contreparties que les citoyens sont en droit d’exiger à raison du paiement des taxes et impôts, il semble donc indispensable que l’effort soit justement partagé.

La grande affaire des dernières années, et singulièrement de la décennie pendant laquelle les partis de droite et du centre ont conjointement exercé les responsabilités, a été celle de l’accroissement sensible des patrimoines.

Qu’on y songe : selon les données mêmes fournies par le ministère de l’économie et des finances, les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune disposent d’un patrimoine imposable de quelque 406 milliards d’euros, soit un patrimoine moyen de 1 772 875 euros par contribuable. Pour vous donner une idée, mes chers collègues, cette somme correspond à plus de sept cents fois le revenu fiscal moyen de nos compatriotes !

Je sais qu’il n’est pas de bon ton de comparer stricto sensu revenu et patrimoine, mais force est de constater qu’il faudrait à nombre de nos compatriotes se passer de manger, vivre et bouger durant toute leur vie professionnelle pour pouvoir, du seul fruit de leur travail, accumuler un patrimoine d’une telle valeur.

Cela posé, il n’est de fait pas du tout anormal que les Français les plus fortunés s’acquittent d’une contribution spécifique au redressement des comptes publics. Au demeurant, ce redressement correspond, si l’on en croit les discours, à l’intérêt général...

Seulement voilà, l’ISF continue d’être mité par plusieurs niches fiscales dont l’efficacité sociale et économique est loin d’être prouvée à ce jour et qui se limitent, de fait, à la seule réduction des droits à payer qu’elles génèrent.

Les trois niches fiscales que nous visons ici – exonération des pactes d’actionnaires, exonération des parts détenues par les salariés et mandataires sociaux, exonération du versement aux PME – ont la double caractéristique de concerner un effectif indéterminé de bénéficiaires et de ne coûter rien de moins que 370 millions d’euros au budget de la nation.

Si l’on part de l’idée qu’un contribuable à l’ISF de la première tranche doit acquitter un impôt moyen de 5 800 euros environ, cela placerait de fait le nombre de bénéficiaires des trois mesures aux alentours de 60 000 ménages sur un total de 300 000 contribuables. Les effectifs réels sont donc nettement moindres, nettement minoritaires dans la population des contribuables de l’ISF, qui ne s’est guère accrue, le niveau de dépense fiscale étant stable.

De plus, aucune évaluation politique et économique n’a jamais été produite à l’appui de cette démarche.

Que M. Renaud Dutreil, ancien ministre, ait écouté les conseils de son épouse, salariée à la direction du groupe Usinor-Sacilor, sur la mise en place de la mesure est une chose. Que l’on ait mesuré le nombre d’emplois ou d’établissements industriels préservés grâce à l’application de ces dispositions en est une autre, et cela n’a pas été accompli.

Nous souhaitons donc la disparition de ces niches fiscales coûteuses, et le temps nous séparant de ce processus peut aussi nous amener à en mesurer l’opportunité.

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