Intervention de Samia Ghali

Réunion du 10 décembre 2014 à 14h30
Expulsion des squatteurs de domicile — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Samia GhaliSamia Ghali :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi, présentée par Mme Bouchart, que nous examinons aujourd’hui suscite de nombreuses controverses.

Compte tenu de la situation non seulement difficile, mais aussi particulière à laquelle Mme Bouchart est confrontée dans sa ville de Calais, s’agit-il là d’un texte visant réellement à apporter une solution pérenne aux occupations illicites de domicile ou bien d’une démarche à vocation purement médiatique et politicienne, ce qui serait bien entendu regrettable ?

Le texte qui nous est soumis, bien qu’il ait déjà été largement remanié par la commission, reste à mon sens insatisfaisant. Je tenais à intervenir sur ce sujet, que je ne connais que trop bien.

Pour commencer, j’évoquerai un exemple très explicite et fréquent : j’ai été saisie du cas d’une personne âgée qui, à l’issue d’un séjour à l’hôpital, s’est trouvée à son retour dépossédée de son logement. Les serrures avaient été changées, les meubles évacués, et les démarches qui se sont ensuivies pour parvenir à la restitution du logement ont été longues et complexes. Cette personne s’est de fait retrouvée dans une situation précaire, alors que tel n’était pas le cas à l’origine. §

Toutefois, nous devons rester lucides sur la réalité du squat. On squatte un domicile non par choix, mais par désespoir. La plupart du temps, les squatteurs sont des personnes qui avaient un logement social mais qui en ont été expulsées à la suite d’un défaut de paiement. Il s’agit souvent de femmes seules qui, pour conserver la garde de leurs enfants, doivent trouver un toit, quitte à se mettre dans l’illégalité. §

Comment pourrions-nous exiger du secteur locatif privé qu’il résolve les problèmes quand le secteur public n’a pas la capacité de le faire ?

Pourtant, le squat reste un acte de délinquance qui s’exerce le plus souvent au détriment des demandeurs de logement.

Il est en effet inacceptable que des personnes ayant déposé des demandes de logement en bonne et due forme, qui respectent les délais, en serrant les dents, pendant des années parfois, puissent avoir l’impression que ceux qui contournent les règles jouissent d’une impunité. Il n’est pas normal que ceux qui respectent les lois de la République soient moins bien traités que ceux qui les défient en squattant.

Il faut donc faire preuve de fermeté, afin de ne pas encourager les squatteurs parce que la démarche serait simple et la punition inexistante. Être en situation de précarité ne justifie pas de placer d’autres dans la même condition.

Par conséquent, c’est sur l’ensemble de la politique du logement que nous devons nous interroger. Nous ne pouvons pas nous contenter de répression. Nous devons assortir notre démarche de dispositifs crédibles. Les structures d’accueil existantes sont inadaptées à la plupart des situations. Elles ne conviennent pas aux réalités familiales. Enfin, elles sont insuffisantes.

Les trois quarts des personnes que je reçois au cours de mes permanences relèvent du dispositif DALO et répondent aux critères de priorité inscrits dans la loi. Nous n’avons pourtant pas de solution à leur offrir tant le parc de logements sociaux est saturé. Il faut donc appréhender ce problème de manière globale, lucide, sans tomber dans la caricature.

Néanmoins, il faut également prendre en compte une autre réalité : il existe aussi une activité organisée et lucrative d’occupation illicite de logements. À cet égard, je pense que votre proposition de loi a du sens, madame Bouchart.

Il est clair que les dispositions législatives en vigueur ne permettent pas d’apporter une réponse efficace à ce problème. Or les squatteurs ne connaissent malheureusement que trop bien les lacunes de la loi ! Ils s’introduisent dans le logement le vendredi, sachant pertinemment que les services administratifs sont alors fermés pour le week-end, et que le lundi il sera trop tard pour les expulser.

Quant à l’intervention du maire, qui figurait à l’article 2 du texte initial, lequel a été supprimé par la commission, elle me semble justifiée. Le préfet a toutes les prérogatives, de par la loi, pour faire respecter l’ordre public, dont il est le garant. Malheureusement, il ne les met pas toujours en œuvre – c’est peut-être là que se situe le problème. Il est de son devoir de faire respecter les droits des citoyens et l’intérêt des communes de manière équilibrée. Car c’est aussi de cela qu’il s’agit : d’ordre public et du mieux vivre ensemble.

Si cette proposition de loi reste très insatisfaisante et si l’on peut raisonnablement douter des intentions de son auteur, il n’en demeure pas moins que la question politique qu’elle soulève mérite d’être débattue.

La loi doit protéger les propriétaires, qui ont souvent consacré toutes les économies d’une vie à l’achat d’un logement, qui ne sont pas tous rentiers et qui doivent fréquemment honorer un crédit. De même, elle doit protéger les demandeurs de logement qui patientent dans le respect de la loi, afin qu’il n’y ait pas un déséquilibre entre eux et le squatteur qui, lui, enfreint la législation en toute connaissance de cause.

Monsieur le secrétaire d’État, une véritable réflexion doit être menée sur ces questions, qui relèvent du droit et de la loi, car elles peuvent complètement déséquilibrer notre pays. On ne peut pas donner le sentiment que le traitement des squatteurs varie selon les procédures. §

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