Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 8 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Articles additionnels après l'article 44 terdecies

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Cet amendement porte sur la question essentielle des obligations déclaratives des établissements financiers dans notre pays.

Si les banques et établissements financiers français sont soumis à des règles déclaratives précises, il n’en est pas tout à fait de même pour les établissements d’origine étrangère, dont la clientèle française n’est pas forcément connue.

Or on sait que la connaissance réelle des avoirs détenus par les ressortissants nationaux dans l’ensemble des banques ou compagnies d’assurance étrangères peut constituer un élément de prévention et de détection de la fraude et de l’évasion fiscales. C’est dans cette perspective que les États-Unis ont adopté la « loi FATCA » – Foreign Account Tax Compliance Act –, dont nous avons débattu ici voilà quelques mois, dès que l’on parle fraude et évasion fiscales à échelle internationale.

Pour approfondir les résultats inédits obtenus dans le cadre de l’affaire des fichiers bancaires d’UBS, qui ont amené plus de 14 700 contribuables américains à se dénoncer au fisc en 2010, les États-Unis ont donc choisi d’instaurer la transparence obligatoire pour les intermédiaires financiers. La « loi FATCA », comme on le sait, prévoit la communication automatique d’informations par les institutions financières comme une condition sine qua non de l’accès au marché américain.

En clair, l’agrément est accordé pour travailler sur le sol américain en contrepartie du choix de la transparence.

Les établissements financiers doivent donc mettre en place, à destination des autorités fiscales américaines, un reporting périodique et automatique des comptes de leurs clients ressortissants des États-Unis.

S’ils s’y refusent, une retenue à la source de 30 % sera opérée sur les revenus perçus, notamment les dividendes et les intérêts, ainsi que sur le produit de la vente de titres financiers américains.

Une manière comme une autre de procéder à l’allégement du coût apparent de la dette publique !

Cette sanction, qui s’appliquera aux transactions effectuées par les banques tant pour leur propre compte que pour celui de leurs clients, est si dissuasive qu’elle ne laisse pas le choix aux établissements financiers.

Ces derniers seront obligés de fournir les informations demandées, sauf à perdre l’accès au marché américain, ce qui est inconcevable pour elle !

Les États-Unis ouvrent ainsi la voie à un type de mesures extraterritoriales qui permettent de contourner le secret bancaire des autres places financières.

Cette disposition peut tout à fait être dupliquée par d’autres grands pays. La France peut donc montrer le chemin au reste de l’Europe, où l’opacité des placements bancaires dans les paradis fiscaux du continent persiste à tronquer très sérieusement la réalité économique et sociale de l’Union européenne.

Peut-on, par exemple, exiger des Grecs ou des Chypriotes qu’ils renoncent à la garantie des dépôts bancaires des particuliers dans leur pays, alors même que de riches armateurs grecs disposent d’importantes liquidités dissimulées dans des comptes domiciliés au Luxembourg, en Suisse ou en Autriche ?

Et que dire du scandale LuxLeaks, récemment révélé et qui ne fait que confirmer le rôle pour le moins trouble joué par la place de Luxembourg dans le concert européen ?

Le Grand-Duché a eu un Premier ministre qui s’est longtemps érigé en donneur de leçons qu’il était loin de s’appliquer à lui-même, le problème étant que ce Premier ministre, renvoyé par les urnes, est depuis devenu président de la Commission européenne...

Le présent amendement vise à renforcer la transparence des mouvements financiers, qui constitue, à l’évidence, l’un des outils décisifs de prévention et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Outre de répondre à une exigence de l’avancée de notre droit, il participe également d’une aspiration de plus en plus profonde de la société civile, qui ne peut décemment pas comprendre que d’aucuns songent encore à « passer entre les gouttes » alors que l’orage coule à grandes eaux et que la situation des comptes publics est plus que problématique.

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