Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 8 décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Articles additionnels après l'article 44 terdecies

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

L’optimisation fiscale est un sujet important ; nos débats le montrent bien. Comme cela a souvent été souligné, y compris dans cette assemblée, l’optimisation fiscale est au cœur de la stratégie de développement des grandes entreprises du numérique, comme Google, Amazon, Facebook ou Apple. Leur activité dématérialisée leur permet de développer des pratiques inacceptables : elles s’installent dans des pays à fiscalité très allégée, tels que le Luxembourg, l’Irlande ou les Bermudes, et élaborent des montages fiscaux complexes pour échapper définitivement à tout impôt.

La récente affaire LuxLeaks, citée précédemment, et le rôle plus que trouble joué par l’un des Big Four, à savoir PricewaterhouseCoopers, ont confirmé ce qui était pressenti. Il existe une véritable fuite des recettes fiscales liées à l’impôt sur les sociétés. L’évasion fiscale annuelle ayant été évaluée, pour la France, à au moins 50 milliards d’euros – d’aucuns évoquent quelques dizaines de milliards d'euros supplémentaires –, il est plus que temps de s’emparer de cette question.

Le Conseil national du numérique estime que les revenus des quatre grands acteurs du numérique oscillent entre 2, 5 milliards et 3 milliards d'euros par an. Ces groupes s’acquittent de seulement 4 millions d’euros d’impôt sur les sociétés par an, alors que, au regard du régime français, ils devraient être redevables de 500 millions d’euros, soit 125 fois plus. Il est rare, admettez-le, mes chers collègues, de pouvoir appliquer un tel coefficient multiplicateur !

La fiscalité se heurte donc à la révolution numérique. Cette problématique nouvelle crée une vraie difficulté ; elle a déjà été appréhendée, mais il y a lieu d’y travailler plus en profondeur. L’évolution technologique suscite des interrogations sur la territorialité des bénéfices et sur l’érosion des bases fiscales, fondée sur un plan international ou européen. Par rapport aux autres sociétés, les sociétés numériques échappent, pour des services identiques, à l’impôt sur les sociétés mais aussi à la TVA. Techniquement différentes, elles remplissent une même fonction, ce qui remet doublement en cause l’équité fiscale.

La publicité est taxée sur les médias télévisuels et radiophoniques, mais pas sur internet. Les surfaces commerciales sont soumises à la taxe sur les surfaces commerciales, ou TASCOM, mais le commerce en ligne n’est assujetti à aucune taxe équivalente.

La perte de TVA pour la France était évaluée à 300 millions d’euros en 2008 ; selon une étude du cabinet Greenwich consulting, elle s’élèverait à 600 millions d’euros en 2014.

Une réflexion a été engagée en Europe au sujet de la TVA sur les services électroniques et de télécommunication en Europe. Cette TVA est actuellement perçue par le pays où le prestataire est établi. À partir de 2015, en Europe, elle sera due au pays du consommateur final, même si, entre 2015 et 2019, un régime transitoire permettra au pays du prestataire de continuer à en percevoir une partie.

Fort de ces constats, le présent amendement, qui reprend l’un des articles d’une proposition de loi de Philippe Marini, entend lutter contre l’évasion fiscale des principaux géants d’internet, objectif auquel nous souscrivons pleinement. À cette fin, il avance des pistes intéressantes. Il tend à créer un régime d’obligation de déclaration d’activité des acteurs de services en ligne qui ne sont pas établis en France. Ce régime s’appliquerait aux revenus de la publicité en ligne, du commerce électronique et de la vidéo à la demande. Il permettrait d’asseoir des taxes visant à rétablir l’équité fiscale ; tel est bien notre objectif commun, en tant que parlementaires ou membres du Gouvernement.

C’est en ces termes que Michel Le Scouarnec s’était exprimé lors de l’examen de la proposition de loi de Philippe Marini, qui s’était achevé par le renvoi du texte à la commission.

Notre amendement est quelque peu un amendement d’appel. Il s’agit notamment de nous interroger sur le régime de TVA applicable au commerce en ligne. Les Britanniques semblent avoir été les premiers à décider de taxer les produits du commerce en ligne à leur destination. Nous devrions mettre à profit les quatre années à venir pour réfléchir à la question du partage du produit fiscal engendré par le commerce en ligne.

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